Le premier colloque a eu la vertu de sensibiliser les chercheurs. Pour être franc, je trouve qu'une grande partie de la communauté des chercheurs ne connaît pas du tout le sujet. Je vais défendre ma paroisse mais je pense que c'est au ministère de la santé que nous avons la vision la plus globale de l'effet du chlordécone.
Le chercheur se voit comme spécialiste d'un sujet très pointu, dans son laboratoire situé à tel endroit et, face au chlordécone, il se dit : c'est loin, je ne connais pas. Comment faire en sorte que les chercheurs prennent conscience de l'enjeu ? C'est toute la difficulté. Dans son laboratoire de Grenoble, par exemple, le chercheur ne voit pas de quoi il retourne quand on lui parle de chlordécone. Au ministère de la santé, nous sommes mobilisés depuis longtemps sur des études comme la cohorte Timoun ou celle qui concerne les travailleurs de la banane. Nous voyons très bien de quoi il s'agit. Il y a de la recherche clinique : interventionnelle, épidémiologique, sur lien causal. Ce que vous décrivez très bien, c'est le problème de l'amont.
Vous avez raison de dire que les Antilles sont contaminées pour des siècles, sauf si des chercheurs trouvent des solutions en amont. C'est là que se trouve la clé. Pour notre part, nous essayons de réduire le risque, c'est-à-dire l'exposition des populations, en recommandant aux personnes – et particulièrement aux femmes enceintes – de faire attention à ce qu'ils boivent et à ce qu'ils mangent. Mais s'il était possible d'agir sur la source, ce serait extraordinaire. Il faut donc intéresser des chercheurs spécialisés dans l'environnement, les cycles complexes, les produits lourds ou la chélation car, jusqu'à présent, ce sujet est hors de leur champ. La difficulté est de mobiliser les chercheurs fondamentaux spécialistes des milieux.