Mon propos n'est pas de venir à la rescousse des spécialistes, mais la situation est complexe. Le plan chlordécone I, qui couvrait la période 2008-2010, a fait l'objet d'un rapport, qui a été publié, notamment par M. Renucci. Par ailleurs, une évaluation du plan chlordécone III est en cours. Pour quelles raisons n'a-t-on pas évalué le plan chlordécone II ? C'est un problème. J'ai la réponse à cette question : pendant trois ans, entre la fin de ce plan et le début du suivant, tout le monde s'est endormi : aucune réunion du COPIL, aucune discussion, ni en Martinique ni en Guadeloupe.
Toujours est-il que nous arrivons au terme du plan chlordécone III, qui va être évalué. Cependant, le devoir de réserve impose aux auteurs de cette évaluation de ne pas anticiper sur ses conclusions. Je comprends donc bien leur embarras face à cet exercice : ils n'ont pas encore rendu leur rapport et le précédent date tout de même de huit ans. Le flou que vous déplorez, madame Chapelier, est dû à l'absence de continuité dans l'action. Cet élément souligne, du reste, la gravité de la question de la gouvernance. Logiquement, chacun des plans devrait faire l'objet d'une évaluation. Il y a, de fait, un véritable problème de stratégie : nous ne savons pas où nous allons.
Les Américains – mais la situation est différente puisqu'aux États-Unis, le problème était dû à une usine de production de chlordécone, de sorte que la source de pollution était bien identifiée, contrairement aux Antilles, où le sol lui-même est pollué – ont défini une stratégie lisible et claire : l'élimination. N'ayant consommé que 1 % des 1 600 tonnes de Kepone produites, il s'agissait, dans le cadre de l'économie productiviste impérialiste, d'exporter le reste dans le monde entier pour gagner un maximum d'argent au détriment de l'environnement. L'objectif était clair, et la solution était radicale : puisqu'ils n'en avaient pas besoin pour survivre, ils ont décidé de fermer l'usine, d'indemniser les victimes et de déverser les déchets dans la rivière. C'est en tout cas ce que j'ai compris.
En l'espèce, la situation est beaucoup plus compliquée. Vous avez raison, la question qui se pose est celle de savoir quelle est la stratégie. Si l'on avait décidé de s'attaquer à la source, on aurait mis le paquet pendant vingt ans sur la dépollution du sol et géré ensuite les conséquences sur la santé. Mais, aujourd'hui, ni l'identification des enjeux liés au foncier et à la pollution, ni la question de la dépollution, ni celle des conséquences en matière de santé ne sont clairement inscrites dans une stratégie lisible : on n'a pas d'objectif clair.