Je vous présenterai d'abord le fonctionnement de l'ANR. Créée en 2005, l'ANR est une agence chargée de mettre en place le financement de la recherche sur projets suivant la programmation arrêtée par son ministère de tutelle, le ministère de l'enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation (MESRI). C'est un établissement public à caractère administratif depuis 2006.
C'est la seule agence publique de financement de la recherche sur projets qui soit multidisciplinaire : elle couvre l'ensemble du spectre scientifique, à l'exception du secteur spatial, des recherches sur le cancer, qui reviennent à l'Institut national du cancer (INCA), et des recherches sur le VIHSida, qui reviennent à l'ANRS.
Le décret du 24 mars 2014, révisant celui du 1er août 2006, a renforcé les missions de l'ANR, qui sont au nombre de cinq.
La première de nos missions est de financer et promouvoir le développement des recherches fondamentales et appliquées, l'innovation technique et le transfert de technologie ainsi que le partenariat entre le secteur public et le secteur privé.
La seconde mission est de mettre en oeuvre la programmation arrêtée par le ministère chargé de la recherche. À l'heure actuelle, la programmation est issue de la réflexion menée dans les comités de pilotage de la programmation, organisés par le MESRI et l'ANR. Ces comités ont pour but d'associer les communautés scientifiques à la programmation.
Dans ces instances siègent des représentants du MESRI et de l'ANR, des alliances thématiques de recherche – Aviesan, Allenvi, Ancre, Allistene et Athéna –, du CNRS, de la conférence des présidents d'université (CPU), de la recherche privée, via les pôles de compétitivité, et des ministères concernés. Par exemple, le ministère de la transition écologique et solidaire, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation ou le ministère de l'économie et des finances participent au pilotage du comité de programmation sur les sciences de l'environnement.
L'ANR met ensuite en oeuvre la programmation arrêtée par le MESRI, notamment au travers de l'appel à projets générique de l'ANR, qui représente actuellement 85 % des financements sur projets de l'ANR. Je détaillerai également comment sont mis en place l'offre de financement ainsi que le processus de sélection.
La troisième mission de l'ANR est de gérer les grands programmes d'investissement de l'État dans le champ de l'enseignement supérieur et de la recherche, lesquels dépendent du secrétariat général pour l'investissement, service du Premier ministre.
La quatrième mission est de renforcer les coopérations scientifiques au plan européen et international.
Enfin, la cinquième mission est d'analyser l'évolution de l'offre de la recherche et de mesurer l'impact des financements alloués par l'agence.
J'en reviens à la mise en oeuvre de la programmation. Des comités de pilotage de la programmation se tiennent actuellement deux fois par an, la première fois sur l'aspect international, la deuxième fois sur l'aspect national. À l'issue de ces comités, un plan d'action, révisé annuellement, est élaboré en cohérence avec les priorités nationales et les initiatives européennes de financement de la recherche.
Le plan d'action de l'ANR constitue la feuille de route qui intègre les orientations prioritaires de recherche de notre pays. Il permet de mettre en oeuvre les orientations et priorités du MESRI qui coordonne l'action interministérielle entre les différents ministères concernés.
Il se structure en quatre composantes transversales qui font chacune l'objet d'un budget spécifique. Chaque composante dispose d'instruments de financement, d'appels à projets et de programmes particuliers. La composante principale « Recherche et innovation » correspond à l'appel à projets générique (AAPG). Elle est actuellement structurée en 49 axes de recherche, 36 d'entre eux correspondant à des domaines disciplinaires, les 13 autres correspondant à des enjeux transversaux pluri- ou transdisciplinaires. Ces 49 axes de recherche couvrent l'ensemble des disciplines scientifiques.
Au sein de l'ANR, nous avons cinq départements. Je représente le département scientifique « Environnements, écosystèmes, ressources biologiques » (EERB), mais il y en a quatre autres. Nous sommes chargés de la mise en oeuvre de ce plan d'action.
À chaque axe correspond un comité d'évaluation scientifique et ce sont les chercheurs, qui, au moment de soumettre un projet, choisissent l'axe de recherche qui correspond aux objectifs et au contenu scientifique du projet qu'ils proposent.
La composante « recherche et innovation » est la plus importante de l'ANR. Les autres composantes du plan d'action sont d'abord la composante « Construction de l'espace européen de la recherche (EER) et attractivité internationale de la France » ainsi que la composante « Impact économique de la recherche et compétitivité (IERC) », qui a pour objet de stimuler le partenariat avec les entreprises et le transfert des résultats de la recherche publique vers le monde économique, à travers des appels spécifiques comme les laboratoires communs (LabCom) ou comme les « chaires industrielles », chaires co-construites et cofinancées entre laboratoires publics et entreprises. Il faut citer également le financement des instituts Carnot, qui vise à développer la recherche contractuelle entre les structures publiques de recherche et les partenariats privés.
La dernière composante s'intitule « Actions spécifiques hors appels à projets génériques ». Elle inclut plusieurs instruments.
Le premier est l'appel Flash. Il vise à soutenir un besoin urgent de recherches dont la pertinence scientifique est en lien avec un événement ou une catastrophe d'une ampleur exceptionnelle. C'est un instrument d'urgence. Un des derniers appels Flash est « ouragans 2017 : catastrophe, risque et résilience », lancé fin 2017 suite aux épisodes météorologiques extrêmes d'août et septembre 2017 ayant sévi aux Antilles.
D'autres sujets nécessitent la mise en compétition d'équipes développant des approches concurrentes pour lever des verrous scientifiques ou technologiques. L'ANR a donc imaginé un dispositif particulier : les appels Challenge. Un exemple est le Challenge ROSE : Robotique et capteurs au service d'Ecophyto. Il concerne l'agriculture numérique, qui permet d'éviter l'emploi des pesticides.
D'autres appels spécifiques peuvent être mis en place en dehors du calendrier normal de l'appel générique. Ces appels correspondent à des priorités nouvelles décidées par l'État ou à des problématiques scientifiques proposées par un financeur externe. C'est le cas de l'appel à projets de recherche conjoint « recherche, développement et innovation - sargasses », cofinancé par les collectivités territoriales de Guadeloupe, Martinique et Guyane, par l'ADEME et par des agences de financement brésiliennes.
De ces quatre composantes, l'appel à projets générique est de loin la plus importante, tant en budget qu'en nombre de projets. Non moins de 1 133 projets ont été financés par ce canal en 2018, sur les 1 471 projets financés par l'ANR. Pour information, l'ANR a financé un total de 18 500 projets de recherche depuis sa création.
L'appel à projets générique est un appel ouvert : il n'y a pas de thème imposé et ce sont les chercheurs qui conçoivent et proposent leurs projets. Si vous le voulez, je reviendrai plus tard sur le processus d'évaluation et de sélection. Par le passé, il y avait coexistence d'appels « blancs » et d'appels programmatiques, plus ciblés. Il n'y maintenant plus d'appels programmatiques, mis à part les appels spécifiques que j'ai mentionnés, tels les appels Flash ou Challenge, mais un appel générique décomposé en axes de recherche cherchant à couvrir l'ensemble des disciplines scientifiques.