J'aimerais à mon tour apporter ma contribution à ce débat et, à travers moi, la contribution de l'outre-mer.
Le groupe Socialistes et apparentés a clairement indiqué son opposition au texte et formulé des propositions. Il s'est penché sur le détail de l'étude d'impact et a constaté qu'elle ne permettait pas, compte tenu d'analyses plus ou moins tronquées, de prendre des décisions claires sur la base de paramètres fiables. Les enjeux sont pourtant importants puisque la réforme concernera des millions de personnes.
C'est dans le cadre des travaux de la commission spéciale que j'ai pris conscience du flou qui entoure le projet de loi. Certains propos m'ont laissé espérer des ouvertures sur la question des ordonnances, mais ils n'ont pas encore été suivis d'effets.
L'outre-mer est concernée au premier chef par les ordonnances : la réforme des retraites s'y appliquera presque exclusivement par cette voie. D'aucuns pourraient dire que nous y sommes habitués – malheureusement ! – , mais ce sont tout de même 2,3 millions d'habitants qui sont concernés – ils pourraient d'ailleurs être bien plus qu'ils n'en demeureraient pas moins des êtres humains !
Un exemple permet d'illustrer le caractère flou du texte. Dans l'histoire particulière des territoires d'outre-mer, bon nombre de nos pères et de nos grands-pères ont travaillé dans des champs de bananes et de cannes à sucre. Pour survivre, ils cultivaient en même temps un potager sur le petit lopin de terre laissé par le colon. Ils coupaient des cannes sans aucun contrat de travail et recevaient, en échange de leur travail, une enveloppe avec de l'argent liquide – ce système permettait de perpétuer la dépendance des anciens esclaves vis-à-vis du colon.
Ces hommes ne recevaient donc aucun papier permettant de justifier leur salaire. Pour bénéficier de la retraite minimum de 1 000 euros prévue par le projet de loi, les agriculteurs doivent pouvoir attester d'une carrière complète. Mais comment justifier d'une carrière complète quand on a été en même temps pêcheur, maçon, coupeur de cannes et coupeur de bananes ?
Cet exemple, particulièrement explicite, montre qu'au lieu de précipiter la réforme des retraites, vous auriez dû prendre le temps de réfléchir !