Chers collègues de la majorité, monsieur le secrétaire d'État, il y a bien évidemment ce que ne fait pas votre projet : il n'instaure pas un système universel – nous l'avons largement démontré – , il n'offre pas les mêmes droits à tous pour un euro cotisé, il ne garantit pas 1 000 euros de retraite minimum, pas même pour les agriculteurs, dont 40 % au moins seront exclus du dispositif et, contrairement à ce qui a été dit, il ne fait pas des femmes les grandes gagnantes de la réforme. Il me semble que nos débats ont permis d'éclairer tous ces points.
En revanche, votre système de retraite réalisera bien une chose : il fera de la vie des gens, par le niveau des pensions ou l'âge effectif auquel ils partiront à la retraite s'ils veulent pouvoir bénéficier d'une pension à taux plein, la variable d'ajustement d'un objectif comptable. Ce sont bien l'âge de départ ou le niveau des pensions, en effet, qui seront la variable d'ajustement – l'un et l'autre reviennent d'ailleurs au même : dans les deux cas, il incombera aux actifs, aux salariés, de payer le prix de l'équilibre financier.
Pour notre part, nous affirmons que les Français sont fondés à être majoritairement opposés à votre projet de réforme, pour la simple et bonne raison qu'ils produisent déjà bien assez de richesses, lesquelles sont très mal réparties. Là se trouve, finalement, le coeur de nos débats : dans la part de la richesse que l'on choisit de consacrer aux retraites. Les Français produisent déjà bien assez : les gains de productivité sont passés par là, et le problème majeur est celui de la répartition de la richesse produite par le travail.
L'article 3 se propose d'embarquer tout le monde, secteur public comme secteur privé, dans le projet. Pourtant, jusqu'à présent, on comptabilise, pour le calcul de la retraite, les six derniers mois d'exercice pour les fonctionnaires, dont la carrière est plutôt graduelle, et les vingt-cinq meilleures années pour les salariés du privé, dont les carrières, précisément, ne sont pas linéaires – encore ce calcul portait-il jusque récemment sur les dix meilleures années.
J'ai eu l'occasion de signifier au rapporteur Turquois qu'un enfant de primaire, si on le laissait choisir entre calculer sa moyenne sur la base de son dernier trimestre – le meilleur – ou en tenant compte de sa scolarité entière, comprendrait fort bien quel mode de calcul lui serait le plus favorable. Il serait, de la même façon, capable de comprendre que le système de retraite que vous défendez sera défavorable au plus grand nombre. Je n'ai pas compris les explications confuses que vous avez apportées l'autre jour, monsieur le rapporteur : vous indiquiez par exemple qu'au cours d'une scolarité, les parents de l'élève pouvaient divorcer. Je ne saisis pas le lien que vous établissez entre cette remarque et ma comparaison, qui vise à rendre intelligible une réforme a priori complexe. Je serais donc ravi d'entendre vos éclaircissements.