La Commission Juncker a fait adopter plusieurs textes importants pour transformer les conditions d'exercice des médias en Europe : la directive SMA révisée, la directive droit d'auteur, la directive 17 avril 2019 établissant des règles sur l'exercice du droit d'auteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne d'organismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio, dite directive câble et satellite, la directive établissant un code européen des communications électroniques et la directive ECN+. Le présent projet de loi intègre donc en les transposant de nombreuses évolutions législatives européennes récentes pour rénover en profondeur le cadre établi par la loi relative à la liberté de communication du 30 septembre 1986.
C'est pourquoi il nous a semblé intéressant de nous pencher sur les conditions de ces transpositions afin de dégager des observations qui, nous l'espérons, nourriront la discussion du projet de loi et apporteront un utile éclairage européen. Certains articles transposent des articles de directives déjà partiellement transposées. Ainsi la directive droit d'auteur a-t-elle fait l'objet d'une proposition de loi adoptée en juillet 2019 relative aux droits voisins des agences et éditeurs de presse. Ces transpositions partielles peuvent se justifier pour compléter des droits nationaux préexistants. Elles ne sont toutefois pas toujours comprises par les autorités bruxelloises, ou par les parties prenantes, qui leur reprochent leur caractère pointilliste et le risque de remettre en cause un équilibre général arraché de haute lutte durant les négociations. C'est particulièrement le cas pour la directive droit d'auteur, qui crée de nouvelles obligations pour les plateformes tout en assurant le respect des droits des utilisateurs.
Certains articles du projet de loi prévoient également la transposition partielle ou intégrale d'une directive par ordonnance, ouvrant un champ bien plus large que celui du projet de loi. C'est le cas des cent vingt-sept articles de la directive européenne opérant la refonte du code européen des communications électroniques. Si certaines dispositions techniques ou d'actualisation justifient cette voie d'adoption, d'autres dispositions auraient mérité une discussion parlementaire.
Notre rapport appelle à analyser attentivement la mise en oeuvre des mesures de transposition. Certains articles du projet de loi doivent être suivis de décrets d'application qui devront également intégrer les orientations européennes. Les nouvelles obligations des plateformes en termes de respect du droit d'auteur – elles devront faire « leurs meilleurs efforts » – feront ainsi l'objet de lignes directrices de la Commission : ils devront apparaître dans les futurs textes d'application nationaux de la façon la plus harmonisée possible.
De même, il conviendra de considérer les prescriptions et sanctions imposées par la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite Avia, afin d'opérer la coordination des différents régimes.
Une approche fonctionnelle doit permettre d'appliquer des niveaux de contraintes équivalents aux différents acteurs. Ce souci de cohérence et d'harmonisation devra se retrouver dans les différentes législations nationales et dans le niveau de contrôle exercé par les autorités de régulation, que les directives transposées dans le projet de loi invitent également à renforcer.
Enfin, aucun sujet européen n'échappe aux interrogations soulevées par le Brexit. Les oeuvres britanniques devraient continuer à être intégrées dans les quotas de diffusion, mais qu'en est-il du respect des directives droit d'auteur et SMA ? Les futures négociations européennes nous permettront de le savoir.
La dimension européenne du projet de loi ne saurait être réduite à la seule transposition des directives. Sur de nombreux enjeux comme la lutte contre le piratage, l'indépendance des autorités de régulation ou la transparence des médias, cette perspective européenne est sous-jacente et ne fera que s'accroître. Cela nous invite à promouvoir activement la diffusion d'une information accessible sur l'Europe. C'est le sens d'amendements que je proposerai avec différents collègues du groupe à l'article 59, afin de l'introduire dans les missions du service public.
M. Jean-Jacques Gaultier, corapporteur d'application sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique. Je ne reviendrai pas sur ce qui fait consensus – faire contribuer les plateformes au financement de la création, protéger les auteurs, regrouper les forces et les moyens de l'audiovisuel public, mieux lutter contre le piratage. Mais, sur ce dernier point, il conviendra d'améliorer l'article 23 en ce qui concerne les manifestations sportives.
Quelle est votre position sur l'aménagement des quotas de chansons francophones à la radio ? Certaines mesures semblent faire consensus entre les radios et la filière musicale : je pense au lissage du contrôle du plafonnement des rotations sur trois mois par les autorités de régulation. D'autres moins : elles ont probablement fait l'objet d'insuffisantes concertations, comme le relèvement du plafonnement des rotations.
L'article 11 du projet de loi est relatif aux jours interdits : qu'en est-il du décret alors que l'article lui-même n'y fait plus référence ?
Ma troisième question vise l'accessibilité des programmes jeunesse. Sur tous les bancs, nous sommes nombreux à être favorables à un moratoire concernant France 4, pour accompagner le lancement très récent de la plateforme Okoo. Déjà, en 2019, le CSA et France Télévisions n'étaient pas favorables à la suppression de France 4. Tout le monde n'a pas encore accès à l'internet à très haut débit et certains ne reçoivent la télévision que par voie hertzienne. En outre, la chaîne Gulli a été rachetée récemment par M6 pour 200 millions d'euros : les programmes jeunesse ont donc une valeur et ils sont attractifs. Je souhaiterais que vous nous rassuriez.
Enfin, France 4 propose également une offre cinématographique importante, du sport féminin, des documentaires. Qu'en sera-t-il demain ?