Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 15h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Mercredi 26 février 2020

La séance est ouverte à quinze heures cinq.

Présidence M. Bruno Studer, président

La commission des Affaires culturelles et de l'Éducation procède à l'audition de M. Franck Riester, ministre de la culture, et discussion générale sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère du numérique (N° 2488) (Mme Aurore Bergé, rapporteure générale, Mme Sophie Mette et Béatrice Piron, rapporteures) et sur le projet de loi organique relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique (n° 2468) (Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis).

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Nous engageons cet après-midi l'examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, sur lequel, le 4 décembre, nous avons désigné Mme Aurore Bergé, rapporteure générale ainsi que Mme Sophie Mette et Mme Béatrice Piron, rapporteures. M. Jean-Jacques Gaultier a par ailleurs été désigné rapporteur d'opposition pour l'application de ce projet de loi, le 11 décembre.

Nous débattrons également du projet de loi organique relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, sur lequel Mme Aurore Bergé a été désignée rapporteure pour avis.

En décembre et janvier, les rapporteures ont procédé à de très nombreuses auditions sur ce texte. Je tiens à les remercier pour le travail considérable qu'elles ont accompli. Leur projet de rapport, très détaillé, vous sera adressé demain.

Je remercie M. le ministre Franck Riester de sa présence à cette discussion générale, ainsi qu'à l'examen des articles, que nous conduirons la semaine prochaine. Je salue également nos collègues M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, qui est également rapporteur au fond, par délégation, sur les articles 60, 61 et 64 du projet de loi, en application de l'article 87 du règlement ; M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, que nous connaissons pour s'être investi sur la réforme de la loi Bichet ; et Mme Christine Hennion, rapporteure pour observation au nom de la commission des affaires européennes.

L'examen du texte, qui fait l'objet d'une procédure accélérée, est prévu à partir du 30 mars en séance publique, pour deux semaines.

Les 82 articles de ce projet de loi en font un texte riche. Il comprend de nombreuses dispositions, dont beaucoup sont très techniques, particulièrement dans le cadre de la transposition des nouvelles directives dites « droit d'auteur » et « services de médias audiovisuels » (SMA), qui ne sont pas faciles à analyser pour le grand public ni à amender pour les parlementaires.

Pour autant, il s'agit d'un projet de loi que le Parlement et les parties prenantes attendaient depuis longtemps. En ayant fait ma priorité dès 2017, je suis heureux de le voir franchir une nouvelle étape. Notre commission l'a de plus beaucoup préparé, à travers la mission d'information présidée par M. Pierre-Yves Bournazel, et dont Mme Aurore Bergé était la rapporteure ; l'organisation régulière des Rendez-vous de l'audiovisuel, en commission ; ou la mission flash sur les quotas de chansons francophones à la radio, conduite par Mme Florence Provendier et Mme Michèle Victory. Nous sommes donc bien préparés à aborder un des textes majeurs, sinon le texte majeur, de notre commission pour cette législature.

Le projet de loi constitue une occasion historique d'ouvrir des débats essentiels pour l'ensemble de nos concitoyens à l'heure de la révolution numérique. Je pense notamment à la possibilité pour les éditeurs de services audiovisuels d'accéder aux données de consommation de leurs programmes, diffusés de façon délinéarisée, dans le respect du secret des affaires, naturellement ; à la lutte contre le piratage des oeuvres et des programmes sur internet et à la protection des droits des créateurs, artistes, et industries culturelles – le texte entre là en résonance avec la notion d'exception culturelle, à laquelle nous sommes tant attachés ; à la définition de ce que sont les médias d'intérêt général, auquel la directive SMA réserve désormais un traitement particulier, mais aussi des missions et des objectifs du service public de l'audiovisuel ; enfin, aux moyens d'assurer une meilleure protection des mineurs, non seulement en tant que consommateurs de contenus audiovisuels en ligne, mais également comme acteurs de ces contenus, par exemple sur les plateformes de partage de vidéos et les réseaux sociaux.

Permettez-moi à ce titre de renouveler mes remerciements à l'ensemble des collègues qui ont suivi les travaux relatifs à la proposition de loi sur les enfants influenceurs, qui a été votée il y a quelques jours.

Autant de sujets sur lesquels nous serons sûrement appelés à revenir lors de nos échanges et de l'examen des amendements.

Nous abordons donc aujourd'hui la discussion générale, qui permettra à M. le ministre de présenter les dispositions du texte, aux rapporteurs de faire part de leurs observations et à chaque groupe politique et député qui le souhaite, de s'exprimer sur le projet de loi ordinaire et le projet de loi organique, qui lui est directement lié. Cet échange est d'autant plus important que la semaine prochaine sera assez chargée, puisque plus de 1 200 amendements ont été déposés.

Je donnerai donc successivement la parole à M. le ministre, à Mme la rapporteure générale puis à Mmes les rapporteures, chacune pour une dizaine de minutes, puis aux deux rapporteurs pour avis, à la rapporteure pour observation de la commission des affaires européennes et aux orateurs des groupes, chacun pour quatre minutes. Enfin, les collègues qui le souhaitent pourront intervenir pour des questions d'une minute. Je redonnerai ensuite la parole au ministre et aux rapporteures, pour répondre. Je vous invite par avance à la concision ainsi qu'à une écoute respectueuse.

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Franck Riester, ministre de la culture

Je vous remercie de votre présence durant toutes les heures que nous aurons à passer ensemble, tant en commission que dans l'hémicycle, au service de ce projet de loi si attendu, si important, si nécessaire, aussi.

À l'heure où les contenus abondent, où les modes de visionnage se diversifient, où les écrans se démultiplient, notre cadre législatif est dépassé. La loi relative à la liberté de communication date de 1986, avant qu'internet n'existe. L'audiovisuel d'aujourd'hui n'a plus grand-chose à voir avec celui d'alors. Cette loi avait été conçue pour une autre époque, un autre monde. Certes, elle a été modifiée depuis, à de nombreuses reprises, mais avec, à chaque fois, des actualisations à la marge.

Aujourd'hui, le texte a besoin d'être repensé en profondeur. Cela est non pas une option mais une évidence, une obligation car le secteur se trouve face à des mutations majeures. La révolution numérique et les acteurs qui ont émergé avec elle ne sont pas une menace en soi, mais ils peuvent le devenir. Notre responsabilité est de faire de la révolution numérique une opportunité, tant pour les créateurs que pour les publics. C'est tout le sens du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui.

Le projet de loi est historique parce qu'il établit enfin un cadre adapté à la télévision, à la radio et aux contenus audiovisuels du XXIe siècle ; parce qu'il permet à la France de montrer la voie, d'être un exemple et, d'une certaine façon, un modèle pour ses voisins.

Avec ce texte, nous serons les premiers à transposer plusieurs directives, pour lesquelles nous nous sommes battus, avec le Président de la République, avec le Premier ministre, avec le Gouvernement, avec vous, députés, avec les sénateurs, avec les députés européens et les professionnels de ces secteurs. Notre mobilisation a été déterminante au moment de leur adoption. Avec ce projet de loi, nous montrons à l'Europe que nous sommes aussi mobilisés pour transposer que nous l'étions hier pour négocier et voter les directives.

Je viens vous présenter l'ambition de ce texte – elle est grande –, son contenu et son impact concret dans la vie des Françaises et des Français.

Le projet de loi porte à la fois une ambition culturelle forte, et une ambition de souveraineté. Il s'agit de permettre non seulement le développement de la diversité culturelle et de la créativité, mais aussi à l'audiovisuel et au cinéma français de rayonner davantage encore. Enfin, le projet de loi doit rendre possible l'application de notre modèle culturel français, qui repose sur des règles et des valeurs, à l'ensemble des acteurs, nationaux comme étrangers.

La seconde ambition du projet de loi est démocratique, sociétale et citoyenne : elle vise à protéger les citoyens de certains excès du numérique, et à leur offrir à tous, urbains ou ruraux, de l'Hexagone ou d'outre-mer, de tous les âges et de tous les milieux, un service plus proche et plus efficace.

Quant à son contenu, si nous aurons tout le loisir d'en discuter plus en détail ensemble, tout à l'heure, la semaine prochaine puis dans l'hémicycle, à partir du 30 mars, je souhaiterais d'ores et déjà vous en résumer les grandes lignes.

Le texte se compose de trois parties principales. La première concerne le soutien à l'industrie française de l'audiovisuel et du cinéma, et la protection de tous les artistes engagés dans l'acte de création. Ma conviction est que les acteurs traditionnels de l'audiovisuel et les acteurs numériques doivent pouvoir coexister. Or il existe aujourd'hui une trop forte asymétrie entre eux.

Les chaînes de télévision sont soumises à des règles contraignantes, tandis que les plateformes échappent à la plupart d'entre elles. Le rôle de l'État et l'objectif de cette loi sont de rééquilibrer les règles du jeu, de faire en sorte que ces dernières jouent à armes égales et de maintenir une concurrence équitable entre elles.

Cette loi ne se fera pas contre les plateformes, mais avec elles : elle vise à les intégrer à notre modèle. Intégrer, ce n'est pas opposer. Cela implique de ne pas renoncer à ce que nous sommes, transiger sur nos valeurs ou compromettre les piliers de notre modèle culturel. Cela implique de continuer à exiger que ceux qui diffusent les oeuvres financent ceux qui les créent ; d'encourager les acteurs vertueux et d'avantager ceux qui sont les meilleurs alliés de la création.

Les plateformes comme Netflix, Amazon Prime Vidéo, et demain, Disney+, apportent un service que nos concitoyens apprécient. Elles offrent à nos créateurs de formidables opportunités de diffusion en France et partout dans le monde. Elles sont les bienvenues, mais elles doivent respecter nos règles. Avec ce projet de loi, elles devront respecter les principes de notre système de financement de la création audiovisuelle et cinématographique. C'est une question d'équité.

Les groupes de télévision ont déjà l'obligation de financer des séries et des films français et européens. Le projet de loi prévoit que les nouveaux services soient aussi concernés : ils devront financer la production française et européenne à hauteur d'au moins 16 % de leur chiffre d'affaires pour les services généralistes et d'au moins 25 %, pour les acteurs spécialisés dans le cinéma et l'audiovisuel. Il y aura donc davantage de créations françaises produites par Netflix.

Ces nouvelles plateformes en produisent déjà, mais nous voulons qu'elles aillent plus loin dans cette production, et qu'elles valorisent davantage les oeuvres françaises et européennes. Notre culture est faite de ces oeuvres. Il nous revient d'enrichir, de partager ce patrimoine, de rappeler inlassablement que notre culture est unique, et de la faire vivre. Le texte y contribue.

En outre, avec ce projet de loi, les plateformes devront respecter les fondements du droit d'auteur à la française, par exemple l'obligation de recourir à un producteur délégué ou de laisser le montage final – final cut – entre les mains du réalisateur. Pour faire obstacle aux pratiques anglo-saxonnes de buy out, qui consistent à racheter l'ensemble des droits sans limitation de territoires ou de durée, le projet de loi prévoit que les contrats de production devront comporter des clauses types, qui traduiront les principes du droit moral et les conditions essentielles de la rémunération des auteurs.

Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), résultant de la fusion du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), seront chargés de vérifier la présence et le respect de ces clauses types. Si elles sont absentes, une oeuvre ne pourra ni être prise en compte au titre des obligations d'investissement ni être éligible aux aides du CNC. L'ARCOM devra en tenir compte dans le décompte des obligations des diffuseurs.

Rééquilibrer les règles ce n'est toutefois pas seulement en imposer de nouvelles à ceux qui n'y sont pour le moment pas assujettis : cela implique également d'assouplir celles qui s'imposent aux acteurs traditionnels. Je pense notamment aux règles encadrant la diffusion de la publicité à la télévision, dont l'assouplissement donnera aux chaînes l'accès à de nouvelles ressources, qui, une fois réinvesties dans la création, permettront de consolider nos champions français de l'audiovisuel. Je serai clair : le temps de publicité à la télévision n'augmentera pas, seule l'adaptation des règles régissant cette publicité permettra d'augmenter les recettes liées.

Celle-ci a par ailleurs été pensée de manière à ne pas déstabiliser le marché publicitaire des autres secteurs, notamment de la presse, nationale ou régionale. Elle fait suite à une longue consultation, et repose sur une étude d'impact. Ainsi, la publicité ne sera pas autorisée pour les offres promotionnelles du secteur de la distribution car cela déstabiliserait l'équilibre du marché publicitaire, de la radio et de la presse.

En revanche, la publicité segmentée à la télévision sera autorisée, de manière encadrée. C'est non seulement un relais de croissance et de modernisation pour la télévision, mais aussi un élément de compétition équitable entre acteurs de l'internet et télévision. Nous serons évidemment attentifs à la protection des données personnelles dans le déploiement de cette innovation.

Dans sa deuxième partie, le texte s'attache à rénover la régulation et à renforcer le rôle du régulateur. Pour s'adapter à la convergence des médias, il convient de ne pas séparer la régulation de l'audiovisuel et celle du numérique. C'est pourquoi le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la HADOPI seront fusionnés au sein d'une autorité unique, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l'ARCOM. Ce nouveau régulateur assurera la protection des publics sur tous les écrans. Il agira contre les infox – les fake news, en bon français –, contre la prolifération de contenus haineux et pour la protection des mineurs. Il sera également doté de prérogatives renforcées pour lutter contre les sites pirates, y compris en ce qui concerne les compétitions sportives. Sur ce volet, sa coopération avec l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) sera renforcée.

Dans le même temps, l'État se dotera d'un véritable pôle d'expertise sur la régulation numérique. Les travaux avec le ministère de l'économie et des finances sont d'ores et déjà bien engagés.

Enfin, la troisième partie du projet de loi vise à réaffirmer le rôle et la singularité de l'audiovisuel public français. Je veux en faire une référence en Europe, une source de rayonnement pour notre pays. Pour y parvenir, son offre doit se transformer, en se distinguant davantage des offres privées et en se recentrant sur ses missions de service public. La formation, l'éducation, la culture, la cohésion sociale, le rayonnement international de la France et la proximité doivent être ses priorités, le coeur de son offre de programmes, à la télévision, à la radio, comme en ligne.

Ces priorités communes appellent un renforcement des coopérations entre les sociétés de l'audiovisuel public. Elles doivent rassembler leurs forces pour proposer une offre véritablement complémentaire, sur tous les écrans. À cette fin, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Institut national de l'audiovisuel (INA) seront réunis au sein d'un groupe public, chargé de définir une stratégie globale, France Médias. La composition des conseils administration sera modifiée et la nomination des dirigeants relèvera désormais de l'initiative des conseils d'administration.

Nous en venons à la façon dont le texte se traduira concrètement pour les Français. L'offre de programmes sera améliorée, enrichie, diversifiée et rendue plus accessible, sur tous les écrans. Nous généraliserons l'ultra-haute définition sur le réseau de télévision numérique terrestre (TNT) d'ici à 2024, pour que nos concitoyens aient notamment un accès de grande qualité aux retransmissions des Jeux Olympiques. Il y aura aussi plus de cinéma – tous les jours de la semaine, sur les chaînes de télévision gratuites –, plus de films et de séries françaises et européennes sur les plateformes, plus de programmes de proximité, dédiés à la jeunesse, et plus de programmes accessibles aux personnes en situation de handicap, à la télévision comme sur les plateformes.

Les chaînes de télévision ont déjà l'obligation de rendre les programmes accessibles à ces personnes. Avec ce projet de loi, les services de vidéo à la demande comme Netflix, OCS, et les services de télévision de rattrapage seront aussi concernés. Rééquilibrer les règles, cela veut dire imposer les mêmes règles à tout le monde, à Netflix aussi bien qu'à TF1 ou M6.

Mesdames et messieurs les députés, la réforme que nous allons conduire ensemble est historique. Avec ce projet de loi, nous préparons la télévision, la radio et tout le paysage audiovisuel français pour l'avenir. Nous les aidons à entrer véritablement dans le XXIe siècle. C'est une responsabilité de taille, et je compte naturellement sur votre mobilisation, que j'ai pu constater depuis des semaines, et sur celle de l'ensemble du Parlement.

J'ai été auditionné la semaine dernière par la commission des affaires étrangères sur les dispositions relatives à l'audiovisuel extérieur. Une première étape a été franchie ; nous en abordons aujourd'hui une deuxième.

Le texte que nous examinons est très dense. Je vous remercie par avance pour le travail que nous réaliserons ensemble, et salue le travail de grande qualité, réalisé par la rapporteure générale, Mme Aurore Bergé, et par les rapporteures, Mme Sophie Mette et Mme Béatrice Piron.

Je salue aussi l'implication de très nombreux députés sur ce texte, depuis plusieurs années pour certains, comme en témoignent, M. le président l'a mentionné, la contribution rédigée en 2018 par Mme Frédérique Dumas, M. Pascal Bois, M. Raphaël Gérard, Mme Marie-Ange Magne, Mme Sophie Mette, Mme Sandrine Mörch et M. Pierre-Alain Raphan ou le rapport d'information de Mme Aurore Bergé et M. Pierre-Yves Bournazel. À travers eux, je salue l'ensemble des membres de la mission d'information sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l'ère numérique.

D'autres travaux parlementaires viennent enrichir nos débats, tels ceux de la mission flash conduite par Mme Florence Provendier et Mme Michèle Victory sur les quotas de chansons francophones applicables aux radios privées. Nous pouvons également compter sur les contributions à l'expertise des rapporteurs des commissions saisies pour avis ou pour observation, Mme Christine Hennion, M. Éric Bothorel, M. Christophe Euzet et M. Jean-François Portarrieu, ainsi qu'aux députés qui, par leur parcours professionnel ou leurs liens avec les acteurs de l'audiovisuel apportent une vraie valeur ajoutée et des propositions concrètes à ce projet de loi, notamment Mme Céline Calvez, M. Bruno Fuchs, Mme Sandrine Mörch, M. Erwan Balanant, M. Bruno Millienne ou M. Frédéric Petit.

En dernier lieu, je remercie l'ensemble des membres de cette commission pour leurs amendements.

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Je suis ravie que la commission examine enfin le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, un texte très attendu non seulement par la filière audiovisuelle et cinématographique mais également par les membres de notre commission, dont plusieurs ont participé à la mission d'information que le président Studer avait souhaité créer dès le début, ou presque, de la législature.

En tant que rapporteure de cette mission d'information, présidée par M. Pierre-Yves Bournazel, j'avais préconisé un ensemble de mesures pour actualiser la loi de 1986, devenue complexe et peu lisible du fait de la sédimentation législative, et pour tirer les conséquences des bouleversements sociologiques et économiques induits par la révolution numérique.

Le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis met en oeuvre une large partie des recommandations de la mission d'information. Je ne peux que m'en féliciter, car cela montre que le Parlement a toute sa place dans l'initiative de la loi. Je salue aussi les nombreuses initiatives de nos collègues, tels les rapports pour avis dans le cadre des discussions budgétaires, ou les rapports de la délégation aux outre-mer.

Le projet de loi consacre notamment, dans son titre Ier, la nécessité de moderniser le soutien à la création audiovisuelle et cinématographique, notamment la contribution au développement de la production des éditeurs de chaînes de télévision et des services de médias virtuels à la demande. Dans mon rapport d'information, j'avais appelé à renvoyer plus fréquemment aux accords professionnels entre éditeurs et producteurs dont on a vu ces dernières années qu'ils permettaient au secteur de trouver des compromis féconds. C'est tout l'objet de l'article 1er du projet de loi, qui renvoie à un décret le soin d'établir non seulement des dispositions socles, mais aussi, des marges de manoeuvre pour la négociation professionnelle.

Vous le savez, monsieur le ministre, la rédaction actuelle du texte de loi, comme du projet de décret, suscite des inquiétudes assez vives, parmi les éditeurs et les producteurs. Des clarifications pourront être apportées au texte. Je pense notamment à la mention des mandats de commercialisation, qui doivent être intégrés à la définition de la production indépendante. De la même manière, il semble nécessaire de prévoir une contribution minimale, applicable en matière d'oeuvres cinématographiques, pour éviter toute mutualisation des obligations dans la part dépendante.

Il importe également de préciser la répartition entre les oeuvres européennes et les oeuvres d'expression originale française car elle n'est pas anodine pour les acteurs étrangers qui y seront désormais soumis, alors que la plupart d'entre eux proposent des contenus principalement sinon exclusivement américains.

Sans entrer dans le détail des amendements que j'ai déposés, il me semble indispensable de prévoir une forme d'obligation de diversité dans les investissements auxquels consentiront les chaînes et les services à la demande, pour qu'ils irriguent l'ensemble de l'écosystème, et que l'obligation ne soit pas détournée de ses fins.

Il semble également indispensable de consacrer dans la loi la notion de producteur délégué, qui fait la spécificité et la force du modèle français, et qui pourrait être mise à mal avec l'arrivée de nouveaux acteurs, notamment américains, lesquels recourent plus volontiers à la production exécutive.

M. le ministre a d'ailleurs mentionné dans son propos l'obligation de recourir aux producteurs délégués. Il semble donc pertinent d'étendre à la part dite dépendante l'interdiction, pour le diffuseur, d'être producteur délégué. Dans le cas contraire, il suffira aux géants américains d'ouvrir des studios en France pour remplir une part non négligeable de leurs obligations. Monsieur le ministre, comment appréhendez-vous cette proposition ?

Une autre idée me tient à coeur, car elle est fondamentale pour le monde numérique, et se trouve au centre des bouleversements que connaît l'écosystème, celle de la neutralité technologique. M. le ministre a dit qu'il fallait intégrer les plateformes à notre modèle, et qu'elles étaient les bienvenues. On ne peut pas décemment intégrer les services numériques, notamment étrangers, à l'obligation de contribution sans se poser la question des règles discriminatoires qui existent aujourd'hui, notamment en matière de chronologie des médias. Si nous devons absolument sanctuariser la fenêtre d'exposition en salles de cinéma, et réaffirmer que, pour la France, un film doit sortir en salle, un acteur numérique, qui souhaiterait être aussi vertueux que l'est Canal+ à l'heure actuelle devrait pouvoir bénéficier des mêmes accords avec les producteurs que Canal+ au sein de sa fenêtre de chronologie. Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de faire respecter ce principe de non-discrimination ?

Le deuxième chapitre du titre Ier consacre l'instauration d'une concurrence plus équitable, notamment dans le domaine publicitaire. J'avais en effet appelé à un assouplissement de la réglementation relative à la publicité, de sorte que ce gisement de croissance ne bénéficie pas exclusivement aux géants du numérique Google, Apple, Facebook et Amazon (GAFA), mais bien aux groupes audiovisuels français.

De nombreuses règles sont d'ordre réglementaire, néanmoins plusieurs sont prévues dans le projet de loi, comme les écrans partagés lors des retransmissions sportives ou la troisième coupure de publicité dans les films de longue durée.

Je m'interroge toutefois sur la libéralisation du placement de produits. S'il est vrai que la directive SMA offre désormais un cadre très libéral, il n'est pas certain qu'il faille la transposer dans toutes ses dimensions. Certains programmes se prêtent en effet mal à un placement de produits. C'est par exemple le cas des documentaires, qui véhiculent de l'information, et dont les auteurs sont souvent des journalistes. Il ne faut pas que, dans l'esprit du spectateur, une confusion soit possible entre un contenu éditorial et un contenu placé. Il me semble dès lors nécessaire de redonner au régulateur la marge de manoeuvre qui est aujourd'hui la sienne dans ce domaine, afin qu'il décide lui-même si le programme peut ou non faire l'objet d'un placement de produits, et à quelles conditions.

Dès lors que le recours au placement de produits est élargi, il faut renforcer la protection du spectateur, car la technique est par nature plus insidieuse que la publicité classique. Monsieur le ministre, quel est votre point de vue sur cette question, eu égard aux craintes que j'ai formulées ?

Sur un autre sujet, je me félicite de ce que le texte supprime enfin les jours interdits, qui empêchaient la programmation de films à la télévision certains soirs de la semaine et étaient devenus parfaitement anachroniques. Toutefois, j'entends les questions du secteur : ces jours interdits ne seraient pas totalement supprimés et substituerait, par décret, une interdiction concernant certains jours. L'interdiction n'est-elle que transitoire ou a-t-elle vocation à être pérenne ? Auquel cas, il me semble que la suppression de l'article 11 s'impose…

Mais la modernisation de la télévision, c'est aussi la modernisation de sa diffusion et de sa réception. Le projet de loi accompagne le processus de passage à l'ultra haute définition (UHD). C'est un peu moins le cas pour la radio numérique terrestre, aussi appelée DAB+. Les obligations de compatibilité – notamment l'échéance fixée à décembre 2020 pour les autoradios – me paraissent un peu en deçà de l'ambition portée par le Gouvernement et le CSA en matière de déploiement du DAB+. Tout en respectant le nouveau code européen, il me semble souhaitable de revenir partiellement au droit existant, mieux-disant. Sinon, des milliers d'automobilistes seront privés de cette technologie qui permet de capter de très nombreuses radios. Quelles raisons auriez-vous de vous opposer à cette évolution ?

De façon plus générale, beaucoup estiment que la radio est la grande absente du texte. S'il n'y a rien concernant les quotas de chansons francophones à la radio, j'imagine que c'est parce que vous avez souhaité laisser toute latitude au Parlement, compte tenu de la récente mission flash que nos collègues Florence Provendier et Michèle Victory ont conduite ! Je suppose qu'elles vous interrogeront, mais j'aimerais recueillir votre avis sur le sujet connexe de la régulation des nouveaux acteurs de la distribution de contenus audios – agrégateurs de flux radio et de podcasts, enceintes connectées – qui vont devenir le moyen privilégié d'accéder à ces contenus pour beaucoup de Français. Il faut traiter ce sujet majeur, sans quoi le projet de loi manquerait une partie de son objectif.

Je me réjouis que ce projet de loi soit l'occasion de transposer la directive du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, dite directive droit d'auteur, dont on sait que l'adoption dans sa rédaction finale a été emportée de haute lutte dans les instances européennes grâce à la ténacité des autorités françaises face à ceux qui voulaient détricoter le droit d'auteur tel que nous l'entendons. Il convient néanmoins de demeurer attentif à la préservation des équilibres économiques patiemment construits par les conventions collectives. Je pense notamment aux inquiétudes liées à la rémunération proportionnelle pour les artistes-interprètes, alors que de nombreux secteurs ont affirmé leur attachement à la rémunération forfaitaire et se sont émus du contenu du projet de loi. Monsieur le ministre, quel équilibre pourrions-nous trouver ?

Vous le savez, la protection du droit des créateurs à une juste rémunération est un combat qui m'anime depuis le début de la législature. Je me réjouis donc des dispositions prévues aux articles 22 et 23, qui permettront de lutter plus efficacement contre le piratage d'oeuvres culturelles, mais aussi de contenus sportifs – notamment l'inscription sur une liste noire publique des sites massivement contrefaisants. Les débats en commission permettront sans doute d'aller encore plus loin dans la lutte contre les sites miroirs, pour la protection de toutes les compétitions sportives, y compris les plus courtes, ou dans la lutte contre le téléchargement illégal.

Concernant la régulation du secteur de l'audiovisuel et du numérique, je me réjouis de la création d'une nouvelle autorité, résultat de la fusion du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), que j'avais recommandée. L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) constituera un outil puissant au service du respect de la loi et des droits, le projet de loi renforçant en outre la coopération avec les autres instances de régulation du secteur, ainsi que ses pouvoirs et ses moyens d'enquête. Elle sera notamment compétente pour la régulation des plateformes en ligne et son rôle est accru en matière d'accessibilité des services audiovisuels et numériques aux personnes en situation de handicap.

Cependant, je m'interroge sur la formulation de l'article 41 qui dispose que l'ARCOM veille à ce que les services de radio, de télévision et de médias audiovisuels à la demande ne puissent pas être interrompus ou modifiés sans l'accord explicite de leurs éditeurs. Certains considèrent qu'il s'agit d'une « sur-transposition » de l'article 7 ter de la directive du 14 novembre 2018 révisant la directive relative à la fourniture de services de médias audiovisuels, dite directive SMA révisée. Qu'en pensez-vous ?

Enfin, le secteur public de l'audiovisuel est particulièrement concerné et impliqué dans la révolution numérique en cours. Sa réorganisation autour d'une société mère, France Médias, doit permettre de lui donner les moyens de faire face à une concurrence mondialisée. Ses missions sont réorganisées et clarifiées. Je regrette néanmoins que le divertissement soit présenté comme un domaine, et non comme une mission. Nous devons inscrire dans la loi la responsabilité particulière de l'audiovisuel public à l'égard de la jeunesse. La suppression de France 4, annoncée par le Gouvernement, laisse beaucoup de parlementaires perplexes : elle doit être compensée par la réintroduction de programmes jeunesse de qualité aux carrefours d'audience des enfants sur toutes les autres chaînes linéaires de France Télévisions.

En outre, pour ne pas contrarier les trajectoires des contrats d'objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, qui arrivent à échéance en 2022 et nous engagent, je souhaiterais que France Médias ne commence à répartir les ressources publiques entre ses filiales – dites sociétés filles – qu'à partir de 2023. Qu'en pensez-vous ?

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Monsieur le ministre, je vous remercie de la présentation des principaux points du projet de loi. Il doit nous permettre de faire entrer l'audiovisuel français dans le XXIe siècle. Mais il garantit aussi la permanence des acquis qui ont structuré la juste rémunération des créateurs dans notre pays depuis le XIXe siècle.

À ce titre, je ne peux que me réjouir de la transposition de la directive sur le droit d'auteur, adoptée définitivement en avril 2019. La France s'honore d'être l'un des premiers États membres de l'Union européenne à la transposer. Elle demeure fidèle à l'esprit de défense des auteurs qui l'a animé lors des négociations. Nous venons de loin, et je salue la continuité de votre action, monsieur le ministre, et de celle de vos prédécesseurs pour préserver la création.

Les auteurs et les artistes titulaires de droits voisins pourront bénéficier d'une meilleure protection de leurs contenus sur les services de partages de contenus en ligne. Les plateformes qui hébergent des contenus téléversés par les utilisateurs profitent jusqu'ici d'un système particulièrement protecteur. Demain, grâce au projet de loi, les auteurs pourront demander à ce qu'elles produisent leurs meilleurs efforts pour retirer ou bloquer l'accès à des contenus qui auront enfreint les principes de leur juste rémunération. C'est une avancée majeure. Monsieur le ministre, ce premier pas présage-t-il d'une nouvelle initiative au niveau européen pour réformer la responsabilité des hébergeurs de contenus en ligne ?

Le texte donnera également de nouveaux droits contractuels aux auteurs et aux artistes-interprètes. C'est connu – et les nombreuses auditions de représentants des auteurs n'ont fait que le confirmer –, les auteurs et les artistes-interprètes sont souvent dans une situation déséquilibrée lorsqu'ils signent les contrats d'exploitation de leurs oeuvres ou de leurs interprétations, d'autant plus lorsqu'ils ne bénéficient pas de conventions collectives. De nouveaux droits leur permettront de rétablir l'équilibre. Ils pourront ainsi prétendre à une rémunération supplémentaire en cas de rémunération initiale exagérément faible, résilier leur contrat si leurs oeuvres ne sont pas exploitées dans un temps raisonnable ou prétendre à plus de transparence sur les revenus tirés de l'exploitation de leurs oeuvres ou de leurs interprétations. Au lendemain de la remise par Bruno Racine de son rapport sur le statut des artistes-auteurs, il s'agit d'autant de preuves de l'attachement du Gouvernement et de cette majorité à la juste rémunération des auteurs et artistes-interprètes.

Je voudrais enfin souligner les avancées du projet de loi s'agissant de la lutte contre le piratage. La création de l'ARCOM, issue de la fusion de la HADOPI et du CSA, présage d'une nouvelle force dans la lutte contre la contrefaçon des contenus cinématographiques et audiovisuels en ligne. Le renforcement des pouvoirs des agents assermentés, la création d'une liste noire publique de sites massivement contrefaisants ou encore la mise en place de conditions propices à la suppression des sites dits miroirs, sont autant de bonnes nouvelles pour les titulaires de droit : leur création a une valeur, il n'est que justice qu'elle soit protégée comme il se doit.

Le projet de loi permettra également de s'adapter aux nouvelles formes de piratage, comme la diffusion illicite de compétitions ou manifestations sportives en direct. La croissance exponentielle de la consommation de ces contenus est particulièrement inquiétante. Elle menace un écosystème plus fragile qu'on ne le croit et assèche les revenus du sport amateur en France. Un visionnage pirate d'un match de foot professionnel, ce sont des bus en moins pour amener les enfants au stade le dimanche !

Je ne peux que me féliciter de l'adaptation de la procédure judiciaire à ce nouveau phénomène inquiétant. Je crains toutefois que les compétitions les plus courtes – Rolland Garros, golf, etc. – soient difficilement protégées. Dans quelle mesure pourrait-on aller encore plus vite dans la réponse judiciaire au piratage sportif ?

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, ce projet de loi est une réponse aux inquiétudes des créateurs et une adaptation de la régulation aux enjeux numériques contemporains.

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Le secteur audiovisuel public est concerné au premier chef par la révolution numérique et il s'en est d'ailleurs très bien emparé. France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, l'INA, ARTE et TV5 Monde ont fait des efforts très importants pour s'adapter à l'évolution des usages, efforts souvent sous-estimés par le grand public.

Dans un contexte où les barrières entre télévision, radio, numérique, diffusion en linéaire ou à la demande ont de moins en moins de sens, les sociétés nationales de programme ont mené à bien des projets communs comme la chaîne de télévision franceinfo, ou les matinales France Bleu-France 3.

Cependant, l'organisation actuelle, éclatée, crée des freins organiques, juridiques et pratiques. Le projet de loi prévoit de rassembler France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA au sein d'un groupe dont la société mère sera une holding – France Médias.

Cette réorganisation doit permettre de donner les moyens à l'audiovisuel public de faire face à une concurrence mondialisée et de constituer un média global. France Médias devra assurer un rôle de pilotage stratégique, sans interférer dans la gestion opérationnelle de ses sociétés filles. France Médias doit rester une structure légère, dont le rôle sera d'encourager les synergies en matière d'immobilier, de formations et de systèmes d'information.

L'article 59 du projet de loi réécrit entièrement le titre III relatif à l'audiovisuel public de la loi du 30 septembre 1986, en réorganisant et en clarifiant les missions de service public et les obligations des sociétés afin de recentrer l'audiovisuel public sur ce qui le distingue des sociétés privées : parler de tout le monde, à tout le monde. Les missions de service public sont réorganisées autour de cinq grands objectifs : la cohésion sociale, l'information, la culture, l'action extérieure et l'éducation. Monsieur le ministre, nous souhaitons ajouter un sixième objectif – le divertissement – car le service public doit se distinguer par sa capacité à proposer un divertissement de qualité et à présenter de façon attrayante la culture, la science ou l'histoire.

Comme Aurore Bergé, je souhaiterais également que la responsabilité particulière du service public audiovisuel à l'égard de la jeunesse soit inscrite de façon plus explicite dans ce projet de loi. Je proposerai un amendement en ce sens.

La gouvernance des organismes de l'audiovisuel public est modifiée pour tenir compte de leur réorganisation. Elle sera plus professionnelle et plus indépendante. Le conseil d'administration de France Médias comportera douze membres. Ses modalités de désignation assurent un équilibre entre prérogatives de l'État actionnaire, contrôle de l'ARCOM – garante de l'indépendance de l'audiovisuel public – et pouvoir de nomination du Parlement.

Les relations financières avec l'État seront régies par une convention stratégique pluriannuelle conclue entre l'État et France Médias pour l'ensemble du groupe. La holding sera chargée de répartir les ressources publiques dont elle sera affectataire entre ses sociétés filles. La convention sera transmise avant signature aux commissions parlementaires compétentes. Celles-ci seront aussi destinataires d'un rapport d'exécution annuel avant l'examen de la loi de règlement. Enfin, elles seront informées de la répartition annuelle prévisionnelle des ressources publiques entre France Médias et ses filiales. La holding devra justifier les écarts entre les prévisions de la convention et le rapport d'exécution.

Le projet de loi réaffirme en outre le financement de l'audiovisuel public par le produit de la contribution à l'audiovisuel public. Le financement de France Médias par une taxe affectée constitue une des garanties de l'indépendance de l'audiovisuel public. Monsieur le ministre, comme vous, je suis attachée à la pérennité de ce financement.

Je serai favorable à ce que l'on autorise la publicité en soirée sur France Télévisions pendant la retransmission d'événements sportifs d'importance mondiale. Cette mission de service public est particulièrement coûteuse. Ces cas resteraient exceptionnels, mais cela permettrait de financer une partie des droits des événements afin qu'ils continuent à rester accessibles à tous sur les chaînes du service public.

Nous devons trouver un moyen juridique afin que la richesse des contenus audiovisuels des chaînes publiques soit reprise en intégralité par les box internet, puisque c'est ainsi que la majorité de nos concitoyens reçoit désormais les chaînes de télévision. Les sociétés audiovisuelles publiques offrent des contenus très riches – programmes locaux ou régionaux, versions originales (VO) ou françaises (VF), renvois vers d'autres programmes linéaires ou à la demande, podcasts, et surtout versions adaptées pour les personnes malvoyantes (audiodescription) et pour les personnes sourdes et malentendantes. Monsieur le ministre, comment faire en sorte que cette richesse de contenus parvienne à tous nos concitoyens et ne soit pas limitée par des économies de moyens technologiques ?

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Je suis très heureux de vous présenter l'avis rendu par la commission des affaires économiques, dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur. Au titre de ses compétences en matière numérique, la commission des affaires économiques s'est saisie pour avis des articles 16 et 17, qui créent un régime de responsabilité spécifique pour les plateformes diffusant des contenus, de l'article 22, qui entérine la fusion du CSA et de la HADOPI et donne à la nouvelle ARCOM des outils pour mieux lutter contre le piratage, et de l'article 59 portant création de France Médias.

La commission des affaires culturelles nous a délégué l'examen au fond de l'article 60, qui simplifie un certain nombre de procédures de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, de l'article 61, qui autorise le Gouvernement à transposer par voie d'ordonnance la directive du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, dite directive ECN+ – pour European competition network – et de l'article 64, qui habilite le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen, dit code européen des télécoms.

Nous avons débattu hier après-midi du projet de loi et dix-sept amendements ont été adoptés. Je me réjouis de les défendre devant vous à partir de lundi.

Quelques mots sur la philosophie générale du projet de loi. Il fixe un objectif ambitieux : adapter le cadre législatif de l'audiovisuel aux mutations qui traversent le secteur, dont les usages et le paysage ont été profondément bouleversés par l'arrivée du numérique.

La concurrence est un processus économique sain qui bénéficie aux consommateurs et stimule l'innovation. Mais cela n'est vrai qu'à la condition qu'elle s'exerce de manière loyale. Votées en un temps où internet et les ordinateurs ne faisaient pas partie de notre quotidien – « un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître » –, les règles issues de la loi de 1986 précitée doivent être adaptées. Le projet de loi fait beaucoup pour réduire les asymétries concurrentielles entre acteurs traditionnels et nouveaux acteurs issus du numérique. Je m'en félicite car, pour être juste, la bataille doit être menée à armes égales.

J'en viens plus précisément au champ de notre saisine. Les articles 16, 17 et 22 du projet de loi posent les jalons d'une nouvelle régulation des plateformes numériques audiovisuelles. L'ambition est de taille : il s'agit de répondre aux problématiques de financement de la création, de protection des ayants droit mais aussi, plus globalement, à la préservation de notre souveraineté culturelle. Le nouveau régime de responsabilité des plateformes numériques diffusant gratuitement des contenus permet d'envisager un partage plus équitable de la valeur au bénéfice des ayants droit, et donc du financement de la création.

La mise en oeuvre de ce nouveau régime sera supervisée par l'ARCOM, issue de la fusion du CSA et de la HADOPI. La création de cette autorité donne une traduction concrète au besoin de régulation des plateformes numériques. C'est un progrès dont nous devons mesurer l'ampleur : nous faisons entrer dans le giron du régulateur audiovisuel français des plateformes numériques qui échappent encore bien trop au contrôle des États souverains.

L'ARCOM sera dotée de nouveaux moyens afin que la lutte contre le piratage soit plus efficace. L'article 22 met en place des outils innovants pour lutter avec plus d'efficacité contre les sites miroirs et permettre leur blocage plus rapide, dans le respect du principe de l'interdiction de surveillance générale posé par la directive e-commerce. Il faut bien sûr s'en féliciter. Mais, en tant que législateurs, nous devons veiller à la portée opérationnelle des dispositifs que nous votons. Les techniques de blocage évoluent rapidement : les acteurs pertinents pour bloquer ou retirer un site ou un contenu aujourd'hui ne seront pas forcément ceux de demain. En l'état, le projet de loi n'est pas satisfaisant. En bonne intelligence avec les rapporteures des affaires culturelles, nous vous proposerons un dispositif plus solide.

L'ARCOM est également dotée d'une nouvelle compétence l'habilitant à établir une liste des sites portant atteinte de manière grave et répétée aux droits d'auteur et droits voisins dans le respect du principe du contradictoire. L'objectif est double : informer les internautes et tarir l'offre illégale en jouant sur l'effet de réputation – le name and shame – et les intermédiaires.

L'établissement de cette liste devrait favoriser le développement de dispositifs permettant de frapper les sites au portefeuille, dits en anglais follow the money. C'est une méthode simple à laquelle je crois beaucoup : elle consiste à faire la transparence sur les flux financiers afin de renforcer le devoir de vigilance des annonceurs et les dissuader de financer des sites contrefaisants. La chaîne publicitaire fait intervenir un grand nombre d'intermédiaires. Elle est d'une telle complexité qu'il est souvent difficile pour un annonceur de savoir in fine sur quel site figure son annonce. Aux côtés des initiatives du secteur, le législateur doit se saisir pleinement de cet enjeu. Le secrétaire d'État au numérique s'est engagé à traiter le problème dans le cadre du présent projet de loi. Nous avons hier adopté un amendement en ce sens.

Je me réjouis des débats à venir et je remercie chaleureusement Mmes les rapporteures, qui accomplissent un travail considérable, et avec lesquelles nous avons pu échanger de façon très fructueuse.

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La commission des affaires étrangères s'est saisie de l'article 1er et d'une partie de l'article 59 du projet de loi. Nous nous sommes concentrés sur les enjeux liés à l'audiovisuel extérieur, et notamment sur France Médias Monde, dont le rôle stratégique pour notre action extérieure est parfois méconnu.

Cet opérateur joue un rôle majeur dans la promotion de la francophonie et du plurilinguisme, diffuse une information libre, pluraliste et indépendante, y compris face à des médias étrangers qui ne respectent pas toujours ces standards fondamentaux, et contribue à notre aide publique au développement. Il occupe une place particulière dans des zones stratégiques pour la France – Afrique, Moyen-Orient, Europe ou encore Amérique latine. Il joue également un rôle de premier plan dans la lutte contre la désinformation, parfois utilisée dans certaines régions du monde pour contrer les intérêts stratégiques de la France, comme récemment au Sahel. Son action se déploie dans un contexte d'intensification de la concurrence, qui émane d'acteurs de plus en plus nombreux. En complément de ces missions quasi régaliennes, l'audiovisuel extérieur est aussi un outil pour les autres opérateurs de l'audiovisuel public : il leur fournit des contenus, et surtout une expertise et un regard particuliers, dont l'importance ne doit pas être sous-estimée pour accompagner l'internationalisation de nos médias publics.

C'est dans cette double perspective qu'à l'initiative de sa présidente, la commission des affaires étrangères a créé dès le mois d'octobre un groupe de travail transpartisan sur l'audiovisuel français dans le monde, afin de préparer l'examen du projet de loi. Nous avons formulé plusieurs propositions, transmises au ministre de la culture et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Les amendements adoptés par notre commission, et que nous examinerons la semaine prochaine, s'inscrivent dans la droite ligne des conclusions de ce groupe de travail. Ils concernent en priorité les missions de l'audiovisuel extérieur, et le renforcement des garanties qui en entoureront la bonne exécution au plan de la gouvernance et des moyens. Nous avons aussi souhaité renforcer l'information fournie au Parlement, notamment concernant l'allocation des ressources entre les filiales du groupe public.

Nous devons appréhender cette réforme comme une occasion de réinventer notre audiovisuel public, sans copier d'autres modèles – à commencer par celui de la BBC si souvent cité – mais en partant de notre histoire et des nombreux atouts et talents sur lesquels nous pouvons nous appuyer. Il est essentiel de nous doter d'un audiovisuel public à la hauteur de nos ambitions en matière de souveraineté culturelle, et, comme je me dois de le rappeler en tant que membre de la commission des affaires étrangères, en matière de diplomatie d'influence.

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La Commission Juncker a fait adopter plusieurs textes importants pour transformer les conditions d'exercice des médias en Europe : la directive SMA révisée, la directive droit d'auteur, la directive 17 avril 2019 établissant des règles sur l'exercice du droit d'auteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne d'organismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio, dite directive câble et satellite, la directive établissant un code européen des communications électroniques et la directive ECN+. Le présent projet de loi intègre donc en les transposant de nombreuses évolutions législatives européennes récentes pour rénover en profondeur le cadre établi par la loi relative à la liberté de communication du 30 septembre 1986.

C'est pourquoi il nous a semblé intéressant de nous pencher sur les conditions de ces transpositions afin de dégager des observations qui, nous l'espérons, nourriront la discussion du projet de loi et apporteront un utile éclairage européen. Certains articles transposent des articles de directives déjà partiellement transposées. Ainsi la directive droit d'auteur a-t-elle fait l'objet d'une proposition de loi adoptée en juillet 2019 relative aux droits voisins des agences et éditeurs de presse. Ces transpositions partielles peuvent se justifier pour compléter des droits nationaux préexistants. Elles ne sont toutefois pas toujours comprises par les autorités bruxelloises, ou par les parties prenantes, qui leur reprochent leur caractère pointilliste et le risque de remettre en cause un équilibre général arraché de haute lutte durant les négociations. C'est particulièrement le cas pour la directive droit d'auteur, qui crée de nouvelles obligations pour les plateformes tout en assurant le respect des droits des utilisateurs.

Certains articles du projet de loi prévoient également la transposition partielle ou intégrale d'une directive par ordonnance, ouvrant un champ bien plus large que celui du projet de loi. C'est le cas des cent vingt-sept articles de la directive européenne opérant la refonte du code européen des communications électroniques. Si certaines dispositions techniques ou d'actualisation justifient cette voie d'adoption, d'autres dispositions auraient mérité une discussion parlementaire.

Notre rapport appelle à analyser attentivement la mise en oeuvre des mesures de transposition. Certains articles du projet de loi doivent être suivis de décrets d'application qui devront également intégrer les orientations européennes. Les nouvelles obligations des plateformes en termes de respect du droit d'auteur – elles devront faire « leurs meilleurs efforts » – feront ainsi l'objet de lignes directrices de la Commission : ils devront apparaître dans les futurs textes d'application nationaux de la façon la plus harmonisée possible.

De même, il conviendra de considérer les prescriptions et sanctions imposées par la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite Avia, afin d'opérer la coordination des différents régimes.

Une approche fonctionnelle doit permettre d'appliquer des niveaux de contraintes équivalents aux différents acteurs. Ce souci de cohérence et d'harmonisation devra se retrouver dans les différentes législations nationales et dans le niveau de contrôle exercé par les autorités de régulation, que les directives transposées dans le projet de loi invitent également à renforcer.

Enfin, aucun sujet européen n'échappe aux interrogations soulevées par le Brexit. Les oeuvres britanniques devraient continuer à être intégrées dans les quotas de diffusion, mais qu'en est-il du respect des directives droit d'auteur et SMA ? Les futures négociations européennes nous permettront de le savoir.

La dimension européenne du projet de loi ne saurait être réduite à la seule transposition des directives. Sur de nombreux enjeux comme la lutte contre le piratage, l'indépendance des autorités de régulation ou la transparence des médias, cette perspective européenne est sous-jacente et ne fera que s'accroître. Cela nous invite à promouvoir activement la diffusion d'une information accessible sur l'Europe. C'est le sens d'amendements que je proposerai avec différents collègues du groupe à l'article 59, afin de l'introduire dans les missions du service public.

M. Jean-Jacques Gaultier, corapporteur d'application sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique. Je ne reviendrai pas sur ce qui fait consensus – faire contribuer les plateformes au financement de la création, protéger les auteurs, regrouper les forces et les moyens de l'audiovisuel public, mieux lutter contre le piratage. Mais, sur ce dernier point, il conviendra d'améliorer l'article 23 en ce qui concerne les manifestations sportives.

Quelle est votre position sur l'aménagement des quotas de chansons francophones à la radio ? Certaines mesures semblent faire consensus entre les radios et la filière musicale : je pense au lissage du contrôle du plafonnement des rotations sur trois mois par les autorités de régulation. D'autres moins : elles ont probablement fait l'objet d'insuffisantes concertations, comme le relèvement du plafonnement des rotations.

L'article 11 du projet de loi est relatif aux jours interdits : qu'en est-il du décret alors que l'article lui-même n'y fait plus référence ?

Ma troisième question vise l'accessibilité des programmes jeunesse. Sur tous les bancs, nous sommes nombreux à être favorables à un moratoire concernant France 4, pour accompagner le lancement très récent de la plateforme Okoo. Déjà, en 2019, le CSA et France Télévisions n'étaient pas favorables à la suppression de France 4. Tout le monde n'a pas encore accès à l'internet à très haut débit et certains ne reçoivent la télévision que par voie hertzienne. En outre, la chaîne Gulli a été rachetée récemment par M6 pour 200 millions d'euros : les programmes jeunesse ont donc une valeur et ils sont attractifs. Je souhaiterais que vous nous rassuriez.

Enfin, France 4 propose également une offre cinématographique importante, du sport féminin, des documentaires. Qu'en sera-t-il demain ?

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Franck Riester, ministre de la culture

Ma première réponse portera sur l'animation et sur France 4 dont la diffusion cessera, comme celle de France Ô, le 9 août prochain : cet arrêt ne signifie évidemment pas que les contenus relatifs tant à la jeunesse qu'aux Outre-mer disparaîtront des écrans de France Télévisions. Cela étant, il est important, comme l'ont dit Aurore Bergé et Jean-Jacques Gaultier, reflétant ainsi une préoccupation commune à toute la commission, de s'assurer de leur présence dans l'offre globale de l'audiovisuel public, c'est-à-dire du futur France Médias, que ce soit sous une forme numérique ou linéaire.

Un gros travail a été mené concernant l'outre-mer avec les députés et les sénateurs ultramarins, France Télévisions et certains professionnels du secteur pour définir un pacte pour la visibilité dont certains éléments très précis permettront d'une part de s'assurer que France Télévisions les met bien en avant, tant dans les contenus, les visages que dans les lieux de tournage, et d'autre part de suivre la bonne application de ces engagements.

Je pense qu'un dispositif similaire serait utile pour l'animation et la jeunesse. J'ai donc demandé à France Télévisions de me proposer un pacte qui permette, d'ici à la fin du mois d'avril, et en lien avec un certain nombre de parlementaires et de professionnels du secteur, de fixer noir sur blanc son volontarisme en la matière. Celui-ci devra se traduire tant dans l'offre numérique, avec les plateformes Okoo et Lumni, que linéaire. Un groupe de suivi permettrait là aussi de s'assurer de l'engagement de France Télévisions, dont le cahier des charges a par ailleurs été modifié afin d'intégrer cette nouveauté.

Mme Aurore Bergé m'a interrogé à propos des mandats de commercialisation que sans les mentionner le projet de loi intègre bien dans les critères retenus pour le calcul de la part indépendante. Je suis ouvert à toute précision qui s'avérerait nécessaire.

Je souhaite par ailleurs le déploiement de la radio numérique terrestre (RNT) en DAB+ (Digital Audio Broadcasting), que nous avons, en lien avec le CSA, décidé d'accélérer, en veillant à ce que Radio France puisse préempter un certain nombre de canaux de diffusion. Il s'agit d'inscrire l'audiovisuel public dans cette nouvelle technologie, au service du plus grand nombre. Le projet de loi se conforme en l'espèce au nouveau code européen des télécommunications électroniques qui prévoit l'entrée en vigueur de l'obligation de compatibilité des autoradios au 21 décembre 2020, alors qu'elle est actuellement fixée au 20 juin 2020. Cette disposition est sans incidence sur l'obligation de compatibilité au DAB+ applicable aux autoradios. Mais nous pourrions, le cas échéant, revoir cette échéance pour apaiser les inquiétudes et éviter tout malentendu. Au même titre que nous sommes allés très loin dans le texte en matière de compatibilité d'un certain nombre de postes de télévision à la technologie Ultra HD, nous sommes prêts à le faire de même pour la RNT.

J'en viens à l'ARCOM et à l'éventuelle sur-transposition relative à l'intégrité du signal : l'alinéa 2 de l'article 41 du projet de loi se borne à transposer la directive SMA puisqu'il prévoit que « […] Les services de radio, de télévision et de médias audiovisuels à la demande ne peuvent pas être interrompus ou modifiés sans l'accord explicite de leurs éditeurs. »

Pour avoir échangé avec un certain nombre de professionnels et avec vous, je sais que le terme « interrompus » – qui ne figure pas, il est vrai, dans la directive : il est repris d'un considérant de celle-ci – a fait naître des malentendus. Certains y ont vu un lien, que je ne fais pas, avec le litige portant sur le paiement du signal des chaînes. Si le besoin s'en fait sentir, je suis là aussi ouvert à la clarification de la rédaction.

Sur l'autorisation de diffuser des oeuvres cinématographiques tous les jours sur les chaînes de télévision gratuite, j'ai indiqué en septembre dernier qu'il fallait trouver l'équilibre le plus juste entre acteurs de l'audiovisuel et de l'internet pour faciliter l'accès de nos compatriotes à un contenu audiovisuel diversifié et de qualité. La suppression des jours interdits de diffusion constitue un bon exemple de cette volonté. Nous assouplissons les règles afin que les chaînes de télévision puissent proposer des films de cinéma tous les soirs. L'encadrement ne serait plus conservé que le samedi soir, la diffusion étant alors restreinte à des films coproduits ou à des films d'auteur, c'est-à-dire d'art et essai.

Les chaînes de cinéma ne seraient bien évidemment soumises à aucune restriction d'horaires. Quant au plafond de diffusion des films, il serait totalement supprimé pour ces dernières et relevé de cinquante-deux pour les chaînes gratuites.

Techniquement, le décret dont le projet a été transmis au CSA le 18 février et qui pourrait être publié au mois d'avril 2020 constitue la première étape d'un assouplissement mené en deux temps : d'abord, donc, par voie réglementaire, puis par voie législative au travers de l'abrogation, dans le projet de loi, des articles de la loi de 1986 qui interdisait la diffusion de films certains jours de la semaine et qui renvoyait à un décret le soin de fixer ces interdictions.

Ledit projet de décret modifie bien le décret diffusion et prévoit que le CSA évaluera les modifications envisagées au plus tard dix-huit mois après son entrée en vigueur. Au vu du bilan, soit nous supprimerons totalement tous les critères, soit nous en maintiendrons un certain nombre.

La transposition de la directive SMA permettra par ailleurs un assouplissement du placement de produits, alors qu'il revient aujourd'hui au CSA de déterminer les programmes dans lesquels il est possible d'y recourir et qu'il ne l'a autorisé que dans les oeuvres cinématographiques, les fictions audiovisuelles et les clips vidéo. J'ai entendu la proposition d'un élargissement au documentaire : parlons-en en commission puis dans l'hémicycle.

La chronologie des médias, grâce à laquelle les films bénéficient de plusieurs fenêtres exclusives successives d'exploitation, est un élément structurant du financement du cinéma. C'est une des forces du système français qui a permis à notre pays de garder une industrie cinématographique dynamique et diverse. Cette chronologie est le fruit d'accords professionnels. Dès lors que l'on demande à un certain nombre d'acteurs de se montrer vertueux comme les autres, il est important de réfléchir à son évolution pour prendre compte la nouvelle réalité.

C'est la raison pour laquelle j'ai, depuis plusieurs mois, incité les acteurs à se mettre autour de la table pour y travailler, notamment sur la base du projet de loi, afin que, sur cette question comme sur d'autres, des accords professionnels puissent être trouvés.

Comme vous l'avez rappelé, madame la rapporteure, l'esprit du texte est de fixer, par la loi et le règlement, le cadre d'un secteur à l'évolution rapide en se montrant exigeant et ambitieux en matière de financement et de diversité de la création. Il appartient ensuite aux acteurs d'adapter plus régulièrement, plus facilement et plus rapidement les différentes dispositions régissant leurs rapports, au travers soit des conventions de l'ARCOM, soit d'accords professionnels. Mais s'ils ne prenaient pas leurs responsabilités, il reviendrait alors aux pouvoirs publics de prendre les leurs.

J'ai souhaité qu'un médiateur accompagne ces négociations et fasse remonter un maximum d'informations afin de déterminer s'il s'avère d'ores et déjà nécessaire, dans le processus législatif, d'amender le projet de loi pour favoriser la conclusion des accords ou s'il est préférable d'attendre. Cela vaut pour la chronologie des médias mais également pour l'ensemble des règles que nous allons fixer par la loi ou par le règlement.

Sur la production déléguée, le projet de loi définit et circonscrit en effet très précisément la production indépendante et interdit aux diffuseurs d'être producteurs délégués. Pour la part dépendante, le sujet est sensible, car une telle évolution remettrait grandement en cause leur modèle. Je suis prêt à en discuter, notamment à l'issue des discussions interprofessionnelles et du retour d'expérience de l'ambassadeur Sellal, et dans le cadre de l'examen du projet de loi. Il faut malgré tout trouver un équilibre entre le respect du droit d'auteur et les règles de financement de la création, et une certaine souplesse permettant de prendre en compte la spécificité de chaque acteur.

La rémunération proportionnelle, qui constitue l'un des éléments de la transposition de la directive sur le droit d'auteur et qui suscite des interrogations, notamment de la part des producteurs et des artistes-interprètes, représente une avancée importante. Nous sommes d'ailleurs attendus sur ce point en Europe – j'y reviendrai tout à l'heure à propos de la question de l'harmonisation européenne très justement soulevée par Christine Hennion. La façon dont nous la transposerons pourrait en effet donner le la de l'évolution de l'Europe en la matière.

Des pratiques de rémunérations proportionnelles existent aujourd'hui dans certains cas, notamment pour les artistes-interprètes dits principaux, mais aussi de rémunérations fixes, souvent qualifiées de salaires. Il est proposé de transposer fidèlement le principe de rémunérations proportionnelles tout en ménageant la souplesse nécessaire à la prise en compte des pratiques en vigueur et l'équilibre trouvé au travers des conventions collectives – j'y suis évidemment très attaché.

Le projet de loi dresse la liste des hypothèses permettant de recourir au forfait compte tenu de la nature ou de l'importance de la contribution de l'artiste-interprète. Pour autant, une place importante est laissée à la négociation collective, le cadre proposé étant suffisamment flexible pour tenir compte de ces situations. Pour tenir compte de manière encore plus fine des pratiques sectorielles, en particulier dans l'audiovisuel et dans le cinéma, il serait envisageable de retenir l'assiette figurant dans la directive, qui fait référence à la valeur économique des droits. Là encore, je suis ouvert à la discussion.

S'agissant du piratage des contenus sportifs, abordés notamment par Éric Bothorel, je suis prêt à étudier toute solution permettant la plus grande efficacité possible, dans la limite évidemment de ce que permet la Constitution. Le Gouvernement nourrit une très forte ambition en matière de lutte contre les pratiques illicites sur internet, et notamment contre le piratage. Des outils sont ainsi mis à disposition de la justice ou du régulateur, c'est-à-dire de l'ARCOM, pour lutter contre les sites contrefaisants, ceux qui font de l'argent sur le dos soit des créateurs, soit des sportifs, soit des fédérations.

S'agissant de la publicité lors de retransmissions sportives à la télévision, je ne suis pas favorable à la remise en cause des règles issues des discussions qui ont eu lieu il y a dix ans à propos du financement de l'audiovisuel public, prévoyant l'interdiction de spots publicitaires après vingt heures sur les chaînes de France Télévisions. L'absence de publicité en soirée différencie bien en effet le secteur audiovisuel public de son homologue privé. En outre, il existe des moyens de financer les événements sportifs, grâce notamment au parrainage.

Sophie Mette et Christine Hennion ont évoqué les plateformes structurantes. Le Gouvernement a l'intention de continuer à travailler à leur régulation, notamment au travers de ce projet de loi qui octroie de nouveaux pouvoirs à l'ARCOM, régulateur unique des communications non seulement audiovisuelles mais numériques, et en lien avec nos partenaires européens comme avec la Commission.

J'ai eu l'occasion de rencontrer Margrethe Vestager à ce sujet, que j'évoquerai également prochainement avec Thierry Breton et que nous aurons l'occasion de traiter au cours de nos différents échanges.

Si l'harmonisation des moyens donnés au régulateur ou à la justice, notamment en matière de propos haineux, au travers de la proposition de loi de Laetitia Avia, et de lutte contre la manipulation de l'information, avec le texte que vous avez d'ores et déjà voté, constitue l'un des objectifs de ce projet de loi, il faudra aller beaucoup plus loin à l'avenir. Nous allons montrer le chemin en transposant plusieurs directives. Et nous allons poursuivre les discussions avec les autres États membres, le Parlement européen, les commissaires européens.

L'Assemblée nationale, et tout particulièrement cette commission, a vocation à nourrir le débat sur cet enjeu majeur à la fois en termes de lutte contre les propos haineux et la désinformation, de protection des publics des contenus pornographiques, au-delà même de ce projet de loi.

M. Bothorel a également évoqué la notion de follow the money, qui consiste en définitive à s'attaquer au portefeuille de celles et ceux qui profitent de la création sans la rémunérer, ce qui nécessite notamment de mobiliser les acteurs de la publicité et du paiement en ligne. Grâce aux nouveaux pouvoirs de l'ARCOM, une nouvelle impulsion doit être donnée à cette démarche engagée depuis plusieurs années sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur.

Pour responsabiliser les annonceurs, il faut cependant s'assurer qu'ils sont bien informés de la liste précise des sites sur lesquels leurs messages publicitaires apparaissent : d'où la liste noire, et d'où la nécessité de renforcer la transparence de la chaîne publicitaire et donc de moderniser notamment le décret Sapin. Je suis prêt à y travailler avec mes collègues Bruno Le Maire et Cédric O, ainsi, bien évidemment, qu'avec vous.

J'en viens aux missions de service public : précisons les choses au cours des débats tant en commission que dans l'hémicycle. Allons plus loin s'il le faut s'agissant de leur dimension européenne ou scientifique, ou de la jeunesse. Profitons de ce débat législatif pour les réaffirmer avec force. Je regarderai avec bienveillance toutes les dispositions allant dans ce sens.

Cher Jean-François Portarrieu, ce débat nous donne l'occasion de préciser l'importance de la dimension extérieure de l'audiovisuel public. La création d'un groupe public va permettre des synergies en mettant la force de France Télévisions, de Radio France et de l'INA au service de France Médias Monde, cette dernière plaçant ses contenus et son expertise internationale à leur profit. Il s'agit non pas de copier tel ou tel modèle étranger mais d'inventer un modèle audiovisuel public français qui soit fort. Nous aurons l'occasion d'en débattre lors de l'examen des amendements.

Aurore Bergé m'a par ailleurs interrogé sur la répartition de la contribution à l'audiovisuel public (CAP). Si la création d'un groupe public relève effectivement d'une ambition forte, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation : le projet de loi a donc prévu un temps de mise en oeuvre. En outre, il ne comporte pas de dispositions qui auraient pour effet de relever automatiquement de leurs fonctions les patrons et patronnes des entreprises que rassemblera France Médias. Le groupe public, à travers sa holding, décidera comment répartir la CAP.

La rédaction actuelle prévoit que cette étape interviendra à partir de 2022. Mais, madame la rapporteure, je suis à tout à fait ouvert à ce que, si cela s'avère nécessaire, cette échéance soit repoussée d'un an en vue d'harmoniser durée des mandats des patronnes et patrons de l'audiovisuel public, plan de financement pluriannuel 2019-2022 et création, à partir de 2021, de la holding, avec une accélération à partir du 1er janvier 2023.

J'en viens aux oeuvres européennes et françaises. C'est un point important pour les diffuseurs, pour les producteurs et pour les auteurs. Dans notre esprit, il ne revient ni à la loi ni au décret de fixer la répartition entre oeuvres européennes et oeuvres françaises. Cette question fera l'objet des conventions avec l'ARCOM et des accords professionnels, conformément à la logique de cette réforme. Je ne suis cependant pas opposé à ce que nous en discutions si nécessaire.

Sur les quotas radiophoniques de chanson française, ne nous mentons pas : ils sont au coeur de la réussite de la scène française, qui est extrêmement dynamique. Un tel résultat doit être porté au crédit du volontarisme du Parlement et des gouvernements successifs. Nous devons en être fiers. Il ne faut pas que, par souci de simplification, cet outil fondamental au service de la création musicale française soit remis en question.

Je connais le travail exceptionnel accompli tant par Florence Provendier que par Michèle Victory sur la modernisation de ces quotas. Regardons donc ce qu'il est possible de faire dans le cadre du projet de loi, en lien avec le régulateur qui dispose de leviers pour les faire éventuellement évoluer en concertation avec les acteurs du monde de la musique et des radios. Plus le consensus sera grand, plus nous réussirons à inscrire ces quotas dans le temps long, et plus leurs effets bénéfiques perdureront. Je me tiens néanmoins à votre disposition pour avancer sur ce point.

Enfin, Béatrice Piron a évoqué l'accès le plus large possible aux différents contenus de service public, qui fait l'objet de la transposition de l'article 7 bis de la directive SMA.

La loi du 30 septembre 1986 comporte plusieurs dispositions qui contribuent déjà à assurer une visibilité appropriée aux contenus qualifiés d'intérêt général – le must-carry du service public, ou l'obligation de reprise de la numérotation logique de la TNT.

Il est vrai cependant, les médias et leurs modes de consommation ayant évolué, qu'il est important d'adapter ces dispositifs. Sont ainsi apparus des intermédiaires entre les éditeurs de services et leurs publics, et de nouveaux gardiens d'accès, comme les fabricants de terminaux, les magasins d'application et les assistants vocaux, qui compliquent, voire restreignent, l'accès aux contenus d'intérêt général. Ces contenus pâtissent en outre d'un risque de dilution au sein d'une offre toujours plus pléthorique.

Cet article 7 bis offre, certes, une perspective intéressante, mais il pose de nombreuses questions : les catégories de services ou de contenus mises en avant, les modalités de mise en avant, les catégories soumises à des obligations, la nature de ces obligations… Nous travaillons à la définition des modalités de la transposition, en lien avec les diffuseurs de service public ; une réunion a encore eu lieu lundi dernier. Je vous propose, madame Piron, de vous associer à cette réflexion afin que vos remarques, tout à fait justifiées, puissent être prises en compte sous la forme de propositions rédigées avant la séance.

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Mes chers collègues, nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

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Soutenir la richesse et la diversité de l'exception culturelle française, protéger tous les publics au milieu du raz-de-marée déclenché par internet, réaffirmer le rôle de notre audiovisuel public en lui donnant les moyens de s'adapter aux nouveaux médias, tout en préservant la confiance que nous lui accordons, c'est ce qu'ambitionne le projet de loi que nous allons examiner. Il s'agit, d'une part, d'assurer notre souveraineté culturelle dans un monde connecté où le temps s'accélère et, d'autre part, de garantir sur tous nos territoires, qu'ils soient ultramarins, urbains ou ruraux, l'accès à des contenus de qualité, tout en veillant aux excès négatifs du numérique.

Ce texte répond à une profonde transformation des usages qui s'ajoutent les uns aux autres, conséquence d'une série d'innovations technologiques qui a rebattu les cartes dans le monde de l'audiovisuel. L'arrivée d'internet dans le paysage culturel va bien au-delà d'un affrontement sans précédent entre médias : elle marque une révolution qui bouleverse toute la chaîne de valeur des industries culturelles héritées du XXe siècle, de l'auteur à l'exploitant de salles de cinéma en passant par le producteur, le réalisateur et le diffuseur.

En quelques années, notre accès à l'information, aux oeuvres, aux contenus sportifs, à la radio comme à la musique, s'est significativement modifié. D'un usage linéaire et encadré, nous avons basculé dans une consommation débridée qui souvent frise l'addiction. Dans ces conditions, comment affirmer la supériorité du droit patrimonial sur la liberté individuelle en ligne, dont la facilité est souvent le moteur ? Comment faire face aux logiques strictement marchandes grâce à une approche fondée sur la défense de la création et du pluralisme, et une conception ambitieuse du droit d'auteur ?

L'Union européenne, par l'adoption de la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) et de la directive sur le droit d'auteur, nous enjoint de répondre à la nécessité de soutenir et dynamiser le développement de la création grâce à une adaptation de la réglementation au numérique. Cela passe également par une réforme du régime de contribution au financement de la création et à son extension aux services non établis en France ciblant le territoire français, et par une protection du droit d'auteur dans les contrats de production cinématographique et audiovisuelle. Les acteurs traditionnels de l'audiovisuel bénéficieront en outre d'un assouplissement des règles de publicité et d'une modernisation des technologies de diffusion, afin qu'ils puissent adapter au mieux leurs modèles économiques et leurs offres face aux plateformes numériques.

Si l'audio ne figure pas encore à part entière dans ce texte, je ne doute pas que les recommandations de la mission flash que j'ai réalisée avec ma collègue Michèle Victory permettront de renforcer la place de la radio, média préféré des Français, tout en intégrant dans nos réflexions la place des plateformes de streaming musical et de podcast.

Pour assurer une régulation à la hauteur de ces nouveaux enjeux, le CSA et la HADOPI fusionneront pour donner le jour à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Les missions de l'ARCOM seront déterminantes dans la protection des publics, le suivi des obligations des acteurs de l'audiovisuel et la lutte contre le piratage des oeuvres. Sur ce dernier point, nous veillerons à renforcer les différents dispositifs, de la réponse graduée au blocage des sites pirates, afin d'endiguer un phénomène qui est l'origine d'un énorme manque à gagner pour l'audiovisuel – plus d'un milliard d'euros en 2018 – et spolie le secteur sportif. La nouvelle autorité administrative indépendante devra être suffisamment agile pour adapter sa régulation aux technologies qui verront le jour dans une France couverte par la 5G et dans laquelle les objets connectés seront généralisés.

Enfin, si nous voulons que notre volonté de proposer une offre alternative indépendante et innovante, mais aussi adaptée aux nouveaux médias, soit dotée de moyens suffisants, il nous faut un service public fort : ce sera le rôle de la nouvelle grande maison de l'audiovisuel public, France Médias, qui réunira en son sein France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA. L'enjeu est de taille pour notre cohésion sociale ; nous veillerons par nos amendements à ce que le service public continue à exercer son rôle auprès des citoyens, notamment des enfants.

Monsieur le ministre, à l'heure du dérèglement médiatique, comment nous assurer que l'ambition de ce texte en faveur de notre souveraineté culturelle sera suffisante pour la protection de notre démocratie ?

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Nous nous réjouissons d'entamer l'examen de ce projet de loi en dépit d'un calendrier législatif qui reste contraint et qui, pour cause de réforme des retraites, ne lui donne pas vraiment toute la visibilité qu'il mérite. C'est dommage, car il s'agit d'un texte profondément structurant pour le cadre légal du paysage audiovisuel français, propre à réaffirmer notre souveraineté culturelle.

Monsieur le ministre, vous nous proposez aujourd'hui un texte dense, parfois extrêmement technique, sur lequel j'espère que nous pourrons travailler dans un climat serein. Il y va du respect de nos objectifs communs pour cette réforme : renforcer le dynamisme économique du secteur en favorisant l'émergence de champions nationaux, mais aussi adapter la régulation de la filière. Ce texte était attendu depuis plusieurs années, car le paysage audiovisuel français s'est profondément transformé depuis plus de trente ans. La loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication n'est plus adaptée aux enjeux de la télévision de demain. L'offre hertzienne traditionnelle a explosé : avec la TNT, 97 % de la population a désormais accès à vingt-sept chaînes gratuites. Pour ce qui est de la radio, les auditeurs ont accès à 850 stations. En parallèle, de nouveaux usages sont apparus, privilégiant notamment les vidéos consommées sur smartphone ou tablette, au détriment des émissions diffusées sur les chaînes traditionnelles.

Ces fortes mutations impliquent des mesures tout aussi fortes. De ce point de vue, le projet de loi va dans le bon sens en créant un nouveau dispositif de financement de la production française, qui s'imposera aux acteurs étrangers pour soutenir la création. Il permettra de diffuser davantage de films à la télévision, d'assouplir les règles publicitaires, de fusionner le CSA et la HADOPI au sein de d'une agence unique, l'ARCOM, et enfin de mettre en place une nouvelle forme de gouvernance pour l'audiovisuel public, avec la création d'une holding.

Le groupe Les Républicains soutient cette ambition globale. Nous saluons d'ores et déjà certaines mesures qui vont dans le bon sens, et nous proposerons évidemment quelques amendements pour améliorer ce texte, notamment sur les questions de piratage des retransmissions sportives, ou pour clarifier les missions de l'ARCOM. Nous serons également au rendez-vous pour souligner certains manquements ou insuffisances, par exemple sur les questions de financement. Ne perdons pas de vue que le modèle d'une « BBC à la française », dont la création est invoquée à l'envi, a cependant un coût : d'après le rapport du sénateur Karoutchi sur les crédits « Médias, livre et industries culturelles » du PLF pour 2020, la redevance audiovisuelle atteint 166 millions d'euros au Royaume-Uni, où elle prend la forme d'un impôt universel sans condition de possession d'un téléviseur. Quel sera en France l'avenir de la redevance, et avec quelle incidence sur le budget des Français ?

Il convient de donner à la nouvelle société France Médias toute l'ambition qu'elle mérite, notamment pour développer son influence internationale à l'heure où les grandes puissances comme les États-Unis, la Russie ou la Chine, mais aussi nos voisins allemands, développent leur soft power, c'est-à-dire leur capacité d'influence. Ces pays déploient des moyens très importants : ainsi, le BBC World Service, soutenu par le ministère des affaires étrangères britannique, bénéficie d'une dotation annuelle de 282 millions d'euros et revendique 319 millions de contacts hebdomadaires. De notre côté, aurons-nous les moyens de nos ambitions ?

Envisagez-vous d'introduire, par l'intermédiaire de ce texte, une modification de la rémunération du streaming musical en ayant recours au user-centric, alors que ce dispositif est loin de faire l'unanimité dans le secteur et qu'il n'a, pour l'instant, donné lieu à aucune étude d'impact ? Pour ce qui est de la lutte contre le piratage – sujet auquel Les Républicains portent une attention particulière –, la question des sanctions à appliquer aux sites contrevenants est évidemment importante, mais qu'en est-il des usagers et de la réponse graduée pouvant leur être adressée en cas de piratage, étant précisé que cette question est indissociable de celle de la chronologie des médias ?

Comme vous le voyez, monsieur le ministre, quelques interrogations subsistent, et j'espère que les discussions à venir nous permettront d'y répondre.

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Ce texte est le résultat d'un constat, mais aussi d'une très grande ambition. Le monde de l'audiovisuel, déjà bouleversé par les progrès technologiques, va l'être encore plus dans les années qui viennent. Netflix, Amazon, YouTube, ces acteurs étaient encore inconnus dans le domaine de l'audiovisuel il y a dix ans, et même il y a cinq ans. Les équilibres industriels et culturels ont été bouleversés par l'émergence de géants aujourd'hui américains, mais demain japonais ou chinois, et remis en cause par de nouvelles pratiques – streaming, vidéo à la demande, usage accru des smartphones.

Monsieur le ministre, il était temps de mettre à la loi à niveau, et je vous remercie de le faire aujourd'hui, mais aussi de poser les mêmes règles de concurrence pour tous. Face aux mutations en cours, plusieurs enjeux se présentent à nous.

Comment définir les moyens de soutenir les acteurs français et la dynamique actuelle dans notre pays, non seulement pour faire face à la concurrence des géants américains, mais aussi pour créer nos propres champions industriels, et favoriser les ambitions et le rayonnement de nos acteurs français et francophones ?

Comment imposer un cadre réglementaire à tous, notamment à des nouveaux champions étrangers qui ont toutes les armes de contournement juridique à leur disposition ?

Comment faire rentrer les acteurs émergents dans une logique de solidarité avec tous les créateurs et toute l'industrie culturelle, conformément à l'esprit de nos lois européennes ?

Enfin, comment organiser structurellement une régulation qui soit suffisamment souple pour s'adapter aux progrès du numérique, donc aux usages des consommateurs, mais suffisamment robuste pour contrôler et sanctionner les pratiques des géants du numérique ?

Ce texte de loi apporte des avancées indispensables mais aussi extrêmement prometteuses, par exemple la modernisation et la simplification du régime de contribution à la production des oeuvres par les éditeurs de services. La transposition de la directive sur le droit d'auteur est une étape importante, que le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés avait anticipée en déposant une proposition de loi sur les droits voisins. Les outils proposés sont indispensables pour l'avenir des auteurs et des éditeurs dans notre pays, la France a été pionnière en ce domaine ; il faut préserver ce modèle.

Parmi les autres avancées, on peut citer la création de la holding France Médias – un progrès essentiel – ainsi que la fusion du CSA et de la HADOPI. La dimension sociétale et sociale de l'audiovisuel n'est pas non plus ignorée, et la protection des publics est plus que jamais d'actualité. Enfin, nous sommes heureux de constater les avancées apportées par le texte en matière de lutte contre le piratage.

Monsieur le ministre, vous nous avez appelés à être ambitieux, mais également contributifs. C'est avec un grand plaisir que les députés de notre groupe se sont efforcés de répondre à votre attente ; nous souhaitons maintenant aller plus loin dans la réorganisation et la régulation en réfléchissant à un meilleur travail en commun entre la future ARCOM et l'ARCEP, à une collaboration plus étroite entre l'ARCOM et la CNIL, ou encore entre l'ARCEP et la CNIL. Dans un monde où les différences entre contenus régulés et contenus non régulés, entre services linéaires et services non linéaires, entre audiovisuel et télécommunications, entre éditeurs, distributeurs et hébergeurs s'effacent, pourquoi maintenir plusieurs régulateurs dont l'existence ne se justifie plus par ces différences ? Nous proposons pour notre part d'aller plus loin dans l'intégration – entre l'ARCOM et l'ARCEP, par exemple.

Nous serons également très vigilants à ne pas déséquilibrer notre industrie culturelle par des normes superfétatoires ou démesurément protectrices. Nous proposerons également des mesures pour rendre notre audiovisuel extérieur plus fort et plus visible dans l'espace national. L'audiovisuel extérieur doit être mieux considéré et mieux financé pour constituer la clé de voûte de notre souveraineté culturelle. Nous avons également besoin de montrer ici, dans notre espace franco-français, l'importance et la puissance du rayonnement de la France à l'international. À cet égard, je voulais rendre hommage au travail de la commission des affaires étrangères, que vient d'évoquer notre collègue Portarrieu, et saluer mon collègue Frédéric Petit.

Enfin, pour que le cadre légal et les régulateurs ne soient jamais pris de vitesse par la rapidité des progrès du numérique et le bouleversement des pratiques, nous proposerons, à l'instar de ce qui a été voté dans le cadre de la loi bioéthique, une clause de révision du titre II, qui obligera le Parlement à réexaminer ultérieurement l'encadrement mis en place aujourd'hui et qui, tôt ou tard, deviendra probablement obsolète.

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C'est peu de dire que ce projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et la souveraineté culturelle à l'ère du numérique, après plusieurs années de tergiversations, était attendu, tant le paysage des médias se trouve confronté à un bouleversement profond des usages, des acteurs et des technologies. Cela étant, nous devons dire notre déception de constater que le Parlement sera à nouveau enjambé, dans la mesure où plusieurs mesures d'importance faisant l'objet de décrets auront été décidées avant même que ne commence notre débat.

L'adaptation de notre modèle audiovisuel au nouvel environnement concurrentiel mondial et aux nouveaux usages est un objectif que nous partageons sur les principes, mais pas sur les moyens. Si le groupe Socialistes et apparentés se satisfait des mesures annoncées pour faire contribuer les plateformes à la création française, encore faut-il s'assurer que le dispositif garantisse une contribution substantielle, basée sur un mécanisme transparent, et qu'il résolve les asymétries de régulation. Pour l'instant, le flou persiste sur ce point, et le taux de la contribution sera décidé sans l'intervention du Parlement.

De même, l'association des auteurs aux accords entre producteurs et diffuseurs est une avancée pour laquelle notre groupe politique s'est toujours battu. Cependant, nous déplorons une fois de plus que les décrets soient pris avant le vote de la loi. Enfin, pour ce qui est de la lutte contre le piratage, la fusion de la HADOPI et du CSA va dans le bon sens. Je rappelle que les députés socialistes ont, pour leur part, toujours été opposés à la sanction des particuliers : la lutte contre le piratage doit principalement viser ceux qui en font commerce.

Cela dit, ce ne sont pas tant les mesures et les principes qui sont dans votre texte qui nous posent problème que ceux qui en sont absents. Le véritable point noir tient à votre conception de l'audiovisuel public : nous ne nous retrouvons absolument pas dans la dérégulation des acteurs traditionnels que vous organisez pour y introduire les plateformes et renoncer ainsi à toute ambition culturelle. Depuis plusieurs années, la logique comptable du « faire plus avec moins » est devenue la règle de gestion, ce qui procède d'une idée du service public qui n'est pas la nôtre.

Face à l'ambition que vous souhaitez développer, la question du financement de l'audiovisuel n'est pas pérennisée et continue à être soumise aux aléas et aux baisses successives des projets de loi de finances. La question de l'avenir de la redevance, adossée à une taxe d'habitation en voie de disparition, n'est pas non plus évoquée dans votre projet de loi, alors qu'il s'agit d'un enjeu essentiel. De même, si nous ne sommes pas fondamentalement opposés à la réunion des différentes sociétés au sein de France Médias, nous refusons que la création de la holding soit le prétexte à une baisse des budgets au détriment d'un service de qualité et de proximité à vocation éducative. De plus, nous craignons les menaces qui pèseront sur son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique au regard du mode de gouvernance prévu.

Nous déplorons également que la radio soit la grande oubliée de votre texte, en particulier Radio France, mise en difficulté par la baisse continuelle de ses moyens financiers et la réduction de ses effectifs depuis plusieurs années. Nous sommes aussi préoccupés par la conséquence de la publicité segmentée sur la protection des données individuelles, qui ne se trouve plus garantie – vous l'avez vous-même reconnu, monsieur le ministre, lors de votre passage sur France Inter le 13 février dernier. Ces libertés individuelles sont un principe, elles ne sauraient être bradées.

Ce projet de loi aurait pu être l'occasion de défendre un service public fort, indépendant et de qualité, destiné à remplir pleinement ses missions d'intérêt général ; cela risque de rester une occasion manquée. C'est pourquoi nous serons très attentifs, lors de nos débats, aux réponses que vous et votre majorité apporterez à nos propositions.

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Après avoir conduit en 2018, avec Aurore Bergé, la mission d'information sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l'ère numérique, je me réjouis d'aborder les débats sur la réforme présentée par le Gouvernement. Ce projet très attendu porte l'ambition d'adapter les règles applicables au secteur de l'audiovisuel aux défis de notre temps. Il y a en effet une urgence culturelle, mais aussi une urgence économique, à agir. Ce texte créera les conditions d'une compétition internationale dans laquelle les règles du jeu entre les concurrents seront moins déséquilibrées. Je suis convaincu de nos atouts, de nos talents, de la créativité française et de son ouverture au monde. Afin de préserver notre modèle d'exception culturelle, il est essentiel de permettre un partage juste et équitable de la valeur créée ; nous y sommes particulièrement attachés.

De ce point de vue, ce texte est d'une réelle richesse : en transposant les directives SMA et droits d'auteur, les mesures qu'il prévoit vont permettre un meilleur partage de la valeur produite, et assurer une plus grande protection des auteurs et des artistes interprètes. Ces mesures témoignent de notre besoin d'Europe dans cette compétition mondialisée. La France possède à cet égard un temps d'avance ; c'est donc une responsabilité d'autant plus importante que nous avons avec ce texte car, partout dans le monde, notre modèle est observé et envié.

Concrètement, le texte consacre un régime de responsabilité spécifique, opposable aux fournisseurs de partage de contenus en ligne, soumettant à autorisation l'acte d'exploitation. Parmi les autres principes qu'il introduit, on peut citer celui d'une rémunération proportionnelle au profit des artistes interprètes, celui du réajustement de la rémunération prévue au contrat, un droit de résiliation ou encore une obligation de reddition des comptes annuels. Nous soutenons ces principes qui participent d'une meilleure protection des auteurs et des artistes interprètes, et nous proposerons une série d'amendements relatifs au partage de la valeur, afin d'enrichir le texte en ce sens.

Protéger les oeuvres et leurs ayants droit, c'est aussi lutter contre le piratage, un domaine où les usages sont divers et évoluent extrêmement vite. Qui peut dire quelle forme prendra le piratage dans deux, cinq, dix ou quinze ans ? À cet égard, la retransmission des manifestations sportives constitue un exemple typique. Sur les quatre premiers mois de l'année 2018, on a recensé 11 millions d'utilisateurs de sites de visionnage en streaming. La valeur engendrée par la retransmission a une durée de vie particulièrement courte, car elle prend fin en même temps que la retransmission sportive.

Une juste et équitable répartition des richesses passe également par une lutte forte et intransigeante contre le piratage. Pour réguler le secteur de l'audiovisuel, il est prévu de créer l'ARCOM, fruit de la fusion entre la HADOPI et le CSA. Nous soutenons la création de cette instance nouvelle, et nous exprimons d'ailleurs régulièrement en faveur de la rationalisation des autorités publiques et d'un renforcement des prérogatives du CSA. Par ailleurs, notre groupe proposera des amendements afin d'affiner les relations entre l'ARCOM et l'ARCEP, comme l'ont dit tout à l'heure certains de nos collègues.

Pour ce qui est de l'audiovisuel public, nous vous présenterons plusieurs amendements afin d'enrichir le texte, notamment en faveur de l'outre-mer. La suppression de France Ô est un enjeu pour nos territoires ultramarins car, en dehors de cette chaîne, les outre-mer ne représentent que 0,3 % des programmes de l'audiovisuel public. À l'heure de la disparition programmée de France 4, nous serons également vigilants sur le soutien à la filière des films d'animation.

Conscients de l'enjeu fondamental de ce texte pour notre souveraineté culturelle et convaincus des atouts de notre pays pour rayonner à l'international, nous vous soutenons pleinement, monsieur le ministre, pour moderniser notre modèle à l'ère du numérique.

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L'objectif affiché par le Gouvernement au travers de ce projet de loi est l'adaptation de la loi du 30 septembre 1986 aux mutations, notamment numériques, du secteur audiovisuel. Le texte de 1986 était en réalité très précurseur, puisqu'il instaurait le principe des obligations d'investissement et d'exposition des oeuvres, repris depuis au niveau européen, en un combat transpartisan mené depuis trente ans. Notre groupe accueille donc favorablement la transposition de la nouvelle directive sur les droits d'auteur et de la nouvelle directive SMA, qui autorise à déroger au droit du pays d'origine pour l'application des obligations d'investissement, permettant ainsi au pays de destination du service de reprendre le contrôle.

La réduction des asymétries entre les différents acteurs, quels qu'ils soient, est essentielle, et il faut faire preuve de beaucoup d'humilité et de méthode pour y parvenir. C'est à ce titre que nous nous interrogeons sur la méthode utilisée pour la réforme du régime de contribution des éditeurs de services à la production d'oeuvres, telle qu'envisagée à l'article 1er. En effet, dans la pratique, et contrairement à ce qui est prévu dans le projet de loi, vous imposez aux acteurs de négocier entre eux dès aujourd'hui, avant même le vote de la loi et l'adoption du décret cadre. Vous demandez ainsi aux acteurs de négocier sans base légale et en indiquant que tous les paramètres peuvent changer. Par ailleurs, la notion de décret supplétif, qui ne figure pourtant pas dans le projet de loi, a été inventée et présentée aux acteurs pour les obliger à négocier, ce qui a eu pour principale conséquence, comme vous le savez, de bloquer toute avancée.

Vous proposez ensuite dans le projet de loi une homologation par vos soins des accords interprofessionnels comme garantie de leur propre équilibre et de celui du secteur, et de cantonner la future ARCOM dans un rôle très réduit, celui d'une quasi-chambre d'enregistrement des désaccords, maintenant ainsi ce qui était à l'origine du blocage du système actuel. Nous aurons l'occasion de faire des propositions pour rendre le chemin praticable, notamment en renforçant les pouvoirs du futur organe de régulation que sera l'ARCOM, seul garant à nos yeux de l'équilibre des accords ou du bon niveau de régulation en l'absence d'accord.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit de fusionner le CSA et la HADOPI au sein d'un organe unique, l'ARCOM. Ce nouveau régulateur unique se verra confier de nouvelles missions et sera chargé de la régulation des plateformes en ligne, de la lutte contre le piratage, contre les fausses informations et les contenus haineux ; reste à savoir si l'ARCOM disposera des moyens humains et financiers suffisants pour mener à bien ses missions.

Nous proposerons également de donner la possibilité aux différentes autorités de régulation de mutualiser et coordonner leurs travaux pour accroître leur efficacité, et en toute indépendance, contrairement à ce qui est prévu à l'article 6 du projet de loi. Notre groupe proposera aussi des amendements visant à rendre la lutte contre le piratage praticable, en vérifiant la faisabilité des mesures techniques.

La troisième partie du texte transforme la gouvernance de l'audiovisuel public en regroupant les principales entreprises de l'audiovisuel public au sein de France Médias. Mais tel qu'il est rédigé, le projet de loi n'offre aucune garantie en matière de pérennité et d'indépendance de notre service public. Pour ce qui est de l'indépendance, les conditions de la nomination de la présidente ou du président de la holding avec toutes les compétences dont cette autorité serait investie, ainsi que les conditions de gouvernance de la holding, marquent un très net recul démocratique : tous les garde-fous ont été supprimés. Pour ce qui est de la transparence, de l'évaluation et du contrôle, aucun outil ne nous est proposé, mais nous ferons des propositions en ce sens.

En ce qui concerne le financement, qui garantit la qualité, l'indépendance et la pérennité du service public, le texte n'affiche aucune perspective concrète relative à la réforme de la contribution à l'audiovisuel public (CAP). Il nous a été confirmé récemment que, s'il devait y avoir une réforme de la CAP, elle n'aurait de toute façon lieu qu'à l'extinction totale de la taxe d'habitation, prévue pour fin 2022, donc seulement dans le cadre du PLF pour 2023, autrement dit au cours de la prochaine législature – et Mme la rapporteure vient de proposer que la répartition au sein de la holding ne soit, elle aussi, définie qu'après les élections.

Enfin, le projet de loi présenté comme adaptant la régulation au monde d'aujourd'hui et de demain fait l'impasse sur plusieurs sujets majeurs : l'absence de prise en compte de l'OTT (over-the-top service), autrement dit la distribution sur internet ouvert, qui représente une part croissante de la distribution, et va de ce fait échapper au contrôle des autorités de régulation, comme l'a d'ailleurs reconnu le président du CSA ; l'absence de prise en compte des fabricants de terminaux connectés à internet, qui agissent de plus en plus comme des distributeurs et qui ne seront pas non plus dans le champ de la régulation. Enfin, il conviendra de protéger les contenus radio et de mettre à jour pour cela le code de la propriété intellectuelle – nous ferons des propositions en ce sens.

Enfin, nous aurons évidemment l'occasion de revenir sur la suppression des canaux hertziens affectés à la chaîne pour enfants et au monde ultramarin.

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Monsieur le ministre, votre projet de loi sert votre objectif de libéralisation économique du secteur audiovisuel public comme privé. Les publicitaires et les financiers jubilent : vous leur accordez ce qu'ils réclamaient depuis longtemps, à savoir le recours au placement de produit, la publicité sur écran partagé pendant les retransmissions des manifestations sportives, ou encore une troisième coupure publicitaire pour les films d'une durée supérieure à deux heures.

La loi interdisait jusqu'à présent la diffusion de films certains jours pour inciter les téléspectateurs à se rendre au cinéma. Cette mesure, qui visait à l'origine à atténuer la pression concurrentielle de la télévision sur le cinéma, a contribué à permettre le développement du septième art dans notre pays. Si votre projet de loi venait à être adopté, cette grille horaire de programmation des oeuvres cinématographiques n'existerait plus, et cela aurait les conséquences que je vous laisse imaginer.

Votre texte ne garantit en aucun cas la liberté d'expression, pourtant fondamentale et indispensable au bon fonctionnement de notre République. Vous vous appuyez sur un système extra-judiciaire pour régler les différends entre les plateformes de vidéos en ligne et leurs utilisateurs. La future ARCOM se verra confier des pouvoirs dont l'exercice devrait normalement être confié à un juge judiciaire. L'utilisation de systèmes de filtrage automatisé par les plateformes Facebook, Twitter, YouTube et consorts ne préserve absolument pas la liberté d'expression sur internet, et ne prémunit en rien contre les risques de censure auxquels sont exposés nos concitoyennes et nos concitoyens.

De plus, la transposition de la directive SMA entérine la méthodologie de contrôle des publications par les plateformes, faisant d'internet un lieu de surveillance généralisée. Dans l'article 59 de votre projet, vous créez une holding France Médias, regroupant France Télévisions, France Médias Monde, l'INA et Radio France. Vous réinventez l'ORTF, une ORTF 2.0 peut-être, mais qui ne sera jamais qu'une sous-BBC à la française, sans moyens pérennes et sans garanties d'indépendance, ce qui va à l'encontre de la mission initiale du service public de l'audiovisuel. La composition de son conseil d'administration et la nomination de son président par le chef de l'État inscriront dans les faits la dépendance de cette entité vis-à-vis du pouvoir en place.

Par la création de ce centralisme médiatique, vous mettez fin à la pluralité d'expression qui faisait de notre service public le reflet des spécificités de nos territoires et de la complexité des centres d'intérêt des Françaises et des Français. J'en veux pour preuve le fait que la musique, en tant que mission de service public, disparaît des attributions de France Médias, alors que les prérogatives de Radio France la mentionnaient. Ce projet de destruction du service public audiovisuel est accompagné par les actuelles directions de ces médias, pour lesquels la variable d'ajustement à vos injonctions réside immanquablement dans la masse salariale. Votre texte entérine la feuille de route de la Commission européenne, qui impose l'autorégulation des acteurs du marché audiovisuel, au détriment, bien entendu, de l'action publique.

La France insoumise entend proposer une alternative à votre projet destructeur. En effet, l'État doit investir dans l'audiovisuel en valorisant la création culturelle, le pluralisme démocratique et la diversité. Nous devons par ailleurs garantir la liberté d'expression sur internet en interdisant la surveillance généralisée, en rendant obligatoire une intervention humaine avant tout blocage de contenu et en sanctionnant les plateformes qui pratiquent outrageusement la censure. Nous proposerons d'imposer l'interopérabilité pour contrecarrer le monopole des géants d'internet. Enfin, l'ARCOM doit voir ses compétences redéfinies : les litiges relevant de la liberté d'expression doivent être confiés à l'autorité juridictionnelle. Nous proposerons donc, par voie d'amendement, la création d'un service public judiciaire dédié et la création d'un Conseil national des médias, véritable contre-pouvoir citoyen qui garantira le pluralisme des opinions et des supports d'information.

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Monsieur le ministre, ce n'est pas parce que ce texte est long qu'il est historique ou révolutionnaire. Non seulement il souffre de nombreux manques, mais il parachève une suite de coupes budgétaires, décidées lors des projets de loi de finances successifs, qui ont fragilisé le secteur public de l'audiovisuel, notamment en supprimant certaines chaînes : depuis 2012, l'effectif total de France Télévisions aura diminué d'un peu plus de 6 %.

En somme, on peut s'interroger sur la raison d'être de la future holding. À quoi servira-t-elle, en effet, sinon à poursuivre la diminution et la rationalisation des moyens ? On peine, du reste, à savoir comment elle sera financée : le sera-t-elle sur le budget de l'audiovisuel ? À ce propos, j'observe que la question de la redevance audiovisuelle n'est pas abordée. Or, celle-ci doit être réformée, car son assiette est devenue obsolète et la taxe d'habitation à laquelle elle était adossée va disparaître. Ce projet de loi aurait pu être l'occasion de penser un nouvel impôt, plus juste et d'un meilleur rapport.

Sous de nombreux aspects, ce projet s'apparente à une sorte de reprise en main. Je pense notamment à la présence, au sein des conseils d'administration, d'un commissaire du Gouvernement, dont nous aimerions connaître le rôle exact. Quant aux missions confiées à la holding, elles ne nous paraissent pas suffisamment étayées et ne reflètent pas correctement le triptyque « informer, éduquer, distraire » du service public de l'audiovisuel : ainsi la notion de divertissement y est à peine effleurée. Or le service public de l'audiovisuel doit avoir pour mission de proposer des divertissements populaires de qualité, qui ne doivent pas être l'apanage du secteur privé. De plus, la notion de proximité est assez peu affirmée, même si je vous ai entendu la défendre, monsieur le ministre. J'ajoute que la suppression de France Ô met sévèrement à mal la représentation des citoyens et citoyennes ultramarins sur nos chaînes publiques. Ce texte aurait pu être l'occasion de traduire en actes les engagements pris dans le pacte de visibilité des outre-mer.

En définitive, nous avons le sentiment que les grands gagnants de ce projet de loi sont davantage les publicitaires que l'audiovisuel public. De fait, au prétexte de garantir la loyauté de la concurrence avec les plateformes, vous saturez l'espace médiatique de réclames en tous genres. Le groupe GDR s'oppose à l'envahissement progressif de l'espace public et des médias par la publicité, qui influence les comportements, sert les intérêts des grandes entreprises et qui est très souvent éloignée des besoins réels des citoyens et des citoyennes. Votre projet de loi autorise ainsi une troisième coupure publicitaire des films ; pis, vous permettez la diffusion de publicités dans un coin d'écran lors de la retransmission d'un événement sportif, en affirmant que cette pratique s'émancipera complètement de la durée réglementaire qui s'applique en la matière. Vous maintenez également la possibilité de diffuser des publicités durant les programmes réservés à la jeunesse sur les chaînes privées. Tout en affirmant protéger les mineurs, considérés comme un public fragile, vous autorisez le développement du placement de produits qui, dans les jeux et divertissements, aura pour première cible les enfants, qui représentent la majorité de l'audience de ce type de programmes.

J'espère que l'examen du texte nous permettra de modifier ces dispositions. En tout cas, à cette heure, le groupe GDR est plutôt opposé au projet de loi.

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Monsieur le ministre, ma question a trait à la suppression de France 4, prévue cette année. La volonté de développer une offre numérique de substitution se heurte aux carences actuelles de la couverture numérique du territoire national. Dans nos territoires ruraux, notamment, cette couverture est en cours de déploiement et demeure partielle – mais je vous sais attentif à cette question.

Néanmoins, vous avez pris en compte notre demande que soit garanti, voire renforcé l'accès des jeunes à l'ensemble des programmes « animation et jeunesse », pour garantir la visibilité et l'exposition des oeuvres d'animation et préserver les investissements dans ce secteur particulièrement dynamique en France.

Enfin, s'agissant des missions de l'audiovisuel public, vous avez proposé un pacte « animation et jeunesse » sur le modèle du pacte de visibilité des outre-mer. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ses objectifs, la méthode et le calendrier prévu ?

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En France, les différents acteurs du secteur audiovisuel sont particulièrement attachés à la notion de rémunération proportionnelle. Le texte maintient la disposition du code de la propriété intellectuelle préexistant à la directive européenne, en prévoyant, en cas de difficultés à appliquer la participation proportionnelle aux recettes de la vente et de l'exploitation, le recours à un forfait. Toutefois, dans la directive européenne, les termes de « rémunération proportionnelle » désignent une autre réalité, à savoir une rémunération appropriée et proportionnelle à la valeur économique réelle ou potentielle des droits. La notion de plus-value ajoutée à une oeuvre nous paraît donc excessivement vague. Nous aimerions donc qu'elle soit précisée lors de l'examen du projet de loi.

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Monsieur le ministre, j'aimerais vous interroger sur la notion de distributeur. Cette notion est en effet souvent revenue au cours de mes échanges avec de nombreux acteurs du secteur de l'audiovisuel, que ce soit à propos de l'exposition des contenus d'intérêt général ou de la protection de l'intégrité du signal. Vous paraît-il opportun d'introduire et de définir cette notion dans le projet de loi, non seulement pour traiter la question du must-carry et du must-offer et pour garantir davantage encore l'exposition des contenus et des services d'intérêt général, mais aussi pour appréhender au mieux la question des conflits qui peuvent intervenir entre éditeurs et distributeurs en garantissant la continuité du signal ?

Enfin, vous proposez, sur le modèle du pacte de visibilité ultramarin, un pacte de visibilité autour de la jeunesse et de l'animation. Pourquoi ne pas étendre celui-ci à l'ensemble de l'offre jeunesse et à toutes les sociétés de l'audiovisuel public qui se retrouveront au sein de France Médias ?

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Nous sommes enfin invités à examiner le projet de loi sur l'audiovisuel. Celui-ci était attendu ou craint par les professionnels, puisqu'il va bouleverser les habitudes du paysage audiovisuel français. Pour ma part, je me réjouis de la prise en compte de la multiplicité des éditeurs de services, notamment étrangers, dans le financement de la création française ainsi que de la fusion du CSA et de la HADOPI. Je salue également la transformation de l'audiovisuel public, nécessaire à l'ère numérique.

Si je soutiens la création de la société France Médias, de nombreuses interrogations subsistent, notamment sur votre volonté de faire disparaître France 4, chaîne de qualité destinée à la jeunesse, dont les programmes seraient désormais diffusés sur d'autres chaînes, et ce pour zéro économie ! Alors que l'animation est une filière d'excellence française, selon les mots du CNC, et le premier genre audiovisuel à l'export, n'est-ce pas prendre le risque de réduire les débouchés des métiers de ce secteur, pour lesquels nous sommes reconnus mondialement, et, à terme, de déstabiliser de nombreuses professions ?

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On parle souvent de doter la future ARCOM d'un pouvoir de transaction pénale qui lui permettrait de prononcer directement des sanctions contre ceux de nos concitoyens qui feraient usage de contenus violant le droit d'auteur. Si la lutte contre les violations de ce droit doit être une priorité, dans le projet de loi comme pour le régulateur, il me semble néanmoins qu'une accentuation de la répression des utilisateurs, des internautes, de nos concitoyens, ne fera pas disparaître les contenus illicites des sites frauduleux, puisqu'elle n'empêchera probablement pas des individus de faire héberger des sites à l'étranger et ainsi de faire prospérer leur activité et d'engranger des sommes colossales.

Monsieur le ministre, partagez-vous le constat selon lequel la répression doit se concentrer sur les sites frauduleux plutôt que sur nos concitoyens ? Pourriez-vous nous indiquer quelles sont vos intentions quant à la création éventuelle de nouveaux outils coercitifs contre les utilisateurs, notamment la transaction pénale ?

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La place des femmes dans l'audiovisuel n'est pas ou est trop peu abordée dans le projet de loi. Pourtant, l'image des femmes telle qu'elle est véhiculée par les programmes audiovisuels joue un rôle important dans la lutte contre les inégalités femmes-hommes, qui est en principe la grande cause du quinquennat. Dans son avis sur le projet de loi, le Haut Conseil à l'égalité estime que « les femmes disparaissent aux heures de grande écoute », qu'elles « sont trop souvent cantonnées à des rôles secondaires ou à des sujets dits féminins » et qu'elles « sont encore complètement absentes de certains plateaux ». J'observe, par ailleurs, que le projet de loi est muet sur la mission actuellement dévolue à l'audiovisuel public de mener des actions en faveur des droits des femmes. Alors, je m'interroge : quelles sont, monsieur le ministre, les initiatives que vous envisagez de prendre en la matière dans le cadre de cette réforme de l'audiovisuel ?

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Monsieur le ministre, je veux, tout d'abord, vous remercier d'avoir omis le rapport de la délégation aux outre-mer sur l'audiovisuel… tant cette omission est révélatrice de l'indifférence, voire du mépris que nous subissons. Pour bien vous connaître, je sais que ce n'est pas de votre fait, mais c'est dire à quel point, même ici, nous sommes invisibles ! Pourtant, cette question nous a occupés une année entière.

L'outre-mer, qui n'est mentionnée qu'au dernier alinéa de l'exposé des motifs du projet de loi, ne figure nulle part dans le texte. Êtes-vous favorable à ce que, tous ensemble, nous fassions en sorte que l'importance de la visibilité de l'outre-mer soit reconnue partout dans le texte ? Comment faire de la transformation du service de l'audiovisuel public une opportunité pour les outre-mer ?

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Le sport joue, notamment à travers les grands événements retransmis en direct à la télévision, un rôle fédérateur particulièrement important pour l'ensemble des Français, comme en témoignent les chiffres d'audience élevés de ces programmes. Toutefois, les chaînes de France Télévisions ne sont plus en mesure de diffuser du sport en prime time, faute notamment de pouvoir diffuser de la publicité après vingt heures. La pérennité de la retransmission des événements sportifs sur les chaînes publiques est donc menacée. Ainsi, les droits de diffusion en soirée des rencontres de Roland-Garros ont été récemment gagnés par Amazon aux dépens de France Télévisions.

Pour les Jeux paralympiques de Paris en 2024, la question de l'achat des droits par France Télévisions est en partie liée à la possibilité de diffuser des écrans publicitaires après vingt heures. Le Conseil d'État prône le retour de la publicité en soirée sur les chaînes de France Télévisions, précisément pour permettre « de financer l'achat des droits de retransmission des compétitions ». Aussi peut-on envisager, dans ce domaine, une petite ouverture, encadrée et à titre dérogatoire ?

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Ma question a trait au régime de rémunération des artistes-interprètes, dont il est question à l'article 20. À l'instar de ce qui existe déjà pour les droits d'auteur, cette disposition tend à instaurer, d'une part, le principe d'une rémunération proportionnelle aux recettes issues de l'exploitation et, d'autre part, des dérogations à ce principe permettant, dans un certain nombre de cas énumérés, de recourir à une rémunération évaluée au forfait. Néanmoins, des inquiétudes se sont exprimées ici et là : on craint notamment que l'adoption d'une telle disposition n'entraîne la caducité des accords existants et fragilise les droits des artistes-interprètes. Il conviendrait plutôt d'établir une rémunération en amont, déterminée dans le cadre de conventions collectives soucieuses des préoccupations des uns et des autres et des équilibres financiers ; j'ai déposé un amendement en ce sens. Comment pourrions-nous, selon vous, améliorer la rédaction actuelle du texte sur ce point ?

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Monsieur le ministre, vous avez rappelé la signature, au mois de juillet dernier, du pacte de visibilité des outre-mer visant à compenser la disparition de France Ô. Ce pacte s'est déjà traduit par des mesures concrètes : objectifs chiffrés, indicateurs, comité de suivi… Les engagements pris à ce titre sont inclus dans le cahier des charges de l'entreprise France Télévisions, de sorte que leur respect peut être contrôlé par le CSA, qui deviendra l'ARCOM une fois la loi entrée en vigueur.

Aux termes de l'article 59 du projet de loi, qui prévoit notamment une réécriture de l'article 43, alinéa 12 de la loi du 30 septembre 1986, le cahier des charges, dont le contenu sera fixé par décret, définira les obligations de chacune des sociétés de la nouvelle société mère France Médias. Ce cahier des charges sera-t-il substantiellement modifié et ses dispositions reprendront-elles précisément les engagements actés dans le pacte de visibilité ?

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Monsieur le ministre, pour avoir accompagné la mise en oeuvre du pacte de visibilité des outre-mer de France Télévisions, je sais votre engagement en faveur d'une meilleure représentation de nos concitoyens ultramarins dans l'audiovisuel public, et je m'en félicite, car c'est en donnant à voir l'ensemble des composantes de la société française que l'on refonde notre cohésion sociale.

Ce pacte prévoit des engagements forts en faveur de la présence de programmes ultramarins sur les antennes nationales de France Télévisions, engagements dont on mesure déjà les effets très concrets. Toutefois, quelques interrogations demeurent, notamment sur la mise en valeur des contenus audio produits notamment par les équipes du pôle outre-mer de Malakoff. Dans le cadre de la création de France Médias, plusieurs hypothèses peuvent être évoquées : une meilleure exposition de ces contenus sur les antennes nationales de Radio France, ou encore une revalorisation du rôle de France Ô La Radio, qui pourrait devenir une radio numérique terrestre afin de toucher les diasporas ultramarines, notamment en Île-de-France. Quels sont, selon vous, les moyens de promouvoir la diffusion des programmes audiovisuels ultramarins dans l'Hexagone et de valoriser ainsi ces productions particulièrement riches ?

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Monsieur le ministre, on estime que près de 60 % des mineurs ont eu accès à la pornographie, et ce, dès dix ou onze ans. Or, en 2017, une étude de l'IFOP a montré que la consultation des sites pornographiques par des mineurs augmentait – 51 % en 2017, contre 37 % en 2013 –, à un âge de plus en plus précoce. Plus d'un mineur sur deux considère lui-même qu'il est trop jeune lors de sa première exposition.

L'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que le CSA veille à la protection de l'enfance et de l'adolescence et au respect de la dignité de la personne dans les programmes. Est-il prévu que l'ARCOM reprenne cette mission essentielle du CSA, notamment concernant la lutte contre l'exposition des mineurs à la pornographie ? Comment l'ARCOM pourrait-elle contribuer à une meilleure prévention et à une meilleure information des jeunes sur les risques liés à cette exposition précoce ?

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Monsieur le ministre, je me réjouis que vous ayez réaffirmé votre volonté de renforcer les missions de service public en ce qui concerne notamment l'offre de proximité. Le projet de loi, avez-vous dit, traduit la volonté de rééquilibrer les règles du jeu entre les missions du service public et les plateformes, et c'est heureux. Je souhaiterais que vous réaffirmiez également avec force votre volonté de remettre un peu d'ordre dans le must-carry, c'est-à-dire l'obligation pour les distributeurs de mettre certains services à la disposition de leurs abonnés. J'aurai l'occasion, en séance publique, de souligner les difficultés liées à l'accessibilité des différentes productions locales, notamment sur France 3. Le must-carry permettra-t-il de revoir les règles du jeu applicables aux distributeurs ?

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Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur l'accessibilité. Premièrement, il me paraît nécessaire d'améliorer la traduction en langage des signes de certains programmes d'information diffusés lors des périodes de crise majeure sanitaire, climatique ou sécuritaire. Deuxièmement, la mise en image du traducteur ou de la traductrice des discours ou émissions officielles doit être adaptée, car l'espace qui lui est accordé est souvent limité à la portion congrue, de sorte que sa traduction est totalement illisible. Enfin, l'adoption et la stabilisation, sur toutes les chaînes de l'audiovisuel public, d'un code couleur déjà normé pour les sous-titrages constituerait une réelle avancée. Quelles mesures comptez-vous prendre pour faciliter l'accès à l'information et améliorer l'expérience télévisuelle de nos concitoyens sourds ou malentendants sur les chaînes du service public ?

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Monsieur le ministre, vous avez rappelé notre attachement aux missions du service public audiovisuel, qui comportent notamment l'obligation de diffuser des contenus pédagogiques et éducatifs. Est-il prévu de créer une sorte de poste d'éditorialiste au sein de l'ARCOM ? Par ailleurs, serait-il possible que soient proposés aux adolescents et aux jeunes adultes, qui le demandent de plus en plus, des programmes, notamment des films, en version originale sous-titrée, en espérant que les pays étrangers fassent de même avec les productions françaises ?

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Franck Riester, ministre de la culture

En préambule, je veux dire à ceux d'entre vous qui se demandent si nous parviendrons à réguler les plateformes et à prendre en compte la révolution numérique – je pense notamment à Bruno Fuchs, Sylvie Tolmont et Frédérique Dumas – que la méthode que nous avons retenue consiste à utiliser avec beaucoup de détermination tous les leviers disponibles et, si besoin est, à en créer de nouveaux.

Dans le combat culturel essentiel que nous devons livrer contre l'uniformisation des contenus, pour le maintien de la richesse de la création française et d'une offre diverse et de qualité, nous devons nous mobiliser d'abord au niveau européen. C'est dans ce cadre qu'ont été adoptées la directive sur le droit d'auteur, la directive SMA (Service des médias audiovisuels), la directive CABSAT et bien d'autres. Il nous faut à présent les transposer rapidement, comme l'a souligné Bruno Fuchs, non seulement pour ne pas laisser les acteurs historiques désarmés, mais aussi pour intégrer le plus rapidement possible les nouveaux acteurs dans les dispositifs de financement de la création.

Il nous faut ensuite, au plan national, examiner ce projet de loi. Pour avoir travaillé avec moi sur un certain nombre de textes depuis que je suis ministre, vous savez que je serai à l'écoute de vos différentes contributions – ce qui ne signifie pas, bien entendu, que je serai favorable à tous vos amendements. En tout cas, nous aurons un débat approfondi qui doit nous permettre de bâtir ensemble la meilleure loi possible. Il importe, par ailleurs, que celle-ci soit appliquée rapidement. Puis nous veillerons à ce que les négociations entre professionnels, qui sont susceptibles de changer radicalement la donne, avancent. Nous devons donc définir un cadre ambitieux et structurant, qui laisse néanmoins aux acteurs la souplesse nécessaire pour qu'ils puissent conclure des conventions et affiner ainsi progressivement les différents dispositifs. Cette méthodologie est, à mon avis, la bonne.

J'ai suggéré aux acteurs de commencer à négocier, dans le respect du cadre général. Bien entendu, leurs accords ne seront pas entérinés tant que la loi ne sera pas votée et promulguée et tant que les décrets ne seront pas publiés. Mais on a déjà annoncé quel serait le cadre des décrets et la loi a été présentée, dans ses grandes lignes, dès septembre. Les uns et les autres peuvent donc d'ores et déjà discuter et, le cas échéant, me faire connaître les points sur lesquels une évolution leur semble nécessaire – le travail de l'ambassadeur Sellal est important à cet égard. En tout état de cause, nous devons faire en sorte que les modifications de la loi et de la réglementation, puis les différentes conventions et les accords interviennent le plus rapidement possible.

Mme Tolmont, M. Larive, Mme Faucillon ont dénoncé un texte dont l'objet serait de tout déréguler et de remettre en cause l'ambition culturelle et le système français. C'est une vision un peu noire – ou rouge… – de notre projet. Nous voulons, au contraire, réaffirmer notre ambition. Nous sommes engagés dans un combat culturel majeur qui exige que nous donnions aux acteurs historiques, qui jouent un rôle important dans le financement et la diversité de la création, comme les chaînes de télévision, les moyens de s'adapter et de lutter à armes égales avec les acteurs entrants. Il ne s'agit pas de baisser la garde face à eux ni d'en rabattre sur nos ambitions et nos exigences quant à leur participation au financement de la création ; mais nous devons être équitables, en assouplissant un certain nombre de règles.

Je rappelle qu'en assouplissant les règles applicables à la publicité, nous permettons qu'à volume de publicité égal – car je ne veux pas non plus d'une télévision qui diffuserait sans cesse de la publicité –, celle-ci soit mieux valorisée. C'est bon à la fois pour le modèle économique des chaînes de télévision, qui sont financées par la publicité, et pour le financement de la création, puisqu'en la matière, les obligations sont calculées en fonction du chiffre d'affaires de la publicité. Ainsi, plus le chiffre d'affaires des chaînes privées lié à la publicité est important, plus le financement de la création française et européenne est important. J'ajoute que nous demandons également aux nouveaux acteurs de financer la création, notamment indépendante, en réaffirmant notre vision du droit d'auteur à la française, que ce soit en matière de production déléguée ou de final cut – la décision artistique finale doit revenir aux auteurs, aux réalisateurs, aux scénaristes, et non aux producteurs.

Nous voulons donner à France Télévisions, à Radio France, à l'INA et à France Médias Monde les moyens de s'adapter à la révolution numérique pour qu'ils soient encore plus puissants en matière d'offre audiovisuelle publique, dont on a particulièrement besoin en ce moment, et touchent le maximum de publics dans leur diversité. C'est ce qu'ont fait les patrons de groupes publics européens, que j'ai rencontrés dans le cadre de l'UER : hormis en Suède et en Finlande, ils ont mis en place une offre numérique à 360 °, incluant télé et radio, pour mieux toucher tous les publics dans leur diversité. Ils m'ont assuré que cela permettait de renforcer les missions de service public, grâce aux synergies et aux économies d'échelle. C'est bien là notre ambition ; j'espère vous en convaincre durant les débats et je serai à l'écoute de vos remarques pour pousser plus loin encore cette exigence.

Stéphane Claireaux a souligné à juste titre l'importance de l'accessibilité des programmes aux personnes souffrant de handicap. Lors de la récente conférence nationale, la secrétaire d'État Sophie Cluzel et le Président de la République ont réaffirmé l'ambition du Gouvernement en la matière. L'audiovisuel public joue un rôle particulier et se doit d'être exemplaire. Nous souhaitons étendre les obligations d'accessibilité aux plateformes mais aussi à la télévision de rattrapage – sans doute conviendra-t-il de préciser le texte sur ce point. Nous devons porter une attention particulière à la qualité de l'audiodescription et du sous-titrage, qui pourrait être contrôlée par l'ARCOM. L'accessibilité des contenus audiovisuels, notamment la diffusion des événements majeurs sportifs, culturels ou d'actualité, doit être garantie à tous : nous travaillons sur tous ces dispositifs avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), dont les propositions sont très constructives, et avec le secrétariat d'État. Je demeure à votre disposition pour améliorer encore le texte sur ces différents points.

Raphaël Gérard et Maina Sage m'ont interpellé sur les contenus audiovisuels outre-mer et je m'excuse auprès de cette dernière d'avoir omis de citer son rapport.

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Franck Riester, ministre de la culture

C'est toujours un risque lorsque l'on se lance dans une longue énumération… Et c'est malheureusement tombé sur l'outre-mer. Notez, toutefois, que j'ai cité la contribution importante que vous avez apportée, avec les parlementaires ultramarins, au pacte pour la visibilité des outre-mer, rappelant la nécessité de mettre en avant les contenus, les visages et de faire en sorte que ces contenus soient aussi produits outre-mer. Il existe bien un projet de diffusion de radio Outre-Mer La Première sur le DAB + en Île-de-France – la radio numérique terrestre est une technologie à laquelle je crois beaucoup. Sa faisabilité dépend des ressources hertziennes disponibles et de contraintes techniques sur lesquelles le CSA devrait se prononcer prochainement. En tout état de cause, je ne suis pas opposé à l'idée de préempter les fréquences disponibles pour ce projet qui a beaucoup de sens.

Béatrice Piron, Yannick Kerlogot et Céline Calvez m'ont interrogé sur la notion de « distributeur », propre au droit français, absente du droit européen. Nous n'avons pas voulu avec ce texte bouleverser les règles, car des acteurs locaux, comme Canalsat et Molotov, pourraient se trouver pénalisés par des règles qui ne s'appliqueraient qu'à eux, faute de pouvoir les imposer aux intermédiaires que sont les géants du net, Google, Apple ou Amazon. Le texte comporte néanmoins des avancées, comme la modernisation du règlement des différends, avec des mesures conservatoires, la création d'une instance commune ARCOM-ARCEP, la préservation de l'intégrité du signal. Certains sujets restent sur la table et pourraient faire l'objet d'amendements : je pense à la visibilité des contenus d'intérêt général, à la géolocalisation des box, aux droits voisins des radiodiffuseurs, notamment l'autorisation préalable par les radios de l'utilisation de leurs podcasts. En tout état de cause, j'examinerai vos propositions avec une attention bienveillante, car je pense qu'il faut aller plus loin ; mais veillons à ne pas creuser l'écart de compétitivité entre les distributeurs classiques français, qui obéissent déjà à certaines règles, et les nouveaux intermédiaires, que nous souhaitons réguler davantage au niveau européen.

Yannick Kerlogot a évoqué l'offre de proximité, sujet dont nous aurons l'occasion de reparler, notamment lorsque nous aborderons le rapprochement entre France 3 et France Bleu. Stéphane Testé m'a interrogé sur la possibilité pour le service public de diffuser des écrans publicitaires après 20 heures lors de la retransmission d'épreuves sportives. J'ai déjà donné mon avis sur ce point, mais nous pourrons en discuter à nouveau lors de l'examen des amendements.

Florence Provendier, Pierre-Yves Bournazel, Marie-Ange Magne, Céline Calvez et Brigitte Kuster ont soulevé, à travers la disparition de France 4, la question de l'animation. J'aurai l'occasion de préciser, en commission ou dans l'hémicycle, ce que pourrait être un pacte pour l'animation et la jeunesse, que nous pourrions bâtir ensemble, en lien avec France Télévisions.

Madame Emmanuelle Anthoine, le projet de loi réaffirme que la contribution aux progrès de l'égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre les préjugés sexistes et la lutte contre les violences faites aux femmes font partie des missions fondamentales de l'audiovisuel public. Celui-ci a un devoir d'exemplarité en la matière, aussi bien dans la gestion interne des ressources humaines que dans la représentation des femmes à l'écran. J'ajoute que quatre des six dirigeants de l'audiovisuel public sont des femmes et que de nombreux engagements ont d'ores et déjà été pris.

Mme Elsa Faucillon me semble avoir confondu les rôles de commissaire du Gouvernement et de commissaire politique… Ce sont pourtant deux choses très différentes : le commissaire du Gouvernement est chargé de s'assurer que les missions de service public sont bien exercées. Contrairement à ce qui se passe aujourd'hui à France Télévisions, des représentants du ministère de la culture siégeront au sein du conseil d'administration de la holding mais sans droit de vote ; l'État n'y sera pas majoritaire. Le Conseil d'État l'a rappelé de façon explicite dans son avis.

Monsieur Michel Larive, il n'appartient pas à l'État de se mêler de l'éventuelle création d'un conseil de déontologie. Que les journalistes se saisissent de ce qui existe dans d'autres pays pour améliorer le lien entre les citoyens et la presse, pourquoi pas, mais c'est à eux d'en décider.

Frédérique Dumas a soulevé la question des moyens octroyés à l'ARCOM, dont les nouvelles missions comprennent le contrôle des services étrangers, la régulation des plateformes en ligne, la lutte contre le piratage, les propos haineux et les fausses informations. Des moyens supplémentaires sont d'ores et déjà prévus, dans la suite de la proposition de loi de Laetitia Avia visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, en cours d'examen, et de la loi organique relative à la lutte contre la manipulation de l'information ; les décisions budgétaires seront prises dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, sachant que la fusion du CSA et de la HADOPI permettra d'ores et déjà de dégager des économies sur les ressources supports. Mais au-delà des moyens budgétaires et humains, le présent texte conférera à l'ARCOM des moyens juridiques tels que des pouvoirs d'enquête et d'accès à l'information. En outre, et comme certains d'entre vous l'ont souligné, l'ARCOM devra collaborer avec les autres régulateurs européens, dans la suite des excellentes pratiques actuelles.

Pour ce qui est de l'indépendance de l'ARCOM par rapport au service à compétence nationale pour la régulation du numérique, le texte prévoit toutes les garanties souhaitables. Le fait que l'État organise son administration afin de prendre en considération la force de ces plateformes structurantes va, me semble-t-il, dans le bon sens.

Madame Pételle, la protection des enfants contre les conséquences de l'exposition aux contenus pornographiques doit requérir toute notre attention. C'est une des missions historiques du CSA, mais l'arrivée des nouveaux acteurs et le foisonnement des contenus sur les différents supports nous pousse à aller plus loin. La directive SMA impose aux plateformes de partage de vidéos de mettre en place les mesures appropriées pour protéger les mineurs grâce aux outils de classification des contenus, de vérification d'âge, de contrôle parental. Par ailleurs, la proposition de loi de Bérengère Couillard, visant à protéger les victimes de violences conjugales, contient des mesures nouvelles sur la vérification d'âge : cocher une case « avez-vous plus de 18 ans ? » n'est pas suffisant. L'ARCOM sera chargée d'accompagner par ses recommandations les acteurs et de contrôler les mesures adoptées. Enfin, nous incitons à la signature de protocoles d'engagement sur le contrôle parental.

Ce dernier point fait l'objet d'une collaboration entre le CSA et l'ARCEP. Il faut dire que, du fait de la convergence des contenus, les domaines de la régulation se recouvrent parfois : Bruno Fuchs et Pierre-Yves Bournazel ont évoqué ce problème. Je ne suis pas opposé à ce que le texte aille plus loin, dans la limite de la faisabilité et surtout, de l'indépendance des deux autorités. Nous pourrons en discuter en commission, et au besoin dans l'hémicycle.

Notre ambition pour l'audiovisuel public doit s'accompagner d'un financement à la hauteur de nos exigences. Je le répète, nous souhaitons conserver un financement dédié à l'audiovisuel public. La contribution à l'audiovisuel public, telle qu'elle est définie aujourd'hui, perdurera au moins jusqu'au projet de loi de finances pour 2023. C'est un changement en soi : je sais, pour avoir été député pendant douze ans, que l'on ignore parfois encore ce que seront les financements des missions d'intérêt général quelques jours avant l'examen du projet de loi de finances. Nous ne reviendrons pas sur la trajectoire financière qui a été établie sur quatre ans, 2019-2022 : l'effort demandé à l'audiovisuel public est ainsi encadré. En 2023, un plan de financement définira le nouveau mode de financement de l'audiovisuel public, mais qui lui restera spécifique ; l'ambition du Gouvernement en la matière est claire et indiscutable.

Virginie Duby-Muller m'a interpellé sur l'approche « user centric », qui prend en compte la consommation par abonné pour déterminer la rémunération des artistes. La répartition des revenus du streaming est une question à laquelle je suis très attentif. Le chiffre d'affaires de la musique enregistrée grâce au streaming est à nouveau en croissance, et cette évolution positive doit s'accompagner d'un meilleur partage de la valeur. Même si cela relève du domaine commercial, on ne peut laisser de côté la dimension d'intérêt général : j'entends réfléchir avec les acteurs de la filière à une meilleure prise en compte de l'usage que les personnes font de leur abonnement, au service des artistes. C'est un débat important et un enjeu considérable pour l'avenir de la diversité de la musique dans notre pays. C'est dans cette perspective que j'ai demandé au Centre national de la musique (CNM) de produire sa première étude sur l'approche user centric. Affirmer l'importance de cette question ne relève peut-être pas de la loi, du moins pouvons-nous la rappeler dans nos débats.

De façon plus générale, nous devons réfléchir à la question du streaming musical, soulevée par Florence Provendier. Il s'agit d'objectiver les données d'écoute, d'imposer peut-être des obligations de transparence sur l'activité des plateformes et de les accompagner d'engagements au service de la promotion de la diversité musicale. Nous devons travailler, en lien avec la future ARCOM, à limiter la diversité des règles et à assurer une plus grande équité entre les acteurs de la radio et ceux du streaming musical. Les quotas de musique française imposés aux radios notamment demeurent un levier essentiel de la politique d'aide à la création, à la diversité et au soutien des nouveaux talents : il n'est pas question de remettre en cause ce dispositif, quitte à le faire évoluer au besoin.

Sylvie Tolmont a soulevé la question des données personnelles, utilisées par la publicité segmentée, mais également pour la publicité tout court : veillons à ne pas fixer des règles qui empêcheraient les chaînes de télévision de bénéficier de ces nouvelles possibilités. C'est un équilibre que nous allons devoir trouver ensemble.

Monsieur Bois, j'ai répondu tout à l'heure à Aurore Bergé sur la rémunération proportionnelle, je ne reviendrai donc pas sur ce sujet.

S'agissant de la lutte contre le piratage et de la réponse graduée, sujet abordé par Maud Petit et Bruno Fuchs, le Gouvernement souhaite renforcer les missions actuelles de la HADOPI et doter l'ARCOM de nouveaux outils, en mobilisant son énergie sur les sites qui font de l'argent sur le dos des créateurs : dispositif de lutte contre les sites miroirs, dispositif de lutte contre le piratage des événements sportifs en ligne, liste noire des sites contrevenants pour sensibiliser les intermédiaires. S'il n'est pas question de durcir les sanctions en direction des internautes, nous entendons maintenir la réponse graduée pour ce qui concerne le téléchargement pair-à-pair, car c'est un outil de prévention : ce dispositif permet d'appeler l'attention des internautes sur le fait qu'en se rendant sur des sites illégaux, ils spolient le monde de la création et le monde sportif, tout en les incitant à utiliser l'offre légale, de plus en plus large. Ces avertissements réitérés peuvent éventuellement mener, s'ils sont systématiquement ignorés, à des sanctions, mais nous ne voulons pas les durcir à l'excès en mettant en place un système de transaction pénale, par exemple. Ainsi que Virginie Duby-Muller et Sylvie Tolmont l'ont rappelé, c'est bien les sites contrefaisants qui restent notre cible principale, face auxquels nous entendons mener une lutte déterminée, à l'aide d'outils très puissants. Je vous remercie de vous rallier à cette approche.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, monsieur le ministre.

Mes chers collègues, nous entamerons l'examen des articles lundi 2 mars, à quinze heures. Nous ne siégerons pas mardi matin.

La séance est levée à dix-huit heures cinq.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 26 février à 15 heures

Présents. – Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Stéphanie Atger, Mme Aurore Bergé, M. Pascal Bois, M. Pierre-Yves Bournazel, M. Bertrand Bouyx, Mme Carole Bureau-Bonnard, Mme Céline Calvez, M. Stéphane Claireaux, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Frédérique Dumas, Mme Elsa Faucillon, M. Bruno Fuchs, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, Mme Danièle Hérin, M. Yannick Kerlogot, Mme Brigitte Kuster, Mme Anne-Christine Lang, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Marie-Ange Magne, Mme Sophie Mette, Mme Sandrine Mörch, Mme Bénédicte Pételle, Mme Maud Petit, Mme Béatrice Piron, M. Éric Poulliat, Mme Florence Provendier, M. Frédéric Reiss, Mme Cécile Rilhac, M. Cédric Roussel, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Sylvie Tolmont, Mme Michèle Victory

Excusés. - Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Bernard Brochand, Mme Anne Brugnera, Mme Fabienne Colboc, Mme Josette Manin, Mme Cathy Racon-Bouzon, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Patrick Vignal

Assistaient également à la réunion. - M. Éric Bothorel, Mme Christine Hennion, M. Michel Larive, M. Jean-François Portarrieu, Mme Muriel Ressiguier, Mme Maina Sage