Nous nous réjouissons d'entamer l'examen de ce projet de loi en dépit d'un calendrier législatif qui reste contraint et qui, pour cause de réforme des retraites, ne lui donne pas vraiment toute la visibilité qu'il mérite. C'est dommage, car il s'agit d'un texte profondément structurant pour le cadre légal du paysage audiovisuel français, propre à réaffirmer notre souveraineté culturelle.
Monsieur le ministre, vous nous proposez aujourd'hui un texte dense, parfois extrêmement technique, sur lequel j'espère que nous pourrons travailler dans un climat serein. Il y va du respect de nos objectifs communs pour cette réforme : renforcer le dynamisme économique du secteur en favorisant l'émergence de champions nationaux, mais aussi adapter la régulation de la filière. Ce texte était attendu depuis plusieurs années, car le paysage audiovisuel français s'est profondément transformé depuis plus de trente ans. La loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication n'est plus adaptée aux enjeux de la télévision de demain. L'offre hertzienne traditionnelle a explosé : avec la TNT, 97 % de la population a désormais accès à vingt-sept chaînes gratuites. Pour ce qui est de la radio, les auditeurs ont accès à 850 stations. En parallèle, de nouveaux usages sont apparus, privilégiant notamment les vidéos consommées sur smartphone ou tablette, au détriment des émissions diffusées sur les chaînes traditionnelles.
Ces fortes mutations impliquent des mesures tout aussi fortes. De ce point de vue, le projet de loi va dans le bon sens en créant un nouveau dispositif de financement de la production française, qui s'imposera aux acteurs étrangers pour soutenir la création. Il permettra de diffuser davantage de films à la télévision, d'assouplir les règles publicitaires, de fusionner le CSA et la HADOPI au sein de d'une agence unique, l'ARCOM, et enfin de mettre en place une nouvelle forme de gouvernance pour l'audiovisuel public, avec la création d'une holding.
Le groupe Les Républicains soutient cette ambition globale. Nous saluons d'ores et déjà certaines mesures qui vont dans le bon sens, et nous proposerons évidemment quelques amendements pour améliorer ce texte, notamment sur les questions de piratage des retransmissions sportives, ou pour clarifier les missions de l'ARCOM. Nous serons également au rendez-vous pour souligner certains manquements ou insuffisances, par exemple sur les questions de financement. Ne perdons pas de vue que le modèle d'une « BBC à la française », dont la création est invoquée à l'envi, a cependant un coût : d'après le rapport du sénateur Karoutchi sur les crédits « Médias, livre et industries culturelles » du PLF pour 2020, la redevance audiovisuelle atteint 166 millions d'euros au Royaume-Uni, où elle prend la forme d'un impôt universel sans condition de possession d'un téléviseur. Quel sera en France l'avenir de la redevance, et avec quelle incidence sur le budget des Français ?
Il convient de donner à la nouvelle société France Médias toute l'ambition qu'elle mérite, notamment pour développer son influence internationale à l'heure où les grandes puissances comme les États-Unis, la Russie ou la Chine, mais aussi nos voisins allemands, développent leur soft power, c'est-à-dire leur capacité d'influence. Ces pays déploient des moyens très importants : ainsi, le BBC World Service, soutenu par le ministère des affaires étrangères britannique, bénéficie d'une dotation annuelle de 282 millions d'euros et revendique 319 millions de contacts hebdomadaires. De notre côté, aurons-nous les moyens de nos ambitions ?
Envisagez-vous d'introduire, par l'intermédiaire de ce texte, une modification de la rémunération du streaming musical en ayant recours au user-centric, alors que ce dispositif est loin de faire l'unanimité dans le secteur et qu'il n'a, pour l'instant, donné lieu à aucune étude d'impact ? Pour ce qui est de la lutte contre le piratage – sujet auquel Les Républicains portent une attention particulière –, la question des sanctions à appliquer aux sites contrevenants est évidemment importante, mais qu'en est-il des usagers et de la réponse graduée pouvant leur être adressée en cas de piratage, étant précisé que cette question est indissociable de celle de la chronologie des médias ?
Comme vous le voyez, monsieur le ministre, quelques interrogations subsistent, et j'espère que les discussions à venir nous permettront d'y répondre.