Intervention de Franck Riester

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 15h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Franck Riester, ministre de la culture :

En préambule, je veux dire à ceux d'entre vous qui se demandent si nous parviendrons à réguler les plateformes et à prendre en compte la révolution numérique – je pense notamment à Bruno Fuchs, Sylvie Tolmont et Frédérique Dumas – que la méthode que nous avons retenue consiste à utiliser avec beaucoup de détermination tous les leviers disponibles et, si besoin est, à en créer de nouveaux.

Dans le combat culturel essentiel que nous devons livrer contre l'uniformisation des contenus, pour le maintien de la richesse de la création française et d'une offre diverse et de qualité, nous devons nous mobiliser d'abord au niveau européen. C'est dans ce cadre qu'ont été adoptées la directive sur le droit d'auteur, la directive SMA (Service des médias audiovisuels), la directive CABSAT et bien d'autres. Il nous faut à présent les transposer rapidement, comme l'a souligné Bruno Fuchs, non seulement pour ne pas laisser les acteurs historiques désarmés, mais aussi pour intégrer le plus rapidement possible les nouveaux acteurs dans les dispositifs de financement de la création.

Il nous faut ensuite, au plan national, examiner ce projet de loi. Pour avoir travaillé avec moi sur un certain nombre de textes depuis que je suis ministre, vous savez que je serai à l'écoute de vos différentes contributions – ce qui ne signifie pas, bien entendu, que je serai favorable à tous vos amendements. En tout cas, nous aurons un débat approfondi qui doit nous permettre de bâtir ensemble la meilleure loi possible. Il importe, par ailleurs, que celle-ci soit appliquée rapidement. Puis nous veillerons à ce que les négociations entre professionnels, qui sont susceptibles de changer radicalement la donne, avancent. Nous devons donc définir un cadre ambitieux et structurant, qui laisse néanmoins aux acteurs la souplesse nécessaire pour qu'ils puissent conclure des conventions et affiner ainsi progressivement les différents dispositifs. Cette méthodologie est, à mon avis, la bonne.

J'ai suggéré aux acteurs de commencer à négocier, dans le respect du cadre général. Bien entendu, leurs accords ne seront pas entérinés tant que la loi ne sera pas votée et promulguée et tant que les décrets ne seront pas publiés. Mais on a déjà annoncé quel serait le cadre des décrets et la loi a été présentée, dans ses grandes lignes, dès septembre. Les uns et les autres peuvent donc d'ores et déjà discuter et, le cas échéant, me faire connaître les points sur lesquels une évolution leur semble nécessaire – le travail de l'ambassadeur Sellal est important à cet égard. En tout état de cause, nous devons faire en sorte que les modifications de la loi et de la réglementation, puis les différentes conventions et les accords interviennent le plus rapidement possible.

Mme Tolmont, M. Larive, Mme Faucillon ont dénoncé un texte dont l'objet serait de tout déréguler et de remettre en cause l'ambition culturelle et le système français. C'est une vision un peu noire – ou rouge… – de notre projet. Nous voulons, au contraire, réaffirmer notre ambition. Nous sommes engagés dans un combat culturel majeur qui exige que nous donnions aux acteurs historiques, qui jouent un rôle important dans le financement et la diversité de la création, comme les chaînes de télévision, les moyens de s'adapter et de lutter à armes égales avec les acteurs entrants. Il ne s'agit pas de baisser la garde face à eux ni d'en rabattre sur nos ambitions et nos exigences quant à leur participation au financement de la création ; mais nous devons être équitables, en assouplissant un certain nombre de règles.

Je rappelle qu'en assouplissant les règles applicables à la publicité, nous permettons qu'à volume de publicité égal – car je ne veux pas non plus d'une télévision qui diffuserait sans cesse de la publicité –, celle-ci soit mieux valorisée. C'est bon à la fois pour le modèle économique des chaînes de télévision, qui sont financées par la publicité, et pour le financement de la création, puisqu'en la matière, les obligations sont calculées en fonction du chiffre d'affaires de la publicité. Ainsi, plus le chiffre d'affaires des chaînes privées lié à la publicité est important, plus le financement de la création française et européenne est important. J'ajoute que nous demandons également aux nouveaux acteurs de financer la création, notamment indépendante, en réaffirmant notre vision du droit d'auteur à la française, que ce soit en matière de production déléguée ou de final cut – la décision artistique finale doit revenir aux auteurs, aux réalisateurs, aux scénaristes, et non aux producteurs.

Nous voulons donner à France Télévisions, à Radio France, à l'INA et à France Médias Monde les moyens de s'adapter à la révolution numérique pour qu'ils soient encore plus puissants en matière d'offre audiovisuelle publique, dont on a particulièrement besoin en ce moment, et touchent le maximum de publics dans leur diversité. C'est ce qu'ont fait les patrons de groupes publics européens, que j'ai rencontrés dans le cadre de l'UER : hormis en Suède et en Finlande, ils ont mis en place une offre numérique à 360 °, incluant télé et radio, pour mieux toucher tous les publics dans leur diversité. Ils m'ont assuré que cela permettait de renforcer les missions de service public, grâce aux synergies et aux économies d'échelle. C'est bien là notre ambition ; j'espère vous en convaincre durant les débats et je serai à l'écoute de vos remarques pour pousser plus loin encore cette exigence.

Stéphane Claireaux a souligné à juste titre l'importance de l'accessibilité des programmes aux personnes souffrant de handicap. Lors de la récente conférence nationale, la secrétaire d'État Sophie Cluzel et le Président de la République ont réaffirmé l'ambition du Gouvernement en la matière. L'audiovisuel public joue un rôle particulier et se doit d'être exemplaire. Nous souhaitons étendre les obligations d'accessibilité aux plateformes mais aussi à la télévision de rattrapage – sans doute conviendra-t-il de préciser le texte sur ce point. Nous devons porter une attention particulière à la qualité de l'audiodescription et du sous-titrage, qui pourrait être contrôlée par l'ARCOM. L'accessibilité des contenus audiovisuels, notamment la diffusion des événements majeurs sportifs, culturels ou d'actualité, doit être garantie à tous : nous travaillons sur tous ces dispositifs avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), dont les propositions sont très constructives, et avec le secrétariat d'État. Je demeure à votre disposition pour améliorer encore le texte sur ces différents points.

Raphaël Gérard et Maina Sage m'ont interpellé sur les contenus audiovisuels outre-mer et je m'excuse auprès de cette dernière d'avoir omis de citer son rapport.

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