Soutenir la richesse et la diversité de l'exception culturelle française, protéger tous les publics au milieu du raz-de-marée déclenché par internet, réaffirmer le rôle de notre audiovisuel public en lui donnant les moyens de s'adapter aux nouveaux médias, tout en préservant la confiance que nous lui accordons, c'est ce qu'ambitionne le projet de loi que nous allons examiner. Il s'agit, d'une part, d'assurer notre souveraineté culturelle dans un monde connecté où le temps s'accélère et, d'autre part, de garantir sur tous nos territoires, qu'ils soient ultramarins, urbains ou ruraux, l'accès à des contenus de qualité, tout en veillant aux excès négatifs du numérique.
Ce texte répond à une profonde transformation des usages qui s'ajoutent les uns aux autres, conséquence d'une série d'innovations technologiques qui a rebattu les cartes dans le monde de l'audiovisuel. L'arrivée d'internet dans le paysage culturel va bien au-delà d'un affrontement sans précédent entre médias : elle marque une révolution qui bouleverse toute la chaîne de valeur des industries culturelles héritées du XXe siècle, de l'auteur à l'exploitant de salles de cinéma en passant par le producteur, le réalisateur et le diffuseur.
En quelques années, notre accès à l'information, aux oeuvres, aux contenus sportifs, à la radio comme à la musique, s'est significativement modifié. D'un usage linéaire et encadré, nous avons basculé dans une consommation débridée qui souvent frise l'addiction. Dans ces conditions, comment affirmer la supériorité du droit patrimonial sur la liberté individuelle en ligne, dont la facilité est souvent le moteur ? Comment faire face aux logiques strictement marchandes grâce à une approche fondée sur la défense de la création et du pluralisme, et une conception ambitieuse du droit d'auteur ?
L'Union européenne, par l'adoption de la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) et de la directive sur le droit d'auteur, nous enjoint de répondre à la nécessité de soutenir et dynamiser le développement de la création grâce à une adaptation de la réglementation au numérique. Cela passe également par une réforme du régime de contribution au financement de la création et à son extension aux services non établis en France ciblant le territoire français, et par une protection du droit d'auteur dans les contrats de production cinématographique et audiovisuelle. Les acteurs traditionnels de l'audiovisuel bénéficieront en outre d'un assouplissement des règles de publicité et d'une modernisation des technologies de diffusion, afin qu'ils puissent adapter au mieux leurs modèles économiques et leurs offres face aux plateformes numériques.
Si l'audio ne figure pas encore à part entière dans ce texte, je ne doute pas que les recommandations de la mission flash que j'ai réalisée avec ma collègue Michèle Victory permettront de renforcer la place de la radio, média préféré des Français, tout en intégrant dans nos réflexions la place des plateformes de streaming musical et de podcast.
Pour assurer une régulation à la hauteur de ces nouveaux enjeux, le CSA et la HADOPI fusionneront pour donner le jour à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Les missions de l'ARCOM seront déterminantes dans la protection des publics, le suivi des obligations des acteurs de l'audiovisuel et la lutte contre le piratage des oeuvres. Sur ce dernier point, nous veillerons à renforcer les différents dispositifs, de la réponse graduée au blocage des sites pirates, afin d'endiguer un phénomène qui est l'origine d'un énorme manque à gagner pour l'audiovisuel – plus d'un milliard d'euros en 2018 – et spolie le secteur sportif. La nouvelle autorité administrative indépendante devra être suffisamment agile pour adapter sa régulation aux technologies qui verront le jour dans une France couverte par la 5G et dans laquelle les objets connectés seront généralisés.
Enfin, si nous voulons que notre volonté de proposer une offre alternative indépendante et innovante, mais aussi adaptée aux nouveaux médias, soit dotée de moyens suffisants, il nous faut un service public fort : ce sera le rôle de la nouvelle grande maison de l'audiovisuel public, France Médias, qui réunira en son sein France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA. L'enjeu est de taille pour notre cohésion sociale ; nous veillerons par nos amendements à ce que le service public continue à exercer son rôle auprès des citoyens, notamment des enfants.
Monsieur le ministre, à l'heure du dérèglement médiatique, comment nous assurer que l'ambition de ce texte en faveur de notre souveraineté culturelle sera suffisante pour la protection de notre démocratie ?