C'est toujours un risque lorsque l'on se lance dans une longue énumération… Et c'est malheureusement tombé sur l'outre-mer. Notez, toutefois, que j'ai cité la contribution importante que vous avez apportée, avec les parlementaires ultramarins, au pacte pour la visibilité des outre-mer, rappelant la nécessité de mettre en avant les contenus, les visages et de faire en sorte que ces contenus soient aussi produits outre-mer. Il existe bien un projet de diffusion de radio Outre-Mer La Première sur le DAB + en Île-de-France – la radio numérique terrestre est une technologie à laquelle je crois beaucoup. Sa faisabilité dépend des ressources hertziennes disponibles et de contraintes techniques sur lesquelles le CSA devrait se prononcer prochainement. En tout état de cause, je ne suis pas opposé à l'idée de préempter les fréquences disponibles pour ce projet qui a beaucoup de sens.
Béatrice Piron, Yannick Kerlogot et Céline Calvez m'ont interrogé sur la notion de « distributeur », propre au droit français, absente du droit européen. Nous n'avons pas voulu avec ce texte bouleverser les règles, car des acteurs locaux, comme Canalsat et Molotov, pourraient se trouver pénalisés par des règles qui ne s'appliqueraient qu'à eux, faute de pouvoir les imposer aux intermédiaires que sont les géants du net, Google, Apple ou Amazon. Le texte comporte néanmoins des avancées, comme la modernisation du règlement des différends, avec des mesures conservatoires, la création d'une instance commune ARCOM-ARCEP, la préservation de l'intégrité du signal. Certains sujets restent sur la table et pourraient faire l'objet d'amendements : je pense à la visibilité des contenus d'intérêt général, à la géolocalisation des box, aux droits voisins des radiodiffuseurs, notamment l'autorisation préalable par les radios de l'utilisation de leurs podcasts. En tout état de cause, j'examinerai vos propositions avec une attention bienveillante, car je pense qu'il faut aller plus loin ; mais veillons à ne pas creuser l'écart de compétitivité entre les distributeurs classiques français, qui obéissent déjà à certaines règles, et les nouveaux intermédiaires, que nous souhaitons réguler davantage au niveau européen.
Yannick Kerlogot a évoqué l'offre de proximité, sujet dont nous aurons l'occasion de reparler, notamment lorsque nous aborderons le rapprochement entre France 3 et France Bleu. Stéphane Testé m'a interrogé sur la possibilité pour le service public de diffuser des écrans publicitaires après 20 heures lors de la retransmission d'épreuves sportives. J'ai déjà donné mon avis sur ce point, mais nous pourrons en discuter à nouveau lors de l'examen des amendements.
Florence Provendier, Pierre-Yves Bournazel, Marie-Ange Magne, Céline Calvez et Brigitte Kuster ont soulevé, à travers la disparition de France 4, la question de l'animation. J'aurai l'occasion de préciser, en commission ou dans l'hémicycle, ce que pourrait être un pacte pour l'animation et la jeunesse, que nous pourrions bâtir ensemble, en lien avec France Télévisions.
Madame Emmanuelle Anthoine, le projet de loi réaffirme que la contribution aux progrès de l'égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre les préjugés sexistes et la lutte contre les violences faites aux femmes font partie des missions fondamentales de l'audiovisuel public. Celui-ci a un devoir d'exemplarité en la matière, aussi bien dans la gestion interne des ressources humaines que dans la représentation des femmes à l'écran. J'ajoute que quatre des six dirigeants de l'audiovisuel public sont des femmes et que de nombreux engagements ont d'ores et déjà été pris.
Mme Elsa Faucillon me semble avoir confondu les rôles de commissaire du Gouvernement et de commissaire politique… Ce sont pourtant deux choses très différentes : le commissaire du Gouvernement est chargé de s'assurer que les missions de service public sont bien exercées. Contrairement à ce qui se passe aujourd'hui à France Télévisions, des représentants du ministère de la culture siégeront au sein du conseil d'administration de la holding mais sans droit de vote ; l'État n'y sera pas majoritaire. Le Conseil d'État l'a rappelé de façon explicite dans son avis.
Monsieur Michel Larive, il n'appartient pas à l'État de se mêler de l'éventuelle création d'un conseil de déontologie. Que les journalistes se saisissent de ce qui existe dans d'autres pays pour améliorer le lien entre les citoyens et la presse, pourquoi pas, mais c'est à eux d'en décider.
Frédérique Dumas a soulevé la question des moyens octroyés à l'ARCOM, dont les nouvelles missions comprennent le contrôle des services étrangers, la régulation des plateformes en ligne, la lutte contre le piratage, les propos haineux et les fausses informations. Des moyens supplémentaires sont d'ores et déjà prévus, dans la suite de la proposition de loi de Laetitia Avia visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, en cours d'examen, et de la loi organique relative à la lutte contre la manipulation de l'information ; les décisions budgétaires seront prises dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, sachant que la fusion du CSA et de la HADOPI permettra d'ores et déjà de dégager des économies sur les ressources supports. Mais au-delà des moyens budgétaires et humains, le présent texte conférera à l'ARCOM des moyens juridiques tels que des pouvoirs d'enquête et d'accès à l'information. En outre, et comme certains d'entre vous l'ont souligné, l'ARCOM devra collaborer avec les autres régulateurs européens, dans la suite des excellentes pratiques actuelles.
Pour ce qui est de l'indépendance de l'ARCOM par rapport au service à compétence nationale pour la régulation du numérique, le texte prévoit toutes les garanties souhaitables. Le fait que l'État organise son administration afin de prendre en considération la force de ces plateformes structurantes va, me semble-t-il, dans le bon sens.
Madame Pételle, la protection des enfants contre les conséquences de l'exposition aux contenus pornographiques doit requérir toute notre attention. C'est une des missions historiques du CSA, mais l'arrivée des nouveaux acteurs et le foisonnement des contenus sur les différents supports nous pousse à aller plus loin. La directive SMA impose aux plateformes de partage de vidéos de mettre en place les mesures appropriées pour protéger les mineurs grâce aux outils de classification des contenus, de vérification d'âge, de contrôle parental. Par ailleurs, la proposition de loi de Bérengère Couillard, visant à protéger les victimes de violences conjugales, contient des mesures nouvelles sur la vérification d'âge : cocher une case « avez-vous plus de 18 ans ? » n'est pas suffisant. L'ARCOM sera chargée d'accompagner par ses recommandations les acteurs et de contrôler les mesures adoptées. Enfin, nous incitons à la signature de protocoles d'engagement sur le contrôle parental.
Ce dernier point fait l'objet d'une collaboration entre le CSA et l'ARCEP. Il faut dire que, du fait de la convergence des contenus, les domaines de la régulation se recouvrent parfois : Bruno Fuchs et Pierre-Yves Bournazel ont évoqué ce problème. Je ne suis pas opposé à ce que le texte aille plus loin, dans la limite de la faisabilité et surtout, de l'indépendance des deux autorités. Nous pourrons en discuter en commission, et au besoin dans l'hémicycle.
Notre ambition pour l'audiovisuel public doit s'accompagner d'un financement à la hauteur de nos exigences. Je le répète, nous souhaitons conserver un financement dédié à l'audiovisuel public. La contribution à l'audiovisuel public, telle qu'elle est définie aujourd'hui, perdurera au moins jusqu'au projet de loi de finances pour 2023. C'est un changement en soi : je sais, pour avoir été député pendant douze ans, que l'on ignore parfois encore ce que seront les financements des missions d'intérêt général quelques jours avant l'examen du projet de loi de finances. Nous ne reviendrons pas sur la trajectoire financière qui a été établie sur quatre ans, 2019-2022 : l'effort demandé à l'audiovisuel public est ainsi encadré. En 2023, un plan de financement définira le nouveau mode de financement de l'audiovisuel public, mais qui lui restera spécifique ; l'ambition du Gouvernement en la matière est claire et indiscutable.
Virginie Duby-Muller m'a interpellé sur l'approche « user centric », qui prend en compte la consommation par abonné pour déterminer la rémunération des artistes. La répartition des revenus du streaming est une question à laquelle je suis très attentif. Le chiffre d'affaires de la musique enregistrée grâce au streaming est à nouveau en croissance, et cette évolution positive doit s'accompagner d'un meilleur partage de la valeur. Même si cela relève du domaine commercial, on ne peut laisser de côté la dimension d'intérêt général : j'entends réfléchir avec les acteurs de la filière à une meilleure prise en compte de l'usage que les personnes font de leur abonnement, au service des artistes. C'est un débat important et un enjeu considérable pour l'avenir de la diversité de la musique dans notre pays. C'est dans cette perspective que j'ai demandé au Centre national de la musique (CNM) de produire sa première étude sur l'approche user centric. Affirmer l'importance de cette question ne relève peut-être pas de la loi, du moins pouvons-nous la rappeler dans nos débats.
De façon plus générale, nous devons réfléchir à la question du streaming musical, soulevée par Florence Provendier. Il s'agit d'objectiver les données d'écoute, d'imposer peut-être des obligations de transparence sur l'activité des plateformes et de les accompagner d'engagements au service de la promotion de la diversité musicale. Nous devons travailler, en lien avec la future ARCOM, à limiter la diversité des règles et à assurer une plus grande équité entre les acteurs de la radio et ceux du streaming musical. Les quotas de musique française imposés aux radios notamment demeurent un levier essentiel de la politique d'aide à la création, à la diversité et au soutien des nouveaux talents : il n'est pas question de remettre en cause ce dispositif, quitte à le faire évoluer au besoin.
Sylvie Tolmont a soulevé la question des données personnelles, utilisées par la publicité segmentée, mais également pour la publicité tout court : veillons à ne pas fixer des règles qui empêcheraient les chaînes de télévision de bénéficier de ces nouvelles possibilités. C'est un équilibre que nous allons devoir trouver ensemble.
Monsieur Bois, j'ai répondu tout à l'heure à Aurore Bergé sur la rémunération proportionnelle, je ne reviendrai donc pas sur ce sujet.
S'agissant de la lutte contre le piratage et de la réponse graduée, sujet abordé par Maud Petit et Bruno Fuchs, le Gouvernement souhaite renforcer les missions actuelles de la HADOPI et doter l'ARCOM de nouveaux outils, en mobilisant son énergie sur les sites qui font de l'argent sur le dos des créateurs : dispositif de lutte contre les sites miroirs, dispositif de lutte contre le piratage des événements sportifs en ligne, liste noire des sites contrevenants pour sensibiliser les intermédiaires. S'il n'est pas question de durcir les sanctions en direction des internautes, nous entendons maintenir la réponse graduée pour ce qui concerne le téléchargement pair-à-pair, car c'est un outil de prévention : ce dispositif permet d'appeler l'attention des internautes sur le fait qu'en se rendant sur des sites illégaux, ils spolient le monde de la création et le monde sportif, tout en les incitant à utiliser l'offre légale, de plus en plus large. Ces avertissements réitérés peuvent éventuellement mener, s'ils sont systématiquement ignorés, à des sanctions, mais nous ne voulons pas les durcir à l'excès en mettant en place un système de transaction pénale, par exemple. Ainsi que Virginie Duby-Muller et Sylvie Tolmont l'ont rappelé, c'est bien les sites contrefaisants qui restent notre cible principale, face auxquels nous entendons mener une lutte déterminée, à l'aide d'outils très puissants. Je vous remercie de vous rallier à cette approche.