Intervention de Sylvie Tolmont

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 15h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvie Tolmont :

C'est peu de dire que ce projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et la souveraineté culturelle à l'ère du numérique, après plusieurs années de tergiversations, était attendu, tant le paysage des médias se trouve confronté à un bouleversement profond des usages, des acteurs et des technologies. Cela étant, nous devons dire notre déception de constater que le Parlement sera à nouveau enjambé, dans la mesure où plusieurs mesures d'importance faisant l'objet de décrets auront été décidées avant même que ne commence notre débat.

L'adaptation de notre modèle audiovisuel au nouvel environnement concurrentiel mondial et aux nouveaux usages est un objectif que nous partageons sur les principes, mais pas sur les moyens. Si le groupe Socialistes et apparentés se satisfait des mesures annoncées pour faire contribuer les plateformes à la création française, encore faut-il s'assurer que le dispositif garantisse une contribution substantielle, basée sur un mécanisme transparent, et qu'il résolve les asymétries de régulation. Pour l'instant, le flou persiste sur ce point, et le taux de la contribution sera décidé sans l'intervention du Parlement.

De même, l'association des auteurs aux accords entre producteurs et diffuseurs est une avancée pour laquelle notre groupe politique s'est toujours battu. Cependant, nous déplorons une fois de plus que les décrets soient pris avant le vote de la loi. Enfin, pour ce qui est de la lutte contre le piratage, la fusion de la HADOPI et du CSA va dans le bon sens. Je rappelle que les députés socialistes ont, pour leur part, toujours été opposés à la sanction des particuliers : la lutte contre le piratage doit principalement viser ceux qui en font commerce.

Cela dit, ce ne sont pas tant les mesures et les principes qui sont dans votre texte qui nous posent problème que ceux qui en sont absents. Le véritable point noir tient à votre conception de l'audiovisuel public : nous ne nous retrouvons absolument pas dans la dérégulation des acteurs traditionnels que vous organisez pour y introduire les plateformes et renoncer ainsi à toute ambition culturelle. Depuis plusieurs années, la logique comptable du « faire plus avec moins » est devenue la règle de gestion, ce qui procède d'une idée du service public qui n'est pas la nôtre.

Face à l'ambition que vous souhaitez développer, la question du financement de l'audiovisuel n'est pas pérennisée et continue à être soumise aux aléas et aux baisses successives des projets de loi de finances. La question de l'avenir de la redevance, adossée à une taxe d'habitation en voie de disparition, n'est pas non plus évoquée dans votre projet de loi, alors qu'il s'agit d'un enjeu essentiel. De même, si nous ne sommes pas fondamentalement opposés à la réunion des différentes sociétés au sein de France Médias, nous refusons que la création de la holding soit le prétexte à une baisse des budgets au détriment d'un service de qualité et de proximité à vocation éducative. De plus, nous craignons les menaces qui pèseront sur son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique au regard du mode de gouvernance prévu.

Nous déplorons également que la radio soit la grande oubliée de votre texte, en particulier Radio France, mise en difficulté par la baisse continuelle de ses moyens financiers et la réduction de ses effectifs depuis plusieurs années. Nous sommes aussi préoccupés par la conséquence de la publicité segmentée sur la protection des données individuelles, qui ne se trouve plus garantie – vous l'avez vous-même reconnu, monsieur le ministre, lors de votre passage sur France Inter le 13 février dernier. Ces libertés individuelles sont un principe, elles ne sauraient être bradées.

Ce projet de loi aurait pu être l'occasion de défendre un service public fort, indépendant et de qualité, destiné à remplir pleinement ses missions d'intérêt général ; cela risque de rester une occasion manquée. C'est pourquoi nous serons très attentifs, lors de nos débats, aux réponses que vous et votre majorité apporterez à nos propositions.

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