Monsieur le ministre, ce n'est pas parce que ce texte est long qu'il est historique ou révolutionnaire. Non seulement il souffre de nombreux manques, mais il parachève une suite de coupes budgétaires, décidées lors des projets de loi de finances successifs, qui ont fragilisé le secteur public de l'audiovisuel, notamment en supprimant certaines chaînes : depuis 2012, l'effectif total de France Télévisions aura diminué d'un peu plus de 6 %.
En somme, on peut s'interroger sur la raison d'être de la future holding. À quoi servira-t-elle, en effet, sinon à poursuivre la diminution et la rationalisation des moyens ? On peine, du reste, à savoir comment elle sera financée : le sera-t-elle sur le budget de l'audiovisuel ? À ce propos, j'observe que la question de la redevance audiovisuelle n'est pas abordée. Or, celle-ci doit être réformée, car son assiette est devenue obsolète et la taxe d'habitation à laquelle elle était adossée va disparaître. Ce projet de loi aurait pu être l'occasion de penser un nouvel impôt, plus juste et d'un meilleur rapport.
Sous de nombreux aspects, ce projet s'apparente à une sorte de reprise en main. Je pense notamment à la présence, au sein des conseils d'administration, d'un commissaire du Gouvernement, dont nous aimerions connaître le rôle exact. Quant aux missions confiées à la holding, elles ne nous paraissent pas suffisamment étayées et ne reflètent pas correctement le triptyque « informer, éduquer, distraire » du service public de l'audiovisuel : ainsi la notion de divertissement y est à peine effleurée. Or le service public de l'audiovisuel doit avoir pour mission de proposer des divertissements populaires de qualité, qui ne doivent pas être l'apanage du secteur privé. De plus, la notion de proximité est assez peu affirmée, même si je vous ai entendu la défendre, monsieur le ministre. J'ajoute que la suppression de France Ô met sévèrement à mal la représentation des citoyens et citoyennes ultramarins sur nos chaînes publiques. Ce texte aurait pu être l'occasion de traduire en actes les engagements pris dans le pacte de visibilité des outre-mer.
En définitive, nous avons le sentiment que les grands gagnants de ce projet de loi sont davantage les publicitaires que l'audiovisuel public. De fait, au prétexte de garantir la loyauté de la concurrence avec les plateformes, vous saturez l'espace médiatique de réclames en tous genres. Le groupe GDR s'oppose à l'envahissement progressif de l'espace public et des médias par la publicité, qui influence les comportements, sert les intérêts des grandes entreprises et qui est très souvent éloignée des besoins réels des citoyens et des citoyennes. Votre projet de loi autorise ainsi une troisième coupure publicitaire des films ; pis, vous permettez la diffusion de publicités dans un coin d'écran lors de la retransmission d'un événement sportif, en affirmant que cette pratique s'émancipera complètement de la durée réglementaire qui s'applique en la matière. Vous maintenez également la possibilité de diffuser des publicités durant les programmes réservés à la jeunesse sur les chaînes privées. Tout en affirmant protéger les mineurs, considérés comme un public fragile, vous autorisez le développement du placement de produits qui, dans les jeux et divertissements, aura pour première cible les enfants, qui représentent la majorité de l'audience de ce type de programmes.
J'espère que l'examen du texte nous permettra de modifier ces dispositions. En tout cas, à cette heure, le groupe GDR est plutôt opposé au projet de loi.