Ce texte est le résultat d'un constat, mais aussi d'une très grande ambition. Le monde de l'audiovisuel, déjà bouleversé par les progrès technologiques, va l'être encore plus dans les années qui viennent. Netflix, Amazon, YouTube, ces acteurs étaient encore inconnus dans le domaine de l'audiovisuel il y a dix ans, et même il y a cinq ans. Les équilibres industriels et culturels ont été bouleversés par l'émergence de géants aujourd'hui américains, mais demain japonais ou chinois, et remis en cause par de nouvelles pratiques – streaming, vidéo à la demande, usage accru des smartphones.
Monsieur le ministre, il était temps de mettre à la loi à niveau, et je vous remercie de le faire aujourd'hui, mais aussi de poser les mêmes règles de concurrence pour tous. Face aux mutations en cours, plusieurs enjeux se présentent à nous.
Comment définir les moyens de soutenir les acteurs français et la dynamique actuelle dans notre pays, non seulement pour faire face à la concurrence des géants américains, mais aussi pour créer nos propres champions industriels, et favoriser les ambitions et le rayonnement de nos acteurs français et francophones ?
Comment imposer un cadre réglementaire à tous, notamment à des nouveaux champions étrangers qui ont toutes les armes de contournement juridique à leur disposition ?
Comment faire rentrer les acteurs émergents dans une logique de solidarité avec tous les créateurs et toute l'industrie culturelle, conformément à l'esprit de nos lois européennes ?
Enfin, comment organiser structurellement une régulation qui soit suffisamment souple pour s'adapter aux progrès du numérique, donc aux usages des consommateurs, mais suffisamment robuste pour contrôler et sanctionner les pratiques des géants du numérique ?
Ce texte de loi apporte des avancées indispensables mais aussi extrêmement prometteuses, par exemple la modernisation et la simplification du régime de contribution à la production des oeuvres par les éditeurs de services. La transposition de la directive sur le droit d'auteur est une étape importante, que le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés avait anticipée en déposant une proposition de loi sur les droits voisins. Les outils proposés sont indispensables pour l'avenir des auteurs et des éditeurs dans notre pays, la France a été pionnière en ce domaine ; il faut préserver ce modèle.
Parmi les autres avancées, on peut citer la création de la holding France Médias – un progrès essentiel – ainsi que la fusion du CSA et de la HADOPI. La dimension sociétale et sociale de l'audiovisuel n'est pas non plus ignorée, et la protection des publics est plus que jamais d'actualité. Enfin, nous sommes heureux de constater les avancées apportées par le texte en matière de lutte contre le piratage.
Monsieur le ministre, vous nous avez appelés à être ambitieux, mais également contributifs. C'est avec un grand plaisir que les députés de notre groupe se sont efforcés de répondre à votre attente ; nous souhaitons maintenant aller plus loin dans la réorganisation et la régulation en réfléchissant à un meilleur travail en commun entre la future ARCOM et l'ARCEP, à une collaboration plus étroite entre l'ARCOM et la CNIL, ou encore entre l'ARCEP et la CNIL. Dans un monde où les différences entre contenus régulés et contenus non régulés, entre services linéaires et services non linéaires, entre audiovisuel et télécommunications, entre éditeurs, distributeurs et hébergeurs s'effacent, pourquoi maintenir plusieurs régulateurs dont l'existence ne se justifie plus par ces différences ? Nous proposons pour notre part d'aller plus loin dans l'intégration – entre l'ARCOM et l'ARCEP, par exemple.
Nous serons également très vigilants à ne pas déséquilibrer notre industrie culturelle par des normes superfétatoires ou démesurément protectrices. Nous proposerons également des mesures pour rendre notre audiovisuel extérieur plus fort et plus visible dans l'espace national. L'audiovisuel extérieur doit être mieux considéré et mieux financé pour constituer la clé de voûte de notre souveraineté culturelle. Nous avons également besoin de montrer ici, dans notre espace franco-français, l'importance et la puissance du rayonnement de la France à l'international. À cet égard, je voulais rendre hommage au travail de la commission des affaires étrangères, que vient d'évoquer notre collègue Portarrieu, et saluer mon collègue Frédéric Petit.
Enfin, pour que le cadre légal et les régulateurs ne soient jamais pris de vitesse par la rapidité des progrès du numérique et le bouleversement des pratiques, nous proposerons, à l'instar de ce qui a été voté dans le cadre de la loi bioéthique, une clause de révision du titre II, qui obligera le Parlement à réexaminer ultérieurement l'encadrement mis en place aujourd'hui et qui, tôt ou tard, deviendra probablement obsolète.