Intervention de Jérôme Fournel

Réunion du mercredi 19 février 2020 à 10h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jérôme Fournel :

Je vais d'abord répondre aux questions relatives aux sujets de proximité et de confidentialité. Lors du paiement au sein des débits de tabac, la seule chose qui est vue est un « datamatrix » – ces petits carrés que vous connaissez, et que l'on a par exemple sur les billets de train. Il n'y a rien d'autre. S'il y a un délai de paiement à négocier, ce sont les services fiscaux qui restent compétents, et ces informations restent au sein des services fiscaux. Il ne faut pas s'inquiéter quand on entre dans un bureau de tabac pour payer : il n'y a pas de risque de non-confidentialité. Pour ma part, je paie effectivement plutôt en dématérialisé, mais si je payais en liquide je n'aurais aucune hésitation à le faire chez un buraliste.

L'organisation peut évoluer d'un débitant de tabac à l'autre, mais le plus souvent, le « flashcode » ou « datamatrix » est lu par une douchette et aucune autre information ne transparait.

Nous sommes d'ailleurs extrêmement attentifs à tous les sujets de protection. Il y a beaucoup de tentatives d'escroqueries et nos systèmes d'information sont de plus en plus massifs et gèrent de plus en plus de données. Nos données sont protégées et cela suscite la confiance. Il faut que nous arrivions à assurer cette sécurité dans la durée.

Nous subissons des dizaines d'attaques par jour, comme toute organisation. Certains de nos services sont montés en puissance récemment, pour mieux lutter contre ces tentatives d'intrusion : nous avons ainsi mis en place un centre opérationnel, qui surveille et supervise très finement ces sujets. Par ailleurs, nous luttons contre les tentatives d'arnaques. Nous essayons de faire le maximum de communication sur ce problème, par le biais de communiqués de presse, à chaque fois que nous observons de telles situations. Par exemple, les escrocs peuvent tenter de récupérer un numéro fiscal, essayer de vous faire payer ou de vous demander un numéro de carte bleue, en s'abritant derrière un faux site « impots.gouv », qui ne se termine pas par « .fr » !

Il est vrai que l'activité de la DGFiP a augmenté. Toutefois, et cela répond à plusieurs questions qui ont été posées, nous réalisons un travail important sur les sujets de process : nous nous interrogeons sur la meilleure manière de réorganiser ces process, d'utiliser les technologies modernes telles que l'assistant numérique. La DGFiP est une immense maison de grands processus métier. Nous pouvons arriver à gagner en productivité sur ces processus pour pouvoir redéployer du personnel. C'est ce que nous faisons dans le cadre de la réforme : préserver l'accueil de proximité et le conseil personnalisé aux décideurs locaux pour gagner en productivité sur les processus métier.

Je voudrais vous rassurer par rapport à ce qui a été dit sur l'éloignement du comptable public vis-à-vis des collectivités locales. D'abord, le conseil aux décideurs locaux n'a pas vocation à être hors sol ni positionné très loin du décideur : il a vocation à être au siège de l'EPCI. Sa localisation précise fait l'objet de discussions. Nous ne souhaitons pas opérer de transfert de charge vis-à-vis des collectivités.

Nous avons pour l'instant décidé très peu de fermetures de trésoreries en 2020 : une seule trésorerie a pour l'instant été transformée en maison France Service. Chaque fois que nous pourrons utiliser des bâtiments existants, nous le ferons naturellement.

Le ministre et moi-même avons demandé aux directeurs départementaux des finances publiques d'aller au contact des collectivités au cours des derniers mois : nous leur avons demandé d'être en permanence en discussion et à l'écoute de l'ensemble des collectivités. Nous n'avons pas fini la concertation, même si elle a abouti dans un certain nombre de départements. Nous avons choisi de signer avec les présidents de conseils départementaux, parce qu'ils sont responsables du schéma d'organisation des services publics. Nous aurions pu faire un autre choix, mais nous avons choisi cette modalité : à partir du moment où un président de conseil départemental accepte de signer, nous n'allons pas le lui refuser, puisque c'est la méthode que nous avons choisie ! Je ferai remarquer que, dans le Tarn-et-Garonne, aucune fermeture n'est prévue en 2020, et il y a même sept conseillers de proximité dont six qui vont s'implanter dans des maisons. Nous allons faire une expérimentation de ce qu'est l'accueil de proximité, avant même toute fermeture de trésorerie dans ce département : il va y avoir du service en plus dans ce territoire.

Concernant la projection des effectifs, département par département, nous pouvons vous la fournir sans difficulté.

La concertation n'est pas encore terminée. En Savoie, par exemple, nous n'avons pas encore signé de charte. Je ne souhaite pas, à ce stade, préempter la situation que nous aurons lorsque nous aurons poursuivi la concertation. Les travaux vont se poursuivre, y compris après les élections municipales, et nous ferons le point cet été. Les négociations peuvent parfois conduire à un rapport de force, comme le disait Monsieur Le Fur, mais nous essayons d'être à l'écoute et de trouver un consensus. Ce consensus n'est pas toujours absolu. Nous cherchons une forme de consensus majoritaire, comme le disait il y a quelques jours le signataire d'une charte : nous essayons de trouver un modus vivendi qui permette à l'administration fiscale d'évoluer dans le sens de la rationalisation, afin de mieux desservir le territoire de façon précise, sans accroître les fractures numériques.

Nous faisons partie de l'expérimentation sur les aidants. C'est bien pour cela que nous essayons de maintenir un service multi-canal ainsi qu'un accueil physique. Demain, nous irons peut-être chez les gens pour les aider. Lors des campagnes de déclaration d'impôts, nous accueillons les contribuables, nous mettons à disposition des ordinateurs en libre-service et des agents aident les contribuables à se connecter au site impôts.gouv.fr et à les accompagner dans leurs démarches. Tout n'est pas parfait, mais ce sujet est pour nous une préoccupation importante.

Concernant le paiement non dématérialisé, la loi prévoyait des sanctions, que nous n'avons jusqu'à présent pas mises en oeuvre. Je pense que nous allons encore attendre un peu. Certes, il n'est jamais satisfaisant de ne pas appliquer complètement la loi votée, mais nous essayons de trouver les moyens de faire en sorte que cette transition se passe naturellement.

Nous sommes présents dans les deux tiers des villes entre 10 000 et 100 000 habitants : l'administration fiscale n'est donc pas une administration de métropole, loin de là ! Nous allons renforcer la « démétropolisation ». Ce sujet est réellement un sujet social. Nous avons rencontré un fort mécontentement à l'égard des projets qui consistaient à éloigner les agents des métropoles, car c'est là qu'ils avaient leurs centres d'intérêts économiques. Ces agents vivaient même très mal le fait de s'éloigner à trente ou quarante kilomètres des métropoles. Les agents et les organisations syndicales nous disaient que nous allions contribuer à accroître la congestion urbaine, parce que les agents allaient multiplier les aller-retours pour travailler à trente ou quarante kilomètres de la métropole. Au cours de la phase de concertation, nous avons revu notre ambition à la baisse, tout en maintenant totalement nos objectifs de « démétropolisation » de 2 500 agents, afin de prendre en compte ce mécontentement.

En ce qui concerne le calendrier de la « démétropolisation », des groupes de travail ont été constitués avec les organisations syndicales, métier par métier, pour déterminer la façon dont ces métiers vont évoluer et se réorganiser. Nous avons ainsi créé un groupe de travail concernant le service d'appui à la publicité foncière que j'ai déjà évoqué. À partir de là, nous travaillons à une définition du service nouvellement créé, en nous attachant notamment à tenir compte des compétences déjà présentes sur le territoire ou dans une métropole proche pour faciliter le transfert. Nous avons pris en compte des critères socio-économiques et des critères de taille. Peu de grandes villes sont concernées : la plus importante compte 130 000 habitants ! Nous avons également pris en compte des critères d'équilibre du territoire, en essayant de mailler le territoire, plutôt que de tout regrouper à certains endroits. Nous essayons de prendre en compte naturellement les conditions de vie des agents et les conditions d'accueil. Cela a été fait en transparence avec les organisations syndicales, qui ont souligné l'importance des changements et des transformations.

Le déroulement de ce projet a fait l'objet de peu de critiques majeures. Actuellement, pour les premières villes qui ont été désignées, nous sommes en train de prendre contact avec les maires, y compris pour bien visualiser le lieu d'accueil immobilier du nouveau service. Quand nous serons plus avancés dans la concertation avec les organisations syndicales et que nous connaîtrons les autres collectivités concernées, nous passerons alors à une phase de discussion, portant notamment sur le calendrier d'implantation des services. Comme nous voulons le faire sans mobilité forcée, ce sera forcément un processus progressif, sur plusieurs années, mais ce n'est pas gênant.

Concernant le sujet des agents comptables des collectivités territoriales, qui a été évoqué tout à l'heure par Charles de Courson, nous avions proposé une expérimentation dans la loi de finances pour 2019. Cette expérimentation consistait à avoir des agents comptables dans les collectivités et à localiser les activités comptables au sein de la collectivité, sous la forme d'une agence comptable. Cette expérimentation n'a pas reçu d'accueil favorable de la part des collectivités : nous avons reçu tellement peu de demandes que nous y avons renoncé. L'arrêt de cette expérimentation a été voté en loi de finances pour 2020. Je ne suis donc pas sûr que les collectivités et l'État soient mûrs pour aller vers des statuts intermédiaires : je pense que nous allons en rester à la situation actuelle.

Ce que nous demandent les collectivités aujourd'hui, c'est plutôt de reprendre et d'optimiser la fonction financière au sein de l'État, avec des services facturiers et des centres de gestion financière qui font l'ensemble des activités financières, mais côté État plutôt que côté collectivités territoriales.

Sur le sujet du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN) et du droit de passeport, effectivement, un transfert est prévu pour le DAFN le 1er janvier 2022. En fin d'année dernière, le comité interministériel de la mer (CIMER) a décidé que la DGFiP prendrait à sa charge le recouvrement mais que la direction des affaires maritimes, qui immatricule déjà les bateaux, resterait compétente en matière de liquidation et de contrôle. Deux questions différentes se posent : la première porte sur les montages, pour mieux appréhender ce qui est assujetti au droit de passeport, la seconde porte sur l'organisation, puisqu'en réalité, du fait des systèmes de location, nous n'arrivons pas toujours à appréhender correctement la situation.

Les innovations technologiques peuvent nous permettre de travailler sur ce sujet : par exemple, grâce au foncier innovant, nous voyons la totalité du cadastre avec des outils d'aide à la décision automatisés. Ces outils sont des processus qui font gagner beaucoup de temps de visualisation. S'il existe un bâtiment qui n'était pas sur le plan cadastral, la photo aérienne ou la photo satellitaire le visualise et le système le marque en rouge. Je me suis aperçu que ce système fonctionnait aussi pour les bateaux : quand vous photographiez un port, vous pouvez lire jusqu'au numéro d'immatriculation du bateau. On peut imaginer que cette technologie permettra d'aider à réaliser des opérations de contrôle.

Sur les modalités de paiement, l'idée est également de rester multi-outil. Nous avons cherché à « sortir le cash » de la DGFiP, mais cela ne veut pas dire que nous abandonnons le paiement en espèces : ce mode de paiement est de fait bien présent aujourd'hui, avec les buralistes. Nous avons lancé un deuxième appel d'offres sur les régies des collectivités locales, qui n'est pas encore finalisé, mais nous allons être probablement amenés à démultiplier les outils de paiement, avec à la fois des outils modernes et des outils plus anciens. Nous disposons d'une application, PayFiP, qui fonctionne plutôt bien mais qui ne couvre pas forcément l'ensemble des usagers : nous allons être amenés à avoir une stratégie plus complète sur ces outils.

Concernant l'article 154 de la loi de finances pour 2020, le Conseil constitutionnel a prononcé une censure très partielle : il nous a laissé un champ important pour une expérimentation, qui va se dérouler durant trois ans. Les travaux sur les textes d'application se poursuivent, et nous les soumettrons au Conseil d'État et à la CNIL. Dans les prochains mois, nous allons rester à l'intérieur de ce cadre-là. Nous allons nous attacher à démontrer que les contrôles que nous faisons sont suffisants, proportionnés par rapport aux finalités, y compris celles qui sont demandées par le Conseil constitutionnel, que nous avons mis en place les moyens adéquats, que nous avons prévu toutes les garanties vis-à-vis des données des usagers. Une fois que nous aurons fait la démonstration que nous sommes au point sur l'utilisation de ces données, nous pourrons envisager de passer à une nouvelle phase.

Comme je l'ai évoqué dans une tribune, il est extrêmement important pour les administrations publiques de pouvoir tester des choses de cette nature-là. Je reconnais que je ne suis pas certain de la performance des résultats que nous obtiendrons. Je sais en revanche que, si nous ne changeons pas nos méthodes de travail et nos outils, nos capacités juridiques d'intervenir, les fraudeurs prendront du champ, ils prendront le large et nous resterons à quai !

La fiscalité écologique est un sujet sur lequel nous devons travailler. Il sera sans doute plus facile pour nous de structurer notre approche une fois que les transferts seront faits. La DGFiP va récupérer le recouvrement de nombreuses de taxes écologiques, mais je crois que ce sont des sujets qui impliquent à la fois des travaux sur le budget vert – donc des travaux sur la fiscalité verte – et des travaux sur la manière de mettre en place cette fiscalité. Ce sont des chantiers d'ampleur ; nous ne sommes pas encore totalement prêts et ces sujets exigent une forte mobilisation de notre part dans les années à venir.

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