Intervention de Laurent Saint-Martin

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, rapporteur général :

Merci, Monsieur le président, pour cette présentation complète de vos travaux. Le sujet de l'information extra-financièr a l'air de prime abord très technique, mais revêt en fait un caractère politique, puisque derrière cette information se trouvent des enjeux de puissance française et européenne, des enjeux de construction de l'avenir de notre tissu d'entreprises, économiques et d'investissement. C'est donc un sujet beaucoup plus important qu'il n'y paraît.

Mes questions vont se concentrer sur les outils et sur l'harmonisation. J'ai travaillé auprès d'entreprises cotées sur les sujets de communication extra-financière. Un outil qui se développait à l'époque s'appelait le rapport intégré – peut-être avez-vous analysé cet outil à l'occasion de vos travaux. C'était une première manière de faire converger l'information financière et extra-financière, non pas en mettant les données les unes après les autres sous forme de chapitres, mais bien, comme le nom de l'outil l'indique, en intégrant l'ensemble des problématiques sociétales à la performance d'une entreprise. En effet, il faut considérer la société comme un risque pour l'entreprise, mais aussi considérer l'entreprise comme un risque pour la société. C'est cet aller-retour qui est très novateur dans cette manière d'analyser les risques et les performances des entreprises. Où en sommes-nous ? Le rapport intégré peut-il concerner toutes les entreprises, et non uniquement celles qui sont cotées ? Peut-il devenir une norme internationale intéressante ?

Je voudrais ensuite revenir sur l'exercice de « benchmark » que vous avez fait. Si les États-Unis résistent en ce moment à cette tendance, c'est aussi pour des problématiques d'attractivité et de compétitivité liées à l'investissement. Il faut se demander si nous avons une vision assez honnête et assez claire de ce que pensent les investisseurs de ces éléments extra-financiers. Savoir quelle est la part d'affichage et quelle est celle d'aide à l'investissement, d'aide de prise à la décision, voilà ce qui est difficile. Ne nous voilons pas la face, si nous étions certains que tous les investisseurs étaient tout à fait intéressés par ces indicateurs-là, les États-Unis s'y mettraient aussi vite que nous et avec des normes qui leur sont propres. Il y aurait une vraie compétition de normes entre l'Europe et les États-Unis. Si l'information financière traditionnelle résiste aussi bien, c'est peut-être aussi que tous les investisseurs n'y voient pas forcément un intérêt. Je comprends très bien que l'Europe a un rôle à jouer, et il y a une question de leadership sur cette problématique extra-financière. Comment le monde de l'investissement pourrait-il réagir dans les prochaines années, voire les prochaines décennies, par rapport à cela ?

En l'absence d'harmonisation claire des référentiels, il ne sera pas possible de franchir une étape claire. Vous l'avez dit, la DPEF est en avance. Pourrait-elle, devrait-elle servir de modèle pour l'Europe ? La France doit-elle être aux avant-postes, continuer à progresser, quitte à tirer les autres partenaires européens vers le haut, ou doit-on plutôt attendre pour construire cela ensemble ?

Dans le cadre de vos travaux, avez-vous pu rencontrer les représentants de la place financière, comme Europlace, Finance for Tomorrow ? Comment considérez-vous l'avancée de leurs travaux ? Trouvez-vous cela satisfaisant ?

Vous l'avez dit, l'information extra-financière manque d'audits, de contrôle externe. Il se trouve que dans la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, nous avons un peu repensé le rôle des commissaires aux comptes (CAC). Il est possible de se demander si le rôle des CAC pourrait intégrer cette nouvelle donne. Finalement, le contrôle externe extra-financier ne peut-il pas devenir un rôle intéressant des CAC de demain, qui seraient évidemment formés à d'autres indicateurs et à d'autres manières de contrôler et d'auditer les entreprises ?

Tous ceux qui ont un peu vu des entreprises innovantes et leurs documents comptables savent à quel point il est compliqué de valoriser la recherche et le développement. On fait des artifices comptables, par la production immobilisée, et cela fait gonfler artificiellement les comptes d'une entreprise innovante – ce qui peut parfois se retourner contre elle. L'information extra-financière constitue une opportunité pour se saisir de cette problématique. Y a-t-il aujourd'hui des indicateurs qui ne sont pas uniquement la gouvernance, l'environnement, le social et le sociétal, qui peuvent aussi embrasser les sujets d'innovation qui figurent dans la comptabilité financière classique, mais d'une façon assez artificielle empêchant d'avoir une valorisation sincère et fine des entreprises ? Je pense notamment au tissu des petites ou moyennes entreprises (PME), qui peuvent souvent souffrir d'une mauvaise valorisation. C'est comme cela que nous pouvons voir aussi des bulles se former et des entreprises avoir des parcours chaotiques.

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