Intervention de Jean-Michel Fauvergue

Réunion du mercredi 4 mars 2020 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Fauvergue :

Rien n'efface la peine que cause la perte d'un être cher, que la victime soit du côté des forces de l'ordre ou en face. La douleur est immense pour la famille, les amis, les camarades et les collègues des policiers ou des gendarmes. Quand un tel drame se produit lors d'une intervention de police ou de gendarmerie, c'est un échec pour les forces de l'ordre, qui doivent exercer leur mission avec discernement et proportionnalité.

Seize cas ont été recensés au cours des dernières décennies. C'est toujours trop, mais ce chiffre doit être rapporté aux 4 millions d'interpellations effectuées par les forces de l'ordre. Toutes les interpellations ne se passent pas mal, certaines ne nécessitent même pas l'entrave des mis en cause. D'autres sont plus difficiles. En 2019, 15 000 faits de rébellion et 36 000 faits de violences contre les forces de l'ordre ont été constatés, 20 000 policiers et gendarmes ont été blessés en mission entre 2018 et 2019, et on compte 25 décès en service.

Ce ne sont pas les techniques qui sont en cause, mais la manière dont elles sont appliquées, leur durée ou leur conjugaison avec des problèmes de santé des mis en cause qui ne pouvaient être connus des forces de l'ordre au moment de l'interpellation.

Pour la police, une instruction générale du 4 novembre 2015 précise les conduites à tenir pour la maîtrise d'une personne en état de forte agitation en vue de son interpellation et de son transport. Elle prend en compte les risques d'asphyxie posturale, qui imposent de limiter le temps de compression, tout particulièrement sur le thorax et l'abdomen. Elle consacre les préconisations antérieures de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale et de la police nationale, ainsi que les principes de nécessité et de proportionnalité liés à l'emploi de la force pour s'assurer d'un individu difficilement maîtrisable.

En gendarmerie, officiellement, on n'utiliserait pas les techniques incriminées. C'est tout simplement parce qu'elles ne sont pas nommées de la même façon, mais la technique de mise au sol sur le ventre aux fins de menottage enseignée chez les gendarmes existe bel et bien. Dans le mémento que vous avez cité, les pages 140, 149 et 150 montrent qu'elle implique une pression du genou sur la partie haute du thorax.

Il faut comprendre que, face à une personne en état de démence, sous l'empire de stupéfiants ou d'une puissance musculaire supérieure à la moyenne, il peut exister un fossé entre la théorie enseignée en école et la réalité du terrain. Sans nier que l'on ne peut se dispenser d'une meilleure formation continue, je considère que la limitation des techniques d'intervention que vous préconisez irait à l'encontre de votre objectif. En interdisant l'amenée au sol par des techniques de compression, vous favoriseriez l'utilisation de coups frappés à mains nues ou par matraques, qui produiraient beaucoup plus de traumatismes sérieux et de risques létaux, ainsi que l'utilisation d'armes dites de force intermédiaire, telles que le fameux lanceur de balles de défense (LDB) ou le pistolet à impulsion électrique – qui peut avoir pour effet de faire écrouler la personne visée lourdement au sol ou sur un objet contondant –, sans parler de l'usage de l'arme à feu, dont je vous laisse le soin d'apprécier les conséquences.

Cette limitation des moyens intermédiaires signifie aussi le désarmement des policiers et des gendarmes, seuls autorisés à l'usage légitime de la force pour appliquer la loi et protéger nos concitoyens. La conséquence immédiate de l'adoption de votre proposition de loi serait de favoriser ceux qui recourent à la violence illégale, les criminels, les délinquants, les casseurs, qui ne pourraient plus être contenus par des ripostes adaptées de nos policiers et de nos gendarmes.

Il me semble paradoxal que ce texte qui prétend s'opposer aux violences soit présenté par un groupe politique dont le leader et quelques autres membres ont récemment été condamnés en première instance pour ces mêmes motifs. Le groupe La République en marche votera contre.

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