Le Président de la République l'a dit : nous faisons face à la crise sanitaire la plus grave depuis un siècle. Cette crise, exceptionnelle par sa nature et par son ampleur, appelle une mobilisation et des moyens exceptionnels. On compte plus de 240 000 cas et de 10 000 morts dans 160 pays. La France, elle-même durement frappée, paie un lourd tribut : 11 000 personnes contaminées ont été recensées et plus de 372 d'entre elles sont décédées.
Sur tous les continents s'installe un sentiment d'urgence et parfois de panique. Des hantises qu'on croyait disparues en Europe, vaincues par les progrès de la science, resurgissent : celle d'être soi-même victime, celle de perdre un ou plusieurs proches avant l'heure. À cette angoisse ancrée au plus intime de chacun s'ajoute une série d'inquiétudes très concrètes : vais-je perdre mon travail ou une partie non négligeable de mes revenus ? Comment pourrai-je faire face aux obligations qui m'incombent ? Comment mon entreprise peut-elle survivre à la catastrophe ? Comment faire garder mes enfants, les protéger aujourd'hui et les nourrir demain lorsque la crise sanitaire aura montré ses effets les plus pernicieux ? Comment assurer la survie de notre tissu social, culturel, commercial et industriel ? L'état d'urgence est aussi économique et social.
À cette crise sanitaire et économique française, européenne et internationale, nous devons opposer toute la puissance et la constance de notre intelligence collective en mobilisant nos ressources politiques et morales face au danger. C'est la solidarité qui nous réunit quand nous sommes confrontés à une épreuve historique. C'est la combativité des hommes et des femmes qui sont prêts à se discipliner et à se dépasser quand les circonstances l'imposent. C'est l'intelligence des médecins, des soignants, des chercheurs et des laboratoires qui nous apportera la solution ultime grâce à des traitements et des vaccins ; déjà, des essais prometteurs font naître un timide espoir et, compte tenu de l'urgence, nous autorisons naturellement les procédures accélérées dans les protocoles d'étude.
Dans les hôpitaux et cliniques publics et privés, les soignants se battent en première ligne sans ménager leurs efforts ; ils sont durs à la peine et nous leur sommes redevables, à eux comme à tous ceux – routiers, caissières et vendeuses, artisans, ouvriers, paysans, membres des forces de l'ordre – qui continuent de travailler au contact et méritent notre respect. Ils sont indispensables car c'est grâce à leur effort que le pays continue de vivre et de s'alimenter. Je le dis clairement : nous avons absolument besoin que toutes ces chaînes d'approvisionnement puissent continuer de fonctionner, sans quoi nous ferions face à des difficultés plus graves encore.
Battons-nous en surmontant nos divisions dans un esprit républicain pour être à la hauteur des responsabilités que nous ont confiées les Français. La vie et l'histoire ont décidé qu'il nous revient d'affronter cette épreuve. Faisons-le avec le calme, la détermination, le sang-froid et l'esprit d'unité qu'exigent les grandes épreuves nationales. Pour ma part, j'ai confiance : nous saurons surmonter cette épreuve grâce à la force d'âme des Français, à l'excellence de notre système de santé et à la solidité de notre État.
Je le disais jeudi au Sénat, depuis le premier jour, notre stratégie tient en deux mots : faire face, en donnant la priorité absolue aux considérations de santé publique et en fondant nos décisions sur les avis donnés en toute transparence par les experts scientifiques que nous consultons. Les efforts considérables que nous demandons à nos concitoyens, nous les leur demandons au moment et dans les conditions que préconise notre conseil scientifique, c'est-à-dire ni trop tôt, ni trop tard. Cependant, j'ai parfaitement conscience, mesdames et messieurs les députés, que la définition du moment opportun – ni trop tôt, ni trop tard – pour que chaque mesure soit efficace constitue tout à la fois une priorité absolue et une difficulté redoutable.
Les mesures exceptionnelles que nous avons prises l'ont été collectivement et en conscience : le rapatriement et l'isolement de nos compatriotes ayant séjourné en Chine dès janvier, les premiers confinements dans les Alpes et dans l'Oise, dès que des cas y ont été détectés, pour éviter la propagation du virus dans le territoire national. Jeudi dernier, nous avons décidé de fermer les crèches, les écoles et les universités, puis ont inéluctablement suivi les commerces non indispensables à la vie de la nation. Ensuite, le confinement a été jugé indispensable pour contrer une progression dont le rythme devenait exponentiel, comme dans d'autres pays.
Les médecins nous indiquent que si le Covid-19 – la maladie déclenchée par le virus – est bénin pour 80 % à 90 % des personnes qui en sont affectées, 5 % des personnes contaminées risquent d'être placées en réanimation. Le virus peut être mortel dans des proportions allant de 1 % à 2 % des cas, voire davantage, sans que l'on puisse encore pleinement expliquer le décalage entre les statistiques constatées dans différents pays. Je le répète : 80 % à 90 % des patients présentent des symptômes bénins, mais 5 % sont placés en service de réanimation. Cette proportion paraît faible mais le nombre absolu est considérable, compte tenu de l'ampleur des populations touchées et de la gravité particulière de la maladie pour les personnes âgées et celles qui souffrent d'autres affections.
Face à ces chiffres, notre stratégie consiste donc à ralentir autant que faire se peut la progression du virus afin d'écraser le pic de contamination, de diminuer ou de contenir le nombre de malades en grande difficulté qui doivent être placés dans les services de réanimation – services dont nous savons qu'ils sont d'ores et déjà soumis à très rude épreuve dans le Grand Est, en Île-de-France et en Corse.
Cette stratégie nous a donné le temps d'augmenter le nombre de lits disponibles dans les services de réanimation. Nous sommes progressivement passés de quelque 5 000 à 7 900 places dans l'ensemble du territoire et dans les services de soins intensifs. En dépit de l'augmentation du nombre de malades, nous disposons encore de 4 000 lits de soins critiques au lieu des 1 300 lits disponibles au début de l'épidémie. Des tensions locales apparaissent et se renforceront dans certains cas. Nous déployons alors des moyens de transfert des patients vers d'autres établissements capables de les prendre en charge, y compris, s'il le faut, en recourant à des moyens militaires médicalisés, comme nous l'avons fait à Mulhouse.
Cette stratégie concerne également les masques et les gels hydroalcooliques. Dès le mois de février, les quatre principaux fabricants français de masques utilisés par les professionnels de santé ont été sollicités pour accroître fortement leur cadence de production. L'exercice n'est pas simple : compte tenu de l'urgence, on aimerait que l'augmentation des cadences de production soit immédiate et que ses effets le soient tout autant, mais la vérité impose de reconnaître que ces opérations prennent parfois plus de temps que nous ne le souhaitons.
Pour éviter tout phénomène spéculatif et pour permettre à l'État de prioriser les besoins, j'ai signé le 3 mars un décret de réquisition des stocks et des capacités productives de masques antiprojection et de masques FFP2. Depuis, les quatre principaux fabricants sont en contact permanent avec Santé publique France et sont totalement mobilisés pour accroître au maximum leurs capacités productives. Le Gouvernement accompagne ces entreprises pour que soient levés tous les obstacles réglementaires ou d'approvisionnement et que leurs capacités de production soient augmentées.
Un déstockage d'environ 25 millions de masques a été effectué début mars. Grâce aux réquisitions – qui ont permis de récupérer des masques – et malgré ce déstockage, qui a permis d'en distribuer, le stock a été maintenu à 105 millions de masques au 16 mars. Cette semaine-là, 29 millions de masques ont été distribués aux professionnels : 17 millions aux établissements hospitaliers et 12 millions à la médecine de ville. Nous avons en outre constitué une équipe d'approvisionnement à l'étranger qui a identifié des masques disponibles partout dans le monde, et nous faisons, sur cette base, l'acquisition de centaines de millions de masques.
Le ministère de l'économie et celui de la défense ont chargé une série de secteurs industriels et de chercheurs de trouver des solutions alternatives, soit pour démultiplier les chaînes de production, soit pour qualifier des solutions alternatives jetables ou réutilisables. Les ministères ont qualifié des bancs de test et mis à disposition des industriels des spécifications ; quarante prototypes de masques chirurgicaux et de masques FFP2 sont en cours d'essai.
Le ministre des solidarités et de la santé, qui s'exprimera devant vous à quinze heures, fera une présentation complète de la situation des stocks et des mesures prises sur le plan national, afin de compléter les quelques éléments que je tenais à vous communiquer dès à présent.