Elles exigeraient la réorganisation d'élections municipales et, d'ailleurs, la prorogation du mandat des sénateurs. En effet, les élections sénatoriales, doivent se tenir en septembre et, si l'ensemble des conseils municipaux n'étaient alors pas constitués, il faudrait bien en tirer les conséquences. C'est au Parlement qu'il reviendrait de le faire, c'est pourquoi le rapport qui sera remis le 10 mai permettra également d'indiquer s'il est possible d'installer les conseils municipaux dans les 30 143 communes où le premier tour a permis d'élire l'ensemble du conseil. Si cette installation est possible, elle interviendrait alors dans des délais très brefs, probablement dans la semaine suivant la remise du rapport.
La solution que je vous propose se fonde, d'une part, sur l'avis du président du conseil scientifique, qui, consulté jeudi, a indiqué que les conditions sanitaires n'étaient plus réunies pour permettre l'installation des conseils municipaux entre vendredi matin et dimanche – ainsi que cela est prévu par le code électoral – , et, d'autre part, sur une analyse partagée des contraintes qui pèsent sur nous. Grâce à une discussion avec les présidents de groupe et le président de la commission des lois du Sénat, cette analyse a permis de construire une solution qui m'apparaît à la fois simple, claire et raisonnable. Elle implique la prorogation des mandats des conseillers municipaux sortants, laquelle permet d'assurer la continuité de l'administration des affaires locales, et impose au Gouvernement d'expliquer ses choix au Parlement, à une date convenue fixée par la loi, en l'espèce le 10 mai.
Il est vrai que l'urgence nous a conduits à annoncer dès jeudi soir les orientations prises pour surseoir aux réunions qui, pour certaines, étaient prévues dès le lendemain. Sans nécessairement partager la solution retenue, je suis certain que tous ici comprennent qu'il y avait urgence à la porter à la connaissance des communes concernées, même si, je le reconnais, cela contraint un peu notre discussion d'aujourd'hui.
Vous le savez, le projet de loi propose également des règles spécifiques pour clarifier un certain nombre de cas, comme celui des communes de moins de 1 000 habitants, dans lesquelles il arrive que les candidats soient élus au premier tour sans pour autant que le conseil municipal soit au complet. Le texte prévoit aussi des règles relatives au bon fonctionnement des établissements publics de coopération intercommunale – EPCI. Compte tenu des transformations opérées en la matière, la taille importante de leurs conseils aurait évidemment rendu très délicate leur réunion dans de bonnes conditions.
Pour toutes ces situations, le Sénat et l'Assemblée nationale recherchent des solutions pragmatiques ; je me réjouis à l'idée que nous puissions les appliquer. Je pense également aux collectivités du Pacifique, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française, pour lesquelles nous proposons un régime spécifique. Le second tour des élections pourrait s'y tenir à un moment différent de celui décidé pour les autres territoires, de manière à tenir compte de leur situation sanitaire. L'épidémie se propage dans le monde et touche les territoires à des rythmes différents ; il faut donc pouvoir en tenir compte dans l'organisation du second tour de l'élection.
S'agissant de l'ensemble de ces dispositions, je tiens à souligner que la discussion au Sénat a été marquée par un esprit de compromis républicain, lequel a permis de surmonter la plupart des difficultés engendrées par la situation inédite dans laquelle nous trouvons. Reste toutefois à régler une question importante, celle de la date du dépôt des listes pour le second tour, sur laquelle une différence demeure : le Gouvernement propose, pour des raisons de réalisme, que cette date soit décidée après consultation des forces politiques et lorsque nous connaîtrons effectivement les conditions dans lesquelles se tiendra ce second tour. À titre tout à fait personnel, j'ajoute qu'il me paraît curieux d'imposer des négociations à des équipes composées de candidats qui, pour la plupart, sont confinés et ont probablement mille autres choses à l'esprit. Mais, comme le Sénat avant vous, il vous appartiendra d'en discuter dans l'hémicycle.
La deuxième partie du texte instaure un dispositif d'état d'urgence sanitaire. Actuellement, notre droit prévoit deux fondements pour prendre des mesures sanitaires : le pouvoir de police générale du Premier ministre et l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, sur lequel nous nous sommes appuyés, depuis le mois de janvier, pour prendre toutes les mesures qu'appelait la crise. Cet article permet au ministre chargé de la santé de prendre, en cas de menace d'épidémie, « toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population ». Mesdames et messieurs les députés, nous ne sommes plus désormais confrontés à une simple menace d'épidémie : nous sommes dans la bataille, et celle-ci ne fait que commencer. Par conséquent, le texte que je viens de citer n'est plus approprié et il nous est apparu nécessaire que la mesure de confinement durable de nos concitoyens soit fondée sur un régime spécifique encadrant les restrictions temporaires apportées à des libertés fondamentales. Ce nouveau régime permettra de souligner la nature sanitaire, et non sécuritaire, d'un dispositif que nous n'avons d'ailleurs pas inscrit dans la loi de 1955 relative à l'état d'urgence, mais bien dans le code de la santé publique.
Nous sommes dans l'urgence et dans l'inédit, ce qui emporte, à nos yeux, trois conséquences.
La première réside dans les conditions de déclenchement des mesures prévues par les dispositions dont nous débattons. Elles s'inspirent de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence : un décret pris en Conseil des ministres instaure l'état d'urgence ; sa prorogation au-delà d'un mois nécessite une loi. J'ai dit devant le Sénat, et répète devant l'Assemblée nationale, que le projet de loi prévoyait initialement que le Parlement prononce la prorogation de l'état d'urgence sanitaire à l'issue d'un délai non pas d'un mois mais de douze jours, en vue de calquer le mécanisme de son déclenchement sur celui de l'état d'urgence prévu par la loi du 3 avril 1955.
Le Conseil d'État a suggéré de porter ce délai à un mois, en se fondant sur l'idée selon laquelle il pourrait être délicat, en cas non pas de menace d'épidémie mais d'épidémie bien réelle, de réunir le Parlement dans de bonnes conditions. Cette proposition du Conseil d'État figure désormais dans le texte. Je le dis afin d'éclairer l'Assemblée sur ce point avant qu'elle ne délibère et ne prenne une décision.
Jeudi, le Sénat a proposé de considérer que l'entrée en vigueur du projet de loi que vous allez examiner, mesdames et messieurs les députés, ait un effet équivalent à celui d'une telle prorogation. Au fond, nous inventons le régime de l'état d'urgence sanitaire, et, pour sa mise en oeuvre, nous considérerions que le projet de loi que vous allez adopter correspond à celui dont vous auriez dû vous saisir douze jours – d'après le projet de loi initial – ou trente jours – d'après sa version modifiée par le Sénat – après la publication du décret pris en Conseil des ministres. Cela nous permet de prendre sans délai les mesures prévues par l'état d'urgence sanitaire. Il s'agit là, me semble-t-il, d'une bonne idée.
La deuxième conséquence concerne le contrôle parlementaire. Il est indispensable, je tiens à le dire en des termes très clairs.