Intervention de Marie Guévenoux

Séance en hémicycle du samedi 21 mars 2020 à 9h30
Urgence face à l'épidémie de covid-19 — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie Guévenoux, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Nous sommes réunis aujourd'hui dans un contexte exceptionnel, la présence restreinte de la représentation nationale dans l'hémicycle suffit à l'attester.

Vous savez tous pourquoi nous sommes là un samedi matin : notre pays connaît la pire épidémie de son histoire récente. Des Français sont morts, d'autres sont en soins intensifs, des familles sont endeuillées : nous pensons à eux. Nos personnels de santé sont entièrement mobilisés par le combat contre la contamination. Services de l'État, forces de sécurité, enseignants, entreprises, salariés : la liste est tellement longue de ceux qui combattent la maladie d'une manière ou d'une autre.

En ces temps difficiles, notre responsabilité collective n'en est que plus grande. Le peuple français nous a confié la mission de veiller à ses intérêts. Nous le faisons ici, à l'Assemblée nationale, comme le fait le Gouvernement à sa place, comme le Sénat l'a fait avant nous s'agissant de ces projets de loi, avec la meilleure volonté possible et toute notre détermination.

Nous examinons ce matin deux projets de loi avec une célérité qui dit tout de leur importance. Chaque fois que la France est frappée – aujourd'hui par un virus comme il y a quelques années par le terrorisme – , le Parlement montre qu'il sait décider en fonction de ce que les circonstances exigent. Mercredi le Gouvernement délibérait sur les projets de loi organique et ordinaire que le Sénat adoptait vendredi au petit matin ; toute la journée d'hier, la commission des lois les a examinés. Le rythme est rapide : la situation le commande.

Pour faire face à l'épidémie du Covid-19, ces textes poursuivent trois objectifs principaux : donner une base légale aux mesures de confinement de la population en créant un état d'urgence sanitaire par les dispositions du titre II, que l'Assemblée nationale a souhaité examiner en priorité ; adapter notre droit, dont les rigueurs conçues pour les temps de paix pourraient menacer la bonne marche du pays dans les conditions de confinement que nous connaissons – c'est l'objet du titre III et du projet de loi organique ; enfin, reporter le second tour des élections municipales et communautaires, qui devaient se dérouler le 22 mars 2020. C'est l'objet du titre Ier, que nous examinerons donc en dernier.

Le Président de la République, dès qu'il a été informé par les scientifiques des dangers réels de l'épidémie, n'a pas hésité à prendre des décisions courageuses et draconiennes, que le Gouvernement a d'ores et déjà pour partie appliquées. Depuis le début de la semaine, la limitation de la liberté de circulation des populations et la fermeture des commerces non nécessaires témoignent de leur détermination. Il convient désormais de recourir à la loi pour franchir un nouveau cap. C'est ce qui nous est proposé ici, et je ne doute pas que tous les parlementaires seront habités par la responsabilité qui nous incombe.

Avant d'évoquer rapidement le contenu des deux projets de loi, je tenais, comme le Premier ministre a tenu à associer tous les groupes politiques et tous les partis à ces décisions, à préciser que l'Assemblée nationale et le Sénat ainsi que la commission hier ont travaillé de concert dans une très bonne ambiance. Cela ne signifie pas pour autant que nous sommes d'accord sur tout. L'Assemblée nationale, les députés que nous sommes, n'ont pas abdiqué leur mission. Parce que le travail du Sénat, en dépit de sa grande qualité, restait perfectible, la commission des lois y a apporté des amendements, issus d'ailleurs de tous les bancs, à la surprise parfois de leurs auteurs eux-mêmes.

Nous ne travaillons pas dans le vide et comptons bien améliorer encore autant qu'il est possible les dispositifs qui nous sont soumis. Cependant la quasi-totalité des modifications apportées par le Sénat ont fait consensus. Les sénateurs ont d'ailleurs adopté nombre d'entre elles à l'initiative du Gouvernement ou à l'issue de contacts informels avec la présidente de la commission ou moi-même. C'est le cas, par exemple, des règles de quorum, de la facilitation de la convocation des assemblées, de la possibilité pour les policiers municipaux de verbaliser les infractions à l'état d'urgence sanitaire ainsi que du caractère temporaire du nouveau régime de l'état d'urgence sanitaire.

J'en viens au contenu proprement dit des projets de loi dans l'ordre de notre discussion.

Le titre II du projet de loi ordinaire crée un état d'urgence sanitaire. En effet, comme le ministre de la santé lui-même l'a expliqué, le cadre juridique actuel, constitué essentiellement par les articles L. 3131-1 et suivants ainsi que par la théorie des circonstances exceptionnelles, trouve aujourd'hui ses limites au regard des mesures qui sont nécessaires. La situation actuelle nécessite donc de prévoir un régime spécifique aux cas de catastrophe sanitaire.

L'article 5 du projet de loi crée ainsi un état d'urgence sanitaire, sur le modèle de l'état d'urgence prévu par la loi du 3 avril 1955. Il pourrait être déclaré sur tout ou partie du territoire national en cas de catastrophe sanitaire mettant en jeu par sa nature et sa gravité la santé de la population. L'état d'urgence sanitaire serait déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre de la santé. Sa prorogation au-delà d'un mois ne pourrait être autorisée que par une loi. Il pourrait toujours y être mis fin par décret de manière anticipée. En même temps que l'état d'urgence sanitaire cesseraient également les effets des mesures prises pour son application.

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