Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du mardi 31 mars 2020 à 15h00
Questions au gouvernement — Approvisionnement en médicaments

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Monsieur le Premier ministre, « dans mon hôpital, nous avons trois jours de stock d'anesthésiques. On doit choisir les patients admis dans notre service, en fonction de leur probabilité de s'en sortir. Mais si on en venait à ne plus soigner ou à mal soigner ceux qui peuvent s'en sortir, ce serait vraiment terrible ». Voici la souffrance insupportable des soignants. Ils manquent de tout : de masques, de lits, de personnels, de respirateurs, de tests et maintenant de médicaments. Ils manquent de curares, indispensables pour relaxer les muscles lors d'intubation de patients ; de sédatifs pour les personnes en réanimation ; de morphine ; d'antibiotiques.

Une catastrophe dans la catastrophe. Le manque de médicaments, c'est l'impossibilité de mettre sous respirateur toutes les personnes qui devraient l'être. Ce sont des gens qui vont mourir d'étouffement à cause de douleurs alors qu'on aurait pu les sauver. On ne parle pas de semaines pour une rupture totale de certains de ces médicaments, mais de jours. Vous demandez déjà aux hospitaliers de limiter l'usage de la morphine. La pénurie est déjà là.

Vous avez été alerté la semaine dernière par le président de la commission médicale de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l'AP-HP, comme par l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament. Sans réponse.

Votre gestion de crise, monsieur le Premier ministre, c'est une gestion de la pénurie. Lors de votre conférence de presse, vous avez affirmé : « Dès que nous aurons le sentiment que la réquisition est nécessaire, il sera procédé à des réquisitions. » N'avez-vous toujours pas le sentiment de l'urgence ? Nous avons en France le savoir-faire. Qu'attendez-vous pour réquisitionner les moyens de production pour fournir ces médicaments indispensables ? Qu'attendez-vous pour nationaliser Luxfer, dernière usine en Europe à produire des bouteilles d'oxygène médical, ou Famar, qui fabrique douze médicaments d'intérêt thérapeutique majeur ?

Chaque heure compte pour prendre ces décisions vitales. Coordonner la production, réquisitionner les entreprises nécessaires, impliquer les travailleurs concernés, c'est ce que nous appelons la planification sanitaire.

Nous en sommes là aujourd'hui parce que la loi du marché a eu le dernier mot : il y a trente ans, 80 % des médicaments étaient produits en Europe ; aujourd'hui, c'est 20 %.

Organisez le retour de l'État, monsieur le Premier ministre. Nationalisez, réquisitionnez – ou bien laissez-nous faire ! Sans quoi vous aurez des comptes à rendre pour un naufrage.

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