La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Monsieur le Premier ministre, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, avant d'appeler l'examen des questions au Gouvernement, je voudrais saluer, au nom de la représentation nationale, le courage et la mobilisation des habitants de notre pays dans les heures difficiles que nous traversons.
Chaque jour, le noir bilan du coronavirus s'alourdit un peu plus. Des consignes sévères ont été données ; j'observe que nos concitoyennes et nos concitoyens, dans leur immense majorité, les respectent, contribuant ainsi à enrayer la progression de la pandémie. Pour autant, le pays n'est pas à l'arrêt. La France lutte, et elle surmontera cette épreuve.
C'est pour cela que nous siégeons, certes en format très restreint : pour assurer notre mission constitutionnelle et faire vivre notre démocratie. C'est pour cela aussi que d'innombrables professionnels de santé, du secours, du soin et de l'aide, fonctionnaires de tous secteurs, militaires, cheminots, transporteurs, livreurs, acteurs de la logistique, paysans, ouvriers, pêcheurs et professionnels indispensables à la vie économique et sociale de notre pays, font tous les efforts pour maintenir, chaque jour, les activités essentielles. Ces citoyens engagés – aux côtés de tous les autres – , je les salue, et je sais que chacun ici les salue comme moi. Parce qu'ils travaillent à sauver des vies, parce qu'ils s'exposent pour la collectivité, ils méritent plus que notre gratitude. Je leur dis notre admiration.
La France est forte. Elle le prouve dans la confrontation en cours avec un péril sournois qu'elle est décidée à vaincre. Cette guerre – car c'est une guerre – a endeuillé de nombreuses familles. Nous partageons leur peine. Nous partageons les souffrances de celles et de ceux qui sont touchés par la maladie, ou qui s'inquiètent pour un proche. Avoir un ami en réanimation sans pouvoir lui rendre visite ou perdre un parent sans pouvoir s'incliner sur sa tombe est un redoublement de la peine. Cette douleur est la nôtre, à nous, représentants de la nation tout entière.
La pandémie a aussi endeuillé notre République, en enlevant la vie à notre ancien collègue Patrick Devedjian, qui, pendant plus de trente ans – soit comme député, soit comme ministre – siégea dans cet hémicycle. Je n'ai pas besoin de rappeler l'orateur qu'il fut : tout feu, tout flamme, inspirant le respect à ses adversaires politiques eux-mêmes par l'étendue de sa culture, son indépendance d'esprit et son brio. À sa famille, à ses amis et à ses collaborateurs, j'adresse les condoléances émues de la représentation nationale.
Enfin, notre assemblée est endeuillée par la disparition de notre collègue Jean-François Cesarini, qui luttait depuis trois années contre une autre maladie, tout aussi redoutable. Dans ses derniers jours de mandat encore, il mettait son expérience de patient au service de la France, en offrant à tous un parcours numérique pour que chacun puisse effectuer ses démarches en ligne durant le confinement. Son dernier acte politique fut de saluer l'action de M. le ministre des solidarités et de la santé, ainsi que celle des personnels soignants, contre le Covid-19.
Chez Jean-François Cesarini, l'altruisme allait de pair avec un profond humanisme – un humanisme en action, qui passait par l'engagement public, l'innovation technologique et la culture. Il aimait la poésie, le théâtre et la chanson. Héritier des Lumières, il savait le pouvoir des arts dans le projet des individus et des sociétés.
Amoureux d'Avignon, sa ville natale, il y avait pris fait et cause pour la French Tech Culture au service du développement local. Au Palais-Bourbon, nous retiendrons le sourire de ce social-démocrate, citoyen du monde, qui portait haut les idéaux de fraternité humaine. Je prononcerai son éloge funèbre lors d'une prochaine séance. Je vous demande de bien vouloir observer une minute de silence.
Mmes et MM. les députés ainsi que MM. les membres du Gouvernement observent une minute de silence.
L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Je vous rappelle que, dans le contexte de la crise actuelle, la conférence des présidents a établi des règles dérogatoires d'organisation de nos séances de questions.
Ne sont présents dans l'hémicycle qu'un nombre limité de ministres et un seul député par groupe.
Les questions ayant le même thème sont regroupées, chaque question faisant l'objet d'une réponse spécifique. Le nombre de questions est réduit ; en revanche, les temps usuels de parole demeurent, soit deux minutes par question et autant par réponse – réplique ou contre-réplique éventuelles comprises.
Afin de limiter au maximum l'effectif des personnels présents, je vous indique que la liste des orateurs dont vous avez eu connaissance n'est pas affichée sur les écrans pendant la séance. Je vous remercie de votre compréhension.
Enfin, les règles sanitaires désormais habituelles continuent de prévaloir, notamment les mesures suivantes : nettoyage des micros en cours de séance – je vous rappelle qu'il est demandé de ne pas poser les mains sur les micros et d'utiliser un micro différent par orateur – , respect des distances entre les participants, entrées et sorties échelonnées.
Nous commençons notre séance par des questions portant sur la crise du Covid-19 en général, et sur le thème de la santé en particulier.
Dans la grave crise que nous traversons, je voudrais dire, au nom du groupe Les Républicains, notre compassion envers les victimes du Covid-19 et notre solidarité avec elles, ainsi qu'avec leurs familles. J'ai également une pensée particulière à la mémoire de notre ancien collègue Patrick Devedjian et de notre collègue Jean-François Cesarini.
Monsieur le Premier ministre, la semaine dernière, notre collègue Virginie Duby-Muller exprimait, au nom du groupe Les Républicains, notre incompréhension, et regrettait l'absence d'une politique de dépistage massif dans notre pays. Le dépistage a une triple vertu : il permet d'identifier les malades, de les isoler afin de protéger leur entourage, et d'agir sans attendre d'éventuelles complications. Les pays où la mortalité provoquée par l'épidémie est la plus faible – certains pays d'Asie du Sud-Est ainsi que nos voisins allemands – sont ceux qui testent massivement.
Vous avez annoncé il y a quelques jours un virage, un changement de cap. Nous nous en réjouissons, mais nous ne comprenons toujours pas votre stratégie. Vous annoncez que vous dépisterez massivement la population, mais pour l'essentiel en sortie de confinement, c'est-à-dire lorsque la pandémie sera derrière nous ou presque. Vous évoquez un objectif de 100 000 tests par jour, mais pour le mois de juin ! D'ici là, nous passerions de 5 000 tests par semaine à 20 000, et ce dès la semaine prochaine. Vous en conviendrez : ces chiffres ne sont pas à la hauteur des besoins de notre pays !
Qui profitera de ce surcroît de tests supplémentaires ? Êtes-vous prêt à concentrer l'effort sur les établissements pour personnes âgées, lesquelles sont les plus vulnérables, les plus fragiles face au virus ? Leur enfermement en chambre, dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, n'est pas une solution qui pourra durer bien longtemps. N'attendons pas l'hécatombe ! Monsieur le Premier ministre, quelle politique de dépistage systématique êtes-vous prêt à mettre en oeuvre pour les soigner dès que possible ?
Monsieur Marleix, vous soulevez la question des tests de dépistage du Covid-19. Je répéterai les indications fournies à la nation samedi dernier lors d'une conférence de presse.
Il existe trois méthodes de test. La méthode PCR – Polymerase Chain Reaction ou réaction de polymérisation en chaîne – est sûre. Nous y recourons en France, comme les autres pays du monde sur leurs territoires respectifs. La technique mise en oeuvre est lourde ; elle suppose des plateformes technologiques PCR. Nous en avons acheté de nouvelles, qui sont réparties aux quatre coins du territoire national, outre-mer inclus.
Le recours à la méthode PCR monte en puissance. Nous avons dépassé le seuil de 20 000 tests réalisables par jour, et nous atteindrons 50 000 tests par jour d'ici à la fin du mois d'avril. Comme l'épidémie progresse, on dénombre de plus en plus de nouveaux malades, notamment parmi les soignants, les personnes fragiles, les personnes hospitalisées et les personnes vivant en EHPAD – ainsi que celles qui y travaillent – , qui sont potentiellement malades ou fragiles, et qu'il faut donc protéger. L'augmentation du nombre de tests permet de dépister systématiquement les publics prioritaires.
Par ailleurs, nous avons passé des commandes pour de nouveaux tests. Aucun pays au monde n'applique depuis des jours une politique de dépistage par tests rapides, qui sont le fruit de l'innovation et de la recherche-développement. Nous en avons acheté ; nous pourrons en fournir aux Français à raison de 30 000 par jour dès le mois d'avril. Nous augmenterons progressivement l'offre jusqu'à atteindre 100 000 tests pas jour au cours des deux mois qui suivent.
Enfin, la troisième méthode de dépistage repose sur la sérologie. Elle permettra de déterminer, par le biais d'un prélèvement sanguin, si quelqu'un a été malade, s'il a été en contact avec le virus, s'il est donc immunisé, s'il n'a plus rien à craindre à ce sujet.
En tout état de cause, je le répète, les soignants travaillant dans les EHPAD sont des publics absolument prioritaires s'agissant du dépistage du virus, que ce soit par la méthode PCR ou par test rapide.
Par délégation de Patrick Mignola, président du groupe MODEM et apparentés, il me revient de poser à M. le ministre des solidarités et de la santé une question transmise par notre collègue Michèle de Vaucouleurs, députée des Yvelines, à laquelle on me permettra d'associer Justine Bénin, Nathalie Elimas, Brahim Hammouche, Cyril Isaac-Sibille et Bruno Millienne, tous membres de la commission des affaires sociales.
La situation sanitaire particulièrement préoccupante qui prévaut dans les EHPAD, à l'heure où nous nous réunissons, doit nous amener à repenser profondément la prise en charge de la dépendance, en structure dédiée comme à domicile. Depuis le début de la législature, ce sujet mobilise notre assemblée, impatiente à ce titre de se remettre au travail pour donner corps à une prise en charge plus satisfaisante de nos aînés.
Tandis que les personnels soignants et administratifs des EHPAD se démènent, la prise en charge à domicile est également mise en difficulté, en raison des nombreux arrêts maladie déposés par des personnes aidantes à domicile. Dans ce contexte, il semble opportun à mes collègues membres de la commission des affaires sociales d'anticiper la publication du décret d'application de l'indemnisation du congé de proche aidant, prévue à l'article 45 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.
Rappelons-le : près de 11 millions de Français, soit un sur six, sont des aidants réguliers mais non professionnels, qui soutiennent un proche en perte d'autonomie. Ainsi, chacun comprend l'intérêt que portent nos collègues de la commission des affaires sociales susmentionnés à toute mesure permettant de faire en sorte que les aidants qui le souhaitent puissent se consacrer pleinement à l'accompagnement de leur proche, et ce dès que possible.
Monsieur le ministre, le décret d'application de la disposition est prévu pour le mois d'octobre 2020. Ne pensez-vous pas qu'avancer sa publication constituerait une mesure de justice sociale ?
Vous m'interrogez sur la situation particulière des aidants au cours de l'épidémie, ce dont je vous remercie. Il s'agit d'une question primordiale. Je saisis l'occasion que vous m'offrez pour faire le point à ce sujet.
Sur la question de l'indemnisation du congé de proche aidant, qui est une avancée majeure du dernier budget de la sécurité sociale, je mets tout en oeuvre pour que nous publiions le décret d'application dans les meilleurs délais. Je prends bonne note de votre sollicitation, à laquelle je suis très sensible.
Parce qu'ils prennent soin quotidiennement des personnes les plus fragiles, les aidants font partie des cas dérogatoires exceptionnels aux restrictions de sortie du domicile, ce qui leur permet de rendre visite à leur proche malade, en situation de handicap ou en perte d'autonomie. Il s'agit d'une exception à l'interdiction de se déplacer, ainsi qu'à la nécessité de faire en sorte que les personnes âgées restent confinées chez elles, le plus loin possible des autres. Elles ne peuvent pas vivre sans leurs aidants ; il était normal que la nation le reconnaisse par tous les moyens.
Au-delà de la question des personnes fragiles hébergées en EHPAD, il ne faut pas laisser de côté la question du handicap, et notamment des enfants en situation de handicap. Certaines structures sont fermées, mais les services doivent rester disponibles pour les parents qui en ont besoin, même à distance, même par téléphone ou par visioconférence.
J'ai confié à Jérôme Guedj, ancien parlementaire, une mission sur la question particulière de l'isolement, pendant le confinement, des personnes âgées ou fragiles, dont le nombre dépasse 1,3 million. Nous travaillons au quotidien sur ce sujet. Je remercie les élus locaux de leur engagement sans faille ; les collectivités territoriales, les centres communaux d'action sociale – CCAS – et l'ensemble du tissu associatif agissent pour prendre des nouvelles, pour appeler, pour contacter, pour prendre soin des personnes isolées. Je remercie également la Croix-Rouge et toutes les associations avec lesquelles Christelle Dubos, secrétaire d'État chargée des personnes âgées, et moi-même travaillons tous les jours.
S'agissant du handicap, je ferai une communication très prochainement en compagnie de Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, pour promouvoir des solutions innovantes de solidarité dans cette période.
Monsieur le Premier ministre, face à la crise du coronavirus, mon groupe, que j'ai l'honneur de représenter aujourd'hui, m'a transmis de très nombreuses questions ; j'en aborderai ici deux.
La première porte sur la réanimation. Vous avez annoncé, samedi dernier, vouloir porter les capacités de notre pays à 14 000 places, contre 10 000 actuellement et 5 000 initialement. Je vous en remercie. Au-delà, se pose toutefois la question des stocks de médicaments utilisés en réanimation, en particulier le curare cisatracurium et le midazolam. Pouvez-vous me confirmer que la France dispose de stocks suffisants pour faire fonctionner 14 000 places de réanimation, et pour combien de temps ?
Par ailleurs, se pose également la question de la phase post-réanimation, nécessaire à tous les patients qui ont subi une réanimation aiguë. Je souhaiterais que vous nous indiquiez le nombre de places disponibles.
Ma deuxième question porte sur les outre-mer. Les premiers cas y sont apparus, et la situation va être très compliquée du fait de la situation insulaire, du fait des carences des hôpitaux sur place, du fait de la difficulté à maintenir un confinement quand les températures avoisinent les 30 degrés, comme cela est déjà le cas, du fait de manque de masques. S'agissant de La Réunion, la ministre des outre-mer a indiqué hier que le quota de 425 000 masques prévu pour l'île avait déjà été reçu, en deux commandes. Pourtant, les professionnels de santé continuent d'alerter sur le manque de matériel de protection – ce n'est pas le cas seulement à La Réunion, mais aussi partout ailleurs. Pouvez-vous m'indiquer quel est l'état du stock de masques et de tests dans les outre-mer ? Qui pourra en bénéficier ?
Madame la présidente, vous posez beaucoup de questions, vous demandez beaucoup de chiffres ; vous m'avez adressé il y a peu un courrier qui comportait, je crois, près de vingt-cinq questions précises. C'est tout à fait légitime, et j'essaierai naturellement d'y répondre aussi scrupuleusement que possible. Dans cette période, j'essaie de faire de mon mieux pour apporter à nos concitoyens les réponses précises qu'ils attendent ; quand je n'ai pas le chiffre en tête – s'agissant par exemple du stock de masques dans tel ou tel département – je préfère vous renvoyer à une réponse plus complète qui vous sera donnée par écrit ou à l'occasion d'une prochaine rencontre.
Je répondrai néanmoins à vos deux questions. S'agissant des outre-mer, l'insularité, vous l'avez dit, doit être prise en considération dans l'organisation des soins. Nous connaissons la fragilité sanitaire de ces territoires ; elle est ancienne, et parfois remise en cause par des projets d'investissement massifs : vous savez comme moi qu'un nouvel hôpital, très résilient, très performant, est en cours de construction en Guadeloupe. Mais il n'est pas achevé.
C'est d'ailleurs parce que nous savons la situation sanitaire délicate que nous avons pris des mesures en avance de phase par rapport à la situation épidémique. Nous avons confiné l'ensemble des territoires ultramarins alors que, dans certains d'entre eux, le virus ne circulait pas encore dans des conditions épidémiques et que nous en étions encore à ce que l'on appelle parfois le stade 1 ou le stade 2. Leur fragilité sanitaire rend en effet encore plus nécessaire le ralentissement de la circulation du virus dans ces territoires. Nous avons donc pris des mesures : quarantaine, ou plutôt quatorzaine, à l'arrivée sur le territoire ; stricte limitation des motifs d'entrée sur les territoires ; confinement généralisé ; possibilité pour les préfets de prendre des mesures de couvre-feu – comme dans le cadre national, mais nous avons incité les préfets ultramarins à faire usage de cette possibilité si cela leur paraissait nécessaire. Dans le même temps, nous avons choisi d'augmenter la capacité d'accueil hospitalière de ces territoires autant que cela nous était possible. Je n'ai pas les chiffres en tête, mais j'ai eu l'occasion d'indiquer samedi dernier que, dans tous les territoires ultramarins, la capacité d'accueil en réanimation serait augmentée, afin d'apporter une réponse qui, quoi qu'il arrive, sera une réponse délicate à une situation délicate. Il faut le dire clairement.
C'est la raison pour laquelle nous avons également décidé de projeter des moyens, y compris des moyens militaires, pour soulager les outre-mer, notamment s'agissant des lits en réanimation.
Vous m'interrogez également sur la question des médicaments. Nous disposons de stocks, bien entendu. Mais, là encore, je veux être clair : partout dans le monde, la consommation des médicaments utilisés en réanimation explose – ce n'est pas, vous le savez comme moi, propre à la France. Si, en France, nous sommes passés de quelque 5 000 lits de réanimation à plus de 10 000, si l'on constate des évolutions similaires en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis, alors il est inévitable que la consommation des molécules nécessaires pour le placement et le maintien en réanimation explose.
C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place un plan national d'approvisionnement : ainsi, nous passons des commandes groupées, et nous pouvons utiliser l'influence de la diplomatie française lorsque l'approvisionnement n'est pas strictement national. Nous avons également mis en place une méthode de répartition des médicaments entre les différentes régions, afin que chacun puisse avoir accès aux molécules nécessaires. C'est un exercice difficile.
Certaines des mesures que nous prenons pourraient sembler accessoires, ou minimes, mais sont en réalité essentielles : nous avons ainsi fait en sorte que la décision soit prise, au sein de l'Union européenne, que les médicaments produits sur le territoire de l'Union ou à l'extérieur puissent nous arriver sous une seule forme d'emballage, c'est-à-dire utilisant notamment une seule langue, l'anglais. Cette simple dérogation à la règle habituelle a permis à certaines usines de multiplier leur production par trois ; elles peuvent se concentrer sur la production du produit plutôt que sur les spécificités propres à chaque pays. Nous augmentons ainsi notre capacité à nous approvisionner. Nous veillons ainsi à faire en sorte que les huit molécules essentielles – ma science est récente – soient bien présentes dans nos stocks.
Je ne veux néanmoins rien cacher des difficultés qui pourraient intervenir, non pas à court ni probablement à moyen terme, mais dans la durée, si, de son côté, l'industrie pharmaceutique n'augmentait pas considérablement ses capacités de production. Aucune chaîne de production ne pourrait durablement résister à une augmentation de 2 000 % de la consommation ! C'est évidemment l'enjeu essentiel de ce combat, qui doit être collectif, et que nous entendons mener avec l'ensemble de nos partenaires.
Lutte contre l'épidémie de Covid-19
Mes pensées vont d'abord vers les familles de Patrick Devedjian et de Jean-François Cesarini.
Monsieur le Premier ministre, vendredi dernier, vous avez annoncé le prolongement du confinement de la population jusqu'au 15 avril prochain, en précisant que les deux semaines à venir seraient encore plus difficiles. Le comité scientifique, sur lequel vous dites vous appuyer, avait pour sa part préconisé six semaines. Pourquoi ces annonces de périodes successives de quinze jours, qui ne permettent pas d'anticiper, de se préparer, et qui créent de la confusion ?
Par ailleurs, nous le savons, le confinement ne sera efficace que si nous donnons effectivement les moyens de protéger ceux qui nous protègent. À la pénurie de masques, s'ajoute celle des surblouses, des respirateurs, mais aussi des tests dits « PCR », qui permettraient d'éviter les contaminations, notamment en milieu hospitalier. Au-delà des milliards qu'on nous annonce vouloir investir, les annonces concrètes concernant leur disponibilité sont systématiquement en décalage avec la réalité. Pouvez-vous nous assurer que les personnels soignants seront suffisamment équipés en matériel, et qu'ils seront testés ? Pouvez-vous nous assurer que les forces de l'ordre seront protégées pour assurer le confinement, que nous aurons la capacité d'équiper correctement les pompiers, les ambulanciers, les personnels des EHPAD, les aides à domicile – tous ceux qui sont envoyés en première ligne et tous ceux qui continuent à travailler pour le bien de tous ?
Pourrions-nous disposer de calendriers fiables et précis pour l'ensemble des matériels, ainsi que de données sur leur répartition ?
Enfin, quelle est votre stratégie pour affronter les semaines à venir ? Le déconfinement ne sera possible qu'en identifiant les personnes immunisées contre le Covid-19, ce qui nécessite de développer au plus vite les tests de sérologie. Quand seront-ils prêts et pour quelle utilisation ?
Au-delà des mesures immédiates, urgentes, de protection que vous devez aux Français, pouvez-vous nous donner des perspectives, nous éclairer sur votre stratégie de crise et de sortie de crise, dont on sait qu'elle ne pourra être que progressive ? Vous devez aux Français d'expliquer non seulement le comment, mais aussi le pourquoi de vos décisions.
Madame la députée, il y a beaucoup de questions dans votre question. La principale porte, je crois, sur la stratégie de protection de nos concitoyens et de lutte – terme plus exact ici que celui de « gestion » – contre l'épidémie.
Une étude due à l'Imperial College de Londres, parue hier soir assez tard, s'interroge sur l'effet du confinement et sur son efficacité. Nous le croyons, nous, efficace : la France a pris, très tôt, des mesures de confinement généralisé, et nous avons plusieurs fois dit qu'il s'agissait là du seul moyen de freiner la diffusion d'un virus, faute de vaccin. Cette étude anglaise – dont je n'ai pas de raison de douter, même si je ne la prends pas pour argent comptant – montre que l'effet du confinement est majeur : en douze jours, elle estime que ce sont 2 500 vies qui ont été épargnées dans notre pays. Toutes les huit minutes, nous sauvons une vie en restant chez nous ; et ce nombre augmentera de jour en jour, au fur et à mesure que le confinement portera ses fruits.
Nous lèverons le confinement lorsqu'il ne sera plus nécessaire, lorsque la circulation active du virus aura cessé et lorsque les hôpitaux qui luttent aujourd'hui dans le Grand Est, en Île-de-France, en Bourgogne-Franche-Comté et dans bien d'autres régions auront réussi à faire face à la vague de patients dans un état sévère qui remplissent les lits de réanimation et pour qui des centaines de milliers de soignants et d'acteurs de la protection nationale sont mobilisés au quotidien.
À ceux-là, nous devons la protection. Cela passe d'abord par des masques, et nous avons fait toute la lumière sur les commandes en cours. Aujourd'hui, ce sont 1,7 milliard de masques qui ont été commandés en France et à l'étranger ; ils nous parviendront progressivement. Les arrivées par avion sont aujourd'hui quasi quotidiennes, et quotidiennes pour celles de nos industries françaises. Le Président de la République a dit ce matin que, d'ici à la fin de l'année, la France sera autonome, dans la durée, en ce qui concerne la production de masques.
Monsieur le ministre, je vous demandais pourquoi vous aviez annoncé un prolongement du confinement de quinze jours quand le comité scientifique demandait six semaines : je n'en remets donc pas en cause la pertinence, bien au contraire.
Par ailleurs, je vous demandais de mettre en perspective les décisions d'aujourd'hui et celles de demain.
Monsieur le Premier ministre, « dans mon hôpital, nous avons trois jours de stock d'anesthésiques. On doit choisir les patients admis dans notre service, en fonction de leur probabilité de s'en sortir. Mais si on en venait à ne plus soigner ou à mal soigner ceux qui peuvent s'en sortir, ce serait vraiment terrible ». Voici la souffrance insupportable des soignants. Ils manquent de tout : de masques, de lits, de personnels, de respirateurs, de tests et maintenant de médicaments. Ils manquent de curares, indispensables pour relaxer les muscles lors d'intubation de patients ; de sédatifs pour les personnes en réanimation ; de morphine ; d'antibiotiques.
Une catastrophe dans la catastrophe. Le manque de médicaments, c'est l'impossibilité de mettre sous respirateur toutes les personnes qui devraient l'être. Ce sont des gens qui vont mourir d'étouffement à cause de douleurs alors qu'on aurait pu les sauver. On ne parle pas de semaines pour une rupture totale de certains de ces médicaments, mais de jours. Vous demandez déjà aux hospitaliers de limiter l'usage de la morphine. La pénurie est déjà là.
Vous avez été alerté la semaine dernière par le président de la commission médicale de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l'AP-HP, comme par l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament. Sans réponse.
Votre gestion de crise, monsieur le Premier ministre, c'est une gestion de la pénurie. Lors de votre conférence de presse, vous avez affirmé : « Dès que nous aurons le sentiment que la réquisition est nécessaire, il sera procédé à des réquisitions. » N'avez-vous toujours pas le sentiment de l'urgence ? Nous avons en France le savoir-faire. Qu'attendez-vous pour réquisitionner les moyens de production pour fournir ces médicaments indispensables ? Qu'attendez-vous pour nationaliser Luxfer, dernière usine en Europe à produire des bouteilles d'oxygène médical, ou Famar, qui fabrique douze médicaments d'intérêt thérapeutique majeur ?
Chaque heure compte pour prendre ces décisions vitales. Coordonner la production, réquisitionner les entreprises nécessaires, impliquer les travailleurs concernés, c'est ce que nous appelons la planification sanitaire.
Nous en sommes là aujourd'hui parce que la loi du marché a eu le dernier mot : il y a trente ans, 80 % des médicaments étaient produits en Europe ; aujourd'hui, c'est 20 %.
Organisez le retour de l'État, monsieur le Premier ministre. Nationalisez, réquisitionnez – ou bien laissez-nous faire ! Sans quoi vous aurez des comptes à rendre pour un naufrage.
Je tiens à corriger l'une de vos affirmations – la liste pourrait être longue mais il en est une que je souhaite rectifier immédiatement : aucune demande de limitation du recours à la morphine n'a été adressée à qui que ce soit.
Vous prétendez que nous avons exigé des soignants qu'ils limitent le recours à la morphine. Je le répète, en tant que ministre des solidarités et de la santé, et avec gravité – vous ne pouvez pas manipuler une telle information pour faire un effet de tribune : il n'y a aucune limitation à l'administration aux patients de médicaments permettant de lutter contre la douleur.
En revanche, les stocks de produits anesthésiques et l'utilisation de certains produits dans les hôpitaux font l'objet de tensions. Pour les premiers, le Premier ministre l'a expliqué à l'instant, nous pouvons compter sur un stock national stratégique portant sur huit molécules d'intérêt majeur et permettant de faire des commandes massives et sur une gestion rigoureuse, territorialisée, en fonction des besoins exprimés par les établissements de santé et les médecins libéraux.
Le Premier ministre a également mentionné l'explosion de la consommation – jusqu'à 2 000 % d'augmentation – de certains médicaments, non pas en France mais dans le monde entier – aux États-Unis, en Europe, dans toute l'Asie, en Afrique, bref, partout. Lorsque tous les pays recherchent le même médicament au même moment, les capacités de production sont évidemment mises sous tension, en France comme ailleurs, de manière à pouvoir répondre à la demande. Mais, à mesure que l'épidémie progresse, que les malades s'accumulent dans les hôpitaux et les services de réanimation, tous les systèmes productifs et tous les systèmes de soins du monde entier se trouvent en tension.
Tenter de faire croire que le problème serait franco-français n'est pas à la hauteur des enjeux, madame Panot.
Je n'ai jamais nié, et je ne nierai jamais, les difficultés lorsqu'elles existent – et elles peuvent survenir. C'est la raison pour laquelle nous prenons toutes les mesures nécessaires : par exemple, la réquisition des masques le 3 mars – la France a été le seul pays en Europe à la décider.
Le Président de la République a annoncé ce matin que 10 000 respirateurs ont été commandés auprès de l'ensemble des industries de notre pays capables, en quelques jours, de réorienter leur production pour fournir du matériel de protection et des moyens de soigner les malades.
C'est l'image de la France que nous pouvons renvoyer depuis cet hémicycle.
L'Organisation mondiale de la santé n'a cessé depuis le début de l'épidémie d'appeler tous les pays touchés à multiplier les dépistages pour chaque cas symptomatique.
Son directeur général a encore rappelé hier à Genève un message simple pour tous les pays : « Testez, testez, testez les gens ! »
Alors que nos voisins allemands réalisent désormais un demi-million de tests de dépistage par semaine, la France n'en effectuait encore la semaine dernière que 5 000 par jour.
Vous avez semblé, samedi dernier, vouloir opérer un changement de stratégie en annonçant la commande massive de tests sérologiques dans l'espoir de pouvoir pratiquer quelque 100 000 tests par jour d'ici à la fin du mois de juin.
Si nous notons cette inflexion stratégique, de nombreuses questions demeurent.
Qu'est-ce qui justifie que notre pays n'ait pas, dès le départ, pris la décision de suivre les recommandations de l'OMS en matière de dépistage ?
Cette question en appelle une autre sur la stratégie sanitaire de sortie du confinement de la population – vous avez évoqué la fin du mois de juin pour les tests de dépistage.
Nos concitoyens aspirent à une information claire sur la stratégie poursuivie, les perspectives et projections qui sont les vôtres. Aujourd'hui, dans leur grande majorité, nos concitoyens respectent le confinement – il faut le souligner et leur témoigner notre solidarité. Ils ont d'autant plus besoin d'être éclairés sur la méthode.
Attendez-vous de disposer du nombre de tests de dépistage nécessaire pour amorcer la sortie du confinement ? Votre objectif est-il encore d'atteindre le seuil de l'immunité de groupe, en vous assurant d'ici là de minimiser le nombre de victimes ? La sortie sera-t-elle progressive, en fonction de la disponibilité des masques pour le grand public ? Allons-nous manquer de médicaments ?
Autant de questions sur lesquelles nous aimerions vous entendre, monsieur le ministre.
Votre question, madame Faucillon, porte sur notre stratégie globale et ses perspectives d'évolution. Elle aborde un enjeu essentiel : l'immunisation de la population. À partir de quelle proportion de Français immunisés – par un vaccin, s'il existe, ou après avoir été affectés par la maladie, de manière symptomatique ou non – peut-on considérer que le virus ne circule plus ? Comment freiner le plus possible cette circulation pour permettre à nos hôpitaux de soigner les malades ? La situation actuelle du Grand-Est et de l'Île-de-France montre à quel point il était vital d'appeler au confinement généralisé afin d'éviter un afflux encore plus important de malades dans les hôpitaux qui aurait complètement emporté notre système de santé.
Comment s'assurer du niveau d'immunisation de la population, demandez-vous ? C'est tout l'objet de la sérologie qui permet de déterminer si une personne a développé des anticorps, des immunoglobulines, en réaction à l'exposition au virus, en l'absence de vaccin. J'espère de tout coeur, et vous aussi, que nos industriels, Sanofi ou d'autres, seront capables d'en développer un très rapidement.
Il est important de saluer aussi la mobilisation de l'industrie pharmaceutique. Je leur tire mon chapeau, car celle-ci est à nos côtés et ses salariés travaillent du soir au matin pour faire de la recherche et produire les médicaments. Il faut aussi le reconnaître en période d'épidémie.
La sérologie, qui permet de s'assurer de l'immunisation de la population, est en cours de recherche et de développement. Aucun pays au monde n'a encore réussi à établir une sérologie pouvant être diffusée à grande échelle, mais la recherche progresse très vite et j'ai très bon espoir que dans quelques jours, peut-être quelques semaines au plus tard, nous puissions effectuer des sérologies dans la population. Nous verrons alors quel pourcentage de celle-ci est immunisé. Ce sera un indicateur très précieux pour piloter les politiques sanitaires une fois que nous aurons levé le confinement, en complément de la politique de dépistage que j'ai évoquée il y a quelques instants.
Permettez-moi, tout d'abord, d'adresser de la part de l'ensemble des membres du groupe La République en marche, un message de condoléances à la famille et aux proches de notre regretté collègue Jean-François Cesarini.
Je pose cette question au nom de mon collègue Michel Lauzzana.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, la pandémie de Covid-19 que nous connaissons met notre système de santé à rude épreuve.
Michel Lauzanna souhaite rappeler tout son soutien aux personnels de santé qui luttent chaque jour pour sauver des vies, et à toute la chaîne de santé, des secrétaires aux ambulanciers. Il tient aussi à saluer les personnels de l'État et des collectivités territoriales qui assurent les besoins du quotidien, et plus largement à tous ceux qui travaillent.
Sauver des vies, c'est dans les cas les plus graves, placer le patient en réanimation. Pour ce faire, nous avons besoin de médicaments anesthésiques puissants tels que le curare. De nombreux professionnels s'alarment d'une réduction inquiétante des stocks dans les hôpitaux.
Dans sa circonscription du Lot-et-Garonne, une usine UPSA implantée à Agen produit différentes formes de paracétamol. Le député Lauzanna tient à saluer le travail des salariés qui oeuvrent sans relâche à la production des médicaments. Si une production française de médicaments perdure, malheureusement, la matière première, elle, est importée de Chine ou des États-Unis.
Cette crise nous conduit donc à nous interroger sur notre stratégie industrielle pharmaceutique et sur le besoin de relocaliser la production et la matière première en valorisant par exemple le made in France. La question de la politique tarifaire et de ses impacts se pose également.
La France a besoin d'une nouvelle politique industrielle pharmaceutique notamment pour protéger ses sites stratégiques.
Michel Lauzanna souhaite connaître les pistes envisagées par le Gouvernement en ce sens. Au regard de la production et des stocks disponibles de médicaments, le risque de pénurie est-il à ce jour totalement écarté ?
En période d'épidémie, face à un virus inconnu, affirmer qu'il n'y a aucun risque serait aller au-delà de ce que je peux décemment vous répondre en conscience, considérant les données de la science en France et dans le monde.
Certains faits ont été déjà été évoqués au cours de cette séance, notamment l'explosion de la demande de médicaments dans le monde – plus de 2 000 % – , laquelle crée des tensions, parfois des manques ou, à tout le moins, une réduction des stocks.
Cela nous oblige en permanence à établir une logistique accélérée et réactive pour faire en sorte qu'aucun hôpital ne manque de moyens pour soigner les malades. C'est le cas dans le monde entier – je m'en entretiens avec mes homologues européens, mais aussi américains et japonais, dans le cadre du G7 Santé.
M. Lauzzana a raison de souligner que cela pose la question majeure de l'indépendance de la France et de l'Europe en matière de production de matériaux vitaux, essentiels.
C'est une réflexion que nous avions déjà amorcée. Vous le savez, plusieurs dispositions ont été adoptées dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. L'une d'entre elles contraint les laboratoires pharmaceutiques à conserver sur le territoire national l'équivalent de quatre mois de stock pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur.
Nous aurons l'occasion de revenir sur la question essentielle de la réindustrialisation. J'ai déjà salué la forte mobilisation de l'industrie pharmaceutique pour répondre à la demande et je réitère mon hommage, car elle le mérite.
Les agences régionales de santé établissent les priorités pour leur région dans la répartition des stocks de médicaments indispensables dans la période. Nous renforçons l'approvisionnement par un sourcing accru, en lien avec l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Nous régulons plus strictement les stocks présents sur le territoire, sur le modèle de ce que nous faisons pour les respirateurs. Enfin, partout où cela est nécessaire, nous identifions, avec les soignants, des alternatives pour certains médicaments s'ils venaient à manquer demain.
Face à une épidémie, nous devons être modestes, mais nous devons être armés et tout faire pour être en mesure de lutter avec efficacité.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, vous commencez à apporter quelques remèdes à la criante pénurie de masques chirurgicaux et FFP2 dont la France souffre toujours et souffrira encore longtemps, une pénurie qui semble être le pilier de notre stratégie face au Covid-19.
Ce dont souffrent le plus les personnels soignants, y compris dans des grands hôpitaux, mais aussi les médecins libéraux, les infirmières, les professions paramédicales, tous les intervenants à domicile, tous ceux à qui nous rendons un vibrant hommage, c'est désormais aussi du manque de tous les autres matériels de protection – les surblouses, les charlottes, les gants, le gel hydroalcoolique – , mais aussi de tensions sur les réserves et l'approvisionnement de médicaments comme les antibiotiques, le curare ou la morphine.
Il y a un risque, d'une part, de perte de chance pour certains malades et, d'autre part, de profonde carence dans l'accompagnement des patients en fin de vie. Et là, à la différence des masques, les agences régionales de santé – ARS – n'ont pas été mobilisées. Chacun semble être renvoyé au système D. Nous assistons à de très sympathiques opérations de solidarité mais un tel enjeu de santé publique appellerait probablement une réponse mieux coordonnée. Le collectif inter-hôpitaux vous a demandé hier de procéder à des réquisitions. Vous avez évoqué le stock stratégique national. Celui-ci vous permettra t-il de tenir jusqu'à la fin de la crise ?
Nous ne sommes probablement encore que dans la phase montante de la crise. Quelles initiatives d'urgence comptez-vous prendre pour pallier les nombreux manques dont souffrent les personnels ?
J'ai largement répondu sur les masques, sans apporter pour autant, j'en ai conscience, une réponse concrète à ceux qui les attendent. Néanmoins, nous avons fait part des difficultés auxquelles nous sommes confrontés et dont souffrent en conséquence les soignants sur notre territoire.
Quarante millions de masques ont été déstockés au profit des hôpitaux, des EHPAD et des aides à domicile et la médecine de ville – je pourrais citer d'autres acteurs de première ligne comme les pompiers, les éducateurs spécialisés ou les intervenants dans l'hébergement d'urgence.
Le Premier ministre a eu l'occasion d'indiquer que la production française était orientée vers des masques destinés aux non-soignants.
Nous continuons de réguler le déstockage de masques en fonction des besoins exprimés dans les territoires, au fur et à mesure des livraisons – 1,7 milliard de masques ont été commandés en France et à l'étranger. Ceux-ci arrivent régulièrement mais cela ne suffit pas encore pour voir suffisamment loin et, par conséquent, pouvoir accroître le déstockage.
S'agissant des blouses, des surblouses, des gants et des charlottes, nous passons également des commandes tous azimuts aux pays qui en produisent, et ce depuis des semaines – je réponds sans attendre que la question me soit posée – , et nous connaissons la même difficulté que pour les masques. Nous y sommes tous confrontés, posez la question à nos voisins allemands, espagnols, anglais, belges, suisses : tout le monde a besoin des mêmes produits au même moment, lesquels sont fabriqués dans un pays, la Chine, qui a été percuté par l'épidémie des mois avant nous ; les usines ont été arrêtées mais, avant même que la production ne reprenne, nous avons passé toutes les commandes possibles à l'étranger pour être les premiers, pour mieux armer les soignants et mieux les accompagner.
Cela n'enlève rien aux difficultés vécues au quotidien par les soignants, que je remercie une nouvelle fois pour leur engagement sans faille, mais cela apporte une explication à la situation que nous connaissons, mais aussi à la stratégie qui consiste à déstocker en voyant loin pour pouvoir protéger dans la durée.
S'agissant des masques, j'ai reconnu que les choses ont changé et ont été prises en main. En revanche, tous les autres matériels de protection ne semblent pas encore parvenus aux hôpitaux, aux personnels libéraux, ou encore aux infirmiers. Les ARS ne sont pas en mesure de répondre à cet enjeu sur notre territoire ; voilà le coeur de ma question.
Monsieur le Premier ministre, vous avez décidé de la prolongation du confinement pour quinze jours. Dont acte. Les Français sont respectueux des consignes dans un moment de péril sanitaire. Les inégalités, elles, ne sont pas confinées. Quatre millions de personnes sont mal-logées et 1,3 million de personnes vivent dans des logements indignes : pour elles, le confinement forcé, c'est la prison.
Le confinement, c'est aussi l'explosion des violences intrafamiliales, que subissent essentiellement les femmes et les enfants. Dès le début de ce moment exceptionnel, nous avions formulé des craintes vis-à-vis de vos prises de décision. Nous espérions être démentis ; vous les avez confirmées.
En effet, l'aveuglement capitaliste qui vous a toujours guidé, lui, n'est pas confiné. Après nous avoir refusé le rétablissement, fût-ce temporaire, de l'impôt de solidarité sur la fortune, voilà votre ministre des comptes publics en train de faire la manche et de réinventer les impôts sous la forme de cagnottes en ligne.
À lire le contenu de vos ordonnances, qui attaquent le droit du travail et les libertés fondamentales, on se demande ce que vous faites. Plutôt que de préparer la sortie du confinement, ne seriez-vous pas en train de poser les jalons d'un nouveau choc néolibéral ? Notre inquiétude grandit, monsieur le Premier ministre : avez-vous pensé l'après ? Préparez-vous le long processus qui s'ouvrira, celui du déconfinement ?
Pour cela, il n'existe pas d'autre solution que de tester, et ce de manière massive, toute la population, sachant qu'il est nécessaire de le faire dès maintenant pour toutes les personnes qui travaillent. Combien manque-t-il de tests ? Quelles sont nos capacités de production ? Pourquoi refusez-vous l'aide des laboratoires vétérinaires, lesquels vous la proposent depuis deux semaines et pourraient produire des centaines de milliers de tests ?
Il nous faudra aussi confiner les malades séparément. Quelles sont les capacités d'hébergement disponibles ? Autant de questions sans réponses.
Le monde d'après se bâtit maintenant. La bifurcation est commencée, sur d'autres bases, avec d'autres principes et d'autres moyens. Les mots du monde d'après sont simples : souveraineté populaire, planification, réquisitions.
Vous assénez que vous ne laisserez personne dire qu'il y a eu du retard pour prendre les mesures de confinement : nous le disons ! Il y a eu du retard à l'allumage, et si rien n'est anticipé, nous vous dirons bientôt, et des millions de Français avec nous, qu'il y a eu du retard pour prendre les mesures de déconfinement.
Je vous prie de m'excuser, madame Panot, mais je n'ai sincèrement pas compris le sens général de votre question. Souhaitez-vous que nous déconfinions le pays plus tôt ? Je vous assure avoir essayé de comprendre, mais en vain. Aussi, je vous répondrai sur les éléments de votre question que j'ai compris.
Vous évoquez les publics les plus fragiles : c'est une question qui me touche comme ministre des solidarités et de la santé, et qui touche notre majorité, le Gouvernement et l'ensemble des Français. Vous me donnez ici l'occasion de préciser un certain nombre de dispositions qui ont été prises.
Nous ne parlerons pas du CAC 40, madame Panot, mais des gens fragiles, précaires, lesquels sont parfois percutés encore plus durement par une épidémie comme celle du coronavirus en raison de leurs conditions de logement précaires, de leur isolement, ou de leur niveau de revenu extrêmement faible.
Je vous dirai que nous avons prolongé, sans condition, le bénéfice des minima sociaux pour les allocataires sur une durée allongée, le temps de voir venir la fin de l'épidémie, et afin que personne ne se retrouve privé du RSA – revenu de solidarité active – , de l'AAH – allocation aux adultes handicapés – , de toutes les allocations sociales.
Je vous dirai également que nous avons prolongé la trêve hivernale, qui devait s'arrêter le 31 mars, jusqu'au 31 mai, ce qui offre une garantie de protection pour des personnes sans abri, vivant dans des hébergements précaires, ou étant en difficulté pour payer leur loyer.
Je vous dirai que nous travaillons d'arrache-pied, avec Julien Denormandie, à toutes les solutions qui permettent d'augmenter le nombre d'hébergements d'urgence destinés aux publics précaires, précarisés, qui se trouvent dans la rue, qu'ils soient SDF ou migrants, ou qui ne disposent tout simplement pas d'un domicile décent pour pouvoir vivre et passer cette crise dans des conditions dignes.
Je vous dirai aussi que nous travaillons avec l'ensemble des ONG – la Croix-Rouge, Médecins du monde, Médecins sans frontière – et des associations qui viennent en aide aux publics fragiles, aux personnes isolées, et qui font preuve d'innovation dans la solidarité, ce dont personne ne doutait, mais ce qui se révèle, en plus, redoutablement efficace. Les services de l'État les remercient et sont à leurs côtés pour mener avec elles ce combat qui, je le dis, n'a rien de politique, mais tout d'humain.
En cette période d'état d'urgence sanitaire, de nombreux Français sont légitimement inquiets. Ils sont inquiets de voir chaque jour le nombre de contaminations augmenter et de nouveaux décès.
Ils sont inquiets du risque d'engorgement de nos services de soins intensifs et de réanimation. Le risque concerne désormais l'épuisement même des stocks de produits nécessaires à la réanimation, qu'il s'agisse de respirateurs, de curare et même de bouteilles d'oxygène. L'initiative d'Air Liquide de se lancer dans la fabrication de respirateurs, avant même toute demande officielle, est salutaire, mais révélatrice de l'absence d'État stratège et de souveraineté nationale.
Ils sont inquiets du manque de masques et d'équipement pour nos soignants qui se trouvent en première ligne, aussi bien en secteur hospitalier qu'en médecine de ville, et sans oublier les infirmières libérales. N'oublions pas non plus les aides à domicile, les policiers, les gendarmes, les salariés du transport, du commerce, les pompes funèbres et bien d'autres secteurs stratégiques. L'exigence de disposer de 200 millions de masques par mois n'est pas en passe d'être respectée.
Face à cette situation, les responsables politiques doivent la transparence aux Français, mais aussi se montrer visionnaires. Les experts de l'OMS s'accordent à dire qu'une des clés de la réussite face à cette épidémie est la généralisation des tests. Contrairement à la France, l'Allemagne et la Corée du Sud les ont très rapidement multipliés et ont isolé les malades. Notre pays est en retard aussi dans ce domaine.
Monsieur le ministre, peut-on espérer avoir, dans les prochains jours, les premiers résultats des essais cliniques actuellement en cours, comme celui intitulé Discovery ? Et pouvez-vous nous confirmer qu'en cas d'identification d'une molécule efficace pour combattre le virus, les stocks seront prêts pour approvisionner les établissements de soins dans les meilleurs délais ? Il s'agit d'un élément indispensable pour la sortie du confinement.
Monsieur le député, vous comparez la France avec d'autres pays en matière de stratégie de tests. Vous auriez pu comparer la France avec d'autres pays s'agissant de la stratégie du confinement. Vous verriez, je vous l'assure, que la France a été très avance par rapport à tous les autres pays, que nous avons même impulsé une dynamique européenne, et que nous avons incité très fortement des pays qui se trouvaient en retrait vis-à-vis de ces politiques de confinement à nous rejoindre.
Vous auriez pu suivre les interventions des membres du Gouvernement lors des différentes réunions européennes, tels que les conseils européens – elles sont d'ailleurs publiques. Vous auriez vu que la France a été, avec l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et quelques autres pays, l'un des premiers États membres de l'Union européenne à dire que la menace épidémique était réelle et qu'il fallait que l'Europe se prépare et s'arme. J'estime que les comparaisons doivent être faites dans leur globalité.
Je salue, puisque vous avez cité l'Allemagne, notre voisin allemand, qui nous aide énormément dans cette période, qui nous prête du matériel, qui est capable de transférer des malades de la région Grand Est vers son territoire national et qui permet de soulager les réanimations. Cette solidarité européenne, à laquelle nous croyons profondément, qui fait la beauté de l'Europe ainsi que son harmonie, et qui fait que nous sommes attachés à l'idéal européen, fonctionne à plein, monsieur le député.
Si nous n'avions pas l'Europe, nous n'aurions pas ce très fort soutien de l'Allemagne, et nous ne serions pas en mesure de tendre la main à nos voisins espagnols, avec qui nous avons même un hôpital commun – situé en Catalogne, du côté français – , ou à nos voisins italiens, qui se trouvent en difficulté. Deux jours après l'émergence des premiers malades, j'étais ainsi à Rome, en Italie, pour tendre la main à nos voisins européens. Cette solidarité européenne, je profite d'en avoir l'occasion pour vous le dire, nous aide et sauve des vies.
Je vous répondrai ensuite que nous n'avons pas attendu votre intervention, monsieur le député, pour demander à Air Liquide de travailler. Nous l'avons fait il y a de très nombreuses semaines. Posez donc la question aux industriels et demandez-leur à quel moment nous les avons contactés et à quel moment ils nous ont répondu favorablement pour produire des masques, des respirateurs, des solutions hydroalcooliques, des médicaments. Appelez les acteurs industriels : ils vous diront que nous n'avons pas attendu que vous vous réveilliez, monsieur le député, pour leur demander leur aide et de se mettre en fonctionnement pour le pays et les soignants.
Voilà !
Nous poursuivons notre séance avec des questions portant sur des thèmes économiques et sociaux.
La parole est à M. Olivier Marleix.
Tous les secteurs économiques, toutes les activités, toutes les entreprises, sont touchés par la crise. Ils ont entendu avec espoir les propositions du Président de la République, mais, tous mes collègues du groupe Les Républicains et moi – c'est aussi le cas, j'en suis persuadé, des députés siégeant sur les autres bancs – , nous sommes quotidiennement interpellés par des chefs d'entreprise nous disant que les choses sont, en réalité, beaucoup plus compliquées.
S'agissant du fonds de solidarité, je salue votre volonté de l'étendre, pour le mois d'avril, aux entreprises ayant perdu 50 % de leur chiffre d'affaires, et non plus 70 %. Il s'agit d'une demande constante que les députés de mon groupe, notamment Éric Woerth, Véronique Louwagie et Nicolas Forissier, avaient défendue en commission. Il convient que vous appliquiez cette règle également pour le mois de mars ; agir différemment n'aurait aucun sens.
À titre de comparaison, laquelle sera, monsieur le Premier ministre, assez cruelle pour notre pays, je rappellerai tout de même que l'Allemagne met 50 milliards d'euros nets sur la table en aides directes pour les entreprises, quand nous mettons 1,2 milliard d'euros, soit un chiffre quarante fois inférieur. Il serait donc opportun de ne pas trop en rajouter en tracasseries administratives. S'agissant par exemple du chômage partiel, beaucoup de dossiers ne sont pas refusés, mais du moins invalidés ou contestés par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, et ce pour des motifs parfois stupides, tels que des numéros SIRET qui ne fonctionnent pas.
Les injonctions contradictoires de l'État continuent également de placer certaines entreprises dans des situations impossibles. Certaines doivent ainsi rester ouvertes, alors que leurs clients n'ont pas le droit de sortir de chez eux !
Certains dispositifs sont aussi mal calibrés. J'ai en tête l'exemple des restaurateurs, qui émettent des contrats de travail de 40 heures par semaine, mais qui ne peuvent être indemnisés que sur la base de 35 heures, ce qui leur pose évidemment un problème.
Enfin, pour certains secteurs, la réponse de l'État n'est pas à la hauteur : je pense aux acteurs du tourisme, véritablement menacés de faillites en cascade, aux horticulteurs ou aux pépiniéristes, dont les pertes de chiffre d'affaires seront rédhibitoires.
Monsieur le Premier ministre, à l'heure où la précision et la crédibilité de la parole publique sont plus importantes que jamais, pouvez-vous nous expliquer dans le détail comment vous prévoyez de corriger les dysfonctionnements des dispositifs actuels ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le député, le dispositif que nous appliquons pour accompagner les entreprises est un dispositif massif, qui répond à des centaines de milliers d'entreprises, et qui est immédiatement opérationnel.
Parlons du fonds de solidarité : celui-ci, cela a été dit, prévoit le versement quasi automatique de 1 500 euros dans les premiers jours d'avril par les directions régionales des finances publiques, c'est-à-dire par les services fiscaux, aux très petites entreprises qui font valoir une baisse de 50 % de leur chiffre d'affaires au mois de mars ; Bruno Le Maire l'a précisé ce matin. Le fonds concernera également les entreprises qui ont dû fermer à la suite d'une décision administrative. Les choses sont donc très simples, et Gérald Darmanin s'est engagé à ce que ces dossiers soient traités de manière extrêmement rapide.
Existe également un dispositif de chômage partiel, lequel est très efficace et, je souhaite le rappeler, n'a pas d'égal au niveau européen. Ce sont plus de 8 milliards d'euros qui sont mobilisés pour les entreprises, selon des règles accessibles sur le site internet du ministère du travail : travail-emploi. gouv. fr. Il est vrai que des centaines de milliers d'entreprises sont actuellement en train de demander leur numéro, mais elles ont trente jours pour le faire et les effets du dispositif seront rétroactifs ; elles n'ont donc pas à s'inquiéter. Quant aux règles, elles sont très simples : si la convention collective prévoit une durée de travail hebdomadaire supérieure à 35 heures, le chômage partiel s'appliquera. S'il s'agit par exemple de 39 heures, il s'appliquera donc sur 39 heures : les choses sont très claires. En revanche, les heures supplémentaires ne sont pas concernées. J'estime qu'il n'existe pas de difficulté pour la compréhension de ce dispositif.
Est enfin prévu un soutien massif à l'économie, au travers des 300 milliards d'euros de garantie bancaire, mais aussi – car nous apprenons des crises précédentes – des 10 milliards d'euros de garantie apportée aux assureurs-crédit et des 2 milliards d'euros de garantie destinée aux assureurs-export.
Le dispositif est donc très complet.
Permettez-moi d'abord de dire que le groupe MODEM s'associe aux condoléances, que vous avez présentées, monsieur le président, à la famille de notre collègue Jean-François Cesarini. Nous partageons sa peine et sa douleur.
Cette question, préparée par mon collègue Vincent Bru, député des Pyrénées-Atlantiques, s'adresse à Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, et y sont associés Erwan Balanant, Isabelle Florennes, Élodie Jacquier-Laforge, Philippe Latombe et Laurence Vichnievsky.
Madame la secrétaire d'État, et avant tout propos, mon groupe souhaite saluer le remarquable travail accompli en ces temps difficiles par votre administration à destination de nos entrepreneurs, de nos salariés, de nos commerçants et de nos indépendants.
Mon collègue Vincent Bru s'est attelé à vérifier sur le terrain l'évaluation de la participation des compagnies d'assurance à la lutte contre les effets de la pandémie, à cet effort de guerre que le Gouvernement, conduit par M. le Premier ministre, s'efforce de mener avec bienveillance.
Après plusieurs échanges avec l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie – en particulier avec son président, Roland Héguy – , avec les présidents des chambres consulaires, avec la fédération départementale du bâtiment et des travaux publics des Pyrénées-Atlantiques et avec de multiples commerçants, il apparaît que nombreux sont ceux qui ont essuyé de la part des compagnies d'assurance un refus de compensation des pertes d'exploitation liées à l'épidémie du Covid-19. Nous sommes tous concernés par ce problème dans nos territoires.
L'abondement de 200 millions d'euros au fonds de solidarité, consenti par la Fédération française de l'assurance, semble assez faible au regard de ses capacités réelles. Comparaison n'est pas raison, mais d'autres élans de générosité ont fait paraître sur le devant de la scène des montants bien supérieurs. Comme mes professeurs l'écrivaient sur mes bulletins de notes : « peut mieux faire ».
Aussi, madame la secrétaire d'État, nous vous demandons d'insister auprès de la Fédération française de l'assurance pour qu'elle participe davantage à l'effort de guerre. Nous vous invitons en outre à modifier le code des assurances, lorsque la crise sera terminée, afin que les catastrophes sanitaires y soient intégrées au même titre que les catastrophes naturelles. Quel est votre avis sur ces deux propositions ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Vous avez raison : dans ce moment singulier, chacun – entreprise, particulier, industriel – doit participer à l'effort de guerre contre la crise sanitaire. Nous l'attendons également du secteur des assurances.
Reconnaître l'état de catastrophe naturelle n'aurait qu'une portée modeste, puisque la moitié des entreprises seulement sont prémunies par leur contrat de la perte d'exploitation dans ce cas – comme vous pouvez l'imaginer, ce sont souvent les plus structurées et les plus grosses, pas nécessairement celles qui en ont le plus besoin. C'est pourquoi nous avons demandé aux assurances d'apporter une contribution au fonds de solidarité, car cette aide est destinée aux très petites entreprises, celles qui en ont réellement besoin.
Nous travaillons également avec les représentants du secteur pour qu'ils continuent à assurer les très petites entreprises qui ne seraient pas en mesure de payer à la date prévue leur prime pour la reconduction de leur contrat. En effet, rien ne serait plus délicat que la perte du bénéfice de l'assurance au moment où elles sont le plus en difficulté ; cela ne ferait qu'ajouter des complications aux complications.
Tel est l'esprit dans lequel nous travaillons, en tâchant de rendre le secteur des assurances le plus contributif possible, à la fois dans le traitement des dossiers individuels des entreprises et dans son engagement au profit de la collectivité.
Monsieur le Premier ministre, le groupe Socialistes et apparentés a formulé plusieurs propositions dans le domaine économique. Je constate que vous en avez repris certaines, certes avec un peu de retard, notamment l'extension du fonds d'aide aux TPE, les très petites entreprises, et la suppression du jour de carence pour les fonctionnaires.
Je souhaite vous soumettre trois autres propositions très concrètes.
La première concerne les assurances. Comme cela a déjà été souligné, de nombreux commerçants, indépendants et artisans ont souscrit une assurance perte d'exploitation : lorsque l'état de catastrophe naturelle est reconnu, l'assurance compense une partie du chiffre d'affaires qui n'a pas été réalisé. Toutefois, beaucoup se sont vu refuser cette compensation au motif que le contrat qu'ils ont signé comporte une clause qui exclut la pandémie, même si l'état de catastrophe naturelle est reconnu.
En 2018, les assureurs ont encaissé 2,1 milliards d'euros de cotisations au titre de l'assurance perte d'exploitation. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous, oui ou non, disposé à faire contribuer les assureurs, en suivant le modèle de la contribution spéciale temporaire que vous aviez créée pour toutes les entreprises en décembre 2017 ? Cela rapporterait environ 1,4 milliard d'euros.
J'en viens à notre deuxième proposition. De nombreux fleurons français ont vu leur valeur boursière s'effondrer ces derniers jours, ce qui fait d'eux des proies faciles pour les investisseurs étrangers. Il est indispensable de les protéger des prédateurs. La loi permet au ministre de l'économie et des finances de refuser des investissements étrangers, mais dans quelques secteurs seulement. Êtes-vous, oui ou non, favorable à une extension de ce régime d'autorisation préalable à toutes les sociétés cotées en bourse et aux achats de brevets, jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire ? Le ministre de l'économie et des finances serait ainsi en mesure de contrôler tous les rachats, voire de les interdire – les États-Unis le font déjà.
Le troisième point concerne le versement des dividendes. Le ministre de l'économie et des finances a appelé les entreprises aidées par l'État à ne pas en distribuer. Nous proposons de l'inscrire dans la loi. Seriez-vous, oui ou non, d'accord pour le faire ?
Une fois encore, madame la présidente, il y a beaucoup de questions dans votre question !
Oui, trois, cette fois-ci.
Concernant les dividendes, nous avons en effet appelé à la modération les entreprises qui souhaitent en verser. Nous avons posé un principe simple : lorsqu'elles sollicitent un report du versement de leurs charges ou la garantie de l'État pour leurs emprunts bancaires, autrement dit lorsqu'elles font appel à la solidarité financière de l'État pour tenir, nous considérons qu'elles ne peuvent pas distribuer de dividendes. Telle est la règle que nous avons formulée.
Mon propos concerne les grandes entreprises. En effet, lorsque l'on évoque les entreprises, on désigne une entité juridique, mais celle-ci recouvre des réalités différentes : la société à responsabilité limitée employant douze salariés, dont le patron se paye souvent davantage en dividendes qu'en salaire, ne peut ici être considérée au même titre que la multinationale.
Je sais que vous êtes d'accord avec moi, mais je tiens à le préciser pour d'éventuels auditeurs : l'interdiction que j'ai évoquée concerne les grandes entreprises.
S'agissant du recours à l'activité partielle, permettant de placer les salariés au chômage partiel, nous avons également invité les entreprises à faire preuve de modération. Nous devons veiller en effet à garantir leur stabilité, y compris actionnariale. Elles sont en mesure d'apprécier ce qu'il convient de faire ou non, mais nous les avons fermement invitées à la modération, et nous pensons que le message a été entendu.
Au sujet des investissements étrangers, nous sommes effectivement vigilants – vous avez raison de nous inviter à l'être. Nous ne voudrions pas que des entreprises qui participent de la souveraineté nationale ou occupent une place particulière dans le tissu économique productif deviennent, du fait de la diminution de leur valeur boursière, la cible d'investisseurs étrangers qui auraient conservé des capacités d'investissement considérables et seraient à même d'en prendre le contrôle.
Vous savez qu'il existe des dispositions permettant de veiller à ce que les entreprises relevant de la souveraineté nationale ne fassent pas l'objet de raids de cette nature ; nous y aurons évidemment recours. Comme nous l'avons indiqué, nous sommes également prêts, lorsque cela nous paraîtra nécessaire, à prendre nos responsabilités dans les entreprises dont l'État est déjà actionnaire – elles peuvent d'ailleurs être, elles aussi, la cible de tels raids. Le cas échéant, cela pourrait aller jusqu'à en prendre le contrôle ; nous n'avons exclu aucune possibilité en la matière. Toutefois, au désespoir de certains peut-être, nous ne pouvons évidemment pas annoncer que nous prendrons le contrôle de toutes les entreprises.
J'ai bien compris que telle n'était pas votre proposition, ni votre intention.
En tout cas, il nous paraît qu'une interdiction de principe aurait plus d'inconvénients que d'avantages. Aussi n'avons-nous pas décidé de poser une telle interdiction, avec une autorisation qui deviendrait l'exception. Il n'en reste pas moins que la vigilance à laquelle vous nous invitez est de mise ; nous veillerons à ne pas placer des entreprises françaises dans une situation de fragilité.
Enfin, vous évoquez la question de la participation des assureurs à l'effort collectif. Relevons d'abord qu'ils ont accepté de participer, à hauteur de 200 millions d'euros, au financement du fonds de solidarité créé par le Gouvernement – les régions apportant pour leur part une contribution de 250 millions. Le fonds est ainsi passé de 1 milliard à 1,2 milliard.
Il est d'ailleurs probable, nous l'avons dit, que ce fonds sera tenu de fonctionner pour le mois d'avril également, voire au-delà. Je réponds ainsi de manière incidente à des questions posées antérieurement : le travail sur le déconfinement est devant nous, nous le savons parfaitement. Il a été engagé sur les plans technique, sanitaire, économique, mais les conditions dans lesquelles nous pourrons déconfiner sont encore à l'étude et dépendent très largement de l'efficacité du confinement et de la capacité d'accueil dans les services de réanimation. Notre stratégie globale, je le rappelle, consiste à empêcher le virus de circuler à un rythme tel que cela déborderait cette capacité d'accueil à l'échelle nationale. Dès lors, le déconfinement devra prendre en considération la réalité de la diminution des cas d'entrée en réanimation.
La question est donc délicate des points de vue technique, sanitaire, économique et, bien entendu, politique. Aucun d'entre nous, quelle que soit son orientation politique, ne souhaite que le confinement dure trop longtemps ; nous voulons tous le limiter à ses bornes les plus étroites. Néanmoins, je le dis à ceux qui s'interrogent sur sa durée, personne n'accepterait davantage que le déconfinement, parce qu'il n'aurait pas été accompagné par une bonne préparation, notamment par une politique de tests appropriée, se traduise par une augmentation immédiate du nombre de cas sévères nécessitant une hospitalisation.
La réflexion sur le déconfinement est en cours, nous aurons l'occasion d'y revenir. Les experts travaillent sur la question, des équipes sanitaires réfléchissent à ses modalités. Le moment venu, nous répondrons bien entendu à toutes les questions sur ce sujet.
Pour revenir à votre proposition, les assureurs sont appelés à participer à l'effort collectif. Vous évoquez une modification, par la loi, du sens de contrats passés entre des personnes privées.
De fait, si les contrats prévoient qu'en cas de pandémie, les clauses relatives à l'état de catastrophe naturelle ne s'appliquent pas, une loi tendant à revenir sur ce point interviendrait dans des contrats passés entre personnes privées. Ce n'est pas impossible mais, vous le savez, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a posé des limites très strictes à une intervention de cette nature, comme à la possibilité d'imposer à certaines entreprises une contribution au financement de la protection sociale, selon des critères qui ne seraient pas objectifs au regard du but recherché. C'est d'ailleurs un élément qui avait conduit le Gouvernement, lorsqu'il avait dû tirer les conséquences de pratiques antérieures qui avaient été déclarées anticonstitutionnelles, vous vous en souvenez sans doute, …
Je le sais bien, puisque c'est nous qui avons dû trouver la solution pour le remboursement. Nous avions dû viser toutes les entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à un certain seuil, et non une catégorie d'entreprises définie selon leur objet.
Si nous voulons travailler sur la mesure que vous évoquez, il faut évidemment vérifier sa conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, laquelle est extrêmement exigeante. Je sais que vous le savez, mais il me paraît utile, là encore, de le rappeler.
Mesures économiques pour lutter contre la crise liée au Covid-19
Au nom du groupe UDI, Agir et indépendants, je m'incline pour saluer la mémoire de Patrick Devedjian, de Jean-François Cesarini et de l'ensemble des victimes du coronavirus.
Puisque nous sommes dans la partie économique et financière des questions au Gouvernement, je veux évoquer deux acteurs incontournables, même si vos précédentes réponses étaient complètes, notamment concernant les pertes d'exploitation.
Nous faisons entendre les revendications et les sentiments exprimés sur le terrain. En Bretagne, d'où je viens, les mesures économiques que vous avez prises sont appréciées en bien ; les acteurs économiques les accueillent favorablement, qu'ils soient artisans, commerçants, industriels ou indépendants. Cependant, des interrogations et des inquiétudes légitimes subsistent.
Les premières concernent les banques. Au-delà des mesures que vous avez prises, pouvons-nous demander à celles-ci, afin d'apporter de la sérénité à nos concitoyens en cette période de crise, de ne pas appliquer de pénalités ni d'intérêts complémentaires lorsqu'une entreprise ou un particulier – pour une maison – sollicitent un report, de trois ou de six mois, des échéances de prêt ?
S'agissant des pertes d'exploitation, je fais écho aux deux interventions précédentes : il est urgent de travailler avec les banques et les assurances à une extension du dispositif prévu en cas de catastrophe naturelle aux cas de force majeure tels que celui que nous vivons. Autrement dit, il faut pouvoir déclarer un état de catastrophe sanitaire.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Je vous remercie d'avoir souligné la qualité du plan construit par les services de l'État, avec l'appui des collectivités locales. J'en profite pour remercier les régions, qui apportent une contribution importante au fonds de solidarité et prévoient des dispositifs complémentaires à ce plan.
Je souhaite revenir sur la question des assurances, soulevée par plusieurs d'entre vous, et plus particulièrement sur l'état de catastrophe sanitaire.
En l'occurrence, vous l'avez compris, déclarer l'état de catastrophe sanitaire ne résoudrait pas le problème, puisque l'ensemble des assurés n'est pas couvert contre ce risque. L'assurance contre ce risque n'est qu'optionnelle, alors que chacun d'entre nous est obligatoirement couvert par sa police d'assurance contre les catastrophes naturelles. Cela permet de protéger l'ensemble des Français confrontés à de telles catastrophes : ils peuvent bénéficier de prestations issues d'un fonds de réassurance, abondé régulièrement.
La présente situation nous amène à évoluer. Il convient effectivement de réfléchir à la possibilité de reconnaître, à l'avenir, un état de catastrophe sanitaire ; nous devons construire un dispositif analogue à celui qui prévaut en cas de catastrophe naturelle. Nous avons d'ores et déjà entamé la discussion avec les assurances à ce sujet.
Concernant les banques et les reports d'échéances, il convient de distinguer la situation des particuliers et celle des entreprises. Les particuliers sont assez bien protégés, grâce au chômage partiel et aux dispositifs destinés aux indépendants – c'est en tout cas le sens de notre action. En revanche, nous devons protéger davantage les entreprises, d'où notre action auprès des banques. En effet, de nombreuses entreprises n'ont plus de chiffre d'affaires, et ne peuvent donc pas faire face à leurs dépenses.
Mesures économiques pour lutter contre la crise liée au Covid-19
Madame la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, du fait de la situation, je vous adresse cette question au nom de l'ensemble des députés du groupe Libertés et territoires.
Face aux répercussions économiques de la crise actuelle, nous avons voté des mesures de soutien massif aux entreprises, en vous donnant des prérogatives étendues. Or nous nous interrogeons sur les modalités d'application de ces mesures, à cause de l'écart entre les annonces, fortes, et la réalité sur le terrain.
Les acteurs de certains secteurs font face, souvent seuls, à une terrible injonction contradictoire : ils doivent choisir entre l'impératif de reprendre le travail et celui d'assurer la sécurité des salariés. L'intervention de la ministre du travail, qui a souligné la responsabilité des entrepreneurs, alors que les équipements de protection manquent, a ajouté de la confusion aux incertitudes.
Dans le secteur du BTP, après les maladresses des premiers jours, les organisations et le Gouvernement ont enfin engagé la discussion, autour d'un guide de bonnes pratiques devant permettre la reprise des chantiers. Promis la semaine dernière, ce guide est très attendu. Quand sera-t-il publié ? Combien d'autres guides de bonnes pratiques sont prévus ?
Concernant le chômage partiel, des entreprises nous font remonter aujourd'hui encore, malgré vos déclarations, des cas de refus. Je pense notamment aux experts-comptables, aux notaires et aux ostéopathes.
Quant au fonds de solidarité, il suscite d'autres interrogations : que se passera-t-il si le nombre d'entreprises éligibles dépasse les 400 000 prévues ? Augmenterez-vous le montant de l'enveloppe ou durcirez-vous les critères d'éligibilité ? Faudra-t-il compter sur la seule générosité des Français pour une rallonge, comme le laissent penser les propos tenus ce matin par le ministre de l'action et des comptes publics ? Cette question, vous le comprenez, est cruciale.
En réponse aux nombreuses demandes, dont les nôtres, le seuil d'éligibilité a été abaissé à 50 % de perte de chiffre d'affaires pour avril, et finalement aussi pour mars, ce qui est une très bonne chose. Cela étant, pourquoi ne pas calculer la baisse d'activité à partir du 15 mars, date d'entrée en vigueur du confinement, plutôt qu'à partir du 1er mars ?
En ce 31 mars, les entreprises les plus petites font face à leurs échéances et à l'urgence. Elles ont besoin d'être rassurées. Pouvez-vous apporter des réponses concrètes à toutes ces questions ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Nous prenons la mesure, chaque jour, de la réalité sur le terrain, en animant le réseau des DIRECCTE – directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – , grâce à nos contacts avec les entreprises et par l'intermédiaire des CRP – commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises – , qui travaillent avec les entreprises en difficulté. Nous faisons en sorte qu'aucune de ces entreprises ne soit laissée sans réponse.
Très concrètement, s'agissant de la reprise du travail, le ministère du travail élabore des recommandations, branche par branche, filière par filière. J'ai moi-même entamé cette démarche pour les dix-huit filières industrielles ; ce travail a aussi lieu pour les routiers, le BTP, la grande distribution et toutes les professions que nous accompagnons.
Je veux signaler le travail remarquable de l'UIMM – Union des industries et métiers de la métallurgie – , qui a rédigé un guide de référence à destination des entreprises qu'elle regroupe. Il peut être utilisé plus largement, par d'autres entreprises.
Je vous renvoie donc au travail mené par Muriel Pénicaud et Laurent Pietraszewski, qui élaborent des recommandations branche par branche, filière par filière, qui sont à la disposition des professionnels. Il s'agit de s'assurer du respect des règles de distanciation et des gestes barrières, quelles que soient les situations de travail. En effet, vous l'avez compris, notre priorité est que les salariés puissent reprendre le travail en parfaite sécurité – comme nous le faisons aujourd'hui dans cet hémicycle.
Quant au guide de bonnes pratiques dans le secteur du BTP, il est prêt, même s'il faut encore le finaliser.
Nous répondons aux demandes d'équipements. Les mesures que nous avons prises permettent aujourd'hui de fournir des équipements individuels, notamment des masques, qui ne sont d'ailleurs pas toujours nécessaires dès lors que les règles de distanciation et les gestes barrières sont respectés, mais qui sont demandés par de nombreux salariés. Nous sommes à leur écoute.
Ces équipements, dont je rappelle qu'ils sont lavables et donc réutilisables, sont actuellement disponibles dans de nombreuses entreprises. Si l'on produit 1 million de masques par jour, 5 à 10 millions pourront probablement être mis à disposition des professionnels.
Dividendes versés par les entreprises en 2020
Madame la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, des responsables associatifs et syndicaux demandent au Gouvernement de prendre une ordonnance empêchant toutes les grandes entreprises de verser, en 2020, des dividendes ou des bonus à leur président-directeur général, ou de procéder à des rachats d'actions. Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutiennent cette demande.
Le ministre de l'économie et des finances, M. Le Maire, a invité les entreprises à faire preuve de civisme et de modération, par des propos qui ont le mérite de pointer un scandale. Toutefois, y croyez-vous vous-même ?
Il serait incompréhensible que des entreprises bénéficiant des mesures d'urgence continuent de verser des dividendes records, alors même qu'une partie de leurs salariés touchent seulement 84 % de leur salaire.
D'un côté, le conseil des ministres a pris des ordonnances qui tendent à limiter les droits des travailleurs, faisant supporter aux plus modestes le coût de la récession économique. De l'autre, M. Le Maire appelle à un nouveau capitalisme, plus soucieux de lutter contre les inégalités. D'autres avaient déclaré auparavant vouloir moraliser le capitalisme. Or c'est oublier que la voracité est son moteur.
Aux multinationales, on fait une leçon de morale ; aux travailleurs, on impose des sacrifices gravés dans la loi.
Celles et ceux qui exercent les missions les plus essentielles, vitales, sont aussi les moins bien rémunérés. Je pense aux soignants, aux caissières, aux fonctionnaires, aux agriculteurs, aux chauffeurs, aux assistantes maternelles, et j'en passe. Ils ne réclament pas un monument, ils réclament juste leur dû : justice, dignité, égalité.
Les grandes entreprises ont toutes retrouvé désormais leur niveau de rentabilité antérieur à 2008, au prix de la casse du service public, notamment hospitalier, et de l'approfondissement des inégalités.
Madame la secrétaire d'État, prenez les mesures qui s'imposent. Comment, sinon, imaginer la suite ? Comment garantir la justice sociale et environnementale sans ces moyens ? Peut-on concevoir que cette course folle au profit n'ait pas sa part de responsabilité dans les crises multiples, en cascade, que nous vivons ? Êtes-vous prête à prendre des mesures strictes pour interdire le versement de ces dividendes ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Dans le contexte actuel, il est essentiel que chacun fournisse sa part de l'effort, dans la mesure de ses moyens, y compris les entreprises.
Pour les entreprises, participer, c'est continuer à faire fonctionner le pays et aider à lutter contre le coronavirus. C'est très exactement ce que font des dizaines, des centaines d'entre elles, en distribuant du gel hydroalcoolique sans prendre de marge, en produisant des respirateurs sans répercuter les coûts de développement, comme Air Liquide, ou en mettant à disposition des ressources pro bono. Je ne dresserai pas la longue liste des petites, moyennes et très grandes entreprises, comme LVMH, Air Liquide, PSA ou d'autres entreprises du CAC40, que vous visez dans vos propos, …
… alors qu'elles accompagnent les services hospitaliers.
Pour les entreprises, participer, c'est aussi ne pas recourir au soutien de l'État quand elles n'en ont pas besoin. C'est un principe essentiel ; encore faut-il s'y tenir.
Pour une entreprise, participer, c'est aussi – je pense que nous nous retrouverons sur ce point – consacrer ses ressources au maintien de l'outil de production, à l'investissement dans cet outil au moment du redémarrage et à l'investissement dans les compétences des salariés.
À cet égard, des grandes entreprises ont d'ores et déjà indiqué qu'elles ne verseraient pas de dividendes en 2020. C'est le cas d'Airbus et de Safran, au sein du CAC40, de JCDecaux, d'Europcar et de CNP Assurances, au sein du SBF120, et de 70 % des entreprises du Middlenext.
Par ailleurs, il n'est clairement pas envisageable que l'État soutienne, par ses garanties et sa trésorerie, des entreprises qui verseraient des dividendes. Il n'est pas question que les garanties de l'État financent des dividendes.
Un engagement a été pris : les entreprises qui auront recours aux dispositifs proposés par l'État ne verseront pas de dividendes et ne procéderont pas à des rachats d'action ; elles devront en outre diminuer de 25 % la rémunération globale de leurs dirigeants. À défaut, elles devront rembourser les sommes perçues et verser des pénalités de retard.
Monsieur le Premier ministre, permettez-moi de rapporter une anecdote assez navrante. Pas plus tard qu'hier, j'ai eu au téléphone le chef d'une entreprise de mon département, TIB, un des trois constructeurs français de véhicules de secours et d'assistance aux victimes – VSAV – , leader pour la fourniture d'ambulances aux services d'aide médicale urgente, les SAMU.
Il m'a fait part de sa stupéfaction : l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris s'apprête à attribuer cette semaine un marché d'une centaine d'ambulances à un constructeur polonais, aucun critère de développement durable n'ayant été fixé dans l'appel d'offres.
Combien de temps cela va-t-il durer ? Combien de temps resterons-nous les idiots du village planétaire ? Comment ne pas voir, à travers cette crise même, que la connaissance et la protection par l'État de l'outil industriel français sont un élément déterminant de sa capacité à réagir aux crises ?
Les membres du groupe Les Républicains ne sont pas favorables au repli national en matière économique. Notre industrie et notre agriculture ont besoin de se tourner vers le monde ; c'est toute leur histoire, c'est la source de leur grandeur et de la richesse de notre pays. Mais arrêtons de laisser fondre l'appareil productif, au gré d'opérations de fusion-acquisition qui sacrifient notre outil industriel. Arrêtons de croire que les investisseurs n'ont pas de passeport, comme je l'ai si souvent entendu dire depuis deux ans. Nous en payons aujourd'hui le prix fort.
Monsieur le Premier ministre, à l'heure où même la grande distribution conseille d'acheter français, allez-vous demander à vos services de changer enfin de logiciel et de soutenir nos industries par leurs achats ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Fort heureusement, nous n'avons pas attendu cette crise pour nous apercevoir de l'importance de l'industrie et en faire un élément central de notre politique économique.
C'est ce gouvernement, je le rappelle, qui a permis de recréer de l'emploi industriel en France. Comme vous le savez, de manière continue, entre 2000 et 2016, l'appareil industriel français avait été cassé, et 1 million d'emplois industriels avaient été supprimés.
En 2017, 2018 et 2019, nous avons recréé de l'emploi industriel ; ce sont les faits. En 2018, la France a été le premier pays européen pour les investissements étrangers dans des projets industriels, sur la plus haute marche du podium avec 330 projets, contre 150 en Allemagne et 200 en Turquie ; ce sont les faits, et c'est comme cela que nous continuons à travailler.
Comment avons-nous mobilisé l'industrie pour produire des respirateurs et des masques ? Comment la mobilisons-nous aujourd'hui pour produire des médicaments ou des blouses ?
Tout le monde est au travail, et je veux remercier ici les équipes de la direction générale des entreprises et de la direction générale de la santé, qui, je peux vous le dire, achètent français quand elles le peuvent.
J'en viens à votre question. Depuis le mois de juin dernier, nous animons un comité des acheteurs publics et privés afin d'inclure des clauses sociales et environnementales obligatoires dans tous les contrats publics.
Nous n'avons donc pas attendu cette crise. Ces clauses ont vocation à figurer dans le cahier des clauses administratives générales. Le pacte productif, qui devait être présenté au mois d'avril 2020, a été retardé, mais elles en sont clairement l'un des éléments structurants. Je pense que la crise que nous traversons permettra de raffermir encore ces dispositifs.
Manifestement, madame la secrétaire d'État, vous n'avez pas été entendue ; je vous invite donc à passer à nouveau ce message à l'AP-HP.
Par ailleurs – je vais essayer de le dire avec calme compte tenu des circonstances – , ceux qui ont laissé filer Alstom, Alcatel et Technip et qui avaient pour projet la privatisation d'Aéroports de Paris et le démantèlement d'EDF et de GDF ne sont pas les mieux placés pour nous rassurer quant à l'attention qu'ils portent au patriotisme économique et à l'industrie française.
Nous terminons cette séance par des questions portant sur des thèmes divers, toujours en lien avec la crise sanitaire.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, je vous adresse cette question au nom de mon collègue Adrien Morenas. Yves Daniel s'y associe.
Alors que la crise sanitaire du Covid-19 frappe nos contrées, nos agriculteurs, héros du quotidien, ne désarment pas ; ils continuent à remplir, coûte que coûte, leur mission vitale : nous nourrir. Calamités agricoles dans certains départements, manque de main-d'oeuvre, fermetures de marchés alimentaires, chute de la demande de produits frais alors que le printemps arrive, la liste est longue. À l'autre bout de la chaîne d'approvisionnement, les Français craignent parfois la pénurie alimentaire.
Au regard de cette situation inédite de crise sanitaire et économique, Adrien Morenas souhaite vous poser les questions suivantes : comment le Gouvernement compte-t-il aider nos agriculteurs, locomotive essentielle de notre chaîne d'approvisionnement ? En particulier, quelles mesures entend-il prendre pour favoriser l'emploi de personnel saisonnier, pour soutenir les filières et pour contrôler le marché national face aux dérives financières sur les prix ? Enfin, envisage-t-il de prendre des dispositions à destination des banques et des assurances afin de soutenir nos agriculteurs, dont la tâche n'est jamais facile ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous rassurer de nouveau les Français quant à notre capacité collective à assurer la pérennité des chaînes d'approvisionnement alimentaire ?
Je peux vous le dire maintenant, il n'y aura pas de pénurie alimentaire dans notre pays. Notre première priorité est évidemment la lutte pour la santé de nos concitoyens, à laquelle se consacrent jour et nuit le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé ; ils cherchent à rassurer nos concitoyens et prennent les mesures qui permettront de gagner la guerre contre le Covid-19. La deuxième priorité est que nos concitoyens puissent se nourrir de la façon la plus diversifiée et la plus équilibrée possible. C'est tout le rôle de la « deuxième ligne », pour reprendre les termes du Président de la République.
Vous avez évoqué les agriculteurs, et je veux les saluer. Ils sont parfois injustement critiqués. Or nous nous apercevons que nous avons besoin d'eux pour produire une alimentation de qualité.
Notre responsabilité est de faire en sorte que toute la chaîne alimentaire tienne, et elle tient. Après les agriculteurs, je voudrais saluer les entreprises agroalimentaires intermédiaires, les PME, les TPE et les coopératives agricoles. Elles sont parfois montrées du doigt. Or, en ce moment, elles travaillent bien souvent en trois huit, jour et nuit. Je veux saluer tous ces travailleurs de l'ombre, qui sont à leur poste pour transformer les produits de l'agriculture et les faire parvenir dans nos assiettes.
Enfin, en aval de cette chaîne, il y a tous les commerces alimentaires de proximité, ainsi que les grandes et moyennes surfaces, qui sont parfois vilipendées. Aujourd'hui, elles agissent et font en sorte que les choses fonctionnent. Je veux saluer tous leurs salariés, les caissières comme ceux qui placent les produits en rayon. Sans eux, la chaîne alimentaire ne tiendrait pas.
Il n'y aura pas de pénurie alimentaire, parce que la production est là. La chaîne alimentaire tient et ne sera pas rompue. Le Gouvernement – Bruno Le Maire, Jean-Baptiste Djebbari et moi-même – travaille tous les jours pour assurer cette continuité, notamment en matière de logistique et de transport. Avec Muriel Pénicaud et Bruno Le Maire, nous avons créé une plateforme permettant à nos concitoyens qui le voudraient de travailler dans l'agriculture, dans un cadre respectueux des mesures de sécurité sanitaire. Enfin, j'ai interpellé l'Union européenne pour qu'elle aide nos filières en difficulté, notamment la pêche et l'horticulture. J'aurai l'occasion d'y revenir prochainement de manière plus détaillée.
Soyez assurée, madame la députée, qu'il n'y aura pas de pénurie alimentaire et que la chaîne alimentaire tient. Nos concitoyens doivent s'alimenter en mangeant du poisson, des produits frais, des fruits et des légumes. Le Premier ministre a décidé de fermer les marchés par mesure de sécurité. Ceux qui rouvrent le font dans le respect des règles de distanciation sociale.
Monsieur le ministre de l'intérieur, permettez-moi de vous lire une question de Sophie Auconie, députée d'Indre-et-Loire, membre du groupe UDI, Agir et indépendants.
Pour certains ou certaines d'entre nous, adultes comme enfants, le confinement se révèle un véritable cauchemar ; le foyer devient tout bonnement le lieu de leur « séquestration légale ». Dix jours après le début du confinement, les interventions de la gendarmerie à la suite de violences intrafamiliales avaient augmenté de 32 %.
Les services du 3919 sont maintenus, et nous remercions vivement les écoutants qui poursuivent leur mission. Ce numéro d'urgence est ouvert du lundi au samedi, de neuf heures à dix-neuf heures, à savoir aux mêmes horaires que les pharmacies, qui ont pris l'initiative – nous la saluons – de venir en aide aux victimes. Or, malheureusement, nous le savons, les violences interviennent majoritairement le soir et le week-end.
Alors que le message national est « restez chez vous », nous devons être vigilants et rappeler à toutes les victimes de violences que, s'il est interdit de sortir, il est autorisé de fuir. Néanmoins, monsieur le ministre, comment fuir un conjoint violent – surtout avec des enfants – quand les proches susceptibles d'offrir un refuge sont loin, quand les transports sont aléatoires, quand les hébergements d'urgence sont structurellement débordés et peuvent difficilement garantir des conditions de sécurité correctes face au virus ?
De la même manière, si l'accompagnement des victimes peut toujours être assuré par les services de police, est-il encore possible, compte tenu de l'état des hôpitaux, d'y faire établir des constats médicaux de coups et de violences sexuelles ? Le décompte glaçant des victimes quotidiennes du coronavirus a remplacé celui des féminicides.
Nous connaissons l'engagement du Gouvernement à ce sujet et les récentes avancées en la matière. Quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre, de manière urgente, pour protéger ces victimes de leur tyran ?
Mme Elsa Faucillon applaudit.
Le confinement est nécessaire pour lutter contre le Covid-19, mais il est aussi, vous avez raison, un terreau qui peut conduire à des violences intrafamiliales. Nous devons bien évidemment mener un combat permanent contre ces violences.
Comme deux questions portent sur le sujet, j'évoquerai la réponse directe du ministère de l'intérieur après avoir réaffirmé le combat interministériel que nous devons mener, sous l'autorité du Premier ministre, dans tous les domaines pertinents, contre le risque, la souffrance et la violence.
Il est évident que nous devons agir de la façon la plus transversale possible. C'est la raison pour laquelle Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, a évoqué dès hier un plan d'action mobilisant plus de 1 million d'euros pour accompagner les associations présentes sur le terrain, aux côtés des victimes, et pour augmenter le nombre de places dans les hôtels, soit pour éloigner le conjoint violent, soit pour mettre à l'abri les victimes qui le souhaitent – car, vous avez raison, il est urgent d'apporter des réponses en le matière. Marlène Schiappa a en outre évoqué la nécessité de créer des points d'accompagnement dans des lieux du quotidien, afin qu'une femme victime de violence puisse, alors même qu'elle est enfermée chez elle, profiter d'une sortie pour donner l'alerte.
De la même façon, l'action d'Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, avec lequel nous avons eu une réunion de travail ce matin, porte sur l'accompagnement des enfants au sein des familles pour lutter contre les maltraitances. Il convient de favoriser la vigilance collective et de faire connaître le numéro d'appel 119, afin que chaque enfant victime puisse pousser un cri d'alerte et être protégé.
Enfin, la garde des sceaux a rappelé qu'il n'était pas question de baisser la garde. C'est un principe absolu, même en plein combat contre le Covid-19. Nous devons mobiliser la justice pour le traitement des affaires de violence intrafamiliale. Celles-ci restent une priorité pour les audiences en comparution immédiate.
Ce sont là quelques éléments de réponse, que je compléterai en répondant à la question suivante. Nous devons faire en sorte que le silence ne soit jamais le complice de l'inacceptable.
Protection des victimes de violences intrafamiliales pendant le confinement
Monsieur le ministre de l'intérieur, je vous adresse à mon tour une question relative aux violences conjugales et intrafamiliales, effectivement proche de celle posée par Thierry Benoit. Mon collègue Guillaume Gouffier-Cha s'y associe.
En cette période de confinement, les tensions dans les foyers peuvent se renforcer. La promiscuité dans les domiciles, l'absence de soupapes et d'échappatoires, les conduites addictives aggravent immanquablement des situations fragiles. Les femmes et les enfants en sont les premières victimes potentielles. C'est pourquoi il est indispensable de maintenir plus que jamais notre mobilisation contre les violences conjugales et intrafamiliales.
Alors que ces victimes rencontreront des difficultés pour se protéger ou fuir ces violences, comment mettre fin à leur calvaire et comment agir contre les auteurs ? Comment rendre possible, pour ces femmes et ces enfants, l'appel à l'aide, malgré les contraintes de sortie imposées par le confinement et l'omniprésence de leur agresseur ?
Comment, avant tout, accompagner les familles pour prévenir ce risque et éviter qu'une situation dégradée ne bascule dans la violence ? Comment libérer la parole et apaiser les situations conflictuelles dans les foyers ?
Enfin, monsieur le ministre, comment chaque citoyen peut-il apporter son aide à ces personnes ? Même en période de confinement, il est de notre devoir à tous de ne pas fermer les yeux.
Nous devons tous être mobilisés, mais le ministère de l'intérieur a évidemment une responsabilité particulière : répondre aux urgences.
Thierry Benoit l'a rappelé, j'ai indiqué la semaine dernière que les interventions pour des violences intrafamiliales avaient augmenté de 32 % en zone gendarmerie et de 36 % dans la zone relevant de la préfecture de police de Paris. Des interprétations de ces chiffres ayant été faites, il convient de préciser qu'il s'agit de l'augmentation non pas des violences, mais du nombre d'interventions des forces de sécurité intérieure.
Nous devons aller plus loin encore, compte tenu précisément des circonstances exceptionnelles que vous évoquez. Bien sûr, il y a la plateforme internet, un portail de signalement ouvert en permanence, avec des policiers ou des gendarmes qui répondent vingt-quatre heures sur vingt-quatre aux sollicitations.
Dès la semaine dernière, j'ai envoyé des instructions spécifiques aux policiers et aux gendarmes pour qu'ils mettent en oeuvre un certain nombre de mesures, notamment les appels d'initiative. Ce n'est pas l'usage habituel, mais un policier ou un gendarme peut appeler une femme dont on sait qu'elle est exposée à un risque, même si une procédure judiciaire ne l'a pas séparée de son conjoint, et même si elle n'a pas souhaité porter plainte. Un appel, une alerte ou une urgence, et nous intervenons. Cela a été le cas hier dans la commune d'Annoeullin : lors d'un appel badin, le gendarme a compris qu'il y avait un risque ; les gendarmes sont intervenus et nous avons mis à disposition de la justice un mari violent en vue d'une comparution immédiate.
Nous avons sollicité, avec l'Ordre national des pharmaciens, la mobilisation des pharmacies. Dans ce lieu de proximité, il est possible de donner une alerte. Les consignes sont simples : les pharmaciens doivent appeler aussitôt les forces de sécurité intérieure, policiers ou gendarmes, qui interviennent immédiatement – des instructions claires ont été données en ce sens. Hier à Nancy, un cas a ainsi été signalé, et nos forces ont pu intervenir sans délai.
Nous devons aller plus loin encore, parce qu'il est parfois impossible de sortir ou d'accéder à la plateforme internet. En lien avec mes collègues du Gouvernement, nous allons ouvrir, à partir de demain, 1er avril, la possibilité de donner l'alerte par simple texto et de déclencher ainsi l'intervention des forces de sécurité intérieure. Cette mesure a été élaborée avec Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui m'avait signalé la disponibilité du numéro 114, plateforme gérée par des services hospitaliers de Grenoble. Je le répète, il sera désormais possible de donner l'alerte en envoyant un simple texto au 114.
En aucun cas le confinement ne doit nous empêcher de lutter contre les violences conjugales et intrafamiliales.
Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, je vous adresse cette question, relative à la situation des Français bloqués à l'étranger, au nom de ma collègue Anne Genetet. Roland Lescure et Christophe Di Pompeo s'y associent.
La pandémie concerne tous les pays. Pour en limiter la propagation, beaucoup ont fermé leurs frontières sans préavis, plongeant brutalement plus de 130 000 de nos compatriotes dans l'impossibilité de regagner la France. Les agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ont répondu à cette situation aussi complexe que soudaine avec une abnégation et un sang-froid admirables. Ils sont l'honneur de la France, et Mme Genetet tient à les remercier au nom de la représentation nationale.
Au 31 mars, ils ont assuré le retour de plus de 100 000 ressortissants français « de passage », en déplacement touristique ou professionnel. Tandis qu'ils redoublent d'efforts pour bâtir des solutions, Anne Genetet tient à signaler que, malgré votre demande de modération, certaines compagnies aériennes ont, de manière opportuniste, cherché à profiter de la situation en pratiquant en classe économique des prix nettement supérieurs aux tarifs ordinaires. C'est inacceptable. Vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre, on s'en souviendra – et les Français aussi.
Anne Genetet vous pose donc les trois questions suivantes. Quels moyens l'État met-il en oeuvre pour ramener en France ces compatriotes toujours bloqués à l'étranger ? Quel pouvoir a-t-il dans ses négociations avec les compagnies aériennes afin qu'elles proposent des vols commerciaux à prix coûtant ? Enfin, comment la France peut-elle aider ces autres naufragés du Covid-19 que sont nos compatriotes qui ont perdu leur titre de séjour car il était lié à un emploi brutalement supprimé par la crise, en particulier les jeunes titulaires d'un visa vacances-travail en Australie et en Nouvelle-Zélande, dont bon nombre sont désormais sans ressources ?
Vous avez décrit la situation : fermeture brutale des aéroports, des frontières et des espaces aériens, et disparition progressive des lignes aériennes régulières. Résultat : 130 000 de nos compatriotes se sont soudain trouvés bloqués dans plus de 140 pays, sans possibilité de réagir rapidement. Je pense notamment aux 20 000 Français encore présents au Maroc il y a dix jours. Précisons que chaque pays présente des problèmes complexes.
Nous avons donc établi un dispositif exceptionnel – c'était indispensable – reposant sur la collaboration étroite du ministère chargé des transports, du centre de crise du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et d'Air France, dont je salue la disponibilité et la coopération. Ce dispositif permet de maintenir autant que possible les vols réguliers, moyennant une autorisation au cas par cas, et de créer des vols spéciaux à des prix modérés. Il permet aussi, de manière croissante, à l'État d'affréter des vols dans les pays concernés, y compris des vols intérieurs lorsque des Français se trouvent ailleurs que dans la capitale – je pense en particulier aux Philippines et au Pérou.
Hier soir, quelque 10 000 de nos compatriotes étaient encore dans l'impossibilité de regagner la France, mais nous irons jusqu'au bout : il sera répondu à chaque situation, même s'il y faut parfois du temps car certains cas sont complexes – je pense au Vanuatu, au Népal ou encore au Guatemala.
Quant à la question des Français titulaires d'un permis vacances-travail en Australie et en Nouvelle-Zélande, elle est différente : ces personnes ne sont pas comptabilisées dans les 130 000 Français susmentionnés. J'évoquerai cette question avec Mme Genetet. Nous trouverons des solutions pour que ces jeunes ne subissent pas de conséquences trop graves en raison du confinement décidé dans ces deux pays.
J'ai reçu, en application des articles L. O. 176 et L. O. 179 du code électoral, une communication du ministre de l'intérieur en date du 30 mars 2020 m'informant du remplacement de notre regretté collègue Jean-François Cesarini par Mme Souad Zitouni.
Prochaine séance, mardi 7 avril 2020, à quinze heures :
Questions au Gouvernement.
La séance est levée.
La séance est levée à seize heures cinquante.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra