Je voterai pour ce texte, inimaginable il y a encore quelques semaines, qui traduit la triste actualité d'une maladie qui oblige chacun à s'enfermer chez soi et met notre économie en berne.
Ce projet de loi de finances rectificative reflète le soutien massif, global, artificiel, que la puissance publique apporte aux entreprises et aux acteurs économiques. Lors de la discussion du PLFR 1, nous vous avions prévenus que vos prévisions étaient irréalistes ; vous les corrigez là, en multipliant par huit le taux de la récession, par près de trois celui du déficit. Quant à la dette, elle culmine à des niveaux jamais atteints depuis la guerre. Ces prévisions demeurent, vous le reconnaissez, incertaines, et devront sans doute être à nouveau corrigées. Nous sommes dans le grand bleu, et nous y plongeons plus profondément encore qu'en 2008.
Ces chiffres ne sont compréhensibles que si, après des dépenses publiques si massives, vient une reprise économique. Puisqu'il ne s'agit pas d'un arrêt de l'économie par elle-même, mais d'une fermeture administrative, il faut organiser le déconfinement. Lorsque la crise est survenue, nos finances publiques étaient en situation de faiblesse, vous le savez ; dès lors, nous ne pourrons pas tenir longtemps à ce rythme. Le blitzkrieg implique une victoire rapide, sans quoi le risque d'enlisement devient vite insupportable pour le pays : risque social majeur, risque de faillites en nombre, risque inacceptable de chômage massif avec ses cohortes sinistres.
Pour réussir, vous devez commencer par modifier votre texte. Certains bons amendements ont été votés, mais d'autres ont été rejetés.
Vous devez encore élargir le périmètre des bénéficiaires – je fais allusion aux fameux trous dans la raquette. Il est désagréable d'être un trou dans la raquette, parce que c'est une situation très concrète. Il faut donc simplifier l'accès aux dispositifs, à l'instar de ce que font les Allemands, et en profiter pour rompre avec la culture très bureaucratique de notre pays. Faites confiance aux acteurs économiques et, le cas échéant, sanctionnez les excès – je pense par exemple au chômage partiel.
Vous devez clarifier le report des charges et prélèvements, en le transformant dès à présent en annulation. Vos 110 milliards comprennent 45 milliards de mesures de trésorerie ; il faut mettre fin à ce suspense insupportable pour nombre de nos acteurs économiques : on ne peut pas laisser les hôtels, les restaurants et toutes sortes d'autres commerces dans cette incertitude.
Vous pariez sur une reprise rapide, en forme de V, ou plutôt ressemblant au logo de Nike, c'est-à-dire avec une reprise un peu plus lente. Je sais que vous réfléchissez à l'organisation du déconfinement : quelles seront les grandes lignes de son organisation ? La seule donnée précise dont nous disposons, c'est la date du 11 mai. Que se passera-t-il le 12 mai ? Rouvrirez-vous les commerces ? Rétablirez-vous les transports, nécessaires pour que chacun se rende au travail ? Le redémarrage de certains secteurs économiques vous semble-t-il prioritaire ? Je pense au BTP mais aussi à l'industrie dans son ensemble, qui tire les activités de services. Aurons-nous suffisamment de masques et de tests pour garantir la sécurité au travail ? Quelles sont les grandes lignes du plan spécifique annoncé par le Président de la République pour le tourisme, les commerces, les restaurants, les hôtels ? Qu'est-ce qu'une reprise progressive ?
Enfin, il n'y aura pas de déconfinement efficace sans coordination économique – coordination entre les pays européens d'abord, mais aussi avec les États-Unis ou la Chine. Il est tôt pour en parler, bien sûr, mais l'échelle nationale n'est pas pertinente en l'occurrence. Comment travaillez-vous sur ces sujets, et dans quelle perspective ?
Enfin, on ne peut pas tirer un chèque en blanc sur l'économie française. Avant de dire par qui et comment sera payée la facture – elle sera gigantesque – , vous devez nous garantir que le Gouvernement ne tâtonnera pas pour remettre en route notre économie. L'examen de ce texte vous donne l'occasion d'expliquer votre action.