La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2020 (nos 2820, 2822).
La crise sanitaire ne permettant pas d'être en nombre dans l'hémicycle, la conférence des présidents a établi des règles dérogatoires d'organisation des séances.
En premier lieu, les huit groupes ne sont représentés, outre leur président ou son représentant, que par deux députés chacun.
Les votes se feront à main levée, chaque président ou son représentant portant les voix de tout son groupe.
Pour le vote sur l'ensemble du texte, ce principe s'applique également, mais les députés ont la possibilité, avant les explications de vote, de faire savoir à leur groupe ou au service de la séance qu'ils souhaitent voter différemment. Les députés non inscrits ont également la possibilité de communiquer au service de la séance leur position de vote sur l'ensemble du texte. Ainsi, la position de chaque député sur l'ensemble du texte sera prise en considération.
Je vous rappelle par ailleurs que, depuis la réforme de notre règlement, tout député a la possibilité de présenter une contribution écrite, qui sera annexée au compte rendu des débats.
Dans la discussion générale, les orateurs s'exprimeront depuis leur banc et non à la tribune. J'invite chacun à ne pas poser les mains sur le micro, qui sera nettoyé par un huissier après chaque usage, mais j'invite chacun à utiliser un micro distinct. Naturellement, il convient de respecter les mesures barrières que nous connaissons tous ; en particulier, les entrées et les sorties de l'hémicycle devront être échelonnées.
Je vous remercie de votre compréhension et de votre concours, compte tenu de ces circonstances très exceptionnelles.
Nous examinons aujourd'hui un projet de loi de finances rectificative dans un contexte économique qui n'a aucun précédent dans l'histoire contemporaine. Nous sommes confrontés à un choc économique comparable à la crise de 1929 par la violence de la récession, qui touche l'économie réelle, qui est profond et durable, et qui a un impact sur toutes les entreprises françaises et tous les salariés, sans exception, dans leur vie quotidienne.
La crise touche tous les États de la planète, par vagues successives : d'abord, la Chine, puis l'Europe, les États-Unis aujourd'hui et les pays émergents sans doute demain, en Amérique du Sud puis en Afrique. Pour la première fois de l'histoire contemporaine, toute l'économie mondiale va se retrouver à l'arrêt. Il n'y a pas un modèle économique qui aurait échoué et un autre qui aurait réussi ; il y a l'arrêt de l'ensemble de l'économie à cause d'une pandémie mondiale.
Cette situation nous a conduits à réviser les chiffres de la croissance. Dès les premiers jours de la crise, j'avais annoncé que la gravité de celle-ci serait sans précédent. Dans un premier temps, nous avions évalué la récession à -1 %. La durée du confinement et l'extension de la crise à l'ensemble des pays nous ont amenés à réviser cette prévision à -8% pour l'année 2020.
Ce taux sévère n'est même pas définitif. Pour tout vous dire, j'aimerais être certain que nous en restions là. Cela dépendra de l'évolution de la pandémie : reprendra-t-elle en Asie ? quel sera son impact sur les plus grandes économies de la planète, notamment celle des États-Unis ? Que se passera-t-il dans les pays en développement, en particulier nos voisins africains ? Je le dis donc avec modestie et humilité, cette prévision de croissance de -8 % est à prendre avec la plus grande prudence.
Face à cette crise, nous avons, avec le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de l'action et des comptes publics, fait un choix stratégique, que je revendique : apporter le maximum de soutien de l'État aux entreprises et aux salariés. Entre la croissance de l'endettement et la multiplication des faillites, nous avons choisi la première option, pour préserver le tissu économique. Ce choix pourra être débattu le moment venu, mais je l'exprime devant vous clairement. Nous n'avons compté ni les moyens, ni le soutien public, ni la singularité des dispositifs pour faire face à cette crise économique, dont nous avons immédiatement pris la mesure.
Nous avons d'abord déployé un dispositif visant à ne pas perdre les compétences, bien le plus précieux d'une économie. L'acquisition de savoir-faire et de qualifications a demandé des années et des années de travail aux salariés, aux ouvriers et aux employés. Nous avons voulu les préserver et empêcher la violence de la crise de les faire disparaître. C'est pourquoi nous avons développé le régime de chômage partiel le plus généreux d'Europe, qui diffère du passé : naguère, lorsqu'une crise survenait en France, on acceptait qu'une partie des salariés soient au chômage partiel et qu'une autre partie soient licenciés. Cette fois, pour des raisons politiques et économiques, nous avons refusé les licenciements de masse, et nous avons accepté d'indemniser le chômage partiel jusqu'à 4,5 SMIC, l'indemnisation s'élevant à 100 % au niveau du SMIC et de 84 % du salaire net au-delà. Le coût de cette mesure est extrêmement élevé, puisque près de 9 millions de salariés se trouvent maintenant au chômage partiel, mais cette dépense, supérieure à une vingtaine de milliards d'euros, constitue un investissement dans les hommes et les femmes qui font notre économie, un investissement dans les qualifications acquises par les salariés des entreprises durant leurs années d'apprentissage, et un investissement pour la reprise, car le chômage partiel permettra de reprendre l'activité plus vite.
Nous avons effectué un deuxième choix : soutenir la trésorerie des entreprises en reportant le paiement des charges sociales et fiscales, en mettant en place un prêt garanti par l'État à hauteur de 90 % avec une enveloppe pouvant aller jusqu'à 300 milliards d'euros, et en reportant le règlement de factures d'eau, de gaz et d'électricité. Le soutien à la trésorerie des entreprises est vital dans cette période de crise.
Troisième choix : le soutien aux petits entrepreneurs. La violence de la crise frappe souvent de plein fouet les très petites entreprises, celles qui comptent moins de dix salariés. Nous avons donc créé un fonds de solidarité, que nous ne cessons d'améliorer, auquel plus de 900 000 très petites entreprises ont déjà fait appel.
Quatrième et dernier choix, nous avons mis sur pied des dispositifs visant à soutenir les grandes entreprises stratégiques, présentes dans les secteurs de l'aéronautique, de l'automobile ou de la santé, qui font la solidité de l'armature économique de notre pays. Il est en effet indispensable de protéger ces entreprises, dont la valorisation s'effondre et qui deviennent des proies faciles pour des investisseurs étrangers. Nous ne sommes pas enclins à vendre à l'encan ce qui a fait la puissance économique de notre nation depuis des décennies.
Le projet de loi de finances rectificative que nous vous présentons, avec le ministre de l'action et des comptes publics, vise à renforcer ce dispositif d'urgence. Ce dernier a été massivement sollicité : efficace, il répond aux besoins des entrepreneurs et des salariés, mais le recours au chômage partiel étant massif, il s'avère très coûteux, d'où la nécessité de le renforcer financièrement.
Nous prenons en compte les remarques et les critiques remontées du terrain, notamment par vous, parlementaires, quel que soit votre groupe. Nous vous avons tous écouté, sans exception.
Vous nous avez par exemple indiqué qu'il fallait retenir une autre référence du chiffre d'affaires de l'entreprise, car la perte de 70 % du chiffre d'affaires entre mars 2019 et mars 2020 était un seuil trop élevé pour avoir accès au fonds de solidarité. Nous l'avons donc abaissé à 50 %.
Vous nous avez dit que le mois de mars 2019 ne constituait pas la bonne référence, car le chiffre d'affaires fut alors faible à cause du mouvement des gilets jaunes, et des entreprises ont été créées depuis lors. Le projet de loi de finances rectificative fixe donc une autre référence, correspondant à la moyenne mensuelle du chiffre d'affaires en 2019.
Vous nous avez également fait remarquer que le deuxième étage, qui repose sur une évaluation au cas par cas et prévoit une aide pouvant atteindre 2 000 euros, était insuffisant pour une entreprise de cinq ou six salariés percevant l'aide de 1 500 euros mais ayant besoin d'une enveloppe complémentaire. Nous portons donc ce soutien à 5 000 euros.
Vous avez pointé le fait que trop d'entrepreneurs, agriculteurs en tête, étaient exclus du fonds de solidarité : ils seront intégrés au dispositif. Les entreprises fragiles, en redressement judiciaire par exemple, pourront également y avoir accès.
Nous améliorons le dispositif au fur et à mesure, comme il faut systématiquement le faire pour un mécanisme d'urgence.
Vous nous avez fait part, ainsi que les entrepreneurs, de certaines critiques concernant les mesures relatives à la trésorerie, notamment le refus qu'essuieraient certaines entreprises à leur demande de prêt garanti. Le nombre de ces refus est limité, je tiens à le préciser. Contrairement à ce que l'on dit trop facilement, les banques et leurs succursales font le travail : derrière les guichets, les agents, qui reçoivent les chefs d'entreprise par milliers, font le travail et accordent très largement les prêts. Le taux de refus est certes de 4 à 5 %. J'ai demandé à connaître l'évolution quotidienne de ce taux, afin de le transmettre, en toute transparence, à la représentation nationale et à l'ensemble des Français. Je souhaite que ce taux diminue, mais il ne dépasse pas 5 %, ce qui signifie que 95 % des prêts demandés par les entreprises leur sont bien accordés.
Je ne laisserai pas tomber les entreprises s'étant vu refuser le prêt. Nous nous en occuperons et mettrons en place des dispositifs spécifiques. Une entreprise dont la banque aurait refusé le prêt et qui n'aurait pas trouvé de solution auprès de la médiation du crédit pourra bénéficier d'un prêt, non pas garanti par l'État, mais versé directement par lui, à partir du fonds de développement économique et social, à la condition, bien évidemment, de se restructurer pour être profitable demain. En effet, l'État n'a pas vocation à dépenser l'argent des Français pour des entreprises sans avenir ; en revanche, il consentira un prêt direct aux entreprises en grande difficulté ayant besoin d'argent frais pour restructurer leurs comptes.
Ce prêt transitera par le fonds de développement économique et social, dont le montant sera porté de 75 millions à 1 milliard d'euros.
Nous allons également proposer des dispositifs spécifiques pour toutes les PME qui souhaitent redémarrer leur activité et ont un besoin immédiat de liquidités. Un gros restaurateur, employant vingt à trente salariés et souhaitant rouvrir son établissement, mais dont la trésorerie est vide, pourra obtenir des avances remboursables. Il en va de même pour cette entreprise de décolletage de la vallée de l'Arve, qui n'a plus de commandes car l'industrie automobile est à l'arrêt : pour redémarrer, elle devra acheter des billes d'acier et de l'aluminium, donc sortir des liquidités qu'elle n'a pas ; elle pourra disposer d'avances de trésorerie, sous forme d'avances remboursables fournies par l'État. Une enveloppe de 500 millions d'euros sera consacrée à ce dispositif.
Enfin, nous avons conscience que le compte d'affectation spéciale de l'agence des participations de l'État n'est pas suffisamment fourni pour protéger les plus grandes entreprises françaises. Si vous en décidez ainsi, la dotation de ce compte sera portée à 20 milliards d'euros, afin de soutenir le capital des entreprises stratégiques les plus menacées.
Avec le ministre de l'action et des comptes publics, nous cherchons tous les jours des solutions fortes et efficaces pour les salariés comme pour les entreprises. Tous les jours, nous regardons les secteurs ayant besoin d'un soutien spécifique. La perspective de la reprise de l'activité de l'économie française soulève des défis considérables. Grâce au plan d'urgence que nous avons adopté et à son renforcement que nous vous proposons là, nous pourrons davantage les relever que si nous avions laissé faire la crise et les dégâts qu'elle charrie.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Dans l'histoire parlementaire, il n'existe aucun précédent de texte budgétaire ayant de telles conséquences macroéconomiques sur les finances publiques. Le seul point de comparaison possible est la Deuxième Guerre mondiale, pendant laquelle, chacun le sait, le Parlement ne s'est jamais réuni, en tout cas librement, et n'a pas examiné de projet de loi de finances.
Nous vous présentons un déficit public de 9 % – je le dis devant le président Éric Woerth, qui a dû gérer la difficile crise financière de 2009, lors de laquelle le déficit constaté a atteint 7,2 % pour l'année entière. Le déficit atteint cette fois-ci 9 % à la fin du premier de mois de confinement, qui n'est que le quatrième mois de l'année – et ce taux, hélas incertain, risque de paraître modéré lorsque viendra l'heure du bilan annuel, M. le ministre de l'économie et des finances l'a dit.
La dette s'élève à 115 % du PIB, soit une hausse de 20 points en trois mois. Le déficit public, toutes administrations confondues, atteint quant à lui 185 milliards d'euros, contre 91 milliards d'euros en loi de finances initiale – il a donc doublé. Enfin, pour citer un autre agrégat dont on débat communément en temps de paix, la dépense publique représente 61 % du PIB. Pour quiconque a examiné les finances publiques de la France et de l'Union européenne il y a seulement un mois et demi, ces chiffres sont incroyables. Nous constatons du reste que tous les pays européens, quel qu'ait été l'état initial de leurs finances publiques, se trouvent dans la même situation.
Venons-en au contenu de ce deuxième projet de loi de finances rectificatif. Je m'efforcerai de ne pas être redondant avec le ministre de l'économie et des finances, et de m'intéresser plus précisément à ses implications budgétaires.
Dans le sillage du PLFR 1, il prévoit un plan de 110 milliards d'euros qui englobe des mesures de trésorerie, sous la forme de reports du paiement de charges et d'impôts, des affectations de crédits budgétaires beaucoup plus élevés qu'il y a un mois, des mesures consistant à mobiliser d'autres ressources publiques – provenant notamment de l'UNEDIC et des collectivités locales, en particulier les régions, pour alimenter le fonds de solidarité – et des articles de lettres visant à améliorer l'organisation économique et sociale de la France en cette période de crise.
D'abord, ce deuxième projet de loi de finances rectificative permet de recharger en crédits, si je puis dire, les dispositifs que vous avez adoptés dans le premier.
C'est le cas pour le chômage partiel, dont je ne reviens pas sur l'intérêt évident : sur trois mois, y compris le denier, celui du confinement, cela représente plus de 24 milliards d'euros, dont un tiers provenant de l'UNEDIC et les deux autres tiers du budget de l'État.
C'est également le cas pour le fonds de solidarité destiné aux travailleurs indépendants, dont les crédits alloués par l'État passeront de 750 millions à près de 7 milliards. Je constate devant la représentation nationale que nos partenaires continuent de nous accompagner. D'une part, les assureurs ont versé 185 millions d'euros sur les 200 millions promis, et le Premier ministre et le ministre de l'économie et des finances poursuivent leurs discussions avec eux pour qu'ils accroissent leur participation. D'autre part, les régions se sont engagées sur des sommes – à ma connaissance, seule la Bretagne et l'Occitanie ont ordonné les paiements à la direction générale des finances publiques, mais, pour avoir abordé la question avec le président Muselier, je sais que les autres versements ne sauraient tarder. Le rechargement à hauteur de 7 milliards d'euros du fonds de solidarité doit répondre aux quelque 936 000 indépendants qui ont demandé à en bénéficier, dont la moitié ont déjà perçu leur aide de la part de la direction générale des finances publiques. Je saisis l'occasion pour remercier tous les agents des URSSAF qui travaillent aux reports de charges et tous ceux de la DGFIP qui, exerçant dans les mêmes conditions que tous les autres salariés, acceptent les nombreuses et utiles modifications que le Parlement et le Gouvernement ont décidées pour que ce fonds de solidarité bénéficie au plus grand nombre.
Il est en outre prévu, dans le texte, de recharger de 700 millions d'euros le BACEA, le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », afin de payer les salaires des contrôleurs aériens. Face aux profondes difficultés que connaissent les compagnies aériennes, il a en effet été décidé par décret qu'elles n'auraient pas à payer leurs charges dans l'immédiat ; en conséquence, il faut combler le manque de financement du budget annexe.
Mais le PLFR 2 ne se limite pas à recharger des dispositifs figurant dans le PLFR 1 ; il contient également de nouvelles mesures. Je ne reviens pas sur celles de nature économique qu'a évoquées le ministre de l'économie : 20 milliards d'euros sont consacrés à l'APE, l'agence des participations de l'État, et les crédits du fonds de développement économique et social passent de 75 millions à 1 milliard.
S'ajoutent 2,5 milliards mobilisés au titre de l'article 7 de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, qui permet de constituer une poche de crédits visant à couvrir des dépenses accidentelles et imprévisibles hors calamités – cet article n'avait encore jamais été utilisé, mais il fallait bien un début, monsieur Carrez, et j'ai souligné l'originalité du dispositif devant la commission des finances. Dans cette situation exceptionnelle, le Gouvernement demande en effet au Parlement de pouvoir utiliser ces crédits sans que celui-ci sache à quoi ils serviront – cela a été validé par le Conseil d'État, qui n'a pas disjoint l'article 7, monsieur Carrez.
Puisque nous devons parfois réfléchir et agir en marchant, je peux d'ores et déjà vous annoncer que le Gouvernement sera favorable à l'amendement du rapporteur général qui vise à affecter à ce titre 880 millions d'euros, soit un bon tiers des 2,5 milliards, au versement de la prime de précarité que percevront quelque 4 millions de personnes, à raison de 150 euros par bénéficiaire du RSA, le revenu de solidarité active, et 100 euros par enfant.
Il va de soi que je m'engage devant le rapporteur général à rendre compte à l'Assemblée nationale de l'utilisation du reste de ces crédits – soit 1,5 milliard environ – encore davantage que des autres, sachant qu'ils ne manqueront pas d'être consommés. Songez que le fonds de solidarité dont vous avez voté la création il y a un mois en le dotant d'1 milliard d'euros est déjà presque à sec. C'est pour cette raison que ces crédits doivent être adoptés assez vite – même si je remercie le président Ferrand d'avoir accepté, sur la demande du Premier ministre, que soit légèrement retardée l'inscription de l'examen du présent texte à l'ordre du jour de l'Assemblée afin que les parlementaires puissent l'étudier aussi sereinement que possible. Les crédits de l'État, en effet, sont limitatifs, et le fonds, encore une fois, est épuisé ; en l'abondant à hauteur de 7 milliards d'euros, nous n'aurons sans doute pas l'occasion d'en reparler très prochainement – encore que…
Ce PLFR contient également des articles de lettres afin de répondre aux interrogations du Parlement et de donner suite aux annonces gouvernementales.
Il s'agit d'abord de la désocialisation et de la défiscalisation des primes dans les trois fonctions publiques : fonction publique hospitalière, j'y reviendrai ; fonction publique d'État, cela a évoqué ; fonction publique territoriale, puisque les collectivités locales pourront verser ces primes hors du cadre du RIFSEEP, le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel – le secrétaire d'État travaillant à mes côtés, qui sera présent tout à l'heure, pourra répondre à vos questions éventuelles sur le sujet. J'ajoute que les employeurs territoriaux seront, quant à eux, déchargés du versement des cotisations patronales.
Il est aussi prévu de soutenir les territoires ultramarins, en particulier ceux du Pacifique. Après des échanges avec Thierry Santa, président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, un prêt de 240 millions d'euros – qu'un amendement du Gouvernement visera à renforcer – sera accordé à ce territoire. Nous sommes également en discussion avec le président Édouard Fritch afin que la Polynésie française ne soit pas oubliée dans le prochain texte budgétaire que nous ne manquerons pas de vous présenter. En outre, ces territoires bénéficieront d'un soutien en matière de chômage partiel, même si cette compétence n'y relève pas de l'État. La République répondra donc présente suite aux demandes d'accompagnement que lui ont adressées les territoires du Pacifique.
Le Gouvernement a déposé huit amendements – limités mais importants – , que je me suis efforcé de communiquer en temps réel au rapporteur général et au président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
D'abord, 281 millions d'euros seront affectés au ministère de l'économie et des finances pour l'achat de masques destinés aux fonctionnaires, car c'est de Bercy que relèvent la direction des achats et l'UGAP, l'Union des groupements d'achats publics.
Plusieurs d'entre vous ont soulevé le problème des zoos, cirques et autres établissements du même secteur économique, confrontés à des difficultés du même ordre, qui ne perçoivent plus de recettes mais où le chômage partiel n'est pas envisageable car les agents chargés de l'entretien des animaux continuent de travailler. Un amendement permettra de sauver ces activités.
Le ministère de l'économie propose également une avance remboursable de 500 millions d'euros aux petites entreprises.
Une enveloppe d'1,2 milliard d'euros au titre du budget de l'État permettra de pallier le défaut du dispositif déjà adopté en faveur des personnes gardant des enfants, et je souligne que la mesure est rétroactive.
Le plafond de l'UNEDIC sera relevé afin qu'elle puisse emprunter, comme nous l'avons fait par décret pour l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
La durée de validité des timbres fiscaux sera portée à douze mois. Les maires, celui d'Angers en particulier, nous ont en effet signalé que la durée actuelle était trop courte, compte tenu de l'impossibilité de se déplacer. Nous avons donc volontiers accepté cette proposition de dernière minute mais de bon sens pour les collectivités locales comme pour les contribuables.
J'en viens à ce que le PLFR 2 ne contient pas.
À l'exception de la désocialisation et de la défiscalisation des primes, il ne comporte aucune mesure concernant les collectivités locales. Nous discutons avec elles mais leur trésorerie n'est pas encore affectée : au total, il leur reste encore 39 milliards environ. Une quarantaine d'entre elles, sur l'ensemble du pays, ont demandé des avances de trésorerie à l'État, lequel les a naturellement accordées, soit au titre de la DGF – la dotation globale de fonctionnement – soit à celui de la fiscalité. Néanmoins, le prochain texte budgétaire que le Gouvernement vous soumettra contiendra très certainement des dispositions relatives aux collectivités, car certaines recettes ont déjà commencé de baisser : l'octroi de mer pour les collectivités ultramarines, les droits de mutation, les taxes sur les séjours ou encore les redevances des casinos. Les principales difficultés, cependant, surviendront en 2021 du fait de la baisse de la TVA, des droits de mutation et, sans doute, des impôts de production, voire du versement mobilité, qui affectera un certain nombre de budgets annexes. Le Gouvernement ne les sous-estime aucunement mais prendra le temps d'agir avec le Parlement, à la disposition duquel je me tiens, comme je l'ai indiqué au président de la commission et au rapporteur général.
Enfin, le PLFR ne contient pas non plus de mesures relatives aux 8 milliards d'euros que le Président de la République a annoncés en faveur des crédits de la santé. En effet, si le budget de l'État est limitatif, celui de la sécurité sociale est indicatif ; il n'y aurait donc aucun sens juridique à présenter dès maintenant un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative, mais il viendra à l'automne. Là encore, je me tiens cependant à la disposition du Parlement ; la commission des affaires sociales du Sénat m'a d'ailleurs déjà convoqué pour présenter une photographie de l'état des comptes sociaux, et je comprendrais parfaitement que la question soit également abordée aujourd'hui. Les 8 milliards d'euros affectés aux comptes de la sécurité sociale, après les annonces faites par le Président de la République, notamment à Mulhouse, sont bien budgétisés. C'est d'ailleurs sur ce budget que seront imputées les primes accordées aux agents de la fonction publique hospitalière. Ces dépenses seront naturellement comptabilisées dans le déficit public mais elles n'entrent pas dans le champ du PLFR 2.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Il y a un mois presque jour pour jour, nous avions fait ici même un choix collectif : protéger les Français contre le coronavirus en acceptant de mettre volontairement l'économie à l'arrêt, ou au moins de la faire ralentir très fortement. C'était une décision assumée par le Gouvernement et, je le crois, par l'ensemble d'entre nous, sur tous les bancs. Dans la foulée, nous avons adopté un premier plan d'urgence qui avait plusieurs objectifs : soutenir le tissu productif et les entreprises pendant cette phase d'arrêt, en particulier leur trésorerie, et protéger les emplois et les compétences.
Aujourd'hui, nous examinons un nouveau projet de loi de finances rectificative, qui a d'abord pour objet de « recharger », pour reprendre le mot du ministre de l'action et des comptes publics, les crédits nécessaires, portés à 110 milliards. Si nous sommes à sec, il faut bien faire le plein ! Nous resserrons aussi les mailles du filet de sécurité économique que nous avions collectivement tissé il y a un mois.
Je tiens au passage à saluer le travail de tous les députés, sur tous les bancs, depuis un mois : ils se sont faits les garants de la bonne application des mesures adoptées, et les retours du terrain ont largement nourri la construction, la coconstruction même, de ce collectif budgétaire. Je parlerai d'ailleurs de « PLFR bis » plutôt que de « PLFR 2 », tant la continuité est forte.
Quelque 9 millions de salariés bénéficient du dispositif d'activité partielle, qui fonctionne bien. Nous le dotons donc de 15,5 milliards d'euros supplémentaires, dont 10,5 milliards à la charge de l'État. Ce sont autant de salariés que nous faisons ainsi échapper au chômage, et dont nous préservons par la même les compétences pour faire repartir notre économie demain.
À ce jour, 900 000 petites entreprises de moins de dix salariés ont fait appel au fonds de solidarité : ce sont autant d'éléments de notre tissu productif qui sont maintenus à flot, et c'est heureux. Pour répondre aux besoins massifs qui se sont fait jour, nous portons la contribution de l'État de 750 millions à 5,5 milliards d'euros ; grâce aux autres contributeurs que sont les régions, les assureurs et quelques entreprises, ce fonds est ainsi doté de plus de 7 milliards d'euros.
Nous avons constaté, sur le terrain, que certaines conditions imposées dans la mouture initiale étaient trop restrictives. Je remercie le Gouvernement d'avoir entendu les parlementaires, ce qui l'a conduit à abaisser le seuil de perte de chiffre d'affaires de 70 à 50 % et à instaurer un calcul sur la base du chiffre d'affaires moyen des douze derniers mois plutôt que sur celle du seul mois précédent. Ces aides sont exonérées d'impôt. Enfin, le plafond, actuellement de 2 000 euros, sera porté à 5 000 euros.
Les banques ont accordé des prêts garantis à hauteur de 90 % par l'État à 200 000 entreprises, pour 10 milliards d'euros. Jusqu'à présent, les entreprises en difficulté étaient systématiquement exclues du dispositif, en application de la règle classique de la garantie de Bpifrance ; là encore, grâce au travail collectif, les entreprises en redressement judiciaire ou en procédure de sauvegarde pourront en bénéficier si elles sont passées sous ce statut après le 1er janvier 2020.
À ce filet de sécurité aux mailles resserrées, le présent projet de loi de finances rectificative ajoute de nouveaux dispositifs, que je ne ferai que citer : pour doter l'État d'une capacité de prises de participations massives, le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » disposera de 20 milliards supplémentaires ; pour protéger les entreprises les plus fragiles, les crédits du FDES__ le fonds de développement économique et social __ sont portés à 1 milliard d'euros ; pour protéger les entreprises exportatrices du risque d'impayés, le plafond de l'assurance crédit de court terme pour l'export est rehaussé à 5 milliards d'euros ; enfin, un amendement gouvernemental crée un nouveau programme d'avances remboursables, qui sera doté de 500 millions d'euros.
En commission, nous avons enrichi le texte afin d'accroître encore la résistance de ce filet de sécurité : sur une proposition de Mme Dominique David, les artistes-auteurs seront dispensés de l'obligation de justifier d'un numéro SIRET pour être éligibles au fonds de solidarité ; nous apportons aussi un soutien spécifique aux ménages fragiles, comme le ministre de l'action et des comptes publics l'a dit, par le transfert de 880 millions d'euros ; nous facilitons l'approvisionnement en masques en alignant leur régime fiscal sur celui des biens de première nécessité, le taux de TVA qui leur est applicable étant ramené de 20 à 5,5 % – cette demande émanait de plusieurs bancs, et je salue le consensus qui s'est dégagé.
Nous examinerons ensemble 372 amendements, ce qui devrait nous amener assez tard ce soir.
Je réaffirme devant vous, en ouvrant ce temps de travail commun, que personne, aucune entreprise, aucun emploi, aucun citoyen, aucun territoire de la République ne doit être laissé de côté.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je voterai pour ce texte, inimaginable il y a encore quelques semaines, qui traduit la triste actualité d'une maladie qui oblige chacun à s'enfermer chez soi et met notre économie en berne.
Ce projet de loi de finances rectificative reflète le soutien massif, global, artificiel, que la puissance publique apporte aux entreprises et aux acteurs économiques. Lors de la discussion du PLFR 1, nous vous avions prévenus que vos prévisions étaient irréalistes ; vous les corrigez là, en multipliant par huit le taux de la récession, par près de trois celui du déficit. Quant à la dette, elle culmine à des niveaux jamais atteints depuis la guerre. Ces prévisions demeurent, vous le reconnaissez, incertaines, et devront sans doute être à nouveau corrigées. Nous sommes dans le grand bleu, et nous y plongeons plus profondément encore qu'en 2008.
Ces chiffres ne sont compréhensibles que si, après des dépenses publiques si massives, vient une reprise économique. Puisqu'il ne s'agit pas d'un arrêt de l'économie par elle-même, mais d'une fermeture administrative, il faut organiser le déconfinement. Lorsque la crise est survenue, nos finances publiques étaient en situation de faiblesse, vous le savez ; dès lors, nous ne pourrons pas tenir longtemps à ce rythme. Le blitzkrieg implique une victoire rapide, sans quoi le risque d'enlisement devient vite insupportable pour le pays : risque social majeur, risque de faillites en nombre, risque inacceptable de chômage massif avec ses cohortes sinistres.
Pour réussir, vous devez commencer par modifier votre texte. Certains bons amendements ont été votés, mais d'autres ont été rejetés.
Vous devez encore élargir le périmètre des bénéficiaires – je fais allusion aux fameux trous dans la raquette. Il est désagréable d'être un trou dans la raquette, parce que c'est une situation très concrète. Il faut donc simplifier l'accès aux dispositifs, à l'instar de ce que font les Allemands, et en profiter pour rompre avec la culture très bureaucratique de notre pays. Faites confiance aux acteurs économiques et, le cas échéant, sanctionnez les excès – je pense par exemple au chômage partiel.
Vous devez clarifier le report des charges et prélèvements, en le transformant dès à présent en annulation. Vos 110 milliards comprennent 45 milliards de mesures de trésorerie ; il faut mettre fin à ce suspense insupportable pour nombre de nos acteurs économiques : on ne peut pas laisser les hôtels, les restaurants et toutes sortes d'autres commerces dans cette incertitude.
Vous pariez sur une reprise rapide, en forme de V, ou plutôt ressemblant au logo de Nike, c'est-à-dire avec une reprise un peu plus lente. Je sais que vous réfléchissez à l'organisation du déconfinement : quelles seront les grandes lignes de son organisation ? La seule donnée précise dont nous disposons, c'est la date du 11 mai. Que se passera-t-il le 12 mai ? Rouvrirez-vous les commerces ? Rétablirez-vous les transports, nécessaires pour que chacun se rende au travail ? Le redémarrage de certains secteurs économiques vous semble-t-il prioritaire ? Je pense au BTP mais aussi à l'industrie dans son ensemble, qui tire les activités de services. Aurons-nous suffisamment de masques et de tests pour garantir la sécurité au travail ? Quelles sont les grandes lignes du plan spécifique annoncé par le Président de la République pour le tourisme, les commerces, les restaurants, les hôtels ? Qu'est-ce qu'une reprise progressive ?
Enfin, il n'y aura pas de déconfinement efficace sans coordination économique – coordination entre les pays européens d'abord, mais aussi avec les États-Unis ou la Chine. Il est tôt pour en parler, bien sûr, mais l'échelle nationale n'est pas pertinente en l'occurrence. Comment travaillez-vous sur ces sujets, et dans quelle perspective ?
Enfin, on ne peut pas tirer un chèque en blanc sur l'économie française. Avant de dire par qui et comment sera payée la facture – elle sera gigantesque – , vous devez nous garantir que le Gouvernement ne tâtonnera pas pour remettre en route notre économie. L'examen de ce texte vous donne l'occasion d'expliquer votre action.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'ai reçu de M. Jean-Luc Mélenchon et des membres du groupe La France insoumise une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
Nous le savons parfaitement, notre motion de rejet préalable sera repoussée et vous ne résisterez pas à l'envie de nous dire que, si elle était adoptée, le pays serait privé des avantages que vous affirmez proposer dans votre texte.
Toutefois, au moment où la patrie se débat comme elle le fait, où, mieux qu'ici, et quand, mieux que maintenant, pouvons-nous nous retrouver pour évoquer, avec solennité, devant la représentation nationale et le pays tout entier, le prix et les conséquences de la dérobade de l'Europe dans laquelle nous sommes insérés de façon totale et inconditionnelle ?
Où, mieux qu'ici, et quand, mieux que maintenant, pouvons-nous débattre du sujet qui vient d'être effleuré à l'instant par le président de notre commission des finances : le poids de la dette publique, qui va s'alourdir dans des conditions telles que nous serons dorénavant face à un mur qu'il sera définitivement impossible de franchir. Cette dette, autrement dit, est devenue impayable – non seulement par les Français, mais par nombre d'autres pays européens.
La dérobade de l'Europe apparaît quand ses institutions annoncent, après avoir refusé d'une manière offensante au gouvernement français la création d'eurobonds – et je le dis bien que je ne sois pas d'accord avec cette proposition – , un plan d'intervention de 540 milliards. Et beaucoup s'en vantent, alors qu'il faut mettre ce montant en rapport avec la richesse produite annuellement par l'Europe – 12 000 milliards – et avec la dette publique cumulée européenne – 11 000 milliards. Ces 540 milliards sont en outre constitués pour l'essentiel de reports de paiement et de garanties d'emprunts : ce n'est donc en aucune manière une injection forte d'argent dans l'économie de l'Europe pour l'aider à redémarrer.
Comment ne pas voir et ne pas dire que l'on observe une compétition en vérité aussi malsaine à la sortie du confinement qu'elle l'était à l'entrée ? Quoi qu'on en pense par ailleurs, les Français fixent la date du 11 mai, alors que les Allemands décident de sortir du confinement une semaine auparavant, le 4 mai. Or, au moment où l'on réfléchit à l'organisation de ce déconfinement, on apprend que 100 000 travailleurs roumains ont obtenu la possibilité d'entrer sur le territoire de la République fédérale allemande, et peut-être demain sur celui de l'Italie, pour les cueillettes saisonnières, quand bien même la Roumanie est encore astreinte au confinement, sur les ordres de son gouvernement. Comment ne pas voir que cette compétition augure fort mal de la suite ?
Le ministre Le Maire, avec beaucoup de lucidité, a dit à la Commission européenne que la zone euro exploserait si elle était confrontée à un développement par trop inégal des économies à la sortie de la période du confinement. Il a raison, et nous devons nous en inquiéter, car nous devons comprendre qu'une telle explosion ne serait source que de chaos, et en aucun cas d'une rectification, souhaitée par beaucoup, du cours de l'histoire européenne.
Il n'est dans tout cela question, au fond, que d'une seule chose : l'Union européenne refuse de voir ce que pèsera la dette sur nos économies. Je l'affirme : on ne peut proposer comme seul projet à la jeune génération, au siècle qui vient, qu'un lapidaire « vous devez payer la dette ». Il est temps de trouver une solution qui ne soit aucune de celles que nous avons connues dans le passé. Nous ne pouvons pas payer ; d'autres non plus ne pourront pas payer. La banqueroute n'est pas acceptable car elle provoquerait le chaos ; l'hyperinflation n'est pas souhaitable car elle serait destructrice ; à l'évidence, personne ne voit la guerre comme une solution, quoi qu'elle ait été utilisée dans le passé.
Il ne reste donc qu'une seule solution, et nous déplorons que vous ayez refusé en commission notre amendement demandant un rapport à ce sujet : l'annulation de la dette ou du moins, si le mot fait moins peur, sa conversion en une dette perpétuelle sans taux d'intérêt, laquelle, sans ruiner le bilan de la Banque centrale européenne, viendrait à fondre à mesure que l'inflation se ferait sentir, que le rythme de celle-ci soit de 1 %, de 2 % ou ce que vous voudrez. Cette fonte de la dette, stockée dans le réfrigérateur de la Banque centrale européenne, est la seule solution pacifique, raisonnable, maîtrisée et organisable que puisse adopter une zone économique aussi puissante que l'Union européenne.
Nos États, ont été méthodiquement appauvris par la politique recommandée par les institutions européennes. Depuis 2004, la France a perdu 240 milliards d'euros de recettes fiscales, du fait des cadeaux offerts pour « stimuler les énergies », et que sais-je encore, pour reprendre le vocabulaire néolibéral dont nous avons été régalés pendant plus d'une décennie.
La dette cumulée de la France ne compte pas de dépenses excessives, ce n'est pas vrai. Depuis 2004, la population française s'est accrue de 5 millions de personnes tandis qu'étaient sans cesse réduits les services publics qui lui étaient destinés : une école par jour, un bureau de poste par jour, une maternité par mois, et ainsi de suite, autant de services publics détruits.
La dette cumulée montre l'effet boule neige des mauvaises décisions du passé, en particulier le soutien à la décision de l'Allemagne d'offrir 1 deutschemark de l'Ouest en échange d'1 deutschemark de l'Est, créant ainsi un danger d'inflation qui a conduit tous les pays d'Europe à augmenter leurs taux d'intérêt ! Cela a coûté, d'après nos propres instituts, jusqu'à 400 milliards d'euros à la France, et nous payons encore cette différence qui tient non à un quelconque retard économique de notre part, mais au caractère toujours unilatéral des décisions prises par l'Allemagne sans tenir aucun compte de ses voisins.
D'autres pays ont compris que, si se présentent sur le marché international, en même temps, toutes les économies avancées pour y souscrire de nouveaux emprunts, alors les taux d'intérêt bondiront. C'est la raison pour laquelle la Banque d'Angleterre a décidé de prêter directement au gouvernement britannique. C'est la raison pour laquelle le gouvernement fédéral des États-Unis d'Amérique a ordonné à la Réserve fédérale, pourtant indépendante, de racheter, chose incroyable, la totalité de la dette publique et des dettes privées du pays, abolissant ainsi, au paradis du capitalisme la seule règle qui le justifiait : le risque ! Il n'y a plus de risque capitaliste aux États-Unis puisque la Réserve fédérale a tout racheté, doublant son bilan sans vergogne, les Américains ayant compris que l'argent emprunté sur les marchés financiers coûtera affreusement cher !
Voici la situation désormais : 45 % du bilan, c'est-à-dire des encours, de la Banque centrale européenne est constitué de titres des États membres de l'Union européenne ; pour ce qui concerne la France, 18 % de notre la dette a été rachetée par la Banque centrale européenne aux banques privées.
Les traités tels qu'ils sont – on voit là pourquoi il faut les changer – nous interdisent, puisque les Allemands ne veulent rien entendre, d'exiger séance tenante le financement direct des États par la Banque centrale européenne à taux zéro ou à taux négatif. Cependant, nous avons la possibilité, en tant qu'actionnaire de la Banque centrale européenne, d'exiger que la part de la dette française dans son bilan, 18 % de son encours total, soit transformée en une dette perpétuelle – tel est le terme consacré pour désigner ce genre de titre – sans intérêts. Disons seulement sans intérêts – je ne vais pas jusqu'à vous suggérer des intérêts négatifs, ce qui est pourtant le cas aujourd'hui pour le loyer de la Banque centrale européenne. Ces 18 % de la dette française, qui pourraient ainsi être instantanément retirés du total, représentent la totalité des nouvelles dépenses que vous avez engagées pour surmonter le risque de récession, je dis bien la totalité !
Et si l'on étendait à l'ensemble des dettes publiques de la zone euro cette transformation en dette perpétuelle, la France, tout en respectant les critères de Maastricht – à cet instant, je ne nous en exonère pas, vous voyez – , retrouverait même une capacité d'emprunt de 1 380 milliards d'euros, lesquels pourraient être affectés à des dépenses d'intérêt général – car qui pourrait mieux le faire que l'État et la République ? – , notamment d'investissement public pour affronter la conversion qu'il faudra bien imaginer et mettre en oeuvre de l'économie et des échanges dans notre société si nous ne voulons pas reproduire le délire productiviste qui semble animer à nouveau les stratèges européens !
M. Jean-Luc Mélenchon tousse.
Ne craignez rien, c'est que je parle trop fort, et seulement cela ; vous savez que les microbes me redoutent encore plus que vous…
Rires.
Voilà donc la solution. Il n'est pas acceptable, je l'affirme sans chercher d'excessives polémiques, que vous ayez eu l'idée de proposer des eurobonds sans prévoir qu'ils vous seraient refusés, alors que ceux-ci ne représentent rien d'autre qu'un accroissement supplémentaire de la dette. De surcroît, nous en perdrions le contrôle car les autres seraient solidairement responsables avec nous. Non, ce n'est pas une bonne solution. Le mur de la dette doit être abaissé, et vous ne pouvez pas dire aux Français que c'est en la remboursant qu'ils en viendront à bout.
L'Europe s'est dérobée. L'Union européenne est une machine consistant pour l'essentiel à mettre une camisole aux Français, aux Italiens et aux Espagnols, respectivement deuxième, troisième et quatrième économies européennes, au seul bénéfice des économies concurrentes de l'Allemagne et des Pays-Bas, lesquels, dans les circonstances actuelles, n'ont fait preuve d'aucune solidarité avec nous, alors que nous nous étions gentiment alignés sur eux quand ils ont pris la décision absurde de convertir leurs marks de l'Est en marks de l'Ouest ! Il nous a été rétorqué que cela déclencherait une inflation terrible – mais celle-ci ne serait pas que terrible car elle permettrait de faire fondre la dette perpétuelle.
Notez qu'alors même que la Banque centrale européenne a injecté en presque deux ans 85 milliards d'euros par mois dans les banques privées sans aucune condition, soit un total équivalant à la production de la richesse totale de la France, il a été enregistré à peine plus d'1 point d'inflation dans la zone euro. Cela signifie que la totalité de cette somme est partie dans la sphère financière sans qu'on en trouve trace dans l'économie réelle.
Si vous mettez bout à bout les 1 380 milliards d'euros que nous retrouverions avec cette mesure, plus les 750 milliards que vous pourriez retirer de l'assurance-vie en privant les sommes placées à l'étranger – soit 1 euro sur 2 des encours – de l'avantage fiscal octroyé en France, plus les 400 milliards qui se trouvent dans les caisses du Livret A, il s'avère que la France n'est pas le dos au mur ! Tout au contraire, elle dispose de l'épargne et des moyens suffisants pour affronter, avec toute la force nécessaire, le redéploiement massif de son économie et la conversion de ses moyens de production et d'échange.
Il n'est pas vrai que nous ayons à choisir entre la dette, la souffrance sans fin du remboursement, ou bien le collapse du changement climatique parce que nous recommencerions à produire tout et n'importe quoi comme des fous furieux !
Voilà ce que je voulais dire à la représentation nationale, à mes collègues, ne serait-ce que pour leur transmettre cette conviction que la France peut et doit cesser de se résigner aux règles de la comptabilité étroite infligée par le gouvernement allemand à tout le reste de l'Europe et imposée par les néolibéraux, en croyant que le marché est la seule solution pour permettre à l'activité humaine de se déployer afin de faire face à la catastrophe sanitaire et à ses conséquences qui ne font que venir !
Le ministre de l'économie et des finances l'a dit, le recul de la production qui s'annonce est sans précédent, de même que la crise sociale qui viendra des États-Unis et la désorganisation de l'économie mondiale par la globalisation qui s'est développée au cours des trente dernières années ! Puisque c'est sans précédent, recourons donc à des moyens sans précédent, mais pacifiques, méthodiques et ordonnés, qui nous épargneront le chaos, ayant conduit à la précédente guerre mondiale, d'une dette excessive et impayable, laquelle pèserait sur nos épaules davantage que sur tout autre peuple !
Mme Elsa Faucillon applaudit.
Votre position est évidemment très argumentée, monsieur Mélenchon, mais j'ai ma propre opinion sur la façon de sortir de la crise, sans certitude ; nous en discuterons en profondeur le moment venu.
La priorité reste la reprise économique. Sans reprise économique, nous serons tellement morts que nous aurons bien du mal à aborder les sujets que vous évoquez. Pendant et après le soutien à l'économie auquel ce texte contribue, l'étape essentielle consiste à préparer attentivement la reprise. C'était le sens de mon intervention précédente.
Quant à la dette, ce n'est pas une notion purement poétique. Elle existe, il y a des prêteurs, des marchés, une grande imbrication entre les acteurs. On peut sans cesse remettre en cause ce fonctionnement mais la dette française, comme celle de la plupart des pays, est déjà pratiquement éternelle. Qui rembourse les dettes ? Personne. Elles sont refinancées, c'est un peu différent.
La dette est tellement considérable qu'elle empêche l'ensemble de la société de progresser, pour une raison simple : derrière, il y a l'enjeu de la confiance. Or l'économie est d'abord affaire de confiance : on accepte ou non de se prêter de l'argent, de vendre, d'acheter. La croissance de la dette, lorsqu'elle atteint un point qui n'est pas scientifiquement déterminé, a pour effet de rompre cette confiance ; toute rupture de dette crée une rupture de confiance qui peut être très négative.
Inventer autre chose, je ne suis pas contre, on peut essayer, on n'est pas obligé de repartir exactement comme avant. Je suis un fervent partisan de la mondialisation, à condition qu'elle soit vécue autrement. La crise sanitaire, la crise écologique voire le développement du numérique appellent des réponses mondiales – il ne peut y avoir de réponse française – , dans le cadre d'une mondialisation sans doute plus mature, différente, on peut l'espérer. Ces débats auront lieu à la sortie de la crise et il est bon de les préparer, mais je souhaite d'abord que le Gouvernement réponde aux questions fondamentales sur les conditions de la reprise.
Je tenais à répondre aux deux questions essentielles posées par le président de la commission des finances et par Jean-Luc Mélenchon à propos de l'Union européenne.
La reprise d'activité est bien notre objectif : l'économie ne peut pas rester à l'arrêt, nous avons besoin de retrouver l'activité et de reprendre le travail, pour des raisons économiques mais aussi sociales, humaines. Des millions de Français attendent de pouvoir reprendre le travail dans des conditions de sécurité sanitaire totale. Nous sommes un peuple qui travaille, qui aime le travail, et qui trouve sa dignité dans le travail.
Nous ne pouvons pas priver des millions de Français de leur activité. Ce peut être un restaurateur qui n'accueille personne dans son restaurant, un salarié qui veut retrouver son entreprise, un ouvrier qui veut retrouver son usine et sa chaîne de production : des millions de Français attendent de retourner au travail.
Comment allons-nous procéder pour garantir une reprise du travail dans des conditions de sécurité sanitaire totale ?
D'abord nous recueillerons les expériences de toutes les activités qui ont maintenu leur production, que je salue : la grande distribution, les agents de caisse, les metteurs en rayon, les transporteurs, les agriculteurs, les ouvriers de l'industrie agroalimentaire, tous ceux qui ont garanti notre sécurité d'approvisionnement au quotidien. Ces secteurs se sont équipés rapidement, ont adopté des procédures différentes et ont instauré des gestes barrières spécifiques, poste de travail par poste de travail.
Nous regarderons quelles leçons nous pouvons en tirer.
Ensuite nous définirons, secteur par secteur, les guides de bonnes pratiques – un certain nombre d'entre eux ont déjà été présentés par Muriel Pénicaud. Dans les jours qui viennent, nous devrons disposer de l'ensemble des guides de bonnes pratiques pour chaque secteur et chaque filière.
Et puis il faudra – là encore, Muriel Pénicaud y travaille avec les partenaires sociaux – établir un protocole national définissant les bonnes pratiques de base permettant de garantir retour au travail et sécurité sanitaire.
Sur ces bases, à partir du 11 mai, nous déterminerons, parmi les activités interdites en période de pandémie celles qui pourront reprendre.
Beaucoup de secteurs souhaitent reprendre leur activité après le 11 mai, mais cela nécessite des garanties de sécurité sanitaire. Prenons l'exemple des coiffeurs : nous allons vite retrouver la Gaule chevelue si les coiffeurs ne reprennent pas leur activité dans les meilleurs délais ; j'aime beaucoup la Gaule chevelue, mais j'aime aussi beaucoup les coiffeurs et je crois qu'il serait bon de rouvrir les salons de coiffure !
Rires et commentaires.
Néanmoins, pour cela, les conditions doivent être réunies afin de protéger les coiffeurs eux-mêmes : il convient d'évaluer le nombre de clients qui pourront être accueillis par mètre carré, dans quelles conditions et avec quels équipements. Voilà ce sur quoi nous travaillons avec Muriel Pénicaud : nous avons eu une première réunion hier et nous en aurons tous les jours à venir, à la demande du Premier ministre, pour que les règles soient claires, simples et identiques pour tous.
Il y a, par ailleurs, les secteurs – le Président de la République a indiqué à quel point ils sont importants pour nous tous – de la restauration, de l'hôtellerie, de l'événementiel et du tourisme. Je partage l'inquiétude profonde, pour ne pas dire le désespoir, de tous ces restaurateurs qui brûlent de rouvrir leur établissement et qui voient leurs pertes s'accumuler.
Un dispositif spécifique sera consacré à ce secteur. Avec Gérald Darmanin, Muriel Pénicaud et Jean-Baptiste Lemoyne, nous aurons, dès cet après-midi, une première réunion de travail, après quoi nous solliciterons tous les représentants professionnels du secteur pour travailler à une reprise d'activité que je souhaite la plus rapide possible. Je crois pouvoir m'exprimer en votre nom à tous pour dire ma sympathie et mon soutien aux secteurs de la restauration, de l'événementiel, de l'hôtellerie, des bars, de tout ce qui fait notre vie quotidienne. Ils ne pourront reprendre tout de suite leur activité dans des conditions normales, mais le plus tôt sera le mieux. Les restaurateurs de France auront besoin de dispositifs de soutien spécifiques ; nous les instaurerons au moment de leur reprise.
S'agissant de la question européenne, M. Mélenchon évoque une dérobade ; je parlerais plutôt de sursaut. S'il y a un point sur lequel je suis d'accord avec vous, monsieur Mélenchon, c'est sur le fait que le sens politique de la construction européenne et de la zone euro est en jeu. Si la construction politique européenne ne retrouve pas son sens fondamental, celui d'une solidarité partagée entre États nations, et si la zone euro n'est pas capable de réduire les divergences économiques entre ses dix-neuf États membres, elle disparaîtra du XXIe siècle et laissera la place aux États-Unis et à la Chine. Quant à la zone euro, je le répète, elle ne résistera pas à l'accroissement des divergences de développement économique entre ses États membres. Il est impossible, intenable, d'avoir une monnaie commune et des États membres qui se développent différemment, avec les uns qui gagnent en compétitivité, exportent et sont puissants, et les autres qui perdent en productivité, en compétitivité et en richesse année après année. Le rôle de la France est de rappeler qu'au XXIe siècle, le continent indispensable est le continent européen. En effet, entre le modèle de développement politique de la Chine et le modèle de développement économique des États-Unis, il y a la place pour un modèle de développement raisonnable et respectueux des valeurs humaines : ce modèle s'appelle l'Europe.
C'est pourquoi, au-delà du plan d'urgence de 540 milliards qui a déjà été adopté, il est indispensable que la BCE continue le travail qu'elle a initié en soutenant le financement de la dette des États et il est tout aussi indispensable que nous tombions très rapidement d'accord sur le fonds de relance que la France a proposé. J'invite tous nos partenaires européens à considérer attentivement la proposition française : ce fonds de relance consiste à lever de la dette en commun pour l'avenir ; il ne s'agit pas de créer des eurobonds mettant en commun la dette passée et future, mais de lever de la dette ensemble en mutualisant notre taux d'intérêt pour qu'il soit le plus bas possible, afin de financer de la dette future et des investissements – et non pas des dépenses de fonctionnement – , pour un temps réduit, pas ad vitam aeternam.
Cela nous paraît constituer la meilleure solution économique et la meilleure solution politique, car c'est ce qui permettra de financer des investissements dans tous les pays de la zone euro, d'éviter que des fractures économiques plus profondes ne se créent, et de redémarrer au même rythme, avec la même vigueur, afin de retrouver le chemin de la croissance durable.
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Fabien Roussel.
Jean-Luc Mélenchon, avec sa motion de rejet préalable, ouvre le débat sur la dette et devance nos discussions de cet après-midi. Il s'agit du sujet qui préoccupe également le plus le groupe communiste et que nous souhaitons mettre au coeur du débat, car ce nouveau PLFR acte une fois de plus le choix de la dette pour répondre à l'urgence économique et sociale.
Vous êtes d'ailleurs en totale contradiction avec tous les discours que vous avez précédemment tenus sur ce sujet car, il y a quelques mois encore, il n'était pas possible de répondre aux besoins de nos hôpitaux, de nos EHPAD – les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – , de nos retraités, ou d'engager la transition écologique par l'augmentation de la dette ou de nos déficits ; il n'y avait pas d'argent magique, il ne fallait surtout pas augmenter la dette.
Or nous y sommes ! La dette augmente et augmentera certainement au-delà des 115 % du PIB annoncés, et vous avez trouvé l'argent pour répondre à l'urgence face à laquelle nous sommes. Oui, quand il y a urgence, quand il y a des besoins, il faut pouvoir se donner des moyens en s'endettant, et la Banque centrale européenne aurait dû, pourrait, devrait être là pour prêter directement aux États à taux zéro puis geler la dette contractée. Dans le cas contraire, comme l'a dit M. Woerth, il nous faudra, dans les années qui viennent, refinancer cette dette auprès des marchés financiers et des banques. Vous savez que les choses se passent de cette manière. Alors, vous nous direz ici même qu'il n'est pas possible de financer, d'investir, car nous avons une dette trop élevée.
Il faut remettre en cause les traités européens, rendus caducs, mis à mort après avoir été infectés par ce virus. Oui, nous devons confiner les traités européens. C'est pourquoi nous voterons en faveur de la motion de rejet préalable.
Mme Elsa Faucillon applaudit.
Nous ne rejetons pas, monsieur le président Mélenchon, l'ensemble des questions que vous posez : elles sont légitimes et ce n'est pas à l'Assemblée nationale, lieu de débat, que nous devrions les balayer d'un revers de main.
Néanmoins, le groupe LaREM votre motion de rejet. Nous avons écouté les Français et de nombreux trous noirs – le président Woerth le rappelait – sont remontés de nos circonscriptions. Nous avons écouté les familles qui ont besoin des aides d'urgence pour subvenir à leurs besoins. Nous avons aussi écouté la fonction publique, qui répond présent pour faire face à la crise. Nous souhaitons donc avoir cette discussion et aller vite.
Le groupe Les Républicains votera contre la motion de rejet préalable. Nous estimons, comme l'a indiqué Éric Woerth et comme le développera Véronique Louwagie, que certaines des mesures du plan d'urgence face à la crise sanitaire doivent être renforcées et que la deuxième loi de finances rectificative comporte des améliorations substantielles : le plan n'est pas seulement rechargé, il est aussi complété, sur deux points importants.
En premier lieu, comme vient de le dire Bénédicte Peyrol, il est prévu d'apporter un soutien de près d'1 milliard d'euros aux ménages les plus vulnérables, et nous pensons que ce soutien devra être encore renforcé dans les prochaines semaines.
En second lieu, s'agissant des entreprises, au-delà des prêts garantis par l'État et du fonds de solidarité, un nouveau dispositif très important est créé, lequel donne la possibilité à l'État d'intervenir, en fonds propres, au capital d'entreprises dites « vulnérables ». Nous aurons un débat sur ce sujet car la représentation nationale doit être informée.
En ce qui concerne la dette, je ne partage pas le pessimisme de M. Mélenchon. Au contraire, je pense que, dans le cadre des actions de reprise économique, nous pouvons compter sur l'euro et la Banque centrale européenne. Si des pays comme l'Espagne, l'Italie ou la France parviennent à se financer à des taux qui restent très bas, c'est grâce à cela, il ne faut pas l'oublier.
En revanche – là, je suis d'accord avec M. Mélenchon – se posera, dans un deuxième temps, un problème de consolidation. Je souhaite saluer l'action du ministre Bruno Le Maire en la matière et l'inviter à développer sur ce sujet : comment voit-il la consolidation dans les prochains mois et les prochaines années ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le groupe MODEM votera contre la motion de rejet préalable. Pourtant, nous nous sommes volontiers en accord avec deux des points soulevés par le président Mélenchon.
Premièrement, on a besoin de plus de solidarité européenne. C'est bien au niveau européen qu'une partie de la solution, du moins économique, à cette crise se joue. Nous saluons, à cet égard, les initiatives prises par le Président de la République et le ministre Le Maire pour essayer d'obtenir de certains États membres que la solidarité puisse fonctionner pleinement dans ce moment de crise.
Deuxièmement, oui, la dette a tendance à étouffer les forces vives économiques. Nous le pensons depuis longtemps, et c'est la raison pour laquelle il conviendra de trouver des solutions de financement. Nous pourrons avoir ce débat, mais celui-ci n'entre pas dans le périmètre du projet de loi de finances rectificative, qui, comme les précédents orateurs l'ont rappelé, s'attache à instaurer des mesures d'urgence pour permettre la survie des entreprises et soutenir le pouvoir d'achat des salariés.
Le groupe SOC ne votera pas pour la motion de rejet préalable. J'entends un certain nombre d'arguments évoqués par le président Mélenchon mais j'estime qu'il n'est pas juste d'accuser l'Europe d'être responsable de nos propres faiblesses et de nos propres turpitudes.
Le bilan de la Banque centrale européenne s'élève pratiquement à la moitié du PIB de l'Union européenne, c'est-à-dire de toute la richesse que nous produisons annuellement. Si ce n'était pas le cas, la France serait incapable d'emprunter comme elle le fait, tout comme l'Espagne et l'Italie.
Cette solidarité – c'est votre droit de ne pas la considérer, monsieur le président Mélenchon – est peut-être invisible, mais elle existe. Si la Banque centrale européenne n'existait pas, plusieurs des économies européennes seraient en faillite, en banqueroute, comme le furent l'Argentine et d'autres pays.
Il se trouve que, depuis la création de l'Union européenne, aucune des économies européennes n'a fait faillite. Ce n'est pas le cas d'autres pays dans le monde, qui ont connu des situations économiques, au regard des indicateurs, proches de ce qui aurait pu exister en Europe.
Évidemment, le manque de solidarité est parfois regrettable. Sur ce point, je vous rejoins, mais dire qu'il n'y en aurait pas du tout et que l'Europe ne serait pas un acteur extrêmement important me paraît faux.
C'est pour cette raison que nous ne voterons pas en faveur de cette motion de rejet : même si sur d'autres points nous pouvons y souscrire, sur celui-ci nous sommes en désaccord.
Mme Cendra Motin applaudit.
Le président Mélenchon a parlé de deux choses : du passé, d'une part, et quoi que nous fassions on ne pourra pas le changer ; du futur, d'autre part, qui, pour le coup, nécessitera une véritable discussion après les événements que nous sommes en train de vivre.
Mais nous devons parler là du présent. Quel est-il ? Ce sont tous ces salariés et toutes ces entreprises qui se trouvent en chômage partiel et ne peuvent vivre avec une activité plus que réduite. Ce sont ces restaurateurs et ces hôteliers pour lesquels nous devons trouver une solution rapide d'annulation de charges. En écoutant l'explication du ministre de l'économie et des finances, qui évoquait la possibilité pour les coiffeurs de reprendre leur activité dès le 11 mai, en respectant des distances de sécurité, je songeais qu'il pourrait en aller de même pour les restaurateurs. Quoi de plus facile, dans un restaurant, que d'installer les clients à deux tables de distance pour assurer l'observation des gestes barrières ? Les entreprises du BTP sont également concernées puisque le manque d'équipement les gêne pour travailler. Les ménages fragiles ont aussi besoin d'être aidés.
Ce sont tous ces sujets qu'il nous faut étudier maintenant ; toutes ces personnes ont besoin que nous leur apportions des solutions efficaces. Le groupe UDI-Agir votera donc contre la motion de rejet préalable.
Le groupe Liberté et territoires votera contre la motion car l'approuver reviendrait à arrêter le soutien apporté à nos concitoyens et aux entreprises, donc à aggraver la crise.
Vous posez certes une question pertinente, monsieur Mélenchon, celle du financement à crédit des mesures : que va devenir la dette publique, ainsi massivement augmentée ? Mais votre idée d'une dette perpétuelle à taux négatif est celle d'un prestidigitateur ! Dans votre critique de l'Union européenne, vous oubliez que c'est grâce à l'union monétaire, à la zone euro, que l'Italie, l'Espagne et même la France s'endettent à des taux d'intérêt faibles. Si chacune avait une monnaie nationale, comme c'était le cas avant la création de l'euro, les différentiels seraient considérables. En outre, si la Banque centrale européenne ne prête pas directement aux États, les traités ont été contournés puisqu'elle rachète la dette sur le marché dit « gris » ou « secondaire » : comme vous le rappeliez, près de 20 % de la dette publique française est portée par la Banque centrale, qui aide donc bien la France.
La troisième raison pour laquelle nous voterons contre est très simple. Revenons à Adam Smith : quelle est l'origine de la richesse des nations ? C'est le travail ! Primo, il faut donc prendre toutes les mesures visant à favoriser la reprise générale du travail dans notre pays. Cela suppose des accords d'entreprise entre les partenaires sociaux pour définir les modalités de la reprise dans des conditions de sécurité sanitaire. Partout dans mon département, les discussions ont ainsi lieu avec les représentants du personnel. Secundo, cela doit se dérouler avec une coordination européenne : nous ne nous sauverons pas tout seuls.
« Sortir des sentiers battus [… ], nous réinventer » : tels étaient les mots du Président lors de sa dernière adresse aux Français. Il faut avouer que nous en serons loin si nous devons obéir aux logiques, aux dogmes et aux mécanismes de l'Europe tels qu'ils se préfigurent. La compétition de tous contre tous et l'austérité au nom de la dette, on connaît, monsieur de Courson ; on en voit les effets sur l'hôpital et sur tous les autres services publics, et on en mesure maintenant les conséquences dans la lutte contre l'épidémie. On ne peut pas placer le fonctionnement économique au-dessus de l'humain, qu'il doit servir.
Tous les efforts du Gouvernement, inédits, sont soumis au respect de ces dogmes. C'est pourquoi il est important d'aborder le sujet maintenant, en lien avec les mesures que vous proposez et avec la relance que vous esquissez. La motion de rejet vise à alerter. Refuser le rapport que nous demandions hier nous conduit donc à nous interroger : on ne pourra pas, dans ces conditions, évoquer différemment les mesures possibles ni provoquer une relance verte telle que vous la souhaitez ; on ne pourra pas conduire la relance sans sortir des dogmes de l'Europe actuelle et rompre avec la politique de la BCE, qui n'a pas contribué à la relance et au bien-être des pays, j'insiste, mais plutôt à les mettre à genoux, en particulier la Grèce.
La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.
Personne ne peut imaginer dans quel état nous sortirons de cette crise. Mais nous en sortirons. Nos choix politiques, effectués pendant et après la crise, détermineront de quelle manière.
Je tiens à rendre un nouvel hommage à toutes celles et ceux qui tiennent la France à bout de bras, qui soignent, nourrissent, sécurisent, organisent la vie du pays. Ce sont eux les premiers de cordée dont nous sommes si fiers.
Cette crise révèle en outre les fragilités d'une France soumise depuis trop longtemps au libéralisme. Nos services publics, notre souveraineté en souffrent, tout comme la planète. Notre pays a besoin d'un nouveau modèle économique, social et écologique : cela se prépare dès maintenant ! Il nous faut des services publics bien plus solides, plus nombreux ; il nous faut aussi relocaliser notre industrie, non pas pour produire comme avant, pour travailler comme avant et enrichir des actionnaires, mais pour protéger les êtres humains comme notre planète, et pour avoir un pays préparé à affronter de telles catastrophes. Il faut changer notre société en profondeur ! Ce projet de loi de finances rectificative devrait déjà prendre ce chemin et montrer, dès maintenant, que rien ne sera comme avant. Or ce n'est pas le choix qui est fait.
La dette du pays va augmenter et atteindre 120 % du PIB, nous venons d'en parler. Vous voulez tout financer avec la dette et ne rien demander aux plus riches. Les taux sont bas ; mais après, qui paiera ? Ce pourrait être encore nous, comme le propose le MEDEF, qui affirme déjà qu'il faudra travailler plus ! Mais ça, c'était le monde d'avant. Tout le monde en appelle désormais au changement : il commence tout de suite ! C'est pourquoi nous redemandons que la Banque centrale européenne prenne en charge la dette de la France comme celle de tous les pays de l'Union européenne, et qu'à terme, elle soit annulée. Le coût de la pandémie ne doit pas être supporté par les peuples.
Nous demandons aussi que l'effort soit national et partagé par tous. Avec vos ordonnances, vous imposez aux travailleurs des jours de congé, des RTT et des semaines de 60 heures. Vous faites payer le travail, comme avant ; nous, nous voulons faire participer le capital. Vous ouvrez dans ce budget un nouveau programme, doté de 20 milliards d'euros, visant à accroître la participation de l'État au capital de grandes entreprises françaises. D'accord, mais pour quoi faire ? S'agit-il seulement de socialiser les pertes et de continuer comme avant, sans imposer d'exigence ?
Vallourec, par exemple, pourrait bénéficier d'une nouvelle aide de l'État tout en continuant ses délocalisations et en investissant dans le pétrole au lieu de se diversifier en France. Nous vous demandons de préparer le monde d'après en étant exigeants vis-à-vis de tels groupes. Demandons-leur de relocaliser leur activité en France ou de s'engager dans la transition écologique. Donnons un plus grand pouvoir de contrôle au Parlement et aux salariés : payer sans savoir à quoi sert notre argent, ça suffit.
Enfin, le texte contient une aide en faveur des plus démunis. Oui, le confinement coûte cher quand il faut nourrir ses enfants à tous les repas et surtout quand les prix augmentent.
La perte de 16 % de salaire pour des millions de salariés placés en chômage partiel fait aussi basculer de nombreuses familles de travailleurs, de salariés, dans la pauvreté. De plus, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi a augmenté de 42 000 depuis le début du confinement. Le nombre de gens se trouvant en situation de pauvreté dans notre pays augmente fortement : après avoir auditionné des associations d'aides aux personnes en difficulté, nous estimons qu'ils sont maintenant 11 millions, voire 12 millions, étudiants, salariés, intérimaires, retraités ; il faut les aider, et vite, à manger et à payer leur loyer.
Dans le cadre de l'examen du PLFR, nous vous faisons de nombreuses propositions en ce sens, notamment l'instauration d'une aide de 300 euros par mois, soumise à des conditions de ressources, et une baisse de la TVA sur les produits de première nécessité.
Vous proposez aux entreprises de verser des primes et, pour les fonctionnaires, vous proposez une prime de 1 500, 1 000 ou 500 euros, selon le degré d'exposition au virus de chaque catégorie de salariés : vous risquez de diviser les Français. Vous savez que toutes les professions concernées, dans le public comme dans le privé, demandent des hausses de salaires. Offrez-leur cette perspective !
Si nous dégageons 110 milliards d'euros, ne soyons pas seulement dans l'urgence. Préparons le monde d'après.
Mme Elsa Faucillon et M. Jean-Luc Mélenchon applaudissent.
Nous vivons collectivement un moment unique, une crise qui nous a tous plongés dans l'inconnu il y a plusieurs semaines. En effet, pour protéger les Français, notamment les plus fragiles d'entre eux, le Président de la République a pris la seule mesure qui vaille : mettre notre vie sociale sur pause et une grande partie de l'économie sous cloche. C'est la première fois que notre pays est confronté à une telle crise, et c'est à nous qu'il revient d'amortir ses effets autant que possible. Ce moment unique appelle de notre part de l'humilité, de la cohésion et de la détermination.
Dès la lecture de l'article liminaire de ce second projet de loi de finances rectificatif, on comprend bien que nous ne connaissons pas encore tous les effets de la crise, mais que le Gouvernement est prêt à faire tout ce qui en son pouvoir pour protéger les entreprises, les emplois et les Français. Devant l'inconnu, il nous faut tous faire preuve d'humilité car, si l'après semble se profiler, le chemin est encore long.
Ce deuxième PLFR nous encourage également à la cohérence en renforçant les outils créés il y a un mois – activité partielle, prêt garanti par l'État, fonds de solidarité aux entreprises – et en adoptant des crédits pour soutenir les familles les plus fragiles. Après une première enveloppe de 45 milliards d'euros, ce sont 110 milliards que le Gouvernement nous demande de mobiliser cette fois-ci.
Nous avons tous été à l'écoute des acteurs économiques de nos territoires, nous avons tous entendu les témoignages de chefs d'entreprise qui n'entrent pas dans les cases du fonds de solidarité, parce qu'ils sont retraités ou qu'ils ont fondé leur entreprise en février, et ne peuvent donc reporter ni leur loyer ni leurs factures. Mes collègues Anne-Laure Cattelot, Olivia Gregoire, Mickaël Nogal et tant d'autres ont trouvé, avec l'appui des équipes ministérielles, des solutions pour que ces entreprises soient encore là quand l'activité reprendra.
Nous saluons aussi les régions comme tous ceux qui ont répondu à l'appel et abonderont le fonds de solidarité aux entreprises, afin de porter les aides complémentaires de 2 000 à 5 000 euros.
En outre, nous avons tous entendu ces patrons qui, devant le montant de leur perte d'exploitation, ne comprennent plus leur banquier ni leur assureur. Je tiens à saluer la ténacité du Gouvernement face aux compagnies d'assurance et son exigence face aux banques : il est tellement plus difficile de trouver un bon accord que de proposer une mauvaise taxe… Là encore, une marge de progrès existe. Mes collègues Nadia Hai, Marie-Christine Verdier-Jouclas et Valéria Faure-Muntian constituent une force de proposition sur ce sujet, et le groupe LaREM défendra ici leurs projets, en matière de transparence notamment.
Nous devons nous montrer déterminés à ne pas revivre ce qui avait tant affaibli nos entreprises, il y a quelques années : la perte des compétences. Nous avons donc choisi d'accompagner toutes les structures, entreprises, associations et autres, en leur permettant de garder leurs salariés grâce à l'activité partielle : plus de 9 millions de salariés, appartenant à plus de 700 000 entreprises, conservent ainsi leur emploi, parce que nous mettons tout en oeuvre pour que leur entreprise soit préservée quand l'activité reprendra. Ces 24 milliards d'euros que nous choisissons d'investir dans les hommes et les femmes qui font la force de nos entreprises, grandes et petites, nous les savons plus qu'utiles : ils sont nécessaires car ils constituent le meilleur investissement pour l'avenir.
Enfin, nous devons faire preuve de cohésion pour remercier et reconnaître l'engagement sans faille des agents de la fonction publique, présents en première et deuxième lignes pour faire fonctionner les services publics : sans eux les malades ne seraient pas soignés, les masques ne nous parviendraient pas, nos enfants seraient désoeuvrés, les plus fragiles ne seraient pas aidés ; sans eux, tous les dispositifs d'aide aux entreprises ne seraient que des mots sur du papier. La prime exceptionnelle qu'ils percevront constitue donc une bonne nouvelle qui doit inciter tous les employeurs, dans un esprit de cohésion nationale, à reconnaître la valeur de l'engagement de leurs salariés dans cette période troublée.
En conclusion, ce texte est à la mesure du choc que nous vivons : unique. Il est de la responsabilité de tous de veiller à ce que ses outils se déploient le plus largement possible. C'est la mission commune du Gouvernement et des parlementaires. N'oublions pas la leçon d'Albert Einstein, disparu il y a presque soixante-cinq ans jour pour jour : « La vie, c'est comme une bicyclette. Il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre. »
En matière de finances publiques et de soutien aux entreprises, c'est pareil. Alors avançons ensemble, humbles et déterminés.
À dix heures trente, M. Hugues Renson remplace M. Richard Ferrand au fauteuil de la présidence.
L'épidémie de coronavirus nous a plongés dans une crise sanitaire inédite ainsi que dans une crise économique d'une ampleur inouïe. Nous le savons désormais, l'année 2020 sera marquée par une très violente récession. Il s'agit d'un bouleversement économique sans précédent, tant l'activité est à l'arrêt et tant le redémarrage sera long et incertain. Tous les secteurs économiques, toutes les activités, toutes les entreprises sont violemment touchés. Certains secteurs paient un tribut encore plus lourd que les autres : je pense aux commerces, aux restaurants, aux cafés, aux hôtels, à l'événementiel et à tant d'autres.
Il y a moins d'un mois, le Gouvernement nous a proposé un premier projet de loi de finances rectificative pour 2020, que nous avons adopté à l'unanimité. Hélas, la conjoncture et la persistance de cette crise montrent que les premières prévisions du PLFR du 19 mars étaient trop optimistes, ce qui impose de débloquer en urgence de nouvelles aides beaucoup plus conséquentes.
Le Gouvernement a donc revu son plan d'urgence pour le doter de 110 milliards d'euros, contre 45 milliards prévus initialement. Je salue cet effort indéniable ainsi que les nouvelles mesures économiques et sociales du deuxième PLFR. Aider les ménages les plus vulnérables est important voire essentiel dans ce contexte. En s'adaptant et en tenant compte des écueils constatés jusqu'à présent, le Gouvernement assouplit les dispositifs mis en place pour nos entreprises et crée un volet en faveur des plus démunis. Il s'agit d'un effort budgétaire sans précédent. C'est pourquoi les députés du groupe Les Républicains voteront pour.
Mme Cendra Motin applaudit.
Néanmoins, il faut aller encore beaucoup plus loin, car le PLFR n'est pas à la hauteur des immenses besoins de toutes les entreprises en grande difficulté.
Dans un esprit de responsabilité, nous mettons sur la table des propositions concrètes pour soutenir davantage notre tissu économique, en particulier les cafés, commerces, restaurants et hôtels, très lourdement touchés.
Nous proposons par exemple une annulation pure et simple de charges sociales et fiscales pour les PME les plus pénalisées par la crise, ainsi qu'une exonération de redevance audiovisuelle pour les cafés, les restaurants et les hôtels. Ces annulations de charges constitueraient un soutien massif. Il faut en effet envoyer un signal fort à nos chefs d'entreprise qui attendent dans les starting-blocks pour reprendre leur activité.
Nous souhaitons par ailleurs accroître de 2 milliards le montant du fonds de solidarité, ce qui permettrait d'élever les aides versées et le nombre de bénéficiaires, afin de combler, comme l'a dit le président de la commission des finances, « les trous dans la raquette ». Les conditions d'éligibilité au fonds de solidarité doivent être moins strictes. Des soutiens forts à des secteurs particulièrement touchés doivent être adoptés.
Nous voulons également permettre aux nombreuses collectivités qui le souhaitent d'exonérer les commerces et les entreprises de leur territoire des impôts qu'elles prélèvent, en particulier de CFE – cotisation foncière des entreprises – et de taxe foncière.
Nous demandons en outre la reconnaissance d'un état de catastrophe sanitaire pour faciliter la prise en charge d'une partie des pertes d'exploitations des plus petites entreprises.
Nous réclamons une défiscalisation complète de l'ensemble des heures supplémentaires réalisées pendant le confinement.
Si les prêts garantis sont essentiels, il nous paraît important que l'État prenne en charge les intérêts de ces emprunts.
Nous souhaitons enfin instaurer un taux de TVA réduit sur les masques et les gels hydroalcooliques, devenus des produits de première nécessité. Ce taux remplaçant celui de 20 % qui s'applique actuellement constituerait une aide à tous nos citoyens.
Hier, en commission des finances, aucune de nos propositions n'a été retenue. Nous espérons qu'il en ira différemment aujourd'hui et que nos amendements trouveront un écho favorable. Le débat devra également apporter des réponses aux nombreuses questions qui demeurent ouvertes, concernant par exemple les conjoints collaborateurs, les mandataires sociaux et certaines conditions d'attribution des aides promises dans le cadre du fonds de solidarité. Ces questions sont essentielles car nous ne devons oublier personne.
Si le PLFR ne saurait être la seule réponse à la crise, c'est parce que le meilleur moyen de réduire les effets de celle-ci est de permettre que l'activité reparte, en maîtrisant la crise sanitaire. Il faudra d'ailleurs une très grande lisibilité tant sur la situation actuelle que sur l'organisation du déconfinement, à partir du 11 mai. Comment les entreprises du bâtiment, par exemple, pourront-elles reprendre leur activité si les masques manquent ? Pour redonner confiance aux chefs d'entreprise, il faut leur donner de la visibilité.
Enfin, le contrôle en temps réel des mesures votées est indispensable. Aussi accorderons-nous une très grande importance à la nécessaire application sur le terrain des dispositifs retenus, car il ne servirait à rien de les adopter dans l'urgence si, par la suite, leur application n'est pas opérationnelle. Notre mission de contrôle de l'exécution est essentielle.
Je termine, monsieur le président. Nous prendrons donc pleinement notre part à cette mission pour veiller à ce que l'application des dispositifs soit simple, opérationnelle et pragmatique.
Il est impératif que le Gouvernement mette à la disposition des députés des tableaux de bord journaliers de suivi des différents dispositifs par département, par strate d'entreprises et par secteur d'activité. J'insiste : seuls des outils en temps réel nous permettront de procéder rapidement aux ajustements, corrections et adaptations nécessaires.
Tous ensemble, nous nous devons de gagner cette bataille contre le Covid-l9. C'est la raison pour laquelle nous vous assurons du soutien des députés du groupe Les Républicains. Nous voterons pour ce PLFR même si nous voulons, même si nous devons aller beaucoup plus loin pour sauver nos entreprises et préparer le déconfinement économique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous voici rassemblés pour la deuxième fois en un mois afin de débattre et d'adopter des mesures de financement exceptionnelles pour répondre à la catastrophe économique déclenchée par la catastrophe sanitaire de l'épidémie du coronavirus Covid-19.
Avec mes collègues du groupe MODEM, je salue la mobilisation du Gouvernement, de l'État et de ses services déconcentrés pour préserver le patrimoine entrepreneurial de la France. Je vous remercie aussi d'avoir su faire évoluer les dispositifs que nous avions adoptés il y a un mois pour répondre aux besoins de nos entreprises.
Si l'on nous avait dit qu'en un mois le bouclier du chômage partiel protégerait la moitié des salariés de France, personne ne l'aurait cru. Une entreprise qui disparaît, ce sont un tissu de relations, un savoir-faire, une culture, une communauté perdus à jamais. Un commerce qui ferme, c'est la vie, l'âme d'un village qui s'éteint.
En adoptant ce texte, nous étendons la couverture du chômage partiel au plus grand nombre des salariés : ils sont désormais plus de 9 millions à en bénéficier. Ainsi, quand viendra l'heure de la reprise, notre plus grande richesse, notre capital humain, aura été préservée.
En adoptant ce texte, nous élargissons le champ du plan de garantie de l'État, qui a permis d'octroyer huit fois plus de financements aux entreprises en un mois que le plan de garantie de 2008 ne l'avait fait en deux ans. Désormais, les entreprises en difficulté pourront, elles aussi, en bénéficier.
En adoptant ce texte, nous assurons 7 milliards d'euros pour le soutien des petites entreprises, des indépendants, des professions libérales. Dès ce mois d'avril, l'indemnisation à laquelle ceux-ci ont droit couvrira leurs dépenses de loyer. Que les ministres soient remerciés d'avoir ouvert cette indemnisation à de nouveaux publics. Que les régions et les sociétés d'assurance soient elles aussi remerciées de leur abondement à ce fonds.
Je salue aussi le réseau des chambres de commerce et de métiers, les partenaires sociaux qui se mobilisent au côté des services de l'État pour répondre à toutes les questions, à toutes les inquiétudes.
Nous continuerons de veiller à ce que ces munitions puissent être mobilisées par toutes les entreprises, associations, indépendants sur tous les territoires de la République, de vérifier que les services de l'État et les établissements bancaires sont en mesure de répondre à leurs demandes. D'autres ajustements s'imposeront sans doute avant et après le 11 mai. Nous y serons attentifs, car, si les entreprises se sentent soutenues, elles s'inquiètent aussi de voir s'accumuler sur leur tête les dettes sociales, fiscales, bancaires, immobilières. Si nos chefs d'entreprise ont le sentiment d'être surendettés, ils risquent fort de baisser les bras, au moment même où leur contribution à l'effort de guerre est la plus décisive.
C'est la raison pour laquelle nous vous proposerons un amendement visant à faciliter les abandons de créance, c'est-à-dire l'effacement des dettes, avantage évident pour les très petites entreprises qui se désendetteront et aborderont la reprise dans de meilleures conditions, avantage non moins négligeable pour les finances publiques : si un bailleur renonce à percevoir les loyers d'un commerçant, l'indemnisation par l'État au titre du fonds de solidarité diminuera d'autant.
Mais la mesure la plus importante du texte, inscrite à l'article 5, est sans doute la concrétisation de l'annonce faite aux Français par le Président de la République d'exonérer la prime exceptionnelle versée aux agents des administrations publiques mobilisées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. C'est l'hommage de la France confinée aux héros qui se battent pour elle : médecins, infirmiers, aides-soignants, ambulanciers, brancardiers, pharmaciens. C'est l'expression de sa gratitude aux équipes de soignants qui ont fait front dans des conditions extrêmes, à tous les fonctionnaires qui assurent la continuité des services publics. Je pense notamment aux agents de l'Assemblée nationale, qui permettent à notre vie démocratique de se poursuivre, et, au-delà, à tous les travailleurs de la deuxième et de la troisième lignes, sans lesquels la continuité économique et sociale de la nation serait gravement compromise, à tous ces citoyens maquisards qui, partout dans le pays, se sont levés pour créer à leur échelle des réseaux de solidarité et d'approvisionnement, et venir en aide à ceux qui combattent l'ennemi invisible.
Pour sortir de l'ornière, nous aurons besoin d'Europe. Nous soutenons pleinement les initiatives du Président de la République et du Gouvernement pour que celle-ci se montre plus unie, plus fraternelle et plus souveraine. Il est temps de démontrer que l'union fait la force et que nos destins sont liés. Il est temps de mutualiser le financement de cette nouvelle guerre sanitaire et de planifier ensemble l'effort de relance à fournir, le moment venu. « Il n'y a pas pour les peuples d'Europe d'autre avenir que dans l'union. »
En conclusion, les députés du groupe MODEM saluent l'architecture du texte et voteront pour.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.
Il y a exactement un mois, nous nous trouvions dans cet hémicycle pour débattre du premier projet de loi de finances rectificatif lié à l'urgence de la crise. Le Gouvernement a décidé de nous proposer un second texte, qui possède, lui, une composante budgétaire, ce que nous demandions déjà il y a un mois, tant la situation est grave.
Il y a trois jours, le FMI – Fonds monétaire international – a publié une tentative de prévision de la croissance économique, exercice particulièrement difficile dans le contexte actuel, selon laquelle la production mondiale reculerait de 3 % en 2020 et rebondirait de 5,8 % en 2021, retrouvant ainsi son niveau d'avant la crise. En Europe, en revanche, la production chuterait de 7,5 % en 2020 et ne rebondirait que de 4,7 % en 2021 : selon ce scénario, même à la fin de 2021, nous n'aurions pas retrouvé le niveau de production d'avant la crise.
Pour nous tous dans cet hémicycle comme pour beaucoup de nos concitoyens, la situation est inédite. C'est pourquoi les plans d'urgence doivent tout faire pour limiter le recul envisagé par le FMI. Il sera ensuite temps, et nous prendrons part à cet exercice, de repenser notre modèle économique. Il y a quelque temps, nous avions déjà formulé plusieurs recommandations qui n'ont malheureusement pas été suivies.
Limiter ce recul, c'est faire en sorte que les acteurs économiques tiennent et, pour cela, il faut qu'ils puissent supporter le choc de trésorerie. La garantie de 300 milliards d'euros le permettra en partie.
Mais limiter ce recul, c'est aussi amortir les paiements dus par les acteurs économiques sur du chiffre d'affaires perdu, c'est-à-dire sur des sommes qu'ils n'encaisseront jamais. Nous avions interpellé le Gouvernement, il y a un mois, pour demander l'annulation d'une partie des reports de paiement de cotisations, car on ne peut pas demander à des acteurs économiques de verser des paiements sur un chiffre d'affaires qu'ils ne percevront jamais. Je conviens que ce projet de loi de finances rectificative constitue un premier pas ; néanmoins, nous souhaitons obtenir davantage de précisions, et nous avons déposé un amendement proposant d'aller plus loin.
Au-delà des aspects économiques, évidemment cruciaux, il faut pouvoir continuer de vivre. Nous avions insisté sur ce point il y a un mois en soulignant qu'un budget d'urgence ne pouvait se contenter de donner des garanties et d'accorder des reports d'échéances fiscales et sociales.
Sur ce point, vous nous avez en partie entendus puisque le PLFR 2 prévoit 105 milliards d'euros de mesures budgétaires. Pourtant, là encore, il faut regarder les chiffres précisément. Sur cette somme, 42,6 milliards s'expliquent par des baisses de recettes fiscales ; par conséquent la somme d'argent frais que vous débloquez s'élève à 62,5 milliards d'euros, ce qui ne fait pas tout à fait 100 milliards. Ces 62,5 milliards d'euros se décomposent en tiers : 20 milliards d'euros sont destinés à d'éventuelles nationalisations ; 24 milliards d'euros au chômage partiel ; 18,5 milliards d'euros aux soutiens directs. La justification des 24 milliards d'euros destinés au chômage partiel est parfaitement claire ; en revanche, rien n'est précisé quant au choix de créditer 20 milliards pour d'éventuelles nationalisations : rien. Il faudrait que l'Assemblée nationale vote sur une somme 20 milliards d'euros sans aucune explication ? Soit vous avez des projets précis, auquel cas il serait bon de nous en informer, soit ce n'est qu'une mesure d'affichage, ce qui, au vu de la gravité de la situation, ne serait pas acceptable.
Les députés de mon groupe ont déposé un projet de loi visant à nationaliser deux entreprises – vous avez répondu « non » mais j'espère que vous changerez d'avis – , ce qui coûterait un millième du fonds de 20 milliards d'euros que vous prévoyez.
Ces crédits renvoient à la question de l'État actionnaire. Messieurs les ministres, il est important qu'en tant que représentants de celui-ci dans de nombreuses grandes entreprises, vous fassiez en sorte que celles-ci paient les commandes fermes qu'elles ont passées. Elles ne peuvent pas s'en dédouaner et en reporter la charge sur la trésorerie de leurs sous-traitants.
Par ailleurs, l'urgence alimentaire et sociale représente moins de 2 % du total de 105 milliards d'euros des mesures budgétaires du PLFR 2. Notre groupe a donc proposé plusieurs amendements, notamment en faveur des étudiants et apprentis boursiers, ainsi que de toutes les familles qui n'arrivent plus à se nourrir dans les circonstances actuelles.
Le Président de la République ne peut solliciter l'union nationale alors que le Gouvernement l'abîme en refusant systématiquement toutes les initiatives de l'opposition – avant, bien souvent, de se les approprier pour les mettre en oeuvre trois semaines en retard. Hier, en commission, votre majorité a refusé tous les amendements de l'opposition. Tous !
L'union nationale ne peut se décréter : il faut un effort de la majorité.
Je m'arrête là, et poursuivrai mon propos lorsqu'il s'agira de défendre les amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Notre pays, comme le reste du monde, est secoué par une crise sanitaire majeure, liée à la propagation du virus Covid-19. Dans ce contexte exceptionnel où les inconnues sont nombreuses, mesurer les conséquences de la pandémie, ravageuse pour l'homme mais aussi pour notre économie, relève de l'exploit.
Les premières études menées par l'INSEE, l'Institut national de la statistique et des études économiques, et l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques, s'accordent cependant à évaluer qu'un mois de confinement génère une perte d'environ 3 points de PIB, et nous savons que le confinement durera au moins deux mois.
Je sais que le Gouvernement a pris la pleine mesure de la situation économique dramatique dans laquelle nous nous trouvons. Le premier PLFR en était la traduction : il visait à apporter une réponse immédiate aux problèmes de trésorerie de nos entreprises et à la nécessité de protéger les salariés. Bien sûr, cela n'est pas allé sans interrogations ou oublis voire des effets pervers. Il était de notre devoir de vous interpeller sur ces points.
Du fait du prolongement du confinement et des différentes mesures de restriction, la situation de l'ensemble de nos entreprises s'est fortement dégradée. Je pense en particulier aux secteurs du bâtiment et des travaux publics, du tourisme, de la culture, aux commerçants, artisans et travailleurs indépendants, sans oublier bien sûr les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration et du commerce de gros, spécialisés dans la restauration hors domicile, qui sont en grande souffrance.
À crise évolutive, réponse évolutive. Le Gouvernement, par le biais de ce deuxième PLFR, propose de porter de 45 milliards à 110 milliards le plan d'urgence économique.
Ainsi, le budget alloué à la prise en charge du chômage partiel est porté à 24 milliards d'euros, et les crédits alloués au fonds de solidarité pour les TPE atteignent désormais 7 milliards d'euros. Ce PLFR prévoit également le déploiement d'un dispositif exceptionnel de soutien aux prêts et aux fonds propre pour les entreprises stratégiques fragilisées par la crise, à hauteur de 20 milliards d'euros.
De nombreuses mesures spécifiques qui se sont avérées nécessaires viennent accompagner les salariés, notamment dans le secteur de la santé, mais aussi les personnes en situation de précarité.
Enfin, vous avez su entendre les remontées du terrain transmises notamment par les membres de cette assemblée, en élargissant les dispositifs de garantie et d'accès aux mesures du plan d'urgence. Mon collègue Christophe Naegelen s'était attaché à vous alerter sur l'exclusion des entreprises placées en procédure collective du dispositif de prêt garanti par l'État. Vous proposez d'y mettre un terme dans ce PLFR, ce que je salue.
Toutes ces mesures visent à sauvegarder l'appareil productif. À cet égard, l'État joue pleinement son rôle protecteur. Il faudra sans doute aller plus loin en procédant à des annulations de charges fiscales et sociales.
Mais la force du plan du Gouvernement ne tiendra ses promesses que s'il est accompagné par un véritable plan de bataille européen, car c'est toute l'Europe qui est contaminée. Nous le savons, ces premières aides ne seront pas suffisantes. C'est donc un autre combat qu'il vous faudra mener avec nos partenaires européens, pour consolider l'Europe.
Le scénario retenu par le Gouvernement mise sur un retour assez rapide à la normale, avec une consommation rebondissant au second semestre. Nous exprimons des inquiétudes sur cette hypothèse car l'histoire nous a prouvé que le premier réflexe des ménages et des entreprises est de constituer une épargne de précaution, peu propice au soutien à la consommation.
Cela pose d'ores et déjà la question du plan de relance et d'investissement qu'il faudra instaurer pour éviter ces écueils. Nous espérons que nos débats de ce jour nous permettront d'en dessiner les contours.
Enfin, comme l'a souligné le Haut Conseil des finances publiques, ce PLFR ne procède à aucune reprogrammation des recettes et des dépenses des administrations publiques. Or, nous le savons bien, au-delà du choc sur le PIB, la crise aura un impact très négatif sur l'ensemble des collectivités locales, qui ont démontré leur rôle essentiel en ces circonstances si particulières. Connectées à leur territoire, elles ont fait preuve de réactivité et d'agilité ; elles ont lancé des initiatives locales, pour surmonter les difficultés rencontrées sur le terrain. Pour que leur plan de bataille se poursuive, il faudra veiller à leur donner rapidement les instruments techniques, juridiques, administratifs et financiers leur permettant d'accompagner au mieux la reprise dans leur territoire.
Nous le voyons bien, ce qui demeure au coeur de cette crise et qui perdurera, c'est le besoin de solidarité. Réduire les inégalités sociales et salariales est un défi aussi important que la relance massive de notre économie.
Tirons aussi les leçons de cette crise en repensant notre économie et en relocalisant les activités jugées vitales.
Je conclurai mes propos par une citation de Chateaubriand, qui écrivait : « Les moments de crise produisent un redoublement de vie chez les hommes. » Le groupe UDI-Agir le souhaite ardemment. C'est pourquoi il soutiendra ce projet de loi de finances rectificative.
M. Christophe Naegelen applaudit.
En novembre dernier, le Président de la République se faisait pythie involontaire en déclarant que la règle du plafonnement du déficit public à 3 % du PIB était « un débat d'un autre siècle ». Depuis un mois, les critères maastrichtiens ont été suspendus, en raison de l'ampleur de la crise sanitaire actuelle et de la contraction inédite de nos économies. Face à cette situation, le Gouvernement a fait le choix de recourir massivement à la dépense publique, financée par l'emprunt, pour éviter un effondrement économique et social. Le groupe LT ne conteste pas ce choix.
Dans le présent budget rectificatif, le Gouvernement ouvre 42 milliards d'euros de crédits supplémentaires afin de lutter contre la pandémie et ses conséquences économiques et sociales. Parallèlement, les recettes du budget général diminuent de 35 milliards d'euros. Le solde budgétaire se dégrade, par rapport à la loi de finances initiale, de 90 milliards d'euros, pour s'établir à plus de 183 milliards ; ce doublement crée un trou abyssal.
C'est ainsi que le Gouvernement essaie de faire face à une situation extrêmement difficile. Il a fait le choix de plusieurs dispositifs complémentaires : une garantie d'emprunts par l'État, un élargissement du dispositif d'activité partielle et un fonds de solidarité pour les TPE. Ces deux derniers leviers sont renforcés dans le présent PLFR, respectivement à hauteur de 10,5 milliards et 5,5 milliards.
De plus, huit amendements, non examinés en commission des finances puisqu'ils viennent d'être déposés, complètent le dispositif, notamment pour les familles en grande difficulté ou pour certaines entreprises qui ne pouvaient bénéficier des dispositifs précédemment évoqués.
Malgré des progrès ces dernières semaines, des trous demeurent dans la raquette de ces dispositifs.
Nous avons évoqué les cas des conjoints collaborateurs, des travailleurs indépendants, des gérants majoritaires de SARL – sociétés anonymes à responsabilité limitée – , de certains cabinets d'avocats, d'artisans ou d'entreprises nouvellement crées.
Des entreprises nous font aussi remonter leur difficulté à accéder à l'emprunt garanti par l'État. Là encore, le Gouvernement propose un nouveau dispositif afin de boucher certains trous de la raquette.
L'activité partielle, quant à elle, permet d'éviter les défaillances d'entreprises et une explosion du chômage. Mais pourquoi faire porter à l'UNEDIC le tiers de la charge du chômage partiel, soit 8 milliards et bientôt un peu plus, sur les 24 milliards ou 25 milliards prévus, et lui demander de s'endetter à due concurrence par un emprunt garanti par l'État à hauteur de 10 milliards ? Pourquoi l'État n'a-t-il pas directement pris en charge la totalité de cette dépense ?
Au regard des sommes engagées dans ce dispositif et des 8,8 millions de salariés du privé qui y ont eu recours, soit plus de 44 % d'entre eux, il nous paraît indispensable de mettre en place des mécanismes de contrôle pour éviter des abus.
Ce projet de budget rectificatif prévoit également de débloquer pas moins de 20 milliards d'euros pour renforcer la participation de l'État dans certaines entreprises. Mais pourquoi 20 milliards ? Nous n'en savons rien. Malgré mes demandes répétées, nous n'avons reçu aucune information sur l'utilisation de ces fonds, sinon celles que nous lisons dans la presse, manifestement mieux informée que les parlementaires. Ce n'est pas acceptable. Nous demandons que la commission des finances de l'Assemblée, à huis clos s'il le faut, soit tenue informée des projets du Gouvernement et du contenu de la liste d'entreprises que vous avez adressée au Président de la République.
Parlons aussi des 2,5 milliards d'euros initialement inscrits comme dépense accidentelle ou imprévisible, alors que cette dépense n'était ni l'une ni l'autre : encore une fois, la bonne information du Parlement fait défaut. Nous avons appris avant-hier que cette enveloppe permettrait de financer notamment des primes de précarité pour les plus vulnérables, à hauteur de 880 millions d'euros. Ceux qui ne travaillent pas étaient jusqu'alors oubliés par le dispositif de soutien. Un tel accompagnement est donc bienvenu. Je note cependant plusieurs faiblesses : son caractère non renouvelable, son montant et son champ d'application. Nous proposerons donc, en liaison avec le rapporteur général, de sanctuariser cette aide dans un programme dédié, et, pour notre part, de revaloriser le montant à hauteur de 3 milliards d'euros.
Nous avons aussi appris incidemment que 750 millions d'euros, voire 1 milliard, seraient consacrés à des annulations de charges sociales et fiscales, dans le cadre de plans sectoriels concernant l'hôtellerie, la restauration et le tourisme. Nous demandons là encore la présentation rapide d'un véritable plan de sauvetage des secteurs d'activité fermés depuis le 15 mars et qui le demeureront au moins jusqu'en juillet : hôtellerie, restauration, tourisme, culture, événementiel, etc. Nous défendrons aussi des amendements en ce sens.
J'alerte en outre le Gouvernement sur les conséquences de la crise actuelle pour les collectivités territoriales. Le Président de la République a loué l'implication des élus locaux, les maires mais aussi les élus départementaux et régionaux. Or les collectivités locales subiront elles aussi les répercussions, notamment financières, de la crise actuelle. Par conséquent, elles doivent aussi être accompagnées à la hauteur de leur engagement.
Je ne parlerai pas de l'éventuel plan de relance, sinon pour dire qu'il devra être élaboré en bonne coordination avec nos partenaires européens et privilégier les dimensions sociales.
Nos concitoyens ne doivent pas retourner travailler la peur au ventre.
Cela passe par des accords conventionnels, le renforcement du dialogue social et la mise à disposition des équipements nécessaires, notamment des masques. C'est à ce prix que vous renouerez avec une confiance largement écornée ces dernières semaines.
La crise actuelle est en premier lieu environnementale. Le productivisme, la déforestation, la diminution de la biodiversité, l'extinction annoncée des espèces : voici les coupables de l'arrivée chez les humains du virus du Covid-19.
Si ce virus a pu se propager de manière aussi fulgurante, aussi contagieux soit-il, c'est sans conteste à cause de la mondialisation libérale. Sans un libre-échange d'une ampleur aussi démesurée, jamais il n'aurait fait aussi vite le tour de la planète et jamais son arrivée n'aurait été si difficile à anticiper par les États.
Cette catastrophe est aussi évidemment une crise sanitaire, d'une ampleur inédite. Elle résulte directement de longues années de destruction des services publics et de notre souveraineté sanitaire, sacrifiées sur l'autel de l'austérité.
Si je prends le temps de rappeler ces trois volets de la crise, c'est qu'ils ont tous un triste point commun : ils ont le fruit de décisions politiques. J'assume de le dire, ce sont nos dirigeants qui ont créé les conditions permettant à la crise d'empirer. J'assume de le dire, ils ont eu tort de se vanter à tout va de faire des économies, de fermer des lits dans des hôpitaux, de décider de se passer des stocks de masques. Chacun se rend compte maintenant de la dangerosité de leur dogme, en premier lieu nos héros, les soignants qui oeuvrent en première ligne.
On nous promet de tout réinventer, mais j'ai peur qu'avec les mêmes aux commandes, nous ne connaissions qu'un éternel recommencement. Alors que nous faisons face à une crise sans précédent, on nous propose comme d'habitude d'apposer de simples pansements sur une plaie béante.
C'est ce que font les projets de loi qui sont présentés à notre assemblée et, en l'occurrence, ce nouveau PLFR. Notre pays ne guérira pas de cette manière. On nous dit que nos gouvernants ont changé de cap, qu'ils ont changé eux-mêmes. Peut-être essaient-ils de le faire, mais, face à la réalité, je ne distingue pas leur réussite pour l'avenir.
D'un côté, j'entends des mots fleuris et déterminés dans vos discours. De l'autre, les actes restent ternes, les budgets trop timides. Ainsi, vous annoncez 110 milliards. Or je ne compte que 42 milliards d'aides directes.
Le Président de la République a annoncé pour bientôt le retour des jours heureux. Demain, c'est encore loin… On nous présente un projet de loi qui n'aborde même pas la question du partage des richesses – je pense notamment au rétablissement de l'impôt sur la fortune.
D'un côté, on nous parle de valorisation de la recherche française et de planification. De l'autre, on ne répond pas au besoin de financement de la recherche fondamentale publique et on maintient le coûteux crédit d'impôt recherche, qui favorise uniquement les grandes entreprises.
On claironne des nationalisations et des réquisitions. Or il n'y a trace d'aucune pour le moment, alors que des entreprises aussi essentielles que Luxfer, Famar et Péters Surgical sont abandonnées, dans un silence coupable. J'espère que nous aurons cette fois des réponses à leur sujet.
D'un côté, un ministre nous annonce qu'il ne peut y avoir de retour au travail sans conditions de sécurité optimales. De l'autre, on ne débloque pas de moyens suffisants pour que tout le monde puisse être protégé. Pourtant, le déconfinement que vous annoncez pour le 11 mai est, au fond, un déconfinement du seul travail. Vous ne pourrez pas le faire sans protection pour les salariés et les travailleurs, au risque de leur santé et au risque également d'une deuxième vague épidémique.
Les mesures de ce PLFR, certes indispensables, effleurent à peine la surface du problème ; tel est leur défaut. Votre logiciel de pensée et votre monde s'écroulent. Laissons là les vestiges du chaos !
Les solutions pour demain ne sont pas à trouver, ni même à chercher : vous les avez toujours eues sous les yeux. Les solutions, ce sont celles des lanceurs d'alerte, des hospitaliers méprisés pendant trop longtemps, des pompiers brutalisés, des postiers condamnés, des cheminots et de tant d'autres. Ce sont celles aussi que nous avons proposées et que nous continuons à proposer dans notre programme « L'avenir en commun ».
Ce dont a besoin notre camp social, ce dont a besoin le peuple français, ce n'est pas qu'on lui dise que ses dirigeants ont compris – tout le monde a compris ce qu'il se passe ! Il a besoin que soient tirées les leçons sérieuses du passé et de la catastrophe actuelle, que les mêmes erreurs ne soient pas reproduites machinalement, en donnant par exemple 20 milliards aux entreprises privées sans poser aucune condition, sans obtenir aucune garantie sociale et sans qu'à aucun moment cela ne réponde à une planification sanitaire.
Il doit y avoir des conditions non négociables à ces aides : pas de licenciements, pas de versement de dividendes, pas d'argent donné aux pollueurs. Il faut en outre des objectifs stratégiques clairs. Voilà ce qui conditionnera notre position ; si les amendements que nous proposons, ou ceux d'autres groupes, ne sont pas pris en compte, nous voterons contre ce PLFR.
Cette crise est trop grave pour que nous la laissions devenir un nouveau signal d'alarme ignoré. C'est maintenant qu'il faut agir, c'est maintenant que se prépare le monde d'après.
La discussion de ce jour concerne le volet économique de la crise sanitaire. Comme je l'avais déjà évoqué le 11 février dernier, cette crise, triste mais réelle illustration de la mondialisation des échanges, pose la question de notre souveraineté industrielle. Deux mois après, ces mots sont toujours d'une criante vérité, et demain, lorsque des mesures seront prises pour relancer notre économie, il faudra se souvenir en quoi les choix de politique économique de ces dernières décennies ont passablement affaibli la capacité de résilience de notre pays et son aptitude à encaisser une telle crise.
En attendant ce « monde d'après » et les « décisions de rupture » auxquelles semble s'être converti le Président de la République, nous débattons ce matin des mesures d'urgence que l'État met en oeuvre pour répondre à l'effondrement de notre économie. Nous souhaitons tous que celui-ci soit le plus bref possible, mais je crains comme vous, monsieur le ministre, que la crise économique ne dure – il me paraît nécessaire de rappeler cette vérité à nos compatriotes.
Tout d'abord, je trouve très pertinente la stratégie qui a consisté à privilégier le recours au chômage partiel, même si cela représente un coût très important pour nos finances publiques. En plus de sécuriser l'avenir des salariés, cela permet aux entreprises de garder des savoir-faire, des salariés compétents et donc leur capacité, dès que les conditions sanitaires le permettront, de reprendre une activité plus normale.
Pour ce qui est du soutien aux entreprises et particulièrement aux plus petites, permettez-moi de trouver que la solution retenue par le Gouvernement, le fonds de solidarité, manque de simplicité, donc d'efficacité, et paraît largement insuffisante face à la fermeture administrative des entreprises. Le 20 mars dernier, j'ai fait une proposition ayant le même objectif que la vôtre et pour un montant dont vous vous approchez désormais.
Les principales différences avec vos dispositifs sont l'aspect direct et le volume d'aide. Sur bien des aspects, cette crise rappelle que la lourdeur administrative ralentit les effets des politiques sur le terrain. Vous avez reconnu vous-même en commission, monsieur le ministre, qu'il y aura un problème d'engorgement si davantage d'entreprises font appel à ce fonds, notamment à son deuxième étage.
Là où vous mobilisez les circuits intermédiaires – notamment Bpifrance et les banques commerciales – , mettez en place des critères d'attribution – plus de 50 % de perte de chiffre d'affaires – et utilisez deux niveaux de réponse en fonction des montants, je propose un dispositif d'appui en fonds propres soutenant directement et automatiquement les entreprises de moins de 1 000 salariés : chaque mois, un forfait de 1 500 euros par entreprise, auquel s'ajouteraient 1 000 euros par salarié. Ces fonds seraient versés par la Banque de France, tant que dure la crise, directement sur le compte des entreprises. Ce dispositif permettrait de pallier le problème de liquidités des entreprises de moins de 1 000 salariés, sans discrimination, sans procédures bureaucratiques, sans « trous dans la raquette » et, même, sans effet d'aubaine. Notons que les mécanismes prévus permettent d'ores et déjà aux grandes entreprises de trouver les solutions adaptées à leur situation.
À côté de ce fonds, vous augmentez passablement les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » pour les porter à 20 milliards. Je sais qu'il est difficile de dire à quel niveau et dans quelles entreprises vous comptez prendre des participations, mais si deux fleurons comme Renault et Air France sont évoqués, pourriez-vous faire connaître les critères de choix : l'emploi, le secteur, les entreprises ciblées par des puissances étrangères ? Bref, quelle est votre stratégie ?
Un mot, bien sûr, sur l'augmentation du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, dont vous ne faites guère de publicité – cela se comprend vu la nullité de cette dernière durant cette crise, à tel point que Mme von der Leyen a dû présenter des excuses en son nom ! Certes, la Banque centrale européenne a joué son rôle, mais, comme nous n'avons plus le levier monétaire, il est juste normal que celle qui le détient l'utilise. Ce prélèvement est pour moi l'occasion de rappeler qu'il n'existe pas d'argent de l'Union européenne, mais seulement de l'argent des nations donné à l'Union européenne.
Permettez-moi de ne pas bien comprendre en quoi le fait de faire passer ces 2 milliards par les instances européennes serait plus performant que de les utiliser directement !
Avant de conclure, je souhaite publiquement féliciter les entreprises de toute taille qui ont, de leur propre initiative, adapté leur production, parfois en profondeur, pour fournir en matériel de protection les travailleurs français, notamment les personnels soignants. Cependant, je me désole que ces initiatives n'aient pas toujours trouvé un soutien rapide, plein et entier de l'État. Je regrette surtout que l'absence totale de stratégie étatique dans le domaine industriel ait entraîné un retard considérable à l'allumage. Quand on décrète la guerre, il faut mettre l'appareil productif en marche pour la gagner.
Demain, à l'heure des décisions de rupture, je suis persuadée que certaines de nos propositions – je pense au patriotisme économique ou au localisme – serviront de base au nouveau modèle économique de notre pays. En attendant, nous voterons ce texte qui, même imparfait et lacunaire, permet de maintenir à flot notre économie, parce que c'est l'urgence du jour.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics.
Je souhaite répondre aux interpellations émanant de divers bancs concernant les annulations de charges, sachant que le Président de la République a établi, dans son discours du 13 avril 2020, la liste des secteurs concernés.
Rappelons d'abord que jamais un gouvernement de la République n'a annulé de charges par secteur économique, y compris pendant des crises telles que celle de 2009. Bien sûr, ce n'est pas parce que cela n'est jamais arrivé qu'il ne faut pas le faire ; je tenais néanmoins à le signaler à la représentation nationale. Soit nous l'avons fait pour un territoire géographique donné, non pour un secteur, en raison d'un motif particulier, par exemple une calamité naturelle – tel a été le cas pour les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy à la suite de la tempête Irma. Soit des annulations, parfois générales et en grand nombre, ont été décidées au cas par cas – je pense aux décisions prises par M. Woerth lorsqu'il exerçait des responsabilités ministérielles en 2009.
Pour procéder à des annulations générales de charges pour les secteurs concernés, il faudra en passer par la loi – il ne suffit pas de convenir entre nous qu'il faut le faire ! – et il faudra être attentif à la constitutionnalité du dispositif, sachant qu'il ne faut pas susciter de concurrence indue entre les secteurs. Nous disposons d'un espace juridique, sans doute ténu, et devrons travailler sur ce point collectivement.
Les charges concernées ne sont évidemment pas les cotisations salariales. Celles-ci sont payées de façon automatique lorsque le salaire est versé, un peu comme l'impôt sur le revenu, désormais prélevé à la source. Par ailleurs, ces cotisations ouvrent aux salariés des droits individuels ; il ne s'agit pas de renier ces droits en supprimant les cotisations salariales.
Notre objectif consiste à revenir sur les charges patronales qui ont été versées au mois de mars 2020. Au mois d'avril, les charges seront mécaniquement moins élevées, l'activité économique s'étant fortement ralentie – nous continuons néanmoins à accepter le report des charges.
Au demeurant, une difficulté juridique se présente. Le Gouvernement a listé, dans un acte réglementaire, les secteurs qui ont été fermés à sa demande avant tout le monde et qui, manifestement, rouvriront après tout le monde : la restauration, les arts et spectacles, ainsi que l'événementiel. D'autres secteurs sont particulièrement touchés, mais ne sont pas soumis aux fermetures administratives décidées par le Gouvernement : l'hôtellerie par exemple. Ainsi, de nombreux hôtels sont fermés, beaucoup ont un restaurant qui est fermé, d'autres encore sont ouverts mais ont très peu de clients, certains enfin sont réquisitionnés par le Gouvernement, mais aucun n'est soumis au même régime juridique que les restaurants pendant cette crise sanitaire. Néanmoins, il ne nous est pas possible d'oublier le secteur de l'hôtellerie, qui a d'ailleurs été cité par le Président de la République. Les secteurs économiques concernés étant placés sous des régimes juridiques d'intérêt général différents, il conviendra d'objectiver les annulations de charges, en les fondant notamment sur les pertes de recettes constatées.
La question se pose en outre d'intégrer à ces secteurs différents sous-secteurs. Ainsi, il n'a pas été demandé aux blanchisseurs qui travaillent pour l'hôtellerie de fermer, mais il est évident qu'ils ont beaucoup moins travaillé ces dernières semaines. Il faudra examiner les situations au cas par cas : ainsi, certaines blanchisseries ne travaillent sans doute pas qu'avec des hôtels et ne perdent pas autant de chiffre d'affaires que d'autres. Bref, s'agissant des annulations de charges patronales, il nous faut prendre en considération les secteurs, puis les sous-secteurs.
En définitive, il n'est pas facile pour moi de trancher face à une situation sans précédent juridique et à des risques d'inconstitutionnalité, et concernant des secteurs dont il est difficile d'établir la liste – toutes les fédérations professionnelles n'étant pas nécessairement organisées pour ce faire.
Par ailleurs, je ne suis pas aujourd'hui en mesure de communiquer le montant exact des charges patronales reportées – je l'ai demandé à l'ACOSS qui me le fournira sans doute la semaine prochaine. À ce jour, 60 % des restaurateurs ont demandé ce report, ce qui signifie que 40 % ne l'ont pas demandé. Cependant, je ne proposerai pas l'annulation des charges uniquement pour ceux qui en ont demandé le report ; il m'apparaît normal de le faire également pour ceux qui ont joué le jeu, si je puis dire, en payant leurs charges grâce à leur trésorerie.
Nous avons proposé le report des charges dès le 18 mars 2020. Or, le 15 de chaque mois, les entreprises de moins de 50 salariés paient leurs charges, notamment par l'intermédiaire de la déclaration sociale nominative – DSN. Le 15 mars 2020, ils avaient perçu l'argent leur permettant de payer ces charges, puisqu'ils avaient travaillé normalement au cours de la première quinzaine du mois. Toutefois, ils avaient des problèmes de trésorerie pour la suite et ont demandé que ces charges leur soient remboursées, ce que nous avons accepté. Ainsi, des restaurateurs ou des experts-comptables ont modifié leur DSN et obtenu un remboursement des URSSAF. Bien évidemment, ces entrepreneurs doivent également être concernés par les annulations de charges.
Le Gouvernement travaille avec l'ACOSS, les URSSAF et les professionnels concernés. Hier encore, j'ai dialogué en visioconférence avec les représentants des filières de la restauration, de l'hôtellerie, des campings et du thermalisme – on pourrait multiplier les exemples en citant le secteur des arts et spectacles ou celui de l'événementiel – sur la question stricte des annulations de charges.
Sans doute trouverons-nous un bon compromis sur ce point, peut-être en proposant au Parlement une exonération de charges, lors de la reprise, pour un certain nombre de mois. Au demeurant, peut-être les entreprises auront-elles beaucoup plus de mal à les payer à ce moment-là, parce que leur chiffre d'affaires aura diminué, parce qu'on leur demandera d'appliquer des mesures de distanciation sociale, parce qu'elles devront embaucher des salariés pour relancer la machine. Bref, nous en débattons avec les représentants des secteurs concernés.
Par ailleurs, nous élaborons un plan pour les secteurs de la restauration et de l'hôtellerie – M. le ministre de l'économie et des finances l'évoquera s'il le souhaite – excédant de beaucoup le cadre des annulations et des exonérations de charges.
J'appelle néanmoins l'attention sur la difficulté juridique qui se pose, même si nous la surmonterons, j'imagine, par notre volonté politique : il est difficile de distinguer les secteurs concernés. Nous devons veiller à ne pas laisser monter de passager clandestin. Par ailleurs, les membres du groupe Socialistes et apparentés ont évoqué les PME, et ceux du groupe Les Républicains préfèrent ne pas tenir compte de la taille des entreprises, question qui se posera également.
S'il va de soi que le Gouvernement appliquera les annulations de charges annoncées par le Président de la République, il n'est pas si facile de les définir à un instant t. Je m'efforcerai d'y parvenir devant vos commissions, si vous le souhaitez, mesdames et messieurs les députés.
Quoi qu'il en soit, nous proposerons une mesure législative, dont le Parlement aura donc à connaître. Il n'aurait pas été raisonnable de le faire sous vingt-quatre heures, la mesure risquant alors de ne pas être économiquement efficace pour les entreprises concernées. Dans l'attente, celles-ci bénéficient du report de charges. Nous reporterons les charges autant que possible, afin que nous puissions débattre de leur annulation ou de leur exonération.
J'aimerais apporter des précisions en réponse aux questions posées par Mme Le Pen et M. de Courson sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » et sur le soutien qui sera apporté à certaines entreprises. Le compte d'affectation spéciale présente actuellement un montant d'environ 4 milliards d'euros disponibles, dont une partie est déjà employée. Nous ajoutons 20 milliards, ce qui met à notre disposition 24 milliards d'euros pour apporter du capital à certaines entreprises.
Lesquelles ? Il s'agira d'entreprises cotées, privées ou publiques, donc nécessairement des entreprises de taille importante, qui ne répondent pas aux critères d'éligibilité aux prêts garantis par l'État ou au soutien par le fonds de développement économique et social.
Quels sont les secteurs concernés ? Quels sont les critères de choix ? Tout d'abord, il s'agira des secteurs stratégiques, qui sont indispensables à notre indépendance nationale. Tel est le premier critère que j'ai retenu pour dresser une liste comprenant une vingtaine d'entreprises, que j'ai adressée au Président de la République et au Premier ministre.
Prenons l'exemple d'Air France : cette entreprise est vitale pour notre indépendance nationale. On peut estimer qu'il n'est pas grave de ne pas avoir de compagnie nationale ; nous pensons le contraire. Nous avons bien vu qu'il était absolument indispensable d'avoir à notre disposition une compagnie nationale capable de rapatrier nos ressortissants en cas de crise sanitaire.
Deuxième critère : les enjeux technologiques, le fait de présenter un caractère sensible de ce point de vue. Il s'agit d'entreprises dans lesquelles nous avons investi des sommes considérables au cours des années passées – notamment grâce au crédit d'impôt recherche – pour qu'elles figurent parmi les leaders technologiques mondiaux. À l'heure actuelle, le cours des actions de ces entreprises peut être très affaibli, ce qui en fait des proies faciles. Les laisser se faire racheter signifierait vendre pour rien des technologies dans lesquelles les Français ont investi des milliards d'euros depuis des décennies. Il faut donc les protéger.
Enfin, le troisième critère – Mme Le Pen l'a évoqué – est l'emploi. L'industrie automobile – Renault fait partie de la liste – représente de nombreux emplois, directs et indirects, dans nos territoires. La filière du décolletage dans la vallée de l'Arve, par exemple, dépend à 60 % de l'industrie automobile. Par conséquent, si nous sacrifions une grande entreprise automobile, nous pouvons être certains qu'il en résultera demain des conséquences sur l'emploi dans tous nos territoires.
Tels sont donc les trois critères de choix qui ont été retenus : l'indépendance nationale, les technologies et l'emploi.
Sous quelle forme pouvons-nous intervenir ? Sous forme d'apport en capital, en montant au capital des entreprises concernées, ou sous forme de nationalisation. Pour vous répondre, madame Rabault, les nationalisations ont vocation à être temporaires, je le dis très clairement. Il ne s'agit pas de vivre demain dans une économie administrée, dans laquelle l'État dirigerait les entreprises à la place de personnes qui peuvent le faire mieux que lui. Telle n'est pas sa vocation. Elle est de protéger, et j'assume totalement ce rôle de protection. Je ne laisserai pas de grandes entreprises stratégiques, nécessaires à notre indépendance, se faire racheter soit par des fonds étrangers, soit par des puissances étrangères, pour la raison que nous n'aurions pas investi le capital nécessaire pour les protéger.
Toutefois, je le dis avec beaucoup de clarté, nous le ferons en fixant des conditions. Il ne s'agira pas d'un chèque en blanc pour ces entreprises. Si l'État leur apporte du capital, qui est, je le rappelle, l'argent des Français, il doit l'assortir de conditions.
Nous fixerons deux conditions. Premièrement, ces entreprises devront consentir un effort de redressement de compétitivité. Il s'agit, je le répète, de l'argent des Français, et nous ne l'emploierons pas à fonds perdu.
La seconde condition est l'adoption d'une politique environnementale ambitieuse. Si nous apportons de l'argent – encore une fois, il s'agit de l'argent des Français – à de grandes entreprises industrielles, celles-ci devront bien évidemment s'engager totalement en faveur d'une économie décarbonée.
Cela vaudra notamment pour le secteur du transport, en particulier pour le transport aérien. Les Français auraient du mal à comprendre que nous apportions des milliards d'euros de soutien à des entreprises industrielles sans qu'elles consentent aucun effort pour remplir nos engagements en matière de réduction des émissions de carbone, afin de progresser vers une économie décarbonée, différente de celle qui existait avant la crise.
Notre politique, je le redis clairement, ne consistera pas à donner un chèque en blanc. Des conditions seront fixées à ces entreprises stratégiques auxquelles nous apportons un soutien : l'accroissement de leur compétitivité et le respect de l'environnement, en vue d'accélérer la transition énergétique de la nation française.
J'insiste sur un dernier point : toutes les grandes puissances font de même, notamment les États-Unis, la Chine et l'Allemagne. Notre partenaire allemand a d'ores et déjà apporté 3 milliards d'euros de prêts directs à l'entreprise Adidas, dont elle estime qu'elle est un pilier de son économie et fait partie de sa culture. Toutes les grandes puissances ont compris que certaines de leurs grandes entreprises stratégiques avaient besoin de la protection publique. La France fait partie de ces grandes puissances ; elle apportera aux siennes la protection de la puissance publique.
J'appelle maintenant les articles du projet de loi de finances rectificative pour 2020.
S'agissant de la défense des amendements, je vous rappelle que, compte tenu des règles exceptionnelles de présence dans l'hémicycle en vigueur, un amendement peut être soutenu par tout membre du groupe auquel appartient son auteur.
Nous allons, en un claquement de doigts, dépenser des sommes considérables. De mémoire de parlementaire – Charles de Courson en est témoin – , jamais nous n'avons dépensé autant d'argent en si peu de temps.
À un moment ou à un autre des débats, il faut le dire : avec la moitié des crédits de 40 milliards d'euros que nous allons adopter, augmentés des 10 milliards du précédent PLFR, nous aurions réglé tous les problèmes des services publics dans notre pays : non seulement ils seraient les plus exemplaires au monde, mais ils disposeraient de tous les moyens de protection nécessaires. Cette question est véritablement sur les lèvres de nos concitoyens, d'autant plus qu'il s'agit de dépenses de fonctionnement.
De même, personne ne comprend que nous n'ayons pas dépensé l'autre moitié – elle aurait largement suffi – pour régler les problèmes environnementaux que vous évoquiez à l'instant, monsieur le ministre de l'économie et des finances. Cela fait des années que nous demandons deux, trois, quatre ou cinq milliards d'euros supplémentaires pour régler la prochaine crise, à savoir la crise environnementale – le gouffre qui est devant nous.
Certes, nous sommes aujourd'hui dans l'urgence, et nous voterons de bon coeur ces crédits ; mais je ne doute pas que, dans le cadre du plan de relance auquel vous réfléchissez, vous ne prépariez le monde de demain. En tout état de cause, si nous ne préparons pas le monde de demain – nouveau, plus humain, plus équilibré – , la jeune génération portera un regard particulièrement cruel sur ce que nous faisons en ce moment.
Il est un peu symbolique. Monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, dans le cadre du précédent PLFR, vous aviez maintenu le déficit structurel à 2,2 %. Et voici qu'il baisse brutalement à 2 % ! Pouvez-vous indiquer par quel tour de magie une très forte augmentation du déficit se traduit par une brutale amélioration du déficit structurel ? J'avoue donner ma langue au chat – au chat Darmanin !
Sourires.
J'aimerais poser une seconde question. Il y a un mois, en commission, j'ai demandé au rapporteur général si nous pouvions être informés de la répartition du déficit public de 9 % entre l'État, la sécurité sociale et les collectivités territoriales. On m'a répondu de ne pas m'inquiéter : elle nous serait communiquée pour la séance publique. Je l'attends toujours…
Je récidive donc : pouvez-vous indiquer, au sein du déficit budgétaire que vous estimez à 9 % – il s'agit d'un ordre de grandeur, nous ne sommes plus à quelques dixièmes de point près – , la répartition de son montant entre l'État et les organismes divers d'administration centrale – ODAC – , la sécurité sociale et les collectivités territoriales ? Si vous estimez le déficit public à 9 %, vous connaissez nécessairement la distribution entre les trois. Tel est le double objet de ma modeste intervention.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 410 .
Monsieur le ministre, vous avez réalisé un petit tour de passe-passe en auto-améliorant le déficit structurel. J'ignore quelle baguette magique vous avez utilisée…
J'ai bien conscience que la ligne de séparation entre déficit structurel et déficit conjoncturel peut toujours être discutée – nous en avons beaucoup débattu dans cet hémicycle. Toutefois, en l'espèce, vous jouez un peu avec notre attention, ou notre inattention. Prévoir une amélioration du déficit structurel dans le contexte que nous connaissons est assez fort de café ! J'ignore s'il faut donner sa langue au chat, pour reprendre l'expression de M. de Courson, mais il faut au moins que vous justifiiez ce chiffre. Or je crains que cela ne soit difficile.
Notre amendement, comme celui de M. de Courson, vise à maintenir le déficit structurel au niveau qui était encore le sien il y a un tout juste un mois. La situation structurelle de la France n'a pas changé en un mois – sa situation conjoncturelle oui, structurelle non.
Ces amendements soulèvent la question du déficit structurel. On peut avoir l'impression que nous diminuons le déficit structurel de l'année 2020, mais, en réalité, son actualisation est calquée sur celle du déficit structurel de 2019. Le déficit structurel prévu pour 2019 était de 2,2 %, et celui prévu pour 2020 était au même niveau. Depuis le mois dernier, le déficit structurel de 2019 a été actualisé à 2 %, donc celui prévu pour 2020 l'a été également. Sans doute M. le ministre de l'action et des comptes publics l'expliquera-t-il mieux que moi. En tout cas, il n'y a aucun tour de passe-passe ou de magicien derrière tout cela – malheureusement !
S'agissant de la granularité du solde public et de la ventilation du déficit de 9 % entre le budget de l'État, les administrations de sécurité sociale et les collectivités territoriales, je m'associe à votre demande visant à la comprendre au mieux et au plus vite, mes chers collègues. Toutefois, il faut également comprendre qu'il est difficile d'obtenir une vision très fine des divers budgets dans ces temps assez exceptionnels. Au demeurant, pour les Français, il n'y a qu'une seule France et qu'un seul budget. In fine, ils retiennent le chiffre de 9 % de déficit public. Néanmoins, dès que nous pourrons connaître sa ventilation, je serai le premier intéressé.
Je rappelle que les chiffres que nous évoquons – je le dirai une seule fois – valent de façon temporaire. Nous sommes dans une situation de crise absolue. Par définition, tout ce que nous manions là – M. le ministre de l'économie et des finances l'a rappelé dans son propos liminaire – est à prendre avec une grande prudence et une grande humilité : il s'agit de ce que nous pouvons estimer à la lumière de la crise telle que nous la comprenons aujourd'hui.
L'avis de la commission sur les deux amendements est défavorable.
Il est défavorable. Le chat Darmanin retombe peut-être sur ses pattes, mais il n'est pas certain de prendre votre langue, monsieur de Courson !
Même si le débat paraît un peu décalé, l'exécution budgétaire a été bonne en 2019 : nous avons bien tenu les finances publiques, ce qui nous permet d'emprunter à des conditions avantageuses même dans un contexte de crise économique. Les chiffres ont été rendus publics au moment de la crise du coronavirus ; nous ne nous en sommes donc guère fait l'écho. Reste que nous avons bien exécuté le budget, que nous avons même été au-delà de ce que nous avions prévu, en améliorant davantage le déficit public que nous nous y étions engagés. Vous nous aviez d'ailleurs dit que nous n'y parviendrions sans doute pas. Mais ne nous attardons pas sur le passé.
Quant aux nombreuses dépenses et pertes de recettes, nous les considérons comme conjoncturelles, one-off.
Tous les pays font d'ailleurs de même, et cette analyse a été validée par le Haut Conseil des finances publiques et par la Commission européenne. Peut-être y aura-t-il demain un plan de relance ou un plan de baisse de la fiscalité, ce qui aura alors un effet structurel, mais, pour le moment, ce n'est pas le cas. Il y a donc trois éléments : une amélioration des comptes en 2019 – que tout le monde a sans doute oublié un peu vite – , le rebasage évoqué par le rapporteur général et cet effet one-off très important, accepté comme tel par tous ceux qui observent nos comptes. Telle est la réponse que vous fait le chat, monsieur de Courson.
Je peux comprendre votre volonté de décomposer le déficit, mais c'est très difficile à faire dans des conditions changeantes : nous ne connaissons pas encore toutes les conséquences de la crise sur toutes les administrations publiques. Sur les 9 points de PIB de déficit public, un baisse de 7,5 points est attribuable à l'État, dont il faut déduire une hausse de 1,1 point pour les ODAC – nous aurons sans doute l'occasion de reparler des opérateurs dans quelques semaines ou quelques mois ; une baisse de 0,4 point serait le fait des collectivités territoriales, assez peu touchées au moment où je vous parle et dont la trésorerie reste très importante ; et une baisse de 2,2 points est imputable au champ social. Tels sont les chiffres indicatifs que nous avons fournis au Haut Conseil des finances publiques et à la Commission européenne.
Les prévisions sont extrêmement difficiles, c'est vrai, mais il n'en est pas moins artificiel d'améliorer le solde structurel. Vous avez fait un effort de sincérité concernant le taux de croissance ; le coronavirus étant conjoncturel, le bon sens commandait de ne pas modifier le solde structurel.
Toutefois, l'essentiel n'est pas là, il est dans la décomposition du déficit public.
Premièrement, nous devons absolument recevoir des précisions au sujet des comptes sociaux. Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, les dépenses supplémentaires relèvent de crédits évaluatifs, retracés notamment dans l'ONDAM, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie. Vous avez décidé qu'elles ne feraient pas l'objet d'un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, choix que l'on peut comprendre. Mais il y a aussi des pertes importantes de cotisations, donc de recettes, et ce point doit être éclairci.
Deuxièmement, concernant les collectivités territoriales, j'ai constaté en lisant l'exposé général des motifs que vous aviez regardé les choses de près, puisque vous y indiquez que les droits de mutation à titre onéreux – DMTO – vont surréagir, de même que l'impôt sur les sociétés. Vous avez raison, et cette baisse du produit des DMTO risque de mettre les départements en difficulté. L'évolution du solde des administrations publiques, décomposée ente l'État, les administrations de sécurité sociale et les collectivités territoriales, fait donc partie des indicateurs que vous devrez nous fournir.
Monsieur le ministre, vous parlez d'une bonne nouvelle. En fait, le calcul du solde structurel repose non pas sur une prévision de croissance, mais sur la croissance potentielle, c'est-à-dire sur la capacité du pays à créer de la richesse, sur ce qu'il produirait si l'appareil productif était entièrement mobilisé. Par conséquent, lorsque vous dites l'avoir vu, l'avoir mesuré, l'avoir décalé de 2019 à 2020, c'est faux : il n'est pas mesurable. C'est même tellement faux que la Commission européenne, qui fait son propre calcul du déficit structurel, ne trouve pas les mêmes résultats que vous. Elle est beaucoup moins optimiste : elle estimait ce déficit à 2,5 % l'an dernier.
J'entends bien qu'il s'agit d'un débat « techno » qui n'intéresse peut-être que moi… Que signifie ce chiffre ? Plus le déficit structurel est élevé, moins nous avons de capacité à activer tout le potentiel de notre économie. Par un tour de passe-passe, vous affirmez que le déficit structurel est moindre que prévu. Encore une fois, c'est faux, puisque ni le FMI, ni la Banque mondiale, ni la Commission européenne, ni personne au monde ne peut le mesurer ; on le calcule à partir de la croissance potentielle, qui indique ce que serait le taux de croissance si toute la capacité productive du pays était mobilisée. Je me permets donc de corriger ce point.
J'en profite pour rebondir sur les propos de Gilles Carrez. L'article liminaire est le seul à offrir une vision consolidée de l'ensemble des finances publiques : sociales, locales et de l'État.
Tous les articles qui suivent portent uniquement sur l'État. Il importe donc que nous disposions, à ce stade de l'examen du texte, d'un éclairage global, car rien n'est dit sur les administrations de sécurité sociale. Vous ne nous avez pas indiqué, par exemple, combien il y aurait de rentrées en moins au titre des cotisations sociales.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir communiqué cette décomposition, qui figure traditionnellement dans l'exposé des motifs de l'article liminaire.
S'agissant de la hausse de 1,1 point pour les ODAC, je m'explique mal l'apparition subite de ces quelque 25 milliards d'excédent. Quant à la baisse de 2,2 points pour la sécurité sociale, cela fait un déficit d'environ 50 milliards. Sachant que 8 milliards sont imputables à l'UNEDIC et que 7 milliards sont liés à la réévaluation de l'ONDAM, les pertes de recettes s'établiraient à 35 milliards, ce qui nous paraît un ordre de grandeur raisonnable. Pour les collectivités territoriales, on passe d'une hausse de 0,5 point – ce qu'avait prévu, de mémoire, la loi de finances initiale – à une baisse de 0,4 point, ce qui fait une différence de 20 milliards. Pourriez-vous nous commenter ces trois évolutions, monsieur le ministre ?
Par ailleurs, je persiste à dire que nous avions besoin d'un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Il y en a eu quelques-uns depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale, et je trouve dommage que vous n'en présentiez pas un en même temps que ce PLFR, ce qui nous aurait donné une vision d'ensemble de la situation à l'instant où nous parlons.
Je ne sais pas si le moment est bien choisi pour débattre de l'ajustement structurel, ni même si c'est l'objet du texte que nous présentons. J'entends néanmoins que l'article liminaire est important dans la mesure où il procure une vision « toutes administrations publiques ». Nous faisons des finances publiques, et il est normal d'informer la représentation nationale. Sur la forme, lorsque nous avons discuté ici des modifications qui nous permettraient de mieux examiner la situation des finances publiques – modifications que M. le rapporteur général a peut-être toujours en tête de proposer après la crise – , nous avons constaté l'intérêt de cette vision. Je le rappelle à l'intention de ceux qui, aussitôt qu'il est question de débattre « toutes APU », crient à la fin de la sécurité sociale et des collectivités locales.
Mme Rabault peut considérer que ce que nous proposons n'est pas juste. Toutefois, nous nous sommes conformés aux demandes de l'INSE. J'imagine qu'aucun parlementaire ne remet en cause ses chiffres à partir desquels ce texte a été élaboré. Encore une fois, bien évidemment, les choses peuvent encore évoluer durant l'année.
La perte de recettes fiscales, dont j'ai parlé en commission des finances, s'élève à un peu plus de 30 milliards d'euros par rapport au PLFR 1, à 42 milliards par rapport au budget initial. On prévoit notamment une baisse considérable du produit de l'impôt sur les sociétés, puisque les marges sont réduites, et une perte d'environ 10 milliards de TVA. Concernant celle-ci, je dispose de très peu d'éléments ; peut-être se maintiendra-t-elle en partie grâce au secteur de la distribution. À cela s'ajouterait une diminution de 4,5 milliards du produit de l'impôt sur le revenu et une baisse de 1 milliard de celui de la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques.
Il y aura une contraction de la masse salariale, on le voit aux chiffres de l'impôt sur le revenu, notamment aux modifications de taux de prélèvement à la source. Je relève au passage que vous n'aviez pas tous soutenu cette réforme, alors qu'elle constitue un puissant amortisseur social : chaque jour, des centaines de milliers de contribuables, notamment des indépendants, se connectent au site des impôts pour supprimer leurs acomptes – je souhaitais le faire savoir à Mme Louwagie et à M. Le Fur. Cet argent que nous ne prélèverons pas servira à soutenir le pouvoir d'achat et l'économie.
La contraction de la masse salariale entraînera évidemment celle des cotisations, mais l'ACOSS n'est pas encore en mesure de l'évaluer. Le ministre de l'économie et des finances a annoncé ce matin que 9 millions de personnes étaient au chômage partiel, il y en a donc quelques centaines de milliers de plus qu'au début de la semaine ! Je vous communiquerai les éléments dès que je les aurai moi-même.
Quant aux comptes sociaux, ils évoluent à vitesse grand V. Le temps qu'un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale aille du conseil des ministres à l'hémicycle, les chiffres des recettes et des dépenses auraient sans doute déjà changé de plusieurs milliards, et vous vous en plaindriez. Comme je l'ai indiqué au président de la commission des finances, qui peut s'associer s'il le souhaite à son homologue des affaires sociales, je viendrai bien volontiers en commission, le cas échéant avec le ministre des solidarités et de la santé, vous présenter l'état des comptes sociaux tels que nous le constatons ; je le ferai au Sénat la semaine prochaine.
Enfin, monsieur Carrez, j'ai évoqué les collectivités locales dans mon propos introductif, notamment le fait qu'elles auront besoin du soutien de la puissance publique, l'honnêteté pousse à le dire. Il y a deux types de problèmes : ceux qui vont surgir dans un mois, comme la baisse du produit des DMTO, des taxes de séjour et de l'octroi de mer, à laquelle il faut ajouter les pertes subies par les casinos ou les thermes ; et ceux qui surgiront dans un an.
Ceux-là seront beaucoup plus importants encore : la TVA, les DMTO encore, les impôts de production, dont il faudra que nous discutions, et les changements de taux décidés par les collectivités pour soutenir l'économie. S'agissant des collectivités territoriales, le dossier majeur sera donc le budget pour 2021, qui traitera d'ailleurs aussi de réforme de la taxe d'habitation.
Monsieur de Courson, je peux discourir « toutes APU », mais il serait préférable que l'on simplifie, à l'avenir, les débats à ce sujet. En tout cas, je me tiens à la disposition des commissions pour entrer dans les détails. Même si je comprends très bien vos demandes, si je puis me permettre d'exprimer une opinion au sujet du débat parlementaire, ce n'est pas le point le plus important du texte que nous vous présentons.
L'article liminaire est adopté.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 38 , portant article additionnel après l'article liminaire.
Je ne comprends pas bien pourquoi cet amendement n'a pas été rattaché à l'article liminaire, puisque nous allons en revenir à la discussion que nous avions à l'instant, autrement dit à la décomposition du déficit public. Vous avez d'ailleurs esquissé une réponse, monsieur le ministre.
Habituellement, cette décomposition figure dans le corps du texte. Comme ce n'est pas le cas ici, nous proposons, par cet amendement, qu'elle fasse l'objet d'un rapport remis par le Gouvernement au Parlement avant le 1er mai.
J'insiste sur les collectivités territoriales, pour lesquelles vous annoncez une baisse de 0,4 point. La situation sera très hétérogène d'une collectivité à l'autre et d'un type de collectivité à l'autre. Ce sera particulièrement vrai pour les départements. Nous avons évoqué leurs recettes, mais n'oublions pas leurs dépenses. Dans le cadre de ce texte, nous allons voter, du moins je l'espère, des mesures en faveur des bénéficiaires de minima sociaux, notamment du RSA. Elles augmenteront les dépenses des départements. Certaines dépenses, directement liées à la crise, seront supportées par les collectivités locales. Nous avons besoin de connaître la décomposition du déficit non seulement entre l'État, la sécurité sociale et les collectivités, mais aussi par type de collectivité.
Vous avez indiqué que la trésorerie des collectivités demeurait importante. Je n'en doute pas, mais il faudra tenir compte, là encore, de l'hétérogénéité des situations. Nous serions d'ailleurs intéressés par les informations dont vous disposez à ce sujet.
Il est défavorable, mais j'apporte une précision à Mme Pires Beaune, qui a pris le soin de défendre son amendement et que le débat précédent a dû frustrer : nous aurons l'occasion d'en discuter, secteur par secteur, lors du débat d'orientation des finances publiques, qui se tiendra bientôt – malheureusement, si je puis dire, car il sera probablement encore difficile de faire des prévisions.
Pour ce qui est des collectivités locales, je le répète, je me tiens à la disposition du Parlement. Si la commission des finances publiques ou la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation souhaite m'auditionner, je me rendrai bien volontiers à leur invitation.
L'amendement no 38 n'est pas adopté.
Nous abordons l'examen de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2020.
Nous nous apprêtons à examiner ce deuxième projet de loi de finances rectificative, fondé sur un scénario d'évolution de l'économie qui s'appuie lui-même sur des décisions, notamment celle de procéder au déconfinement à partir du 11 mai, et sur une série d'hypothèses : après les mesures très restrictives du confinement, la relance ne devrait être que très progressive ; la consommation des ménages reprendrait cet automne, et le flux touristique, plutôt en fin d'année.
Ce scénario détermine non seulement les ajustements budgétaires auxquels nous devrons procéder, mais également les mesures de soutien à l'économie et les mesures d'urgence sociale. Il y a une forte corrélation entre la date du déconfinement, les moyens prévus, la stratégie et les mesures dont nous débattons aujourd'hui, ce qui soulève de nombreuses interrogations.
Pourquoi cette date a-t-elle été retenue ? Ce choix est-il fondé sur des raisons scientifiques ou médicales ? Est-ce lié à l'évolution de la maladie ?
Quelle est la stratégie ? Nous avons l'impression que l'on a opté pour celle de l'immunité collective. Espérons qu'elle soit maîtrisée. Ainsi, on rouvre les écoles et on remet au travail les personnes les moins à risque.
Cela entraîne une insécurité pour ceux qui vont retourner au travail. De quelles protections pourront-ils bénéficier ? Les masques commencent à moins manquer dans les hôpitaux, mais il n'y en a pas encore assez dans les établissements médico-sociaux ou pour les aides à domicile. Ne prend-on pas un risque inconsidéré en remettant nos enfants à l'école ? Cela suscite de nombreuses interrogations et de vives réactions chez les parents d'élèves.
Le tracking soulève la question des libertés individuelles. Quelles sont, par ailleurs, nos capacités de dépistage ?
Nous avons besoin d'être rassurés quant à la stratégie que vous avez choisie, monsieur le ministre.
Les moyens seront-ils au rendez-vous ? De votre réponse dépendent le sérieux du scenario économique mais également la solidité des mesures dont nous débattons. Ne craignez-vous pas que votre scenario ne soit contrarié par un rebond de la maladie ?
Je rappelle que les prises de parole sur l'article sont limitées à deux minutes.
La parole est à M. Charles de Courson.
Nous approuvons l'article 1er, mais nous avons soulevé hier, en commission des finances, le problème suivant.
Des fonds ont été créés dans différents territoires pour soutenir les petites entreprises et les associations. Celui de la région Grand Est, doté de 44 millions, est alimenté par le conseil régional, les dix conseils départementaux et les 174 établissements publics de coopération intercommunale de la région, à raison de deux euros par habitant de chaque territoire.
J'ai proposé que les aides issues de ces fonds soient exonérées tout comme le sont celles du fonds de solidarité aux entreprises, qui relève de l'État. Tout le monde était d'accord hier, n'est-ce pas, monsieur le rapporteur général ? J'ai donc déposé un amendement en ce sens, avec votre accord, mais il a été déclaré irrecevable au motif qu'il concernait les collectivités territoriales. Or il concerne d'abord l'impôt perçu par l'État.
Seriez-vous d'accord pour reprendre cette proposition qui avait fait consensus en commission ? J'ai cité le fonds du Grand Est, mais il y en a beaucoup d'autres. Celui de la Bretagne, par exemple, et doté d'une vingtaine de millions.
Je profite des deux petites minutes qui me sont imparties pour vous alerter sur certains sujets, messieurs les ministres, plusieurs de mes amendements ayant été déclarés irrecevables.
Tout d'abord, le refus des assureurs d'indemniser les pertes d'exploitation des entreprises sous prétexte que l'épidémie ne figurait pas parmi les cas prévus laisse les Français perplexes. Je me permets donc d'y revenir en citant un sondage réalisé auprès des dirigeants de TPE-PME : 80 % d'entre eux estiment qu'ils ont été épaulés par leur banquier durant cette crise, tandis que 76 % déplorent le manque de soutien de leur assureur.
Vous avez déclaré tout à l'heure que les assureurs avaient abondé le fonds de solidarité à hauteur de 185 millions sur les 200 millions promis, mais ce n'est pas suffisant et les Français ne comprennent pas leur attitude.
Les sociétés civiles immobilières familiales ou les personnes physiques propriétaires de monuments historiques recevant du public se retrouvent, elles aussi, dans une situation dramatique, car elles sont exclues du dispositif d'aides. Je voudrais mentionner le cas de l'abbaye Saint-André, monument historique privé dont les jardins sont également classés et ont reçu le label « jardin remarquable ». Chaque année, elle reçoit 30 000 visiteurs entre mars et octobre. Les seuls revenus sont tirés de la billetterie. C'est une catastrophe pour la sauvegarde de notre patrimoine.
J'appelle également votre attention sur le secteur de l'hôtellerie, des bars et des restaurants, que j'avais proposé d'exonérer de la redevance due à la SACEM – Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique – et à la SCPA – Société civile des producteurs associés – pour les musiques d'attente, du moins les entreprises frappées d'une fermeture administrative.
Je relaie également une demande des experts-comptables de ma circonscription, qui ont joué un rôle remarquable durant cette crise pour aider les entreprises. Ils souhaiteraient, monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, que les dates de dépôt des liasses fiscales soient reportées, car ils sont submergés par la gestion de la crise et beaucoup d'entre eux ne parviendront sans doute pas à respecter les délais.
Enfin, je regrette que mon amendement concernant l'affacturage n'ait pas été retenu, car il me semblait représenter une solution intéressante pour les entreprises. Je vous écrirai à ce sujet.
Il me resterait beaucoup à dire, mais je m'en tiens là, faute de temps.
Les dispositions de l'article 1er, tout comme l'ensemble du projet de loi, nous semblent en deçà des mesures que l'État devrait prendre pour répondre efficacement à l'urgence sanitaire, assurer la relance économique et éviter l'appauvrissement des plus fragiles, premiers frappés par cette crise.
Certes, la relance budgétaire accroîtra la dette publique, mais, en période de dépression, les conséquences demeureront limitées. Du fait de la relance, les recettes fiscales augmenteront et, les taux d'intérêt restant bas par rapport aux taux de croissance, la dette publique ne fera pas boule de neige.
Par ailleurs, le levier fiscal pourrait réduire considérablement le poids de ces dépenses. De notre point de vue, il devrait être au coeur de ce projet de loi, mais il en est absent. Nos propositions en ce sens ont toutes été rejetées, ce qui pose un problème. Alors que l'on en appelle à l'effort collectif, il faudrait rétablir l'impôt de solidarité sur la fortune. Certains de nos concitoyens les plus privilégiés semblent d'ailleurs prêts à faire des gestes. Il faudrait également augmenter la fiscalité du capital et créer un impôt sur l'épargne.
Enfin, le financement des investissements dans les champs sanitaire, social et écologique impose que la Banque centrale européenne rachète la dette des États et la transforme en dette perpétuelle.
Il est dommage que notre pays ne défende pas cette solution, qui favoriserait une véritable relance et permettrait à l'Union européenne de jouer un rôle fondamental.
L'article 1er, tout comme l'ensemble du projet de loi, ne permettront pas de répondre aux besoins de la période que nous vivons.
Comme l'a indiqué Mme Louwagie, nous soutenons l'engagement de l'État, qui aura des répercussions évidentes sur les dépenses sociales, ce qui est tout à fait logique.
Je tiens à souligner que les collectivités s'engagent elles aussi, à commencer par les régions, qui financent un quart de l'aide de 1 500 euros accordée aux très petites entreprises et aux auto-entrepreneurs. Pour la région Bretagne, que je connais bien, cette participation représente 10,5 millions par mois, sachant que le premier versement est déjà intervenu, comme le ministre de l'économie et des finances l'a précisé.
Les départements s'engagent également, puisqu'ils devront assumer en premier lieu la dépense sociale.
M. de Courson a évoqué les initiatives régionales – dans le Grand Est, en Bretagne ou ailleurs – consistant à créer un fonds d'aide aux entreprises. En Bretagne, la région y participe à hauteur de deux euros par habitant, tout comme les départements, les intercommunalités et les communes. Quelles mesures prendrez-vous pour ces fonds, qui ont vocation à contribuer à la reprise ?
Enfin, les collectivités ne pourront pleinement s'engager que si leur gouvernance est assurée. Or plus de 5 000 communes n'ont pas encore d'exécutif, puisque les élections n'ont pas été menées à leur terme. La commande publique ne pourra pas reprendre tant que le processus démocratique n'aura pas été achevé. Ce n'est pas l'objet du présent texte, bien sûr, mais la question est liée.
N'oublions pas les efforts consentis par les collectivités, en particulier celles que je connais.
Je voudrais répondre aux questions légitimes et précises qui ont été posées durant ce débat. Vous avez tous cité deux catégories d'acteurs très sollicitées durant cette crise, les banques et les assureurs. J'en ajouterai une troisième, les grandes sociétés foncières, qui perçoivent les loyers, en particulier ceux des commerçants.
Il me semble que le secteur bancaire, je le répète, a joué le jeu de la solidarité, notamment en accordant les prêts garantis par l'État. On peut toujours faire mieux, bien sûr, mais j'estime que, depuis le début, les banques se sont mobilisées. Les chiffres cités par Mme Ménard sont clairs et correspondent à ce que ressentent effectivement les PME et les entreprises sur le terrain.
Chaque semaine, je communiquerai au Parlement les taux de refus, afin que l'on évalue la situation avec objectivité et que l'on améliore encore le dispositif. Au travers des banques, c'est surtout leurs agents que je remercie, car ils ont accepté de recevoir les clients et traitent les dossiers d'emprunt. Je leur rends hommage pour leur travail.
S'agissant des assureurs, je vous le dis très simplement, nous n'avons pas été satisfaits au départ. Le Premier ministre et moi-même avons dû convoquer les assureurs, ce qui n'a pas été nécessaire pour les banques. Les assureurs ont accepté de revoir leur copie et d'accroître leur engagement au titre de la solidarité nationale : ils doubleront leur participation au fonds de solidarité, en la portant de 200 à 400 millions d'euros ; ils investiront 1,5 milliard dans les PME du secteur de la santé et accorderont 500 millions d'euros de remises commerciales. Je salue cet effort de solidarité, qui va dans le bon sens.
Mais le plus important, je le redis, c'est le travail qui sera mené demain avec vous, parlementaires, et avec les assureurs, sur l'état de catastrophe sanitaire.
Celui-ci n'existe pas encore, à la différence de l'état de catastrophe naturelle – en cas de sécheresse ou d'événement climatique particulier. Il nous faut, dans les six mois, définir l'état de catastrophe sanitaire et le type de sinistre qui s'y rattache, ce qui nous permettra de prévenir les prochaines pandémies. Il serait inimaginable de ne pas nous doter d'un dispositif permettant de compléter les contrats d'assurance afin de couvrir les pertes d'exploitation et autres dégâts liés à une catastrophe sanitaire. Ce travail très important doit être accompli rapidement.
Du côté des bailleurs, du bon travail a été fait, mais nous pouvons faire mieux. Les grandes foncières ont pris des engagements. Je les ai réunies hier et je les réunirai de nouveau aujourd'hui dans le but de parvenir à un accord, dans lequel elles s'engageraient non seulement à reporter les loyers, mais à en annuler trois mois pour les très petites entreprises, de moins de dix salariés, dont l'activité a été suspendue par arrêté administratif. Ce ne serait que justice, car ces entreprises ne pourront pas redémarrer si on leur demande, dans le même temps, de rembourser leurs loyers.
Je distingue ici les très petites entreprises et les chaînes, dont la situation est différente et appelle un traitement au cas par cas. Certaines d'entre elles, comme les marques appartenant à de grands groupes de luxe, ont les reins suffisamment solides pour assumer ce type de dépense ; d'autres auront plus de difficulté. En tout cas, pour les commerçants, employant moins de dix salariés, ce serait impossible. Je demande donc aux foncières de consentir cet effort de solidarité en renonçant à trois mois de loyer, et je leur ai donné rendez-vous cet après-midi pour en discuter.
Madame Ménard, vous souhaitez rendre les SCI propriétaires de monuments historiques et percevant des recettes de billetterie éligibles aux prêts garantis par l'État. Vous avez raison, et nous le ferons : il est très important que les monuments historiques y aient accès.
Enfin, pour répondre à la question qui m'a été posée sur le déconfinement, je suis convaincu que nous saurons organiser la reprise d'activité à condition de prendre les bonnes décisions et de clarifier les règles en nous appuyant sur le protocole national de déconfinement proposé par Laurent Berger et la CFDT, ainsi que sur des guides de bonnes pratiques élaborés métier par métier. La reprise sera nécessairement progressive, car les comportements des consommateurs auront changé au lendemain de la crise.
Monsieur Le Fur, les régions contribueront au financement du fonds de solidarité à hauteur de 7 % : elles verseront 500 millions d'euros, contre 7 milliards pour l'État. Nous saluons bien évidemment cette contribution, mais il serait erroné de dire qu'elle représente le quart du fonds.
À l'instar de nombre de vos collègues, madame Ménard, vous m'avez interrogé sur la date de dépôt des liasses fiscales des sociétés. Nous avons déjà allongé d'un mois, c'est-à-dire jusqu'à la mi-juin, le délai de remise de toutes les déclarations, y compris de la déclaration de revenus, même sous sa forme papier.
Néanmoins, ces déclarations sont importantes non seulement pour les agents des impôts, mais aussi pour les contribuables eux-mêmes, car elles leur permettent notamment de bénéficier de crédits d'impôt. En effet, dès cet été, des sociétés toucheront des crédits d'impôt grâce à leur déclaration du printemps. Si nous reportons indéfiniment la date de remise des déclarations, nous ne pourrons pas injecter cet argent dans l'économie réelle.
Par ailleurs, pour les personnes physiques, la déclaration de revenus ouvre de nombreux droits, comme le chèque énergie pour les personnes non imposables ou certaines réductions sur les tarifs de cantine et les centres de loisirs qu'il faut solliciter, à la rentrée, auprès des collectivités locales. Nous avons déjà repoussé la date au maximum.
J'entends néanmoins que cela puisse présenter des difficultés pour les sociétés, dont les déclarations d'impôt sont plus complexes à remplir que celles des particuliers ; nous avons donc accepté une simplification. J'invite les experts-comptables à se rapprocher de leur direction départementale des finances publiques. J'ai beaucoup communiqué avec l'Ordre des experts-comptables, et ceux-ci sont au courant de la situation. Pour l'impôt sur les sociétés, ils pourront fournir une déclaration simplifiée et communiquer des documents complémentaires ultérieurement, à l'image de ce qui se fait pour la TVA. En outre, bien évidemment, aucune pénalité de retard ne sera appliquée.
Pour les sociétés qui ne connaîtraient pas leur chiffre d'affaires car ils n'ont pas accès à leurs comptes, dans l'hypothèse où ceux-ci ne sont ni informatisés ni connus des experts-comptables, il sera toujours possible de trouver un arrangement. J'ai donné des consignes en ce sens aux directeurs départementaux des finances publiques.
Mais, je le répète, nous avons déjà prolongé le délai de plus d'un mois. Si les Français et les sociétés ne déclarent pas leurs revenus, l'administration fiscale ne pourra par leur verser les crédits d'impôts auxquels ils ont droit, ni leur fournir les documents dont ils ont besoin.
Nous en venons aux amendements à l'article 1er.
L'amendement no 191 de M. Laurent Saint-Martin est rédactionnel.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, je tenais à dire un mot sur les loyers. Il y a dix jours, j'ai participé à une réunion de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, dont je suis membre, et j'ai posé la question des loyers. En effet, la CDC, soit en son nom propre, soit à travers des filiales foncières comme Icade, est un important propriétaire immobilier. J'ai donc demandé si, dans le cadre de son rôle d'amortisseur, la CDC ne devrait pas envisager des reports de loyer.
Le représentant de la direction générale du Trésor a répondu par la négative en tenant le raisonnement suivant : les pouvoirs publics ayant lancé un important dispositif d'aides, à travers le fonds de soutien et les prêts garantis par l'État, il ne faudrait pas jouer sur d'autres touches du clavier, comme les créances entre entreprises, car cela risquerait de poser des problèmes en cascade. Il faudrait donc se reposer avant tout sur les aides publiques.
Bien que je puisse comprendre ce point de vue, je ne le partage pas tout à fait. Je tenais en tout cas à vous signaler cela. Pour ma part, je suis d'accord avec vous : chaque fois que ce sera possible, il faudra faire un effort en reportant les loyers des petites entreprises.
L'amendement no 191 est adopté.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 53 .
Vous nous avez indiqué, monsieur le ministre de l'économie et des finances, que les assureurs allaient consentir un effort supplémentaire. Je rappelle que, dès le départ, nous avons considéré que les 200 millions d'euros mis sur la table par les assureurs étaient largement insuffisants. Par ailleurs, vous êtes en train d'examiner ce qu'il est possible de faire en ce qui concerne le risque de crise sanitaire. Sachez que nous avons déposé une proposition de loi qui prévoit notamment la création d'une couverture du risque de catastrophe sanitaire.
L'article 1er prévoit d'exonérer d'impôts et de cotisations les aides versées par le fonds de solidarité, ce qui est une très bonne chose. Notre amendement rejoint la préoccupation exprimée tout à l'heure par M. de Courson : nous proposons que les aides versées par les collectivités territoriales, notamment les régions, bénéficient du même régime.
Cet amendement est en effet très proche de celui de M. de Courson, qui a été jugé irrecevable. Ma réponse s'applique donc aux deux amendements.
Sauf erreur de ma part, il n'y a pas de cas historique d'exonération fiscale, dans le régime de droit commun, pour des subventions versées par les collectivités territoriales. Ce serait une première. Bien que je comprenne la philosophie qui sous-tend votre proposition, je ne suis pas certain que cela soit une bonne idée, pour deux raisons.
Premièrement, je l'ai dit hier en commission, nous devons être cohérents en matière d'aides accordées aux entreprises en temps de crise. Ces aides sont très temporaires : elles ne seront versées que durant quelques semaines. Elles doivent être simples, faciles d'accès et intelligibles pour tous, à commencer les entreprises et ceux qui les accompagnent.
Il faut éviter de trop territorialiser ces aides et, au contraire, agir davantage ensemble pour accompagner les entreprises. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le fonds de solidarité est ouvert à toute collectivité souhaitant y contribuer, même si je comprends que les enjeux locaux peuvent primer.
Deuxièmement, je ne souhaite pas que l'État se désengage en exonérant d'impôts des aides qui ne sont pas les siennes. Ce serait créer un mauvais précédent. Je pense, en revanche, que l'État et les collectivités territoriales doivent se mettre autour de la table, si ce n'est pas déjà le cas, pour coordonner leur action en faveur des entreprises, moins aujourd'hui – car je crois que les filets de sécurité actuels sont les bons – que demain, pour la relance. Nous aurons alors besoin des collectivités territoriales, qui connaissent souvent mieux les spécificités industrielles locales que l'État lui-même et nous aideront à déterminer quelles aides sont les plus appropriées.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable à l'amendement, sans être défavorable par principe au fait que les collectivités territoriales participent à l'effort national actuel.
Même avis que le rapporteur général.
Pour vous répondre, monsieur Carrez, je partage votre position : je souhaite que l'effort soit partagé, et la foncière de la CDC est l'un des grands bailleurs que je consulterai de nouveau cet après-midi. Je le répète : mon objectif est l'annulation, pour trois mois, des loyers des très petites entreprises fermées par décision administrative.
Je n'ai pas été convaincue par la réponse du rapporteur général. Pourquoi le régime fiscal devrait-il varier en fonction de la provenance de l'aide ? Il s'agit dans tous les cas d'aides transitoires versées pendant une période exceptionnelle. La simplicité voudrait au contraire que l'on adopte le même régime pour toutes ces aides. Je maintiens donc mon amendement.
L'amendement no 53 n'est pas adopté.
L'amendement no 195 de M. Laurent Saint-Martin est rédactionnel.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
L'article 1er apporte des éclaircissements concernant le fonds de solidarité en exonérant d'impôts et de cotisations sociales les aides versées par ce fonds, ce qui est une très bonne chose. Vous avez également apporté des assouplissements, notamment en abaissant de 70 % à 50 % le seuil de perte du chiffre d'affaires et en modifiant la période de référence.
Mais je suis surprise de constater qu'il reste encore des trous dans la raquette. Le fonds de solidarité, tel que vous le présentez, est destiné à couvrir les frais fixes des entreprises ; cela représente un soutien important, qui va dans le bon sens.
Pourtant, certains critères restrictifs ont pour résultat la sous-estimation de ces frais fixes. Dans certains cas, en effet, on prend en compte la situation du dirigeant. S'il touche une pension de retraite ou s'il a un contrat de travail à temps complet, l'entreprise n'est pas éligible au dispositif, bien que ses charges puissent la mettre en difficulté.
En outre, dans l'exposé des motifs, il est indiqué que seules les entreprises dont le bénéfice annuel imposable est inférieur à 60 000 euros peuvent toucher des aides du fonds de solidarité. Or, pour apprécier la situation de l'entreprise au regard de ce seuil, le texte prévoit d'ajouter au bénéfice imposable la rémunération et les charges sociales du dirigeant. Par conséquent, certaines entreprises dont le bénéfice imposable est de 25 000 euros n'ont pas accès au fonds de solidarité. Je vous appelle donc à revoir les conditions d'accès au fonds de solidarité, car cela constituerait un soutien important pour beaucoup de TPE qui participent à l'aménagement du territoire.
Je souhaite réagir aux propos de Mme Louwagie. Nous avons eu une discussion similaire hier sur les angles morts du dispositif, …
… et je tiens à saluer le Gouvernement, qui a pris ce matin un décret concernant les cogérants, après que nous lui avons signalé une remontée du terrain à ce sujet. Ce décret prévoit que le seuil de 60 000 euros sera multiplié par le nombre d'associés et tiendra compte du conjoint collaborateur. Vous le savez, l'inclusion du conjoint collaborateur dans l'entreprise pour mieux le protéger avait été un volet important de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE. Je remercie le ministre d'avoir entendu notre demande.
Nous en avons discuté hier : vous avez raison, nous souhaitons également que les retraités, qui peuvent bénéficier, s'ils ont un emploi salarié, du cumul du chômage partiel et de leur retraite, puissent également cumuler, s'ils sont entrepreneurs, le fonds de solidarité avec leur retraite.
Oui, bien sûr, vous avez raison.
Il importe pour nous de protéger un maximum de personnes. Tel est le sens de l'action du Gouvernement et de la nôtre, lorsque nous remontons des territoires les cas dont nous avons connaissance. Je me réjouis que nos débats nous permettent d'avancer aujourd'hui sur le sujet.
Je tiens simplement à rappeler que nous n'avons cessé d'adapter ce fonds de solidarité, lequel est généreux puisqu'il est passé de 1 milliard à 7 milliards d'euros ; c'est vous dire combien il correspond à l'attente des entrepreneurs. Un grand nombre d'entre eux y ont trouvé une première réponse, ou plutôt un des éléments de la réponse que nous avons à leur apporter. Aujourd'hui, plus de 900 000 entrepreneurs se sont inscrits sur le site pour bénéficier de ces avantages.
Il convient de continuer à adapter ce fonds. Je reconnais ainsi bien volontiers que ceux qui cumulent un emploi et une petite retraite peuvent rencontrer des difficultés. Je suis tout à fait ouvert à l'idée de prendre en considération la situation des personnes qui, complétant une petite retraite par une activité, ne sont pas aujourd'hui éligibles au fonds de solidarité. Il serait juste qu'ils le soient. Je reçois donc cinq sur cinq le message de Mme Louwagie à ce sujet.
Je veux enfin vous dire, même si ce sera pour plus tard, que, pour tous les secteurs dont l'obligation de fermeture sera prolongée après le 11 mai – hôtellerie, restauration, bars, événementiel, etc. – , le fonds de solidarité pourra être un outil efficace, à condition d'être adapté à la réalité des métiers, notamment ceux de la restauration. Dans les dix jours à venir, nous mènerons un travail en collaboration avec cette filière afin de mieux adapter le fonds de solidarité à ce que seront leurs besoins après le 11 mai.
L'amendement no 195 est adopté.
L'article 1er, amendé, est adopté.
Il vise à instaurer, pour une durée limitée de six mois à compter de la date de fin des mesures de confinement, une réduction de la fiscalité applicable au biodiesel, parce que l'effet cumulé de la faible demande de biocarburant liée à ces mesures et de la chute du prix du pétrole a provoqué une baisse importante de la consommation de biodiesel en France, de l'ordre de 70 %.
Or la filière française des huiles et protéines végétales a poursuivi sa production de biodiesel durant cette période de crise afin de maintenir les approvisionnements stratégiques en huile alimentaire, en tourteaux de colza pour la nutrition animale et en glycérine, laquelle est utilisée pour la production de gel hydroalcoolique. Il s'agit là des coproduits de la fabrication du biodiesel.
Cette situation a entraîné la constitution de stocks importants de biodiesel que la filière aura des difficultés à valoriser, une fois les mesures de déconfinement prononcées. Or sa déstabilisation entraînera celle du secteur agricole en amont.
M. de Courson a parfaitement résumé la situation. Je me contenterai d'ajouter que la production de biodiesel ne peut pas s'arrêter, du fait que la matière première, qui sert à cette production, sert également à d'autres fins, en particulier la production de tourteaux de colza pour l'alimentation animale.
Il est donc indispensable d'amortir le choc que subit cette filière. Tel est l'objet de ces amendements identiques.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 159 .
L'effet cumulé de la faible demande en carburants liée aux mesures de confinement et de la chute du prix du pétrole a provoqué une baisse importante de la consommation de biodiesel en France.
Or il importe de soutenir et de promouvoir cette filière, d'autant qu'elle a dû poursuivre sa production pour maintenir des approvisionnements stratégiques en huile alimentaire et en tourteaux de colza pour la nutrition des animaux.
Pour faciliter l'écoulement des stocks importants constitués par la filière, nous proposons d'instaurer un remboursement partiel de la TICPE à hauteur de 10 euros par hectolitre, pendant une durée limitée de six mois à compter de la date de fin de la période de restrictions applicables aux déplacements hors du domicile.
Les premiers signataires en sont respectivement Mme Sylla et M. Moreau. Ils visent à instaurer, pour une durée limitée de six mois à compter de la fin des mesures de confinement, une réduction de la fiscalité applicable au biodiesel, pour les raisons que mes collègues ont précédemment évoquées.
Nous devons évidemment avoir le souci de soutenir la filière française du biodiesel. En revanche, l'outil fiscal ne me paraît pas le plus approprié, tout d'abord parce que le biodiesel bénéficie déjà de mesures fiscales. Ensuite, d'un point de vue tant technique que juridique, il ne me paraît pas possible de déterminer l'origine française du biodiesel ; la mesure ne serait donc pas applicable.
N'oublions pas enfin que, si le volume des stocks peut poser problème, le biodiesel permet à certaines activités de se poursuivre ; elles y ont donc recours.
Pour toutes ces raisons, l'avis est défavorable.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, pour donner l'avis du Gouvernement.
L'avis du Gouvernement est défavorable non seulement pour les raisons évoquées par M. le rapporteur général, mais également parce que, comme l'a déjà souligné le ministre de l'action et des comptes publics en commission, nous prenons à l'heure actuelle des mesures urgentes liées à la pandémie. Les mesures économiques accompagnant la sortie du confinement prendront d'autres formes ; nous avons encore un peu de temps pour y réfléchir.
Je regrette que la commission et le Gouvernement soient défavorables à des amendements qui, en soutenant la filière du bioéthanol, permettraient de soutenir également l'agriculture, notamment la filière sucrière – et Dieu sait qu'elle en a besoin ! Je tiens également à rappeler que c'est notamment cette filière, en particulier Tereos, qui produit la solution hydroalcoolique. Faisons preuve de solidarité avec une filière qui fait preuve elle-même de solidarité durant cette crise.
Ce matin, sur France Inter, le philosophe Dominique Bourg s'est interrogé sur l'attribution des 20 milliards à des entreprises comme Air France ou Renault. Il recommandait non pas de se précipiter sur la voie de n'importe quelle relance, mais de ralentir le mouvement pour penser un autre modèle, en vue de construire une planète viable non pas pour demain mais pour aujourd'hui.
Par cet amendement, nous nous inscrivons dans cette logique en proposant, dès maintenant, la suppression de niches deux fiscales néfastes pour l'environnement : le remboursement du kérosène aérien et celui du gazole pour le transport routier.
De nombreuses autres niches fiscales néfastes pour l'environnement perdurent encore. Leur coûte est estimé à 13 milliards, somme qui pourrait être utilisée pour financer différentes mesures d'urgence liées à la situation actuelle.
Chers collègues, nous devons orienter dès maintenant la politique fiscale vers le verdissement de l'économie. Tel est l'objet de cet amendement.
Je pense l'inverse : ce n'est pas le moment de modifier notre politique fiscale car cela ne manquerait pas d'aggraver les difficultés d'industries que nous devons au contraire maintenir à flot et sauver.
C'est la raison pour laquelle il ne faut pas revenir notamment sur les exonérations de TICPE, car cela risquerait de mettre en péril un grand nombre de nos entreprises. J'émets donc un avis défavorable.
Même avis, s'agissant notamment de l'exonération qui bénéficie au secteur aérien. D'autres dispositions du PLFR soulignent combien ce secteur rencontre de difficultés dans la période que nous traversons.
Il est clair que nous sommes en désaccord avec votre conception d'une écologie de marché, monsieur le rapporteur général. C'est dès maintenant qu'il faut amorcer la bifurcation pour qu'un secteur comme l'aérien, qui est l'un des principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre, ait pour objectif non pas de rattraper son retard, comme l'ont souligné plusieurs membres du Gouvernement, mais, au contraire, de s'adapter à la nécessité de réduire ces émissions.
Chacun a pu constater, ces dernières semaines, notamment grâce à des images saisissantes, combien le ralentissement de l'activité a eu un effet positif sur ces émissions. Nous nous rendons ainsi mieux compte de l'urgente nécessité de changer de modèle, d'autant que c'est ce modèle qui a créé les conditions favorisant la propagation du virus.
Les décisions que nous prenons aujourd'hui détermineront la manière dont nous ferons face à l'urgence dans la prochaine période. En commençant par remettre en cause ces exonérations, nous entrerions dans une nouvelle logique : fixer des conditions écologiques et sociales pour le soutien aux entreprises en difficulté. Nous ne sommes pas opposés à un tel soutien, à condition de le faire dans le cadre d'une bifurcation radicale qui doit mener, à terme, à la réduction du transport aérien et du transport routier, et au développement d'autres modes de transports, notamment du ferroviaire.
Nos amendements qui vont en ce sens ont donc toute leur place dans ce texte.
Cette question est importante. En effet, alors que nous ne nous attendions pas à cette crise sanitaire, nous avons été capables de dégager des moyens considérables pour y faire face. Il est donc faux de prétendre qu'il n'y a pas d'argent : il y en a plein. Or nous sommes certains de l'arrivée de la prochaine crise, qui sera une crise environnementale, et nous connaissons précisément les moyens à mettre en oeuvre.
Néanmoins, à chaque jour suffit sa peine, et il s'agit aujourd'hui de sauver notre économie. Que nous dégagions ces moyens considérables à cette fin ne me choque pas du tout. Il faudra en revanche répondre, dans le cadre du plan de relance, à la question que vous posez. Il nous faut en effet verdir entièrement nos politiques et les réguler par une dimension humaine, notamment pour sauver tous les biens communs, faute de quoi la jeune génération portera un regard cruel sur notre action.
Nous devrons, je le répète, poser de nouveau cette question dans les prochains mois, car tout doit changer.
Mme Bénédicte Peyrol applaudit.
L'amendement no 200 n'est pas adopté.
J'entends vos réponses, mais si l'on veut changer les choses aujourd'hui dans un contexte d'urgence et malgré la fameuse dette des finances locales, il faut de l'argent, que l'on trouvera justement dans les niches fiscales néfastes pour l'environnement.
Nous reprenons ici une proposition d'ATTAC, l'Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne, qui relève du même esprit que la précédente : instaurer unilatéralement et immédiatement une taxe carbone complémentaire pour l'ensemble des sites industriels français soumis au marché du carbone européen.
Je rappelle qu'en raison de plusieurs niches fiscales maintenues par le Gouvernement, les 1 400 sites industriels les plus polluants et l'essentiel des entreprises les plus émettrices de gaz à effet de serre sont, en France, exonérées de la taxe carbone, pourtant payée par les ménages.
Il est donc question non pas d'un secteur, comme le transport aérien, mais de sites industriels précis. Dans cette période d'urgence et de relance, toutes les industries ne se valent pas. Et c'est précisément parce que les finances publiques sont mises à mal qu'il convient de faire un effort pour supprimer ce type de niches.
Même avis que pour l'amendement précédent.
Madame Obono, contrairement à ce que vous avez affirmé, ma vision n'est pas celle d'une écologie de marché. En revanche, je suis guidé par une conviction : pendant la crise que nous traversons, aucun emploi ne doit être laissé sur le bord de la route. Or, si nous empêchons nos industries et nos entreprises de relever la tête, ces emplois seront perdus. Vous évoquez donc des sujets de relance, et non d'urgence.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Sur la forme, j'ajoute que le Gouvernement a choisi de déposer deux PLFR : le premier pour répondre à l'urgence, le second pour renforcer les moyens dont nous disposons et apporter de nouvelles réponses, notamment aux ménages les plus fragiles. La relance et la manière dont nous accompagnerons l'économie à la sortie de la crise sanitaire qui l'affecte seront discutées plus tard.
Sans que cela enlève rien à la légitimité des débats lancés par les uns et les autres, le Gouvernement a également choisi de ne pas traiter dans ce PLFR les sujets fiscaux déjà débattus lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020.
C'est aussi ce souci de cohérence qui explique les avis défavorables du Gouvernement sur les amendements de cette nature. Je ne le préciserai plus systématiquement dans la suite des débats.
Dès avant la crise sanitaire, la commission des finances avait commencé un travail sur les niches fiscales, en particulier celles qui sont néfastes pour l'environnement. Il sera bien évidemment poursuivi. Néanmoins, comme l'ont dit le secrétaire d'État et M. Pancher, nous devons consacrer aujourd'hui toute notre énergie au soutien de l'économie française, afin qu'elle ne s'écroule pas.
Par ailleurs, j'aimerais relever l'absurdité des certains arguments : l'amendement précédent, par exemple, tendait à supprimer des exonérations de TICPE. Or cela créerait des charges supplémentaires pour les entreprises, notamment pour celles qui constituent aujourd'hui la fameuse seconde ligne ! Je pense notamment aux transporteurs routiers de marchandises, qui permettent aux Français de manger. Je m'interroge donc parfois sur la cohérence des différents amendements.
Quoi qu'il en soit, ne vous inquiétez pas : nous serons au rendez-vous pour assurer une relance durable.
Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, en pensant qu'on pourra voir plus tard comment organiser le monde d'après, je crois que vous vous trompez lourdement. L'État va investir dans le plan de relance plus qu'il ne l'a fait depuis des années, en particulier pour les entreprises. Et nous devrions le faire uniquement avec la préoccupation de sauver les emplois, sans préparer le monde d'après ?
Lors de la campagne présidentielle de 2017, nous avions proposé un plan d'investissement de 100 milliards, notamment dans la transition écologique, l'aide aux services publics et au système de santé, tout ce qui nous manque aujourd'hui pour faire face à la crise. Nous regrettons de n'avoir pas été élus pour l'appliquer !
Pour votre part, vous proposez 42 milliards sous forme d'aides directes et d'autres dépenses uniquement pour sauver de l'emploi. Vous n'en profitez donc pas pour amorcer un autre partage des richesses et une économie qui prendrait en considération dès maintenant, structurellement, la question environnementale. Pourtant, nous savons que la crise environnementale va finir par nous tomber dessus ! Je pense d'ailleurs que le coronavirus en est déjà un aspect.
Si tant est que vous croyiez vraiment au monde d'après, vous devriez le préparer dans ce plan d'urgence. Or vous ne le faites pas, et vous vous trompez, d'où les reproches que nous vous adressons.
L'amendement no 203 n'est pas adopté.
Je regrette que le ministre de l'économie et des finances ne soit plus présent, car j'aurais voulu continuer le débat sur les nationalisations, engagé en commission. Rien n'est encore écrit, mais il a indiqué ce matin que les 20 milliards seraient investis dans des entreprises stratégiques, celles qui garantissent notre indépendance et notre souveraineté, notamment sanitaire, ainsi que pour sauver des emplois.
Depuis quelques temps, certaines entreprises, parfois leurs salariés, frappent à la porte en demandant que l'on remette leur activité en route ou qu'on les sauve. Or voilà un bon moment que j'essaie d'avoir des réponses quant à la réquisition et à la nationalisation de ces entreprises !
Je pense en particulier à Luxfer, seule entreprise d'Europe à fabriquer des bonbonnes d'oxygène à des fins médicales. Elle a pourtant fermé. Les salariés ont gardé les machines et sont prêts à relancer la production si leur entreprise est nationalisée.
Je pense également à l'usine Famar, qui produit la Nivaquine, médicament dont le principe actif est la chloroquine. Or elle est menacée de fermeture.
Je pense aussi à Péters Surgical, à Bobigny, qui fabrique des sondes de Motin, indispensables aux lits de réanimation. La fermeture de son unité de production est prévue en juin, non pas en raison d'un déficit – elle réalise des bénéfices incroyables – , mais pour être délocalisée en Inde. Pourtant, les besoins sont tels que les salariés de cette entreprise produisent aujourd'hui quatre fois plus qu'en temps normal, afin d'assurer la livraison de 40 000 sondes. Si celles-ci avaient manqué à nos lits de réanimation, nous aurions eu encore plus de problèmes.
J'ai écrit au ministre, il y a neuf mois déjà, au sujet de cette entreprise. On parle de réquisition, mais qu'attend-on pour assurer que ces entreprises continueront à produire en France du matériel nécessaire à notre souveraineté sanitaire, et éviter que nous nous retrouvions à nouveau dans la situation ubuesque que nous connaissons aujourd'hui avec les masques ? En 2018, le groupe américain devenu propriétaire de la plus grosse usine fabriquant des masques en France a décidé de la fermer pour délocaliser la production en Chine, puis en Tunisie. Les actionnaires sont allés jusqu'à tronçonner des machines qui permettaient la confection de 5 000 masques à l'heure pour s'assurer que la concurrence ne les utiliserait pas !
Je vous demande donc de répondre à la question précise soulevée par l'amendement : quand allez-vous réquisitionner et nationaliser ces entreprises pour qu'elles continuent à fonctionner ?
Afin de créer une recette destinée à financer la nationalisation des entreprises que vous avez mentionnées, vous proposez la suppression d'un tarif réduit de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité – TICFE. Sur ce point, il appartient au Gouvernement de vous répondre.
Néanmoins, comme je l'ai fait hier en commission, je souligne que la question des nationalisations n'est pas évitée dans nos débats. Bien au contraire, nous l'anticipons, puisque nous abondons le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » de 20 milliards d'euros pour permettre des prises de participation en fonds propres ou quasi-fonds propres, voire des nationalisations si cela s'avère nécessaire.
Il ne me revient pas de décider quelles entreprises seront concernées. Je crois d'ailleurs heureux que le Gouvernement n'ait pas réponse à tout dès aujourd'hui, car la sortie de la crise reste floue. En tout cas, la suppression de dépenses fiscales ne réglera pas le problème. J'émets donc un avis défavorable.
Même avis que le rapporteur. S'agissant des entreprises que vous mentionnez en particulier, monsieur Coquerel, je ne connais pas suffisamment le dossier pour vous apporter une réponse à cet instant. Vous avez interpellé le ministre de l'économie et des finances, je lui rappellerai que vous attendez une réponse.
Excusez-moi, je tombe des nues ! On est en pleine crise, il manque du matériel partout. Cela fait des semaines que notre groupe et d'autres vous interpellent au sujet de ces trois entreprises, et vous nous répondez que vous n'êtes pas au courant ?
En octobre dernier, j'ai adressé une question écrite à M. Le Maire au sujet de Péters Surgical, sans obtenir l'ombre d'une réponse. Je l'ai à nouveau interrogé en commission, il m'a répondu qu'il n'était pas au courant. Mais quand le serez-vous donc ? Pardonnez-moi, cela me met en colère, car il faut bien que vous compreniez, chers collègues, qu'il s'agit non seulement d'emplois, mais encore d'entreprises bénéficiaires dont la fermeture n'est due qu'à la volonté de délocaliser l'unité de production !
J'ai entendu le chef de l'État évoquer la question des relocalisations. Il est temps, effectivement, de se la poser ! Quand allez-vous donc vous la poser s'agissant des sondes de Motin, des bonbonnes d'oxygène ou encore de la chloroquine, dont nous aurons peut-être un besoin essentiel dans quelques semaines si elle se révèle un bon médicament ? Vos réponses ne sont vraiment pas acceptables.
Je souscris aux propos de M. Coquerel.
Monsieur le secrétaire d'État, sur un total de 105 milliards d'euros prévus dans le plan d'urgence, une fois soustraites les moindres recettes, il reste en réalité 60 milliards d'euros de dépenses nouvelles, dont 20 milliards, soit un tiers, sont destinés au fonds de recapitalisation ou de nationalisation. Or, sur ce tiers des crédits, vous ne nous apportez aucune réponse. Ces 20 milliards existent-ils vraiment ? Qu'allez-vous en faire ? Allez-vous réellement les investir dans l'économie française ? Je trouve inacceptable que vous ne nous répondiez pas.
S'agissant des entreprises Famar et Luxfer, le groupe Socialistes et apparentés a lui aussi déposé une proposition de loi prévoyant un mécanisme de nationalisation analogue à celui qui avait été utilisé en 1982. Le dispositif existe déjà, il n'y a rien à réinventer : il s'agit d'émettre des obligations d'État en échange d'une valorisation préalablement calculée. Franchement, monsieur le secrétaire d'État, qu'attend-on ? La question est fondamentale, que ce soit pour les bouteilles d'oxygène ou les médicaments ! Si l'utilisation de la chloroquine fait débat, je croyais que nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il fallait que les médicaments soient produits en France.
Je vous pose donc deux questions : qu'allez-vous faire des 20 milliards ? Quand allez-vous activer la nationalisation de Famar et Luxfer ?
L'amendement no 180 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Noël Barrot, pour soutenir l'amendement no 433 .
Il concerne l'enregistrement comptable des dépenses exceptionnelles réalisées par les collectivités locales, notamment pour l'acquisition de masques. C'est une question qui nous est souvent posée dans nos circonscriptions. Par cet amendement d'appel, nous proposons de rendre les dépenses d'acquisition de masques et d'équipements de protection éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA.
Ma réponse sera la même qu'hier en commission : le FCTVA étant censé couvrir les dépenses d'investissement, il paraît difficile d'y recourir pour des dépenses de fonctionnement, quand bien même ce serait de manière temporaire et exceptionnelle. Sachant que le mécanisme n'est que toléré par le droit européen, votre proposition présente un risque juridique. J'émets donc un avis défavorable, mais je vous remercie d'avoir appelé notre attention sur cette question.
Même avis. Nous tenons à préserver les contours de l'éligibilité au FCTVA tels qu'ils sont définis dans la loi de finances depuis plusieurs années, d'autant qu'ils ont encore récemment été améliorés s'agissant de dépenses d'entretien et d'équipement, qui restent plus proches de l'investissement que l'achat de masques. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
Je précise que le Gouvernement sera favorable à l'adoption de l'amendement du rapporteur général qui vise à abaisser le taux de TVA appliqué aux masques, afin d'en diminuer le coût pour les acheteurs. Cette mesure profitera donc aussi aux collectivités.
Certaines collectivités nous interrogent sur l'opportunité d'acquérir des masques au titre des dépenses d'investissement, puisque cette section offre un peu plus de latitude que la section de fonctionnement. C'est une autre manière de formuler la question. Pouvez-vous donner des éléments de réponse à ces collectivités, monsieur le secrétaire d'État ?
L'inscription de cette dépense en section d'investissement présenterait deux intérêts. D'une part, cela faciliterait et rendrait plus automatique son éligibilité au FCTVA. Sur ce point, l'argument reste le même que précédemment. D'autre part, cela permettrait un amortissement de la dépense sur plusieurs années. Or, même si elle n'est pas à mésestimer, l'ampleur de la dépense pour une collectivité donnée ne justifie pas nécessairement un tel amortissement pluriannuel. De plus, comme je l'ai dit, nous soutiendrons l'amendement du rapporteur général visant à abaisser le taux de TVA appliqué aux masques.
Par ailleurs, une circulaire publiée par le ministère de la cohésion des territoires et le ministère de l'action et des comptes publics permet aux collectivités d'imputer leur participation au fonds de solidarité sur les dépenses d'investissement. Ce dispositif vise en particulier les régions, qui abondent le fonds à hauteur de 500 millions d'euros.
Je précise aussi, même si le cas ne s'est pas encore présenté, que les autres collectivités qui souhaiteraient participer au fonds de solidarité pourraient le faire. Aucune ne l'a proposé pour l'heure, sachant qu'il s'agit d'un fonds national et qu'il n'est pas possible de cibler les aides sur un territoire particulier. Pour ce qui concerne les régions, les 500 millions d'euros seront bien inscrits, de façon exceptionnelle, comme des investissements.
J'ajoute que l'imputation de ces sommes fait l'objet d'un véritable débat. Si certaines responsables d'associations d'élus ont effectivement formulé la demande que vous avez évoquée, monsieur Barrot, d'autres, en particulier le secrétaire général de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités, souhaitent que l'on respecte une forme d'orthodoxie en matière d'inscriptions comptables, notamment pour préserver la lisibilité des comptes.
Dans la région Grand Est, les élus se sont accordés pour instaurer un fonds complémentaire au fonds national, abondé par la région ainsi que par chaque département et intercommunalité à hauteur de 2 euros par habitant – soit un total de 44 millions d'euros en incluant également la participation de la Banque des territoires. Les sommes versées par les départements et les intercommunalités seront-elles, oui ou non, éligibles au FCTVA ?
La réponse est-elle négative, au motif qu'il ne s'agit pas de contributions au fonds national ? Pourriez-vous clarifier ce point, monsieur le secrétaire d'État ?
Je le clarifie bien volontiers, au risque que ma réponse déplaise. La circulaire que j'ai évoquée permet l'inscription en section d'investissement des participations des collectivités au seul fonds de solidarité national – c'était une demande prioritaire des régions, qui y contribuent à hauteur de 500 millions d'euros. S'agissant de subventions – qui figurent habituellement en section de fonctionnement – , la circulaire prévoit explicitement qu'elles ne soient pas éligibles au FCTVA. Il serait insolite qu'une subvention versée par une collectivité, naturellement non assujettie à la TVA, soit éligible au FCTVA.
En résumé, les régions pourront inscrire en investissement leur participation au fonds de solidarité, ce qui leur permettra aussi de l'amortir sur plusieurs années. Il en irait de même pour d'autres collectivités qui participeraient à ce fonds national. En revanche, la circulaire n'a pas prévu que ce soit le cas pour la participation à des fonds locaux.
L'amendement no 433 n'est pas adopté.
Je défendrai en même temps l'amendement no 426 .
Ces amendements, dont nous avons discuté hier en commission, revêtent aujourd'hui un caractère différent, dans la mesure où le ministre de l'économie et des finances a appelé hier soir les propriétaires à des abandons de loyers.
Nous proposons de modifier les dispositions fiscales applicables aux abandons de créances en faveur des entreprises. Cela favoriserait de tels abandons, dont les entreprises ont bien besoin, et éviterait à l'État d'avoir à absorber le paiement de ces créances, ce qui diminuerait d'autant le coût du soutien aux entreprises pour les finances publiques. Ces amendements visent à rendre les aides et abandons de créances déductibles du revenu, de la recette ou du bénéfice imposable. Actuellement, la déduction est soumise à des conditions qui ne facilitent guère ces abandons.
L'amendement no 424 vise l'ensemble des créances, y compris les loyers, dont sont redevables les petites entreprises. L'amendement no 426 , quant à lui, cible exclusivement les abandons de loyer consentis en faveur d'une entreprise, quelle que soit sa taille.
La parole est à M. Jean-Noël Barrot, pour soutenir l'amendement no 436 .
Je défendrai moi aussi en même temps les deux amendements que j'ai déposés, les nos 436 et 431.
Ils visent un même objectif : abaisser le mur de la dette pour les entreprises de France en incitant leurs créanciers – qu'il s'agisse de bailleurs, de fournisseurs ou d'institutions financières – à effacer cette dette. À cette fin, nous proposons de rendre les abandons de créance déductibles.
En temps de difficultés, en temps de guerre, il est d'usage d'effacer les dettes. C'est dans cet état d'esprit que le ministre de l'économie et des finances a demandé à certains secteurs économiques – en particulier aux sociétés foncières, comme il l'a rappelé précédemment – d'effacer certaines des créances qu'elles détiennent sur des entreprises.
Cette déductibilité est déjà prévue dans certains cas. Lorsqu'une entreprise en difficulté entre en procédure collective, l'abandon d'une créance par un créancier est déjà déductible fiscalement. La situation économique actuelle nous conduit à proposer l'extension du dispositif. L'objectif est bien sûr d'encourager les comportements vertueux. Un effacement de dette permet en effet au bénéficiaire d'aborder la reprise dans de meilleures conditions et d'éviter la faillite. Mais l'objectif est aussi de créer des solidarités entre les créanciers suffisamment solides pour abandonner des créances et les débiteurs les plus fragiles, qui auraient besoin de cet abandon pour survivre et redémarrer.
Par ailleurs, ces amendements contribueraient à réduire la pression à laquelle sont soumises les finances publiques : si un bailleur renonce aux loyers dus par des TPE bénéficiaires du fonds de solidarité, l'État n'aura plus à absorber cette dépense.
Lorsque nous avons débattu de ces amendements hier en commission, nos collègues ont estimé que les dispositifs proposés étaient trop larges. Nous nous sommes donc efforcés de les resserrer. L'amendement no 436 cible les bénéficiaires du fonds de solidarité : seuls les abandons de créances au bénéfice de TPE de moins de dix salariés éligibles au fonds seraient déductibles fiscalement. L'amendement no 431 , quant à lui, porte sur l'abandon d'un seul type de créance, le loyer, au profit de toute entreprise, quelle que soit sa taille.
La parole est à Mme Bénédicte Peyrol, pour soutenir l'amendement no 455 .
Je défendrai en même temps le no 458.
Je ne reprendrai pas les arguments développés par mes collègues. Je me contenterai de préciser que les amendements ont été complétés pour éviter toute optimisation éventuelle au sein d'un même groupe, conformément à ce qui est ressorti du débat que nous avons eu hier à ce sujet. Olivia Grégoire, première signataire des deux amendements, est elle aussi très vigilante sur ce point.
Je vous remercie, monsieur Barrot, d'avoir abordé cette question intéressante hier en commission. J'avais alors émis un avis défavorable sur les amendements, car je trouvais que le dispositif proposé était trop large : il portait sur l'ensemble des créances et toute entreprise pouvait en bénéficier. J'avais jugé nécessaire de le resserrer, pour éviter d'éventuels effets d'aubaine.
Je constate que cela a été fait, et bien fait. Je vous remercie, ainsi que Mmes Louwagie et Grégoire, d'avoir déposé de nouveaux amendements en ce sens. À titre personnel, j'aurais préféré que les deux restrictions, aux loyers d'une part, aux seules entreprises bénéficiaires du fonds de solidarité d'autre part, soient cumulatives. Néanmoins, les amendements nos 426 , 431 et 458 , qui limitent la déductibilité aux abandons de loyers consentis par les bailleurs au profit de toute entreprise, me semblent satisfaisants. J'émets donc un avis favorable sur ces amendements et demande le retrait des trois autres, les nos 424, 436 et 455.
La question a été abordée plus tôt dans la matinée par le ministre de l'économie et des finances. Nous partagions les mêmes craintes que la commission quant au dispositif tel qu'il était proposé hier. Je m'associe donc aux remerciements adressés par le rapporteur général aux auteurs des amendements. Le Gouvernement demande lui aussi le retrait des amendements nos 424 , 436 et 455 et émet un avis favorable sur les amendements nos 426 , 431 et 458 .
Les amendements no 426 et identiques sont excellents. J'aimerais néanmoins avoir une précision sur la notion de groupe : sera-t-elle définie en fonction de l'existence d'un actionnariat commun, ou bien intuitu personae, sachant qu'une même personne représente parfois le bailleur et l'entreprise ? Il existe en effet de nombreux artisans, commerçants ou petites entreprises dont le bailleur est une SCI, soumise à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés. Si l'entreprise se trouve en difficulté, pourra-t-elle bénéficier d'un abandon de loyer, alors même qu'elle est aussi propriétaire, indirectement ?
Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais le risque d'optimisation au sein d'un même groupe me paraît réduit dans la mesure où nous avons adopté la deuxième série d'amendements, qui cible exclusivement les abandons de loyers consentis par les bailleurs. Il aurait été plus grand si nous avions adopté la première série, qui visait à rendre tous les abandons de créances déductibles. En revanche, il aurait été très faible si nous avions limité le dispositif à la fois aux loyers et aux entreprises bénéficiaires du fonds de solidarité, comme je le proposais. Je laisse le soin aux auteurs des amendements d'apporter d'éventuelles précisions.
Cette disposition incitera sans doute les propriétaires à davantage abandonner les loyers. J'appelle cependant votre attention sur le fait que, dans certains départements, notamment ruraux, il n'existe pas de sociétés foncières. Le ministre de l'économie et des finances a indiqué tout à l'heure que le Gouvernement négociait avec les foncières. À Paris, oui ! Mais ce n'est pas le cas dans mon département, la Meuse, où il n'y en a aucune.
Le commissaire aux comptes qui coordonne l'ensemble des experts-comptables de la Meuse m'a indiqué hier qu'aucun abandon de loyer n'avait été enregistré pour l'ensemble des commerces du département. Il a estimé que l'adoption d'une exonération de charges enlèverait une épine du pied des commerçants, mais que la question importante était celles des loyers. Tant qu'elle ne serait pas réglée, des centaines de commerçants, dans chaque département, se retrouveraient à terre.
Il s'agit d'un amendement appel relatif aux heures supplémentaires, sujet que nous avons également abordé hier en commission. Il est sans doute un peu tôt pour discuter du plan de relance, mais il est clair que, dans certains secteurs, il faudra trouver les moyens d'un rattrapage rapide. Or la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires seraient une façon d'encourager et de remercier les travailleurs qui participeront à cet effort.
Il est analogue, dans son principe, à l'amendement précédent. Les heures supplémentaires défiscalisées et désocialisées sont soumises à un plafond annuel de 5 000 euros. Or, dans certains opérateurs économiques en tension, les salariés effectuent aujourd'hui de nombreuses heures supplémentaires. Il conviendrait de ne pas retenir ces heures pour l'application du plafond pendant la durée de la crise. L'amendement de M. Barrot est plus généreux encore, puisqu'il prévoit de ne pas appliquer le plafond jusqu'à la fin de l'année 2020. J'aimerais connaître l'avis du Gouvernement à ce sujet.
Les heures supplémentaires sont tout à fait complémentaires des primes, qui constituent une gratification donnée aux salariés pour les remercier. Ce sont en effet des heures travaillées dont l'économie a besoin aujourd'hui et dont elle aura besoin aussi demain, espérons-le, à la sortie de la crise. Il conviendrait donc de supprimer le seuil de 5 000 euros.
Je ne vais pas entrer dans le détail puisqu'il s'agit exactement de la même chose : défiscaliser et désocialiser les heures supplémentaires.
Les heures supplémentaires, notamment celles effectuées par les soignants, ne sont pas seulement un effort de travail supplémentaire : elles sont vitales au sens littéral puisqu'elles sauvent des vies, en particulier en permettant de remplacer des soignants eux-mêmes touchés par la maladie. Un certain nombre de reportages dans les EHPAD ont montré quelles pouvaient être les conséquences de l'absence d'une partie du personnel pour cause de maladie.
Je pense vraiment que c'est la moindre des choses que nous puissions faire, et il s'agit d'une mesure d'urgence.
À un moment donné, il faudra dire comment la nation française compte exprimer durablement sa reconnaissance à l'égard de ceux qui ont travaillé pendant cette crise, qu'ils soient soignants ou salariés de la deuxième ou de la troisième ligne. Je proposerai pour ma part qu'on accorde à ces derniers un trimestre de retraite supplémentaire, et jusqu'à deux pour les premières lignes. Il faut, je le répète, que la nation française leur exprime de façon durable la reconnaissance qui est la nôtre, et pas seulement par des applaudissements ou des exonérations fiscales, pour nous avoir permis de nous nourrir, de continuer à rouler et, évidemment, pour avoir sauvé les vies de nos compatriotes.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 326 .
Il va exactement dans le même sens que les précédents : il vise à récompenser tous ceux qui ont travaillé beaucoup plus pendant cette crise sanitaire, et pas seulement les agents de la fonction publique.
Je pense notamment aux nombreuses personnes qui ont pris des risques pour permettre à nos concitoyens de continuer à vivre, notamment à se nourrir. Nous avons tous en tête les personnels soignants, bien entendu, mais il en est d'autres, par exemple, même si on en a parlé un peu plus tardivement, les caissiers et caissières des supermarchés, qui ont continué à tenir leur poste au début de la crise, malgré des conditions de travail bien souvent un peu précaires et malgré les risques auxquels ils s'exposaient faute de disposer de masques ou de gel hydroalcoolique.
Beaucoup de nos compatriotes ont dû faire des heures supplémentaires pour permettre à leur entreprise de fonctionner correctement ou pour pallier les défaillances ou les absences d'autres salariés, qu'ils aient été malades, personnes à risque, ou qu'ils aient dû assurer la garde de leurs enfants. Il est tout à fait normal de reconnaître l'effort de ces salariés et de les en récompenser – n'ayons pas peur du mot – en défiscalisant et désocialisant ces heures supplémentaires, sans appliquer le plafond de 5 000 euros annuels. Cette mesure aura en outre l'avantage de soutenir le pouvoir d'achat, ce qui ne sera pas négligeable au sortir de la crise.
Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements en discussion commune ?
Je l'ai dit hier en commission, je partage la volonté de la majorité d'entre vous de valoriser le travail, dans tous les cas, mais particulièrement dans le contexte de cette crise. Le déplafonnement de la défiscalisation et de la désocialisation des heures supplémentaires bénéficierait en fait à 5 % des salariés, et pas les plus fragiles, pour dire les choses clairement. Je ne saurais vous dire si le Gouvernement souhaitera, à un moment donné, supprimer le plafond de 5 000 euros annuels ; pour ma part, je ne crois pas que cela constitue aujourd'hui une priorité pour l'État.
Et ce n'est pas ce point, qui relève de l'épaisseur du trait, mais plutôt l'exonération des charges patronales que vous proposez qui m'amène à émettre un avis plus franchement défavorable. Les entreprises qui peuvent aujourd'hui maintenir leur activité, ce qui est une bonne chose, doivent continuer à être assujetties aux cotisations patronales à ce titre ; une suppression de ces cotisations – je ne parle que des cotisations patronales – ne me paraît pas justifiée.
Pour ces raisons, je vous invite à retirer vos amendements. Sinon l'avis sera défavorable.
Le Gouvernement considère lui aussi qu'une exonération de cotisations patronales ne serait pas justifiée, en tout cas pas une exonération aussi large que ce qui est proposé par les amendements.
La présentation de ces amendements aura permis de souligner d'une part que la rémunération des heures supplémentaires, qui sera majorée pour la fonction publique hospitalière, bénéficiera évidemment de l'exonération de droit commun, dans la limite de 5 000 euros annuels. Le rapporteur général l'a dit, – nous verrons à l'issue de cette période si cela doit changer, mais a priori ce ne sera pas le cas – seuls 5 % des salariés dépassent ce plafond de manière habituelle, et il s'agit plutôt des salariés bénéficiant des revenus les plus élevés.
Ce débat permet également de rappeler que la prime destinée à la fonction publique, que le président Woerth vient d'évoquer, ou plutôt les primes puisqu'il y en aura de plusieurs niveaux, seront, comme celles du secteur privé, exonérées d'impôt et de cotisations sociales. En effet, le PLFR prévoit cette double exonération. Quant à l'instauration de la prime en tant que telle, elle relève du pouvoir réglementaire – le décret est en cours de rédaction.
Je demande donc le retrait des amendements. À défaut, l'avis sera défavorable.
Nous tenons à ces amendements, en raison du caractère très paradoxal de cette crise : certains secteurs sont obligés d'arrêter leur activité quand d'autres doivent se démultiplier et fournir un nombre très élevé d'heures supplémentaires. On pense bien évidemment au secteur sanitaire, mais je voudrais citer également la logistique, où le nombre d'heures supplémentaires a explosé, alors qu'elles y sont déjà monnaie courante en raison du caractère très particulier de cette activité. Nos camionneurs ont dû ainsi bien souvent rouler le dimanche, les préfets ayant délivré à cet effet des autorisations exceptionnelles. Ces heures supplémentaires étant rémunérées au tarif prévu pour les heures effectuées le dimanche, certains peuvent, en dépit de salaires modérés, dépasser le seuil des 5 000 euros.
Il nous semble indispensable de récompenser non seulement cette catégorie de salariés, mais aussi d'autres, comme les caissières de supermarché. Si ces secteurs n'avaient pas tenu, certains de nos compatriotes auraient eu de graves problèmes, ne serait-ce que sur le plan alimentaire. C'est l'objectif de ces amendements.
Nous pensons que le paiement des heures supplémentaires n'est pas une récompense : c'est un dû. Les soignants et soignantes se sont mobilisés pendant des mois pour expliquer à quel point ils souffraient de l'absence de rémunération des heures supplémentaires qu'ils effectuaient sans pouvoir les récupérer, et que ce problème était un des aspects du manque d'investissement dont ils se plaignaient. La logique voudrait qu'on leur paye d'abord ces heures supplémentaires.
Par ailleurs, inciter des personnes déjà à bout et exténuées par le travail à faire des heures supplémentaires ne nous semble pas la bonne stratégie. Ce qu'il faudra, dans les prochaines semaines et les prochains mois, c'est planifier une reprise de l'activité qui permette au plus grand nombre de s'investir dans les activités essentielles. L'investissement et les moyens devront être consacrés au recrutement, notamment dans le secteur hospitalier. Il faudra en outre revaloriser les salaires.
C'est par des augmentations de salaires et des recrutements qu'on reconnaîtra le travail des salariés, des travailleurs, des agents et des agentes. C'est ainsi qu'on satisfera les besoins de main-d'oeuvre et qu'on assurera les activités essentielles à la reprise, et non en instaurant des exonérations fiscales et sociales qui se traduisent en réalité par une diminution du salaire social, notamment des pensions de retraite.
Nous continuons, comme le rapporteur général, à être opposés à vos propositions d'exonération des charges patronales, comme nous l'avons été dès le début. Je pourrais en revanche être favorable à votre proposition de supprimer le plafond de 5 000 euros, mais pas avant la fin de l'année : il est beaucoup trop tôt aujourd'hui pour prendre une telle décision. Même si, comme le rapporteur général et le secrétaire d'État l'ont très justement rappelé, cela concerne aujourd'hui 5 % des salariés, elle pourrait être un outil d'accompagnement de la relance. C'est donc dans le cadre d'un plan de relance, et non dans celui de ces mesures d'urgence, qu'il conviendra d'y réfléchir.
Je profite de cette occasion pour rappeler que le ministère du travail a lancé la plateforme « Mobilisation emploi », qui rassemble plus de 12 000 offres d'emploi en provenance des secteurs en tension, comme la logistique ou l'agroalimentaire évoqués par M. Le Fur. En outre, le Gouvernement a facilité le prêt de salariés entre entreprises – le site du ministère du travail propose un modèle de convention-type – afin de permettre à des salariés actuellement au chômage partiel de retrouver l'intégralité de leur salaire en allant travailler dans une entreprise qui a besoin de main-d'oeuvre et de maintenir ainsi leur pouvoir d'achat.
L'amendement no 427 est retiré.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2020.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures dix.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra