La discussion de ce jour concerne le volet économique de la crise sanitaire. Comme je l'avais déjà évoqué le 11 février dernier, cette crise, triste mais réelle illustration de la mondialisation des échanges, pose la question de notre souveraineté industrielle. Deux mois après, ces mots sont toujours d'une criante vérité, et demain, lorsque des mesures seront prises pour relancer notre économie, il faudra se souvenir en quoi les choix de politique économique de ces dernières décennies ont passablement affaibli la capacité de résilience de notre pays et son aptitude à encaisser une telle crise.
En attendant ce « monde d'après » et les « décisions de rupture » auxquelles semble s'être converti le Président de la République, nous débattons ce matin des mesures d'urgence que l'État met en oeuvre pour répondre à l'effondrement de notre économie. Nous souhaitons tous que celui-ci soit le plus bref possible, mais je crains comme vous, monsieur le ministre, que la crise économique ne dure – il me paraît nécessaire de rappeler cette vérité à nos compatriotes.
Tout d'abord, je trouve très pertinente la stratégie qui a consisté à privilégier le recours au chômage partiel, même si cela représente un coût très important pour nos finances publiques. En plus de sécuriser l'avenir des salariés, cela permet aux entreprises de garder des savoir-faire, des salariés compétents et donc leur capacité, dès que les conditions sanitaires le permettront, de reprendre une activité plus normale.
Pour ce qui est du soutien aux entreprises et particulièrement aux plus petites, permettez-moi de trouver que la solution retenue par le Gouvernement, le fonds de solidarité, manque de simplicité, donc d'efficacité, et paraît largement insuffisante face à la fermeture administrative des entreprises. Le 20 mars dernier, j'ai fait une proposition ayant le même objectif que la vôtre et pour un montant dont vous vous approchez désormais.
Les principales différences avec vos dispositifs sont l'aspect direct et le volume d'aide. Sur bien des aspects, cette crise rappelle que la lourdeur administrative ralentit les effets des politiques sur le terrain. Vous avez reconnu vous-même en commission, monsieur le ministre, qu'il y aura un problème d'engorgement si davantage d'entreprises font appel à ce fonds, notamment à son deuxième étage.
Là où vous mobilisez les circuits intermédiaires – notamment Bpifrance et les banques commerciales – , mettez en place des critères d'attribution – plus de 50 % de perte de chiffre d'affaires – et utilisez deux niveaux de réponse en fonction des montants, je propose un dispositif d'appui en fonds propres soutenant directement et automatiquement les entreprises de moins de 1 000 salariés : chaque mois, un forfait de 1 500 euros par entreprise, auquel s'ajouteraient 1 000 euros par salarié. Ces fonds seraient versés par la Banque de France, tant que dure la crise, directement sur le compte des entreprises. Ce dispositif permettrait de pallier le problème de liquidités des entreprises de moins de 1 000 salariés, sans discrimination, sans procédures bureaucratiques, sans « trous dans la raquette » et, même, sans effet d'aubaine. Notons que les mécanismes prévus permettent d'ores et déjà aux grandes entreprises de trouver les solutions adaptées à leur situation.
À côté de ce fonds, vous augmentez passablement les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » pour les porter à 20 milliards. Je sais qu'il est difficile de dire à quel niveau et dans quelles entreprises vous comptez prendre des participations, mais si deux fleurons comme Renault et Air France sont évoqués, pourriez-vous faire connaître les critères de choix : l'emploi, le secteur, les entreprises ciblées par des puissances étrangères ? Bref, quelle est votre stratégie ?
Un mot, bien sûr, sur l'augmentation du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, dont vous ne faites guère de publicité – cela se comprend vu la nullité de cette dernière durant cette crise, à tel point que Mme von der Leyen a dû présenter des excuses en son nom ! Certes, la Banque centrale européenne a joué son rôle, mais, comme nous n'avons plus le levier monétaire, il est juste normal que celle qui le détient l'utilise. Ce prélèvement est pour moi l'occasion de rappeler qu'il n'existe pas d'argent de l'Union européenne, mais seulement de l'argent des nations donné à l'Union européenne.