Voilà donc la solution. Il n'est pas acceptable, je l'affirme sans chercher d'excessives polémiques, que vous ayez eu l'idée de proposer des eurobonds sans prévoir qu'ils vous seraient refusés, alors que ceux-ci ne représentent rien d'autre qu'un accroissement supplémentaire de la dette. De surcroît, nous en perdrions le contrôle car les autres seraient solidairement responsables avec nous. Non, ce n'est pas une bonne solution. Le mur de la dette doit être abaissé, et vous ne pouvez pas dire aux Français que c'est en la remboursant qu'ils en viendront à bout.
L'Europe s'est dérobée. L'Union européenne est une machine consistant pour l'essentiel à mettre une camisole aux Français, aux Italiens et aux Espagnols, respectivement deuxième, troisième et quatrième économies européennes, au seul bénéfice des économies concurrentes de l'Allemagne et des Pays-Bas, lesquels, dans les circonstances actuelles, n'ont fait preuve d'aucune solidarité avec nous, alors que nous nous étions gentiment alignés sur eux quand ils ont pris la décision absurde de convertir leurs marks de l'Est en marks de l'Ouest ! Il nous a été rétorqué que cela déclencherait une inflation terrible – mais celle-ci ne serait pas que terrible car elle permettrait de faire fondre la dette perpétuelle.
Notez qu'alors même que la Banque centrale européenne a injecté en presque deux ans 85 milliards d'euros par mois dans les banques privées sans aucune condition, soit un total équivalant à la production de la richesse totale de la France, il a été enregistré à peine plus d'1 point d'inflation dans la zone euro. Cela signifie que la totalité de cette somme est partie dans la sphère financière sans qu'on en trouve trace dans l'économie réelle.
Si vous mettez bout à bout les 1 380 milliards d'euros que nous retrouverions avec cette mesure, plus les 750 milliards que vous pourriez retirer de l'assurance-vie en privant les sommes placées à l'étranger – soit 1 euro sur 2 des encours – de l'avantage fiscal octroyé en France, plus les 400 milliards qui se trouvent dans les caisses du Livret A, il s'avère que la France n'est pas le dos au mur ! Tout au contraire, elle dispose de l'épargne et des moyens suffisants pour affronter, avec toute la force nécessaire, le redéploiement massif de son économie et la conversion de ses moyens de production et d'échange.
Il n'est pas vrai que nous ayons à choisir entre la dette, la souffrance sans fin du remboursement, ou bien le collapse du changement climatique parce que nous recommencerions à produire tout et n'importe quoi comme des fous furieux !
Voilà ce que je voulais dire à la représentation nationale, à mes collègues, ne serait-ce que pour leur transmettre cette conviction que la France peut et doit cesser de se résigner aux règles de la comptabilité étroite infligée par le gouvernement allemand à tout le reste de l'Europe et imposée par les néolibéraux, en croyant que le marché est la seule solution pour permettre à l'activité humaine de se déployer afin de faire face à la catastrophe sanitaire et à ses conséquences qui ne font que venir !
Le ministre de l'économie et des finances l'a dit, le recul de la production qui s'annonce est sans précédent, de même que la crise sociale qui viendra des États-Unis et la désorganisation de l'économie mondiale par la globalisation qui s'est développée au cours des trente dernières années ! Puisque c'est sans précédent, recourons donc à des moyens sans précédent, mais pacifiques, méthodiques et ordonnés, qui nous épargneront le chaos, ayant conduit à la précédente guerre mondiale, d'une dette excessive et impayable, laquelle pèserait sur nos épaules davantage que sur tout autre peuple !