Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de Covid-19 mettent à l'épreuve nos systèmes de santé et nos économies, et contribuent à amplifier les rapports de force sur la scène internationale. Tandis qu'elle fait face à la plus importante crise sanitaire qu'elle ait connue depuis sa création, l'Organisation mondiale de la santé – OMS – fait l'objet de toutes les attentions. Alors que l'ampleur inédite de cette crise réclame une réponse internationale coordonnée, l'OMS est devenue la cible de violentes critiques, avant d'être tout simplement mise en cause par le président américain Donald Trump. La suspension du financement de l'Organisation en pleine crise sanitaire acte ainsi sa volonté de désengager son pays des institutions intergouvemementales. À l'inverse, la Chine entend les investir massivement, tout en promouvant sa propre conception des relations internationales, notamment à l'aide des nouvelles routes de la soie.
Avec l'affaiblissement de l'OMS et le renforcement de ces ambitions hégémoniques, c'est tout un système qui est mis à mal, un système fondé sur la coopération internationale et l'entraide entre les nations : le multilatéralisme si cher à ceux qui ont contribué à son élaboration, au sortir de cette autre période sombre que fut la seconde guerre mondiale. Cet ordre multilatéral, vous l'avez mis à l'honneur, monsieur le ministre, en créant en avril 2019 l'Alliance pour le multilatéralisme. Convaincus que les grands défis qui s'imposent à nous ne peuvent être relevés que grâce à la coopération, la France et ses partenaires peuvent et doivent constituer la garde prétorienne de cette approche globale, y compris et surtout en matière de santé mondiale. Cet ordre connaîtra sans doute de profondes mutations durant la crise, et à plus forte raison une fois celle-ci résolue.
Dans cette perspective, quels sont le rôle et la stratégie dont la France entend se doter, afin de rendre force et crédibilité à l'OMS, et plus largement à l'ensemble des institutions supranationales ?