Ce n'est pas rien. Depuis le 23 mars, nous vivons en état d'urgence. Je le dis avec d'autant plus de responsabilité que j'étais présent pour défendre l'état d'urgence sanitaire au nom du groupe Les Républicains au mois de mars. J'ai voté, nous avons voté, cet état d'urgence sanitaire, car il s'imposait. Mais il n'empêche que, depuis le 23 mars, nous vivons dans un état d'exception exorbitant du droit commun. Dans ce contexte, il est important que nous nous préoccupions des libertés individuelles et collectives.
L'état d'urgence n'a pas simplement touché un ou deux éléments du droit positif : ce sont des pans entiers du droit social, pénal, du droit de la sécurité sociale, du droit des collectivités locales et du droit des obligations qui ont été bousculés ; ce sont des grands principes à valeur constitutionnelle qui ont été chamboulés, comme la liberté d'aller et venir. Ce n'est pas rien, d'autant que ces pouvoirs d'exception seront en vigueur pour deux mois supplémentaires puisqu'une nouvelle loi, nous dit-on, les prorogera jusqu'au 23 juillet.
Vous comprendrez que le débat que nous voudrions avoir, et que nous aurons, je l'espère, sur le tracking, le « flicage » selon certains ou la généralisation des bracelets électroniques, selon d'autres, est un débat important. Je ne prétends pas que le bracelet électronique sera généralisé, monsieur le Premier ministre, mais comprenez que les libertés individuelles et collectives préoccupent l'ensemble de nos concitoyens.
La CNIL n'est pas hostile par principe au tracking. La semaine dernière, elle a rendu un avis qui constitue, en quelque sorte, un cahier des charges : n'ayant pas été saisie sur un projet en particulier, elle a formulé des préconisations importantes.
Monsieur le Premier ministre, il conviendra aussi d'insister sur notre souveraineté numérique. Il ne sert à rien d'avoir un serveur national si le traitement des données est effectué à l'extérieur du pays. Or c'est ce qui se passe avec Microsoft, qui a signé avec l'État un contrat relatif aux entrepôts de données. Soyons vigilants.
Si la peur est parfois mauvaise conseillère, elle nous amène aussi à nous interroger sur les fondements de notre démocratie, ce qui est plutôt heureux. Cela peut nous réunir : il n'y a rien de pire que la banalisation des atteintes aux principes fondateurs des grandes libertés qui sont le socle de notre démocratie.