Nous n'avons pas parlé des Kurdes, qui ont été bien mal récompensés par les Turcs, par la communauté internationale et par le président américain, qui a laissé faire, des efforts considérables qu'ils avaient déployés dans la lutte contre Daech. Or, parmi les racines de la crise, il y a quand même la volonté des Turcs de liquider les Kurdes, qui menaçaient de constituer un État plus ou moins autonome dans la région. Ce fut l'époque de la lune de miel entre Turcs et Russes, qui a vu la mise en coupe réglée des populations kurdes. Où en est ce dossier ? Comment la France et l'Europe entendent-elles agir dans cette affaire ?
Vous avez évoqué, avec une gravité justifiée, l'ampleur des violences infligées par l'armée syrienne aux populations civiles dans la zone d'Idlib. Vous avez parlé de bombardements : or, à ma connaissance, l'essentiel des forces aériennes qui interviennent dans la zone ne sont pas syriennes mais russes. C'est en tout cas ce que disent les médias. Quelle est votre position, alors que nous amorçons un rapprochement avec la Russie, dont la politique est au-delà du cynisme, d'une violence extraordinaire ?
Enfin, la question des migrants est un problème considérable, compte tenu du piège dans lequel nous enferme le président Erdogan, en menaçant, si nous ne le soutenons pas, de rompre les accords passés avec l'Union européenne, d'ouvrir les frontières et de « lâcher » ces personnes. Il se trouve qu'en Europe nous sommes des gentils, pour qui le droit d'asile est sacré. Or, si nous refusons les demandes de droit d'asile, comme veulent le faire prévaloir les Grecs, nous bafouons nos principes ; mais si nous consentons à examiner ces demandes et si nous ne nous en tenons pas à une politique très rigoureuse de fermeture des frontières vis-à-vis des Turcs, nous cédons à Erdogan, qui jouera sur du velours. Dans ces conditions, devons-nous considérer que refuser aujourd'hui d'examiner des demandes de droit d'asile équivaut à refuser l'asile ? Ne doit pas considérer que, jusqu'à présent, les accords passés entre l'Union européenne et la Turquie avaient instauré une manière de cogestion du droit d'asile – les Turcs s'occupant des réfugiés pour lesquels nous leur versions des sommes importantes –, mais que les Turcs ont rompu le contrat de manière unilatérale ? C'est une question à la fois politique et juridique, extrêmement complexe. Comment pensez-vous qu'on puisse échapper au piège tendu par le président Erdogan ?