Ce à quoi nous assistons dans l'enclave d'Idlib, c'est en réalité à la renaissance d'un péril ottoman qui, venant s'ajouter au péril iranien, s'étend sur le Moyen-Orient. Ce péril, on le voit poindre depuis des années, sous les mutations extraordinaires qu'a connues la Turquie du président Erdogan. C'est une chose que l'on ressent quand on va se promener du côté de Mossoul ou du Kurdistan : les Turcs ne sont plus ceux que nous avons connus. Peut-être en portons-nous une part de responsabilité, puisque certains auraient voulu les intégrer à l'Europe, mais cela ne s'est pas fait.
En réalité, ne nous voilons pas la face : la Turquie a envahi la Syrie, et tout vient de là. Cela s'appelle un acte de guerre ou, comme on dit en droit romain, la debellatio. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que les Turcs décident d'entrer sur le territoire syrien, mais cette fois-ci, ils le font en armes. Que je sache, ce sont des soldats turcs qui sont morts, et je suppose donc qu'ils n'avaient pas que des cacahuètes dans les poches.
L'accord de Sotchi, dont la France n'est pas signataire, a alors été rompu. On se demande au nom de quoi le président Erdogan pourrait nous appeler au secours, alors qu'il a commis, une fois de plus, un acte de guerre caractérisé. L'origine de cette crise ne réside pas seulement, en effet, dans le chantage odieux qu'il est en train de faire à l'Union européenne. On sait que les Turcs se sont baladés à plusieurs reprises en Syrie, à proximité de la frontière, pour massacrer les Kurdes. Il arrive un moment où la coupe est pleine.
Je souhaiterais évoquer deux sujets. Premièrement, nous devons avoir une réaction extrêmement dure à l'égard des Turcs. La question de leur présence au sein de l'OTAN devra être, un jour ou l'autre, tranchée. Ils achètent du matériel aux Russes tout en combattant partout. Je ne vois pas quels liens nous unissent à Erdogan : il incarne, en réalité, le péril ottoman hors de l'OTAN, tout en étant membre de l'organisation. C'est une situation extraordinaire. Il faut avoir une position extrêmement stricte, et ne pas se contenter d'une action humanitaire. Cela conduit à ma première question : l'OTAN a-t-elle décidé de prendre des mesures à l'égard de l'« allié » turc ?
Deuxièmement, le droit d'asile partagé n'existe pas. En tout état de cause, nous ne le partageons pas avec M. Erdogan. Nous payons l'arrivée de gens extraits de la guerre de Syrie – dans laquelle la Turquie n'a pas toujours joué un rôle très honorable. Nous ne cassons pas le droit d'asile, car nous ne le partageons pas. Les Turcs mettent les gens dehors à la suite d'un acte de guerre, ce qui n'est pas du tout la même chose. Il faut le dire car, bientôt, ça va être de notre faute ! En réalité, ces gens ne demandent pas le droit d'asile ; ils subissent les conséquences de ces actions violentes. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas les aider mais rappelons que les Turcs assument une responsabilité énorme. Monsieur le ministre, qu'allons-nous faire ? Pour une fois, allons-nous montrer notre détermination à ne pas nous laisser faire par cet individu, qui est en train, après l'Iran, de mettre le Moyen-Orient à feu et à sang ?