Oui, mais la Turquie est toujours membre de l'alliance. Il nous faut, sur ce sujet, une grande explication. Tant qu'elle n'aura pas lieu, régneront le doute ou la contradiction permanente. C'est une des raisons qui ont conduit le Président de la République à demander, à Londres, une véritable réflexion stratégique de l'OTAN sur ce qui fait le coeur de l'Alliance atlantique. Ces ambiguïtés ne peuvent perdurer. On ne sait plus si la Turquie est dans l'alliance, hors de l'alliance ou à côté de celle-ci. Je veux le dire avec beaucoup de force : il faudra parler avec les Turcs, au vu de l'ensemble des contentieux que nous entretenons, et tout mettre sur la table. Cette position nous permettra d'être fermes lors des échéances à venir.
Monsieur Bourlanges, vous avez évoqué, à juste titre, le cynisme qui est à l'oeuvre : nous vivons en effet au milieu d'acteurs cyniques. Il faut avoir un jugement acéré, car chacun a ses raisons pour justifier des actes inqualifiables. Vous demandez comment des avions syriens peuvent effectuer des bombardements alors que les Russes ont la maîtrise du ciel. Des bombardements turcs et syriens ont lieu sur la zone, alors que le ciel fait l'objet d'un accord de « déconfliction » conclu par les Russes. Je crois nécessaire d'être pragmatique pour sortir de la crise de la meilleure façon possible.
Je ne formulerai pas d'hypothèse quant à la position qu'adopteront les Européens, puisqu'une réunion se tient aujourd'hui à Ankara et que les présidents Erdogan et Poutine se réuniront demain. Notre posture politique de fond, au sujet de la crise syrienne, consiste à revenir à l'accord de Sotchi, à respecter le cessez-le-feu, à favoriser l'accélération du processus politique – il n'y aura de règlement de la crise syrienne que de cette façon. Un comité constitutionnel doit élaborer des modifications à la constitution syrienne, ce qui permettra la tenue d'élections libres, auxquelles tous les Syriens pourront participer, en particulier les déplacés, voire les réfugiés. La création du comité constitutionnel a demandé un an ; il a fallu deux mois pour s'accorder sur six noms – et un mois pour un seul nom –, sachant que cet organe sera composé de près de 150 personnes. C'est une longue entreprise, mais il n'y a pas d'autre possibilité. Il importe de respecter la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui intègre ce processus. Voilà la feuille de route de sortie de crise, qui n'est, pour l'heure, pas respectée, mais qu'il faut conserver.
S'agissant du chantage du président Erdogan, qui, je le redis, est inacceptable, nous sommes totalement solidaires de la Grèce. Nous envisagerons demain – étant rappelé que les ministres de l'intérieur de l'Union engagent la réflexion aujourd'hui – la manière de mobiliser FRONTEX et de répondre aux demandes grecques – lesquelles, j'y insiste, ne sont pas d'ordre militaire.