Monsieur Joncour, il est vrai que la menace persiste autour du lac Tchad, singulièrement au Nigéria. La situation est préoccupante et incertaine, car nous avons affaire à deux mouvements – le groupe État islamique en Afrique de l'Ouest (ISWAP), dirigé par Al-Barnaoui et soutenu par Daech, et Boko Haram, dirigé par Shekau et qui est plutôt dans la mouvance d'Al-Qaïda – qui se font concurrence. Je me suis rendu il y a peu de temps à Maroua, dans la région Extrême-Nord, au Cameroun. Je suis aussi allé au Nigéria. La force multinationale mixte (FMM), dispositif que j'ai été amené à créer dans des fonctions antérieures, permet de mobiliser 10 000 hommes. Son siège est à N'Djamena, au Tchad, et une cellule de fusion du renseignement est installée à Abuja, au Nigéria. La menace est à peu près endiguée. Nous avons mobilisé un soutien humanitaire significatif dans l'ensemble de la zone pour appuyer les communautés autour du lac Tchad. Il n'en reste pas moins que la menace est constante ; c'est une source de graves préoccupations pour les autorités camerounaises, nigérianes et tchadiennes. L'élargissement du G5 Sahel n'est pas d'actualité car des dispositifs spécifiques existent déjà, qui ont donné des résultats. De plus, la menace est un peu différente. Nous préférons renforcer le dispositif existant, quitte à lui apporter les inflexions qui paraîtraient nécessaires.
Monsieur Quentin, vous avez rappelé mon déplacement historique au Cameroun. Je précise d'ailleurs que j'ai attendu, avant de m'y rendre, que des initiatives soient prises par le président Biya – en particulier la libération de prisonniers, y compris celle de M. Kamto, que j'ai rencontré, ainsi que d'autres personnalités de l'opposition. Nous avons fait savoir au président Biya qu'il était indispensable, de notre point de vue, d'engager des démarches visant à accroître la décentralisation et à approfondir la démocratie, dans le cadre des conclusions du grand dialogue national qu'il avait lancé, et de mettre en place un statut spécial pour les zones anglophones. Nous maintenons cette position. Une offre d'expertise a été faite au Cameroun ; nous attendons que les autorités s'en saisissent. Il importe que des gestes d'ouverture soient faits pour rétablir la confiance entre les parties. Il m'avait semblé que les choses s'étaient apaisées, mais peut-être avais-je fait preuve d'optimisme, ce qui n'est pas très fréquent vu les fonctions que j'exerce… Quand je me suis rendu là-bas, j'ai bénéficié d'un moment de calme véritable, après les nombreuses tempêtes que le Cameroun a connues. C'était avant les événements dans la région de Ntumbo, auxquels vous avez fait référence. Nous souhaitons faire toute la lumière sur cette attaque dans laquelle de nombreuses personnes sont mortes, et nous appuierons toutes les initiatives qui permettront de traduire en justice les auteurs de ces actes une fois qu'ils auront été identifiés, car il est tout à fait essentiel de savoir qui a fait quoi – d'autant que certains réseaux sociaux se livrent, comme toujours, à des interprétations, et propagent des déclarations qu'il est impossible de vérifier. Il faut établir les faits et, sur cette base, demander aux autorités d'engager les actions indispensables.
S'agissant des îles Éparses, madame Kuric, je me suis rendu à l'île Maurice et à Madagascar il y a quelques jours. J'ai rencontré le nouveau président, M. Rajoelina, qui est à la tête d'un pays particulièrement sinistré – c'est le moins qu'on puisse dire. Le président Rajoelina manifeste la volonté de relever les défis auxquels fait face son pays, mais ils sont énormes. Il ne faudrait pas que ces défis soient évacués au profit d'un autre, à savoir le statut des îles Éparses. Il y a la question des îles Éparses, mais il y a aussi celle du développement de Madagascar. Nous sommes convenus, dans un bon état d'esprit, de mettre en place une commission mixte consacrée à la question du statut des îles Éparses. Nous allons faire des propositions. Nous avons des points de vue différents sur la souveraineté de ces îles, constatons-le. Nous allons essayer d'agir pour faire en sorte que la contribution des îles Éparses au développement de Madagascar soit significative, car la situation économique et sociale du pays est extrêmement difficile.
Monsieur Waserman, en ce qui concerne la diplomatie franco-allemande, en particulier au Sahel, je trouve l'initiative du G5 parlementaire excellente. Cela permet, d'abord, d'assurer l'information presque en continu des différents acteurs – français et allemands, mais aussi des cinq pays du Sahel – et, ensuite, de faire en sorte que le mouvement s'engage. Nous avons eu de nombreuses réunions consacrées au Sahel ces derniers temps. Le sommet de Pau a été un moment très important. Je me suis rendu à nouveau au Sahel la semaine dernière, et j'y retournerai dans quelques jours. Je sens une volonté véritable des acteurs de mettre en oeuvre les mesures qui ont été actées lors du sommet de Pau. J'ai eu l'occasion de rencontrer les cinq chefs d'État dans une configuration restreinte pour faire le point. Les choses avancent bien. Les forces maliennes sont à Kidal depuis une dizaine de jours, et le Premier ministre malien s'y est rendu aujourd'hui, ce qui est un événement. Les forces françaises ont été renforcées. Un sommet de l'Alliance Sahel a eu lieu, pour traiter des questions de développement. Il a été très positif. Il arrive parfois que nous ayons de bonnes surprises et des satisfactions : cela en fait partie. J'imagine que le G5 parlementaire permettra de conforter le processus, mais aussi la collaboration franco-allemande à ce sujet.