Intervention de Axel Cruau

Réunion du mercredi 25 mars 2020 à 15h00
Commission des affaires étrangères

Axel Cruau, coordinateur de la task force coronavirus :

Un point pour commencer sur l'épidémie : nous en sommes aujourd'hui à plus de 400 000 cas et plus de 18 000 décès dans plus de cent soixante-dix États et territoires. Ce qui malheureusement est le plus intéressant, c'est la cinétique de cette épidémie. Selon le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), il a fallu soixante-sept jours pour atteindre 100 000 cas, onze jours pour atteindre 200 000 cas et quatre seulement pour atteindre 300 000 cas… Nous sommes dans une phase d'accélération mondiale. Si la situation en Chine s'améliore, c'est-à-dire qu'il n'y a pratiquement plus de cas domestiques mais uniquement des cas réimportés – le Hubei et bientôt sa capitale, Wuhan, vont lever leurs mesures de confinement –, ce n'est absolument pas le cas dans d'autres régions. Comme vous le savez, l'Europe est devenue l'épicentre de l'épidémie : hier matin, nous étions à plus de 180 000 cas en Europe et plus de 10 000 morts.

L'ensemble des pays adoptent des mesures prophylactiques similaires pour combattre l'épidémie, comme la fermeture des frontières ou le passage en confinement. L'Inde ayant décidé hier de confiner sa population, pratiquement un tiers de l'humanité est désormais en confinement, soit près de 3 milliards de personnes. Les mesures sont de plus en plus dures dans un certain nombre de pays pour tenter d'assécher l'épidémie.

Il y a bien sûr des inquiétudes sur l'état de l'économie. Certaines zones ont réagi pour tenter de faire face : une bonne nouvelle est arrivée dans la nuit avec l'accord aux États-Unis entre démocrates et républicains sur un paquet d'aides qui, initialement, devait être de 1 000 milliards de dollars et qui approcherait en fait les 2 000 milliards de dollars. Les aides iront tant aux petites et aux grandes entreprises qu'aux personnes, au système de santé, etc. Les bourses ont du reste commencé à saluer ce mouvement : Wall Street était en hausse hier avant même l'annonce de l'accord ; le Nikkei enregistrait ce matin un rebond de plus de 8 %.

La coordination internationale doit se poursuivre. Une réunion du G7 a eu lieu hier ; il y aura bientôt une réunion du G20. Du côté européen, les réactions sont malheureusement insuffisantes : la réunion de l'Eurogroupe hier n'a pas donné lieu à un accord ; on peut espérer que la réunion du Conseil européen permettra de fixer une ligne commune.

Nous partageons vos inquiétudes concernant les grandes zones du monde, en particulier sur l'Afrique ; nous y reviendrons tout à l'heure.

Du côté du ministère des affaires étrangères, nous nous adaptons au jour le jour et heure par heure à la situation, avec une immense mobilisation du Centre de crise et de soutien, ainsi que de l'ensemble des services en interministériel, au service de nos communautés françaises et de la continuité de notre réaction diplomatique. Nous faisons le maximum pour traiter l'ensemble des situations personnelles et répondre aux inquiétudes. À ce sujet, la task force a désigné une personne spécifiquement chargée de prendre en compte tous les cas particuliers que vous-mêmes faites remonter, afin de fluidifier au maximum le processus.

Au-delà, même si nous sommes actuellement au coeur de la tragédie, il faut commencer à préparer la sortie de crise : comme en Chine, nous aurons vraisemblablement une problématique de sortie du confinement : il faudra impérativement éviter l'importation de nouveaux cas, qui prolongerait l'épidémie. L'État y travaille sous l'égide du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, mais cela exige un effort collectif d'anticipation : nous devons réfléchir aux jours d'après, c'est-à-dire à tout ce qui pourrait changer dans notre vie économique et sociale, et à toutes les conséquences qui pourraient en découler sur le plan national comme sur le plan géopolitique. Une réflexion est en cours au ministère des affaires étrangères ; elle doit être commune à l'ensemble des ministères et le Parlement aura un rôle à jouer en ce domaine : sa réflexion sur les leçons que nous devrions tirer de cette crise nous serait très précieuse.

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