Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du mercredi 8 avril 2020 à 15h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. :

Nous traversons la plus grande crise mondiale depuis la guerre de 1939-1945, à la suite de laquelle la communauté internationale s'était dotée d'outils multilatéraux, comme les Nations unies ou l'OMS. Ce multilatéralisme aujourd'hui bloqué, la crise actuelle, qui est d'une tout autre nature mais d'une ampleur équivalente, nous incite à le repenser, et à prendre à bras-le-corps tous les enjeux de gestion des grands objectifs communs. Pour la première fois, la moitié de l'humanité est confinée ! Le multilatéralisme doit renaître. Les fondateurs de l'Alliance pour le multilatéralisme, dont l'Allemagne et la France, réfléchissent à la manière de le relancer, notamment autour des questions sanitaires, sur les bases définies à New York il y a un peu moins d'un an.

S'agissant des questions environnementales, madame Le Peih, le plus grand risque, une fois que nous serons sortis de la crise, sera celui de la parenthèse ou de l'amnésie. Voilà encore une raison pour relancer le multilatéralisme : il faut prendre date et poser les jalons d'une nouvelle donne, à la suite des initiatives déjà prises par le Président de la République en Afrique et dans ses discussions avec les chefs d'État et de gouvernement.

Il faut réorienter et renforcer l'aide publique au développement : cela n'est en rien contradictoire, monsieur Lecoq. Réorienter, parce que l'aide au développement doit répondre à des enjeux immédiats de santé – 1,2 milliard d'euros ont été attribués en ce sens. Renforcer, parce que l'aide au développement doit être plus pertinente et plus significative.

Je n'ai pas dit que le GIEC santé avait pour vocation de se substituer à l'OMS, bien au contraire ! Nous avons besoin d'une autorité indépendante comme référence scientifique sur les grands enjeux de santé. L'OMS doit être confortée dans son rôle – formation, diffusion de l'information, organisation des soins dans les pays en difficulté. J'ajoute que l'Alliance globale pour les vaccins et l'immunisation (GAVI) sera bientôt mobilisée, afin que les pays les plus vulnérables puissent bénéficier de vaccins à prix maîtrisé.

Il n'y a pas lieu, monsieur Cordier, de polémiquer sur le chiffre des masques offerts à la Chine à un moment où personne n'imaginait l'ampleur que prendrait la crise. Nous lui en avons offert 500 000 au mois de janvier ; elle nous en a offert 1 million quelques semaines plus tard. Nous avons donc été bénéficiaires de l'opération de solidarité.

Afin de protéger le personnel des ambassades et des consulats, un plan de continuité d'activité a été mis en oeuvre. La plupart de nos agents sont en télétravail, comme au Quai d'Orsay, et seuls 8 à 10 % sont présents dans les bureaux. Pour ce qui est des militaires, il conviendrait d'interroger plutôt la ministre des armées. Ils sont mis en quatorzaine en France, avant leur départ. L'état-major veille très étroitement à la santé des militaires de l'opération Barkhane, avec le soutien du service de santé des armées (SSA).

Monsieur Dupont-Aignan, 2,5 milliards de masques au total ont été commandés et qui arriveront d'ici à la fin du mois de juin. Le pont aérien va progressivement monter en puissance. Le pilote mis en quarantaine en Chine reviendra aujourd'hui en France. La Chine étant en phase de déconfinement, il est logique que ses autorités soient particulièrement attentives à éviter une réimportation du virus.

Il existe à Roissy un espace de transit en zone internationale, pour les quelques vols commerciaux qui subsistent, mais aucun non-Européen ne peut en sortir pour entrer sur notre territoire s'il n'est pas en transit vers son pays d'origine. Je suis tout aussi vigilant que vous sur ce sujet.

Les discussions concernant le mécanisme européen de stabilité se terminant demain, je n'en dirai rien de plus, monsieur Julien-Laferrière. Le confinement en Afrique souffre de plusieurs handicaps dans la lutte contre la pandémie, notamment de la grande fragilité de son dispositif sanitaire. Il faut parvenir à faire appliquer les mesures d'hygiène de base pour éviter la contamination. Nous travaillons sur cette question avec les autorités africaines.

Monsieur Dumont, le contrôle coordonné des frontières se poursuit, avec l'Allemagne, la Suisse, la Belgique et l'Espagne, sur la base d'une coordination de nos dispositifs de déplacement. Les flux de marchandises doivent pouvoir continuer à circuler, tout comme les travailleurs transfrontaliers. Cela demeure néanmoins contraint : entre l'Allemagne et la France, il n'y a ainsi que cinq points de passage, particulièrement contrôlés.

Si les réponses politiques ont divergé au début de la pandémie, elles s'alignent désormais sur la même logique, incontournable. De la même façon, les pays s'accordent sur les enjeux de souveraineté, notamment dans les secteurs sanitaires et alimentaires, et le concept de souveraineté stratégique européenne commence à émerger, lequel devrait être un bon paravent contre les investissements agressifs. Rappelons que le Président de la République abordait déjà cette question dans son discours de la Sorbonne.

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