Nous sommes tous accablés de demandes d'explications émanant des entreprises. Ce qui compte dans un tel plan, c'est sa capacité à être exécuté rapidement. Nous allons le voter, car nous avons tous la volonté de déboucher sur un résultat, quelles que soient nos positions politiques : nous devons agir vite en nous adaptant à une situation extrêmement grave. À la différence de la crise de 2008, ce sont de nombreuses très petites entreprises qui sont touchées. Peut-être la crise que nous vivons sera-t-elle aussi profonde que celle de 2008 – personne ne peut actuellement le savoir ; quoi qu'il en soit, elle touche de manière plus immédiate et plus brutale des entreprises déjà structurellement fragiles, compte tenu de leur trésorerie. La vitesse d'exécution est un élément extrêmement important, au moins autant que le contenu des mesures, et il nous faudra interroger le Gouvernement à ce sujet tout à l'heure.
Par ailleurs, nous abordons cette crise – je le dis très amicalement à Daniel Labaronne – dans une situation de faiblesse de nos finances publiques, ce qui constitue en soi un problème : ces dernières années, la France n'a pas reconstitué ses marges de manoeuvre financières. Nous devons donc être vigilants sur la qualité des mesures prises, mais aussi sur la suite des événements : une fois la crise passée, sera-t-il possible de revenir rapidement et facilement sur ces mesures pour retrouver l'équilibre financier ? C'est une question majeure.
Le Gouvernement me semble assez optimiste dans ses projections ; peut-être a-t-il raison de l'être, mais le Haut Conseil des finances publiques lui-même dit que ce texte n'est que le « premier » projet de loi de finances rectificative, ce qui signifie qu'il pourrait y en avoir plusieurs autres. Lors de la crise de 2008, nous avions subi une récession de près de 3 % et le déficit public avait plongé à presque 7 % du PIB. Les choses peuvent aller très vite, et la réduction des ressources financières – une mauvaise collecte de l'impôt – constitue un problème fondamental ; elle a été très importante au cours de la crise précédente et elle me semble très nettement sous-estimée par le Gouvernement. Il faudra donc que nous appliquions des mesures adaptées et que nous passions, à un moment donné, d'un plan de protection d'urgence – peut-être à plusieurs volets – à un véritable plan de relance visant à faire redémarrer l'économie. Pour cela, nous devons conserver des marges de manoeuvre budgétaires mais nous ne devons pas être les seuls à le faire – la BCE doit également s'y atteler pour aider l'ensemble des nations européennes, ce qu'elle a apparemment décidé de faire hier soir.
Le suivi de ces mesures est particulièrement important ; il fera l'objet d'un amendement de notre part. Bpifrance fait preuve de bonne volonté, elle joue son rôle de manière formidable, mais elle va être terriblement engorgée ; elle l'est déjà, et on voit des entreprises qui ne peuvent accéder à des mesures de trésorerie parce qu'elles se trouvent en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, voire simplement parce que leur notation les retient éloignées des crédits. Il faudra que nous soyons très attentifs à cette question et que nous distinguions de manière précise les entreprises qui ont le droit d'accéder au plan d'aide et celles qui n'y ont pas droit. C'est un terrain sensible : nous devons agir pour éviter une mortalité d'entreprises qui serait insupportable pour notre économie, pour la France et pour les Français, et dont nous aurions bien du mal à nous remettre.
Il est très rare qu'il y ait un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale parce que l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) est, par définition, un objectif. Si deux milliards sont prévus pour les dépenses de santé, ces deux milliards seront dépensés à ce titre et compris dans les soldes qui nous seront présentés.
Enfin, les écarts avec les prévisions du Gouvernement, qui étaient déjà très forts avant la crise, deviendront gigantesques. Un projet de loi de programmation des finances publiques devra être présenté le plus tôt possible à la sortie de la crise, dès que les premiers signes de reprise seront visibles – très bientôt, nous l'espérons.