Intervention de Stéphane Peu

Réunion du vendredi 20 mars 2020 à 11h40
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Je souhaite à mon tour, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, avoir une pensée pour les familles endeuillées, pour les malades et pour tous ceux, nombreux, qui agissent et font front contre cette épidémie. J'ai une pensée pour les personnels de santé et je tiens à dire qu'en cette période difficile, l'un des atouts de notre pays réside notamment dans la force de ses services publics.

Depuis le début de cette crise, notre famille politique s'est félicitée de l'attitude du Gouvernement qui a agi en transparence, qui a informé régulièrement et qui a fait fonctionner la vie démocratique. Je pense notamment aux réunions que le Premier ministre a organisées avec les chefs des groupes parlementaires et des groupes politiques, de façon à dégager le consensus dont la nation a besoin pour faire face à la crise.

Je veux rappeler notre attachement à cette vie démocratique. Dans un pays comme la France, avec l'histoire et les institutions qui sont les nôtres, le peuple n'adhérera aux mesures édictées que si la vie démocratique se poursuit dans des conditions normales. Nous ne sommes pas un régime autoritaire. Ce n'est pas notre histoire. La vie démocratique est la condition sine qua non de l'adhésion populaire. C'est la condition de la réussite de toute action.

Nous aurions préféré que ce projet de loi soit présenté autrement, qu'il commence par le commencement, c'est-à-dire par l'établissement de l'état d'urgence sanitaire, puis qu'il expose les mesures économiques et, enfin, les dispositions électorales.

Nous sommes d'accord avec l'instauration d'un état d'urgence sanitaire – c'est l'objet du titre II –, mais nous pensons qu'il doit être beaucoup plus limité dans le temps. Nous proposerons qu'à l'instar de ce qui s'était fait en 1955, cette durée soit ramenée à douze jours. Nous proposons que, tous les douze jours, le Parlement soit appelé à voter sa reconduction. Dans l'intervalle, il importe que les mesures soient concertées avec les forces démocratiques, notamment celles représentées au Parlement.

Si nous souscrivons aux mesures inscrites ici, nous regrettons toutefois, et nous l'avons déjà dit à propos du projet de loi de finances rectificative, que vous ne décrétiez pas l'état d'urgence pour l'hôpital public : vous n'avez rien proposé hier, ou très peu, et vous ne proposez rien aujourd'hui. Le Président de la République a dit que nous agirions « quoi qu'il en coûte » mais, dans les hôpitaux publics, on fait avec ce qu'on a. Il va bien falloir que le Parlement prenne des mesures d'urgence pour le secteur hospitalier.

Nous avons également des réserves sur le titre III, qui tiennent à la nécessité de fabriquer un consensus par le débat démocratique. Il ne peut pas y avoir de décision discrétionnaire des employeurs sur des sujets tels que les conditions de travail, les congés, le travail dominical, etc. Tout cela doit relever de la concertation, comme l'a prôné hier le ministre de l'économie et des finances dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Or, le titre III prend, sur certains aspects, des orientations qui vont à l'encontre de l'adhésion de l'ensemble des salariés dans une collectivité de travail, comme il doit y avoir l'adhésion de l'ensemble du peuple à l'échelle de la nation. Nous défendrons donc des amendements pour limiter ce glissement.

Enfin, concernant le titre Ier relatif aux élections, la nécessaire continuité de la vie démocratique vaut non seulement pour le Parlement, mais également pour les collectivités locales. Qu'en serait-il aujourd'hui de la mise en oeuvre de toutes les mesures d'urgence exceptionnelles que nous sommes en train de prendre s'il n'y avait les communes de France avec les maires, les agents municipaux et les services des collectivités territoriales ? Il faut à tout prix assurer cette continuité. Nous sommes favorables à ce que, partout où cela est possible, l'élection des maires et des adjoints issus du premier tour de l'élection municipale se tienne le plus rapidement possible. Ne prolongeons pas au-delà du 31 mars la fusion et le dépôt des listes pour le deuxième tour, sans quoi l'on remettrait en cause les résultats du premier tour avec tous les risques démocratiques que cela comporte ! Rien dans les mesures de confinement n'empêche de le faire !

Enfin, nous devons certes éviter les polémiques. Mais certains membres du Gouvernement ont tenu des propos absolument incompréhensibles – je pense notamment à Mme Pénicaud. Le Gouvernement ne peut pas délivrer des injonctions contradictoires sur ce qui est autorisé et sur ce qui ne l'est pas : on ne peut pas demander aux cols blancs de faire du télétravail en raison du confinement et, en même temps, ordonner aux ouvriers du bâtiment d'aller sur des chantiers totalement inutiles à la lutte contre le Covid-19 pour des raisons économiques. On ne peut pas tenir un discours à deux niveaux, selon que l'on soit puissant ou misérable, selon que l'on soit col blanc ou col bleu : c'est totalement irresponsable !

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