S'agissant de Mayotte, monsieur Ciotti, il est en effet essentiel que le Gouvernement soit vigilant étant donné le type d'habitat, l'extrême fragilité du système de santé et l'importance de l'immigration en provenance des Comores, même si celle-ci a beaucoup ralenti, au point qu'il arrive aujourd'hui que les flux s'inversent. Nous restons extrêmement vigilants sur tous ces sujets et je me réjouis que le cas de Mayotte ait été évoqué par le conseil scientifique.
Depuis le début de la crise, nous accompagnons le préfet, l'ARS et les élus de ce territoire dans la mise en place de réponses propres à faire face à une éventuelle augmentation de ses besoins. Aujourd'hui, Mayotte et l'ensemble des territoires ultramarins n'ont utilisé que 43 % des moyens mis à leur disposition. 30 % des capacités de réanimation de Mayotte sont utilisées ; sept respirateurs sont en cours de livraison ; vingt réservistes sont arrivés le 13 avril et les équipes seront renouvelées tous les quinze jours. Une stratégie a été définie pour ce territoire et elle est mise en oeuvre par l'ARS sur le terrain, avec le soutien du préfet, dans le cadre notamment de l'opération militaire Résilience. Il n'y a plus du tout de transport aérien de passagers pour Mayotte à la demande du préfet, pour éviter de nouvelles arrivées sur le territoire, d'autant qu'on a rapatrié des Mahorais venant de Madagascar ou des Comores. On a d'ailleurs instauré une quatorzaine stricte sur le site du régiment du service militaire adapté (SMA) de Mayotte.
L'État a mis en place un pont aérien depuis La Réunion pour faire parvenir à Mayotte le matériel qu'elle demande et, selon l'ARS, nous devrions parvenir à satisfaire ses besoins. Le conseil scientifique s'est interrogé dans son avis sur l'opportunité d'y ajouter la mise en place d'un hôpital de campagne ou d'une structure similaire ; une réponse devrait être apportée dans les jours qui viennent.
Il faut préciser – et cela vaut pour tous les territoires ultramarins – que deux ou trois fois par semaine du matériel y est acheminé pour satisfaire les besoins constatés par les ARS, mais j'ignore aujourd'hui quel territoire d'outre-mer en aura le plus besoin. Je ne sais pas lequel atteindra le premier le seuil critique ni auquel il faudra faire parvenir du matériel supplémentaire en vingt-quatre ou quarante-huit heures. C'est pour cela que deux, trois, quatre vagues de réponses sont mises en place par le Gouvernement.
S'agissant des écoles, des mesures ont été mises en place comme au niveau national, mais leur application se heurte à certaines spécificités locales. En effet, tout le monde n'a pas les moyens dans ces territoires d'accéder à l'enseignement en ligne. C'est pourquoi le rectorat a passé un accord avec La Poste pour assurer l'envoi sous forme papier des documents nécessaires à l'ensemble des élèves. Des bénévoles ont même fait du portage à domicile – je veux saluer leur implication. Les rectorats ont mis en place des kits de continuité pédagogique et d'autres aides à destination des familles. Même les chaînes de télévision diffusent des programmes spécifiquement destinés à ce public et je veux ici les en remercier. Cette continuité pédagogique est appelée à durer jusqu'au 11 mai selon les mêmes modalités et nous travaillons à renforcer l'équipement informatique déjà en place.
Monsieur Letchimy, vous n'êtes pas sans savoir que le manque de certains matériels, tels que les masques, se fait sentir non seulement au niveau national mais encore européen et même international. Je répète que ces équipements sont envoyés régulièrement aux territoires ultramarins et que ceux-ci sont servis avec la même diligence que l'Hexagone, voire plus vite – ce fut le cas dernièrement pour satisfaire les besoins constatés par les ARS. La plus grande partie de ces demandes a été satisfaite et il faut renouveler ce matériel toutes les semaines.
S'agissant des tests, une mobilisation générale sera effectivement nécessaire pour se conformer aux recommandations du conseil scientifique et équiper tout le territoire aussi rapidement que possible. Vous le savez, nous ne disposons pas aujourd'hui d'un nombre suffisant de tests au plan national. Là encore, ceux-ci devront faire l'objet d'une répartition juste et équilibrée selon les besoins. Comme le Président de la République l'a dit, à partir du 11 mai les équipements destinés à protéger nos concitoyens seront disponibles, dans les territoires ultramarins comme sur l'ensemble du territoire.
Vous avez évoqué la nécessité de penser « l'après ». Il est essentiel, en effet, de repenser notre modèle de développement, non seulement agricole – la souveraineté de ces territoires passant par leur souveraineté alimentaire –, mais aussi industriel, technologique – pour renforcer la connexion des territoires ultramarins – et sanitaire, le système de santé étant déjà en difficulté dans ces territoires avant la crise. Il nous faudra être innovants pour élaborer ce nouveau modèle social et économique. Nous avons, en coopération avec France Stratégies, lancé une réflexion à ce sujet et il faudra des mesures fortes. L'État ne pourra pas agir seul et les élus sont les bienvenus dans ce futur groupe de travail.
Monsieur Dunoyer, il y a, en Nouvelle-Calédonie comme en Polynésie française, des compétences en matière sanitaire comme dans le domaine économique. J'ai dit d'emblée que je souhaitais que ces territoires à statut spécifique bénéficient des outils mis en place par le Gouvernement, tels que le fonds de solidarité, applicable dans les trois territoires du Pacifique, mais aussi les garanties de prêt par la BPI comme en métropole. Je ne suis pas une experte du sujet, mais on me dit que les difficultés d'accès à ces dispositifs ont été levées, notamment celles liées aux numéros SIREN, et qu'il est désormais possible de bénéficier de l'ensemble de ces aides, tant en Nouvelle-Calédonie qu'en Polynésie.
Vous le savez, le chômage partiel n'a pas été mis en place dans les territoires ultramarins en raison d'une différence de régime, cette compétence relevant du gouvernement de ces territoires. Des aides similaires ont été mises en place sous une autre forme. Je vous confirme en revanche que le Gouvernement soutiendra les demandes de ces deux territoires. Un premier dispositif sera soumis demain au conseil des ministres visant à répondre au besoin de trésorerie de la Nouvelle-Calédonie. La même solution est aujourd'hui à l'étude pour la Polynésie française.
La solidarité se manifeste également envers les territoires du Pacifique au travers de l'envoi de masques et de tests. Nous avons mis en place un pont aérien vers la Polynésie française, et la Nouvelle-Calédonie assure le retour de ses concitoyens, avec l'aide du haut-commissaire.