Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Réunion du mardi 14 avril 2020 à 17h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Mission d'information de la conférence des Présidents sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Mardi 14 avril 2020

La séance est ouverte à 17 heures 30.

Présidence de M. Richard Ferrand.

La mission d'information procède à l'audition, en visioconférence, de Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer.

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Madame la ministre, mes chers collègues, selon le principe d'organisation qui guide nos travaux depuis le début, les trente-neuf membres de la mission d'information sont réunis en visioconférence. Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir répondu présente pour cette réunion consacrée aux outre-mer.

Avant de commencer cette réunion, je vous rappelle, mes chers collègues, qu'une note vous a été transmise cet après-midi. Elle procède à une première analyse des arrêtés préfectoraux pris en application de l'état d'urgence sanitaire. Le ministère de l'intérieur a ouvert au Parlement l'accès à une base de données recensant ces arrêtés afin que la mission puisse suivre l'application de ces mesures comme la loi le prescrit. Ces arrêtés concernent la régulation des déplacements, dont les mesures de couvre-feu, l'activité des établissements recevant du public et 111 décisions de réquisition qui concernent surtout les personnes nécessaires au fonctionnement des établissements de santé. Ces données seront publiées sur la page de la mission et régulièrement actualisées.

Madame la ministre, nous avons tenu à ce que notre mission d'information se penche rapidement sur le sujet des outre-mer dans le contexte de crise sanitaire mondiale que nous traversons. Nous n'ignorons pas, en effet, les problématiques particulières que rencontre l'outre-mer. La gestion de l'épidémie y est sans doute encore plus difficile que dans l'Hexagone pour des raisons tenant à l'insularité, à l'éloignement de l'Hexagone, à la logistique de l'acheminement des matériels et des équipements sanitaires et médicaux. La mission des professionnels de santé s'en trouve d'autant plus compliquée et ces difficultés peuvent être une source d'angoisse pour nos compatriotes ultramarins.

Le Premier ministre nous l'a expliqué : afin de freiner fortement l'épidémie dès le début, l'outre-mer a été soumis aux mêmes mesures que la métropole, y compris le confinement, alors que le virus n'y circulait pas aussi rapidement et que la contamination n'y était pas aussi étendue. Sans attendre, les moyens sanitaires y ont été renforcés en fonction des nécessités locales. Ainsi, des couvre-feux ont été instaurés dans la plupart des départements et des territoires d'outre-mer.

Enfin, ces territoires, déjà largement fragilisés, ne seront pas, eux non plus, épargnés par les conséquences économiques de cette crise sans précédent.

Madame la ministre, vous avez la parole.

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Annick Girardin, ministre des outre-mer

Dans le cadre de cette crise sans précédent qui frappe notre pays, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous préciser la situation des outre-mer et de vous décrire l'organisation que nous avons mise en place pour lutter contre la pandémie du coronavirus, à un moment important, puisque le conseil scientifique a rendu un avis consacré spécifiquement aux outre-mer la semaine dernière.

Aujourd'hui, 1 101 cas avérés de personnes contaminées par le Covid-19, 440 personnes guéries et 21 décès sont dénombrés dans les départements et régions d'outre-mer. Nous devons comparer ces chiffres à ceux de l'Hexagone sans oublier que la vague épidémique sera décalée dans le temps puisque la stratégie mise en place jusqu'à aujourd'hui tendait à retarder la circulation du virus dans nos territoires. Des mesures ont été prises très rapidement à cette fin : dès le 17 mars, nous avons interdit aux croisiéristes de faire escale dans nos eaux ; le même jour, les mesures de confinement ont été prises, comme dans l'Hexagone, dans tous les territoires ultramarins alors qu'ils ne recensaient que 61 cas de personnes contaminées. Comme le conseil scientifique le relève dans son rapport, ces décisions ont permis de ralentir la progression de l'épidémie.

La situation en outre-mer varie grandement d'un territoire à l'autre, d'un bassin à l'autre. Les décisions ont été prises par les préfets, en lien avec les élus, afin de répondre aux spécificités de chaque territoire, certains étant marqués par une forte ampleur de l'épidémie, d'autres par sa faiblesse. En revanche, nous avons restreint de manière homogène les entrées sur les territoires en réduisant drastiquement les vols. Aujourd'hui, seuls les passagers en mesure de fournir un motif impérieux de déplacement peuvent voyager. Cette mesure a été couplée à une quatorzaine imposée systématiquement à toutes les personnes arrivant en outre-mer, simplement à leur domicile dans certains territoires, en « domicile plus » au sein de structures collectives, dans d'autres. Ces mesures ont été mises en place en fonction des structures que nous avons pu mobiliser.

Parallèlement, nous avons pris des mesures renforcées de confinement, parfois plus restrictives que dans l'Hexagone. Un couvre-feu a ainsi été entièrement instauré en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à Mayotte et en Polynésie-Française. Sur l'île de La Réunion, il ne concerne que la commune de la Possession.

Je salue le civisme de nos compatriotes ultramarins qui, dans leur grande majorité, ont respecté les mesures de confinement et de distanciation ainsi que le couvre-feu alors que 13 % d'entre eux vivent dans des conditions insalubres. Nos concitoyens ont consenti un effort particulier, du fait de leurs conditions de vie difficiles et alors même que la pandémie n'était pas encore largement répandue. Chacun s'est impliqué pour respecter les règles imposées par l'État et les préfets dans les différents territoires.

Nous sortons d'un week-end pascal qui donne lieu, traditionnellement, à de grands rassemblements en outre-mer, notamment aux Antilles. Les traditions n'ont pas pu être respectées cette année et je mesure l'effort collectif consenti par nos compatriotes. Chacun a compris que, pour se protéger, il fallait protéger les autres.

Cette stratégie, axée sur le ralentissement de la propagation du virus et dont le confinement fut la première mesure, a été validée par le conseil scientifique Covid-19, présidé par le professeur Jean-François Delfraissy, dont l'avis a été rendu public vendredi dernier. Il comporte dix recommandations, aujourd'hui toutes reprises par le Gouvernement. Certaines sont déjà en place. D'autres se déploieront progressivement avec les moyens nécessaires à leur mise en oeuvre. La capacité de nos systèmes de soins à faire face à l'épidémie est, depuis le début, une priorité pour l'État, dans l'Hexagone comme dans les territoires ultramarins. Nous devons notamment augmenter la capacité d'accueil dans les services de réanimation grâce à des réorganisations et des reprogrammations menées par les agences régionales de santé (ARS) depuis le début du mois de mars, ainsi qu'à l'acheminement de matériel supplémentaire et aux renforts de personnels.

Le conseil scientifique a recommandé de doubler la capacité d'accueil des hôpitaux en lits de réanimation pour les cas graves de Covid-19. Tout est mis en oeuvre pour atteindre cet objectif, partagé par le Gouvernement. J'ai entendu les inquiétudes des élus des territoires d'outre-mer qui réclament, en particulier, plus de respirateurs. Les premiers ont été livrés et d'autres arriveront dans les prochains jours, progressivement, en fonction des disponibilités nationales. Nous avons maintenu les liaisons aériennes avec tous les territoires.

Quelques chiffres, à présent. La Guadeloupe compte 182 cas déclarés, 33 hospitalisations, 10 décès et 67 guérisons. Dix-sept personnes ont été admises en réanimation et la capacité en réanimation a d'ores et déjà été portée de 33 lits initialement à 43 lits. Nous pourrons aller jusqu'à 75 lits si nécessaire.

La Martinique compte 157 cas déclarés, 47 hospitalisations, 6 décès, 50 guérisons et 16 personnes admises en réanimation. La capacité en réanimation, initialement de 44 lits, a été portée à 46 lits. Nous pourrons aller jusqu'à 94 si nécessaire.

La Guyane compte 88 cas déclarés, 9 hospitalisations, 53 guérisons, une personne en réanimation. La capacité en réanimation, initialement de 11 lits, a été portée à 34 lits. Nous pourrons aller jusqu'à 42 lits en fonction des renforts.

L'île de La Réunion compte 391 cas déclarés, 36 hospitalisations, 199 guérisons, 3 personnes en réanimation. La capacité en réanimation, initialement de 51 lits, a été portée à 80 lits et pourra aller jusqu'à 176 lits si nécessaire.

Mayotte compte 207 cas déclarés, 16 hospitalisations, 3 décès, 67 guérisons et 3 personnes en réanimation. La capacité en réanimation, initialement de 16 lits, a été portée à 58.

Saint-Pierre-et-Miquelon compte un cas avéré. Sa capacité en réanimation, initialement de deux lits, sera portée à 10.

Wallis-et-Futuna ne compte aucun cas déclaré. Sa capacité en réanimation a été portée de 2 à 4 lits et pourra aller jusqu'à 10.

La Polynésie Française compte 53 cas avérés et 3 patients en réanimation pour 40 lits.

La Nouvelle-Calédonie compte 18 cas et un patient en réanimation pour une capacité de 42 lits que l'on pourra porter à 66 en fonction des besoins.

Les services de réanimation ne sont donc pas saturés en outre-mer puisque le taux d'occupation des lits y est inférieur à 50 % et que la capacité d'augmentation de leur nombre est identifiée. L'évolution de l'épidémie nécessitera l'envoi de ressources et de moyens supplémentaires. Concernant l'approvisionnement en masques et en tests, les tensions sont nationales et internationales. Le Gouvernement assure le bon approvisionnement des territoires en fonction des demandes des ARS, relayées par les préfets, au niveau national, auprès du centre de crise sanitaire piloté par le ministère des solidarités et de la santé. La solidarité nationale joue pleinement son rôle, ce qui permet d'affronter cette crise sanitaire de grande ampleur. Nous sommes aux côtés des personnels soignants des outre-mer et de l'Hexagone et nous devons à nouveau les féliciter pour leur mobilisation exemplaire.

S'agissant des tests, le conseil scientifique a émis des recommandations. L'État souhaite rendre systématique les tests à l'entrée et à la sortie de quatorzaine pour les personnes arrivant dans les territoires d'outre-mer. Nous souhaitons également dépister les personnes symptomatiques suspectées d'être malades. Cet objectif suppose de renforcer les capacités en tests de l'ensemble de nos territoires. Nous nous y employons dans un contexte de très forte demande mondiale et nationale.

Concernant les mesures d'isolement, les personnes atteintes de Covid-19 seront désormais isolées, à domicile ou dans un centre qui leur sera proposé selon les conditions d'hébergement du territoire.

Je tiens enfin à saluer à nouveau les soignants mais aussi toutes les forces vives dont la mobilisation permet à notre pays, à nos territoires, de continuer à vivre. Je sais combien nous leur devons. Nous devons les en féliciter, et nous avons encore besoin d'eux.

Nous aurons sans doute l'occasion, au cours de notre échange, d'aborder les sujets de l'éducation ou de l'aide aux entreprises. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

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Le rapport du conseil scientifique, consacré aux outre-mer et rendu public vendredi 10 avril, insiste sur la nécessité de respecter, en outre-mer comme dans l'Hexagone, un strict confinement pour contenir l'épidémie. Ce confinement, économiquement et socialement éprouvant partout, frappe très durement ceux dont la situation était déjà précaire. Or ils sont, hélas, plus nombreux dans certaines zones ultramarines. Dès lors, des mesures spécifiques ne seraient-elles pas nécessaires pour leur venir en aide ?

Par ailleurs, le conseil scientifique préconise de prendre des mesures propres aux outre-mer : placement en quatorzaine de tous les arrivants, qui seraient systématiquement testés, isolement dans des lieux d'accueil de tous les cas avérés et suivi systématique des cas-contacts. Les outre-mer sont-ils suffisamment équipés en matériels et en personnels pour appliquer ces recommandations ?

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Annick Girardin, ministre des outre-mer

Concernant l'aide alimentaire aux plus démunis, Julien Denormandie a lancé et financé un dispositif de distribution de chèques services aux personnes sans domicile fixe, en outre-mer comme en métropole. Dans chaque territoire ultramarin, les préfets définiront les besoins. Ce sont 6 000 bénéficiaires ultramarins qui ont été recensés pour un montant total de 630 000 euros. Les modalités d'utilisation des chèques sont définies localement : distribution directe aux bénéficiaires ou achat de colis par les associations. C'est la première série de mesures annoncée par Julien Denormandie. Une deuxième suivra durant la première quinzaine de mai, selon les mêmes modalités, et l'enveloppe allouée aux outre-mer sera ainsi doublée.

Le conseil scientifique a, en effet, pointé les difficultés particulières de ces territoires et a demandé qu'ils bénéficient de mesures propres. Nous y avons travaillé à l'initiative du député de La Réunion, Jean-Luc Poudroux.

Suite aux nombreux échanges que j'ai eus avec les parlementaires en audioconférence, il a été décidé, avec Christelle Dubos, de verser une prestation sous forme de paniers-repas, aux personnes dans le besoin à Mayotte. L'aide pourra prendre la forme d'une prestation monétaire dans d'autres territoires de sorte que l'allocation de rentrée scolaire soit reversée sous une autre forme. Ainsi, 19 millions d'euros seront donnés aux 289 000 enfants ultramarins défavorisés et confinés durant deux mois. Cette prestation sera accordée dans les prochains jours. Jean-Luc Poudroux est allé jusqu'à proposer, puisque la restauration scolaire a été interrompue, d'utiliser la prestation accueil et restauration scolaire (PARS) propre aux outre-mer, pour financer ce type d'aide alimentaire.

Par ailleurs, en vertu du droit commun, une autre aide, financée, durant deux mois, par la Croix-Rouge, sera mise en place à Mayotte et en Guyane, sous forme de bons alimentaires distribués par la Croix-Rouge à Mayotte pour un total de 1,3 million d'euros et en Guyane pour 1,2 million d'euros.

Trois prestations seront donc versées en outre-mer : celle destinée aux personnes sans domicile fixe, celle issue du recyclage de la PARS, inutilisée du fait de la fermeture des écoles et celle qui vise à renforcer les soutiens alimentaires.

Vous m'avez posé la question des tests et des moyens d'appliquer les recommandations du conseil scientifique dans les outre-mer. Au-delà de la quatorzaine imposée aux personnes arrivant dans ces territoires, nous avons décidé de tester systématiquement les personnes qui sortent de quatorzaine ainsi que les personnes symptomatiques, à qui nous proposerons des lieux pour s'isoler. Bien entendu, l'application de ces mesures suppose le renforcement des matériels et de notre capacité en tests, en particulier dans certains territoires aujourd'hui dépourvus d'automates, d'écouvillons ou de réactifs. L'envoi de ces matériels dépendra de leur arrivée en métropole et de la répartition décidée par le ministère de la santé.

Certains territoires d'outre-mer ont lancé des initiatives, que nous devons soutenir, avec des laboratoires privés. Des tests rapides sont ainsi réalisés à La Réunion, en Martinique et en Guadeloupe.

Ainsi, chaque semaine, 180 tests sont réalisés en Martinique, 350 en Guadeloupe, 250 en Guyane, 1 000 à La Réunion, 525 à Mayotte. Une centaine de tests ont été réalisés en sortie de quatorzaine à Saint-Pierre-et-Miquelon, que nous envoyons au Canada faute de matériel sur place. À Wallis-et-Futuna, le dépistage des cas symptomatiques est envoyé en Nouvelle-Calédonie, faute de matériel, là encore. Selon les chiffres transmis par la Nouvelle-Calédonie, 2 757 tests ont été réalisés à ce jour. Ils sont au nombre de 843 en Polynésie française. La Polynésie réclame de nouveaux tests, qui pourraient arriver prochainement. La solidarité nationale s'exprime dans l'ensemble des territoires ultramarins.

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La première des recommandations émises par le conseil scientifique dans ses avis est le strict respect du confinement. Or, dans certains secteurs des territoires ultramarins, notamment à Mayotte, il y a beaucoup d'habitat insalubre et une suroccupation des logements. Comment faites-vous, concrètement, pour vous assurer que le confinement est bien respecté ? Quid des verbalisations en cas de non-respect de celui-ci ?

Certains territoires sont soumis à une forte pression migratoire ; c'est le cas de Mayotte, et aussi de la Guyane. Comment faites-vous pour concilier la gestion de l'immigration illégale avec le respect des règles sanitaires ?

Enfin, une consultation est prévue en Nouvelle-Calédonie au début du mois de septembre 2020 ; il s'agit du deuxième référendum sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. Pouvez-vous nous indiquer les intentions du Gouvernement concernant la tenue de cette consultation essentielle pour l'avenir de ce territoire ?

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Nous avons tous suivi avec attention l'allocution télévisée du Président de la République. Je salue la qualité des annonces qui ont été faites, notamment à l'attention de nos compatriotes ultramarins, y compris celles à destination des étudiants actuellement confinés en France hexagonale.

Tous nos territoires tentent aujourd'hui d'apporter des réponses rassurantes et pérennes à la crise, et cela malgré les difficultés structurelles qu'ils connaissent – je pense notamment à Mayotte, qui est confrontée à un manque d'infrastructures sanitaires et à de nombreuses difficultés dues à l'absence d'accès à l'eau courante dans certaines parties de l'île.

Je voudrais revenir sur une annonce qui suscite beaucoup d'interrogations dans mon département, ainsi que dans les autres territoires ultramarins. Le Président de la République a en effet indiqué que les crèches, les écoles, les collèges et les lycées rouvriraient progressivement à partir du 11 mai. Nous nous interrogeons sur les critères qui seront retenus pour déterminer le calendrier des réouvertures, ainsi que sur les modalités concrètes de la reprise. En effet, le retour dans les établissements scolaires implique la mobilisation de nombreux acteurs : les élèves, les parents d'élèves, les personnels enseignants de l'Éducation nationale ainsi que les personnels des collectivités territoriales tels que les personnels de la caisse des écoles, des lycées et des départements. La disponibilité des matériels de protection sanitaire – gants et masques – étant incertaine, comment garantir que tous ces personnels pourront être protégés et empêcher une seconde vague de l'épidémie dans nos territoires ? En outre, pouvez-vous nous assurer que l'ensemble des personnes qui reprendront le chemin de l'école seront testées ?

Dans un courrier que l'ensemble des membres de la délégation aux outre-mer vous ont adressé, ainsi qu'au Président de la République, le 10 avril, nous demandions que soit élaboré un tableau de bord répertoriant, par territoire, les besoins, les quantités de matériel et de tests commandées, ainsi que les dates prévisionnelles de réception. Un tel outil permettrait de gagner en visibilité et en prévisibilité en matière de fourniture de matériel de protection et de tests en vue de garantir une reprise en toute sécurité. Si nous sommes résolument en faveur d'un retour à la normale, cela ne doit pas se faire au détriment de la santé de la population.

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Annick Girardin, ministre des outre-mer

Chacun ici, madame Braun-Pivet, connaît les difficultés de logement, notamment à Mayotte et en Guyane. Nous devons donc identifier les cas de Covid-19 afin d'éviter autant que possible que le virus ne gagne des quartiers « informels » puisque c'est ainsi qu'ils sont désignés. Il faut aussi informer les populations, ce qui n'est pas facile ; cela se fait au moyen d'un véhicule muni de haut-parleurs, le message étant transmis dans les langues maternelles du territoire parcouru. On rappelle les gestes barrières à respecter et l'on donne les informations nécessaires pour lutter contre la propagation du virus. Néanmoins, ceux qui ont visité certaines zones de Mayotte, de Guyane ou d'autres territoires ultramarins savent bien la difficulté de l'exercice.

Les préfets ont, en liaison avec les collectivités compétentes, adopté des solutions d'urgence dans certains quartiers. En Guyane, par exemple, quatorze rampes d'eau ont d'ores et déjà été installées et des bornes fontaines monétiques vont être rendues gratuites à l'entrée desdits quartiers. À Mayotte aussi, quatorze rampes d'eau vont être installées, ainsi que des points d'eau dans les cours des écoles avoisinantes, afin que l'ensemble des habitants des quartiers précaires puissent avoir accès à l'eau. En outre, le président Ferrand l'a évoqué, on distribue des aides, notamment sous la forme de paniers alimentaires.

Quant aux contrôles, oui, il y en a. Gendarmes et policiers circulent dans tous les quartiers, à Mayotte comme en Guyane, et font leur travail. Toutefois, je ne dispose pas ici du nombre exact de contraventions qui ont été dressées.

S'agissant des migrations, en Guyane comme à Mayotte, nous faisons preuve de vigilance sur l'ensemble des frontières. En Guyane, se pose plus particulièrement le problème des fleuves et, à Mayotte, celui des kwassa-kwassa. Nous maintenons notre plus grande vigilance sur ces deux points. Les équipes mobilisées habituellement restent actives, et bénéficient du renfort de l'armée.

Concernant le processus référendaire en Nouvelle-Calédonie, les services de l'État travaillent d'arrache-pied à la poursuite des opérations de préparation du référendum. À ce jour, la consultation reste fixée au 6 septembre prochain, et l'ensemble des services semblent en mesure de tenir cette échéance au prix d'un glissement contrôlé des dates de réunion des commissions administratives spéciales appelées à réviser les listes électorales spéciales.

Monsieur Serva, j'ai bien reçu le courrier de la délégation aux outre-mer, que vous présidez. Comment les produits mis à disposition par le ministère des solidarités et de la santé sont-ils acheminés ? D'abord, les ARS déterminent les besoins de chaque territoire ultramarin. Ensuite, ces besoins sont analysés et hiérarchisés par la cellule de crise du ministère des solidarités et de la santé. Enfin, les médicaments, les équipements – masques, blouses – et les tests sont expédiés, en fonction des priorités préalablement définies, par différents vols programmés par le ministère des solidarités et de la santé. De nombreux parlementaires ayant formulé cette demande, j'ai proposé au ministère des solidarités et de la santé de publier chaque semaine les quantités de masques, tests et autres matériels envoyées dans les territoires d'outre-mer, de sorte que ce soit fait dans la plus grande transparence. Depuis la fin de la semaine dernière, un document récapitulatif est transmis au ministère des outre-mer. Il s'agit d'un acquis important.

Pour ce qui est de la rentrée des classes, des cours et de l'organisation scolaire, je rappelle que c'est Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, qui est aux manettes. Un plan d'action va être défini avec l'ensemble des recteurs des territoires d'outre-mer, très certainement en liaison avec les élus. Le travail est en cours. Bien entendu, cette rentrée scolaire se fera dans le cadre d'une protection qui devra être organisée dans les territoires ultramarins comme dans l'Hexagone. Je souligne néanmoins que les différentes mesures conseillées par le Conseil scientifique ne visent pas plus particulièrement les écoles.

Ce n'est donc pas moi qui peux vous dire à quel rythme, dans quel ordre et dans quelles conditions la rentrée des classes se fera. Je peux tout au plus vous garantir que les protections demandées seront prises, une fois que les travaux auront été effectués. Je crois qu'il est important que cette rentrée ait lieu, car cela permettra de gommer les différences entre les enfants. Il y a beaucoup de familles modestes dans les territoires ultramarins et, dès lors que les consignes de sécurité auront été passées et les mesures de protection auront été prises, il serait bénéfique que l'école reprenne.

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Monsieur le président, je vous remercie d'avoir organisé cette audition. Notre nation a le devoir d'être totalement solidaire avec l'ensemble de son territoire, et en premier lieu avec ses territoires ultramarins.

Madame la ministre, je vous remercie pour vos réponses. Je voudrais vous interroger, au nom de mon collègue Mansour Kamardine, sur la situation à Mayotte, situation qui nous paraît extrêmement préoccupante, puisque le conseil scientifique a souligné le 8 avril un « risque important d'explosion épidémique et de paralysie du système de santé ». Nous devons prendre la pleine mesure de ce qui est en train de se passer là-bas. Le conseil scientifique ajoute, en effet, que le système de santé sera « totalement dépassé » lorsque les quartiers pauvres seront touchés. C'est pourquoi Mansour Kamardine, qui est actuellement à Mayotte, vous demande par mon intermédiaire que la doctrine sanitaire appliquée sur place soit entièrement revue, ce qui passerait notamment par ce qu'il appelle une « débunkérisation » du centre hospitalier de Mayotte et par l'application d'une nouvelle stratégie consistant à aller au-devant des malades, directement sur le terrain. Je rappelle qu'à Mayotte, il n'y a que 7 médecins de ville pour 100 000 habitants, soit vingt-deux fois moins qu'en métropole ; les personnes malades ont le sentiment d'être abandonnées à elles-mêmes et tenues à l'écart du réseau de soins. C'est pourquoi il vous est demandé, madame la ministre, que le centre hospitalier de Mayotte constitue des équipes mobiles qui seraient déployées directement dans les communes et les villages, là où se trouvent les patients, que soient appliquées les préconisations du conseil scientifique, à savoir que toute personne en faisant la demande soit testée, en s'appuyant sur le centre hospitalier de Mayotte, que les cas de Covid-19 soient détectés directement sur le terrain en utilisant massivement des tests rapides, enfin que soit délivré, sous contrôle médical, le protocole chloroquine-azythromycine, si les patients le souhaitent.

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Je voudrais revenir sur le sujet de l'école, car c'est une des questions importantes qui se posent depuis les annonces du Président de la République hier soir. Si, bien évidemment, nous réfléchissons tous à la façon dont pourrait s'organiser la rentrée après le 11 mai, il ne faudrait pas que l'on oublie qu'il y a un avant-11 mai et qu'il faut prendre des dispositions. En effet, cela a été souligné, le fait que les écoles soient fermées ne fait qu'accroître les inégalités entre les plus modestes et les autres ; il peut en effet y avoir des failles familiales, cognitives ou numériques. Les outre-mer ne sont pas épargnés par le risque de décrochage d'une partie des écoliers.

Néanmoins, nous pourrions atteindre avant le 11 mai l'objectif républicain d'éviter le décrochage grâce à une synergie entre les canaux publics d'information et le monde éducatif. Pouvez-vous, madame la ministre, nous dire comment les chaînes locales ont jusqu'à présent participé à l'effort de continuité pédagogique ? Ne pourrait-il y avoir, comme le proposent mes collègues Justine Benin ou Max Mathiasin, une implication plus poussée des réseaux de télévision et de radiodiffusion publiques, par exemple de La Première, en vue de limiter au maximum les écarts qui se creusent entre les enfants selon ce que l'on peut ou non leur offrir dans leur foyer ?

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Les efforts actuellement fournis doivent être salués, car la situation est compliquée. Toutefois, je trouve, madame la ministre, qu'il y a un décalage entre, d'une part, l'avis de M. Delfraissy et du conseil scientifique et, d'autre part, les moyens de protection déployés sur place : masques, surblouses, etc.

Qu'il y ait de la bonne volonté, on ne peut pas le nier, mais cela s'accompagne d'une certaine illisibilité et d'une absence de visibilité de l'action – c'est encore plus vrai s'agissant des masques et des tests. Ce qui fait aujourd'hui l'objet des attentions, c'est le premier cercle – je parle là des professionnels de santé. Certes, c'est utile, mais ils n'obtiennent même pas satisfaction ! Quant au deuxième cercle, il n'est guère satisfait des réponses apportées en matière de protection ; je pense en particulier aux infirmières et infirmiers libéraux. Il y a des efforts à faire car le conseil scientifique dit très clairement que l'épidémie va s'aggraver outre-mer dans les prochaines semaines. Comme le Président de la République a fixé au 11 mai la généralisation de l'emploi des masques, cela pourrait créer des difficultés au cours du prochain mois. Je demande donc, à la suite du président Serva, une meilleure visibilité en matière de fourniture de masques et de matériels de protection afin que nous puissions nous préparer au pire.

Pour ce qui concerne le dépistage, le conseil scientifique insiste : il faut « tester, tester, tester ». Je pense qu'il faut le faire. Vous avez dit, madame la ministre, que vous preniez les choses en main et vous nous en avez donné la preuve, parce que vous nous avez beaucoup aidés pour débloquer les commandes passées par les laboratoires privés, car l'hôpital n'est pas le seul, il y a aussi les laboratoires privés. N'y aurait-il pas un travail supplémentaire à accomplir afin que le secteur privé soit mieux fourni ?

Enfin, en matière économique, les conséquences de la crise seront graves. Le Gouvernement serait-il prêt à apporter un soutien beaucoup plus important à l'outre-mer, notamment à travers une garantie de Bpifrance à hauteur de 100 % ? Il faut impérativement réviser les possibilités d'accès au crédit, notamment pour les entreprises qui n'ont pas de capacité d'autofinancement ni de capitaux propres.

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Je voudrais évoquer une des nombreuses spécificités des territoires ultramarins du Pacifique. Outre qu'elle a été relativement protégée, la Nouvelle-Calédonie va certainement être le premier des territoires de la République à sortir du confinement. On a cru comprendre en effet qu'une sortie progressive serait décidée d'ici à lundi prochain. Cette annonce pose la question de la disponibilité des moyens nécessaires pour se conformer aux recommandations du conseil scientifique, rappelées par les intervenants précédents mais également par le Président de la République dans sa déclaration d'hier : les tests pour les soignants et les personnes les plus fragiles, nos aînés notamment, mais surtout les masques, dont chaque Français devra disposer le 11 mai. Pouvez-vous aider nos territoires à disposer de masques en quantité suffisante au moment du déconfinement ?

D'autre part, qu'en est-il des difficultés rencontrées par les entreprises calédoniennes dépourvues de numéro SIREN à accéder au fonds de solidarité mis en place au profit des TPE et des PME et aux prêts de trésorerie garantis par l'État ?

Pouvez-vous enfin préciser les modalités et le calendrier des aides dont devraient, selon le Président de la République, bénéficier les étudiants, notamment ceux qui sont dans les situations les plus précaires ?

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Annick Girardin, ministre des outre-mer

S'agissant de Mayotte, monsieur Ciotti, il est en effet essentiel que le Gouvernement soit vigilant étant donné le type d'habitat, l'extrême fragilité du système de santé et l'importance de l'immigration en provenance des Comores, même si celle-ci a beaucoup ralenti, au point qu'il arrive aujourd'hui que les flux s'inversent. Nous restons extrêmement vigilants sur tous ces sujets et je me réjouis que le cas de Mayotte ait été évoqué par le conseil scientifique.

Depuis le début de la crise, nous accompagnons le préfet, l'ARS et les élus de ce territoire dans la mise en place de réponses propres à faire face à une éventuelle augmentation de ses besoins. Aujourd'hui, Mayotte et l'ensemble des territoires ultramarins n'ont utilisé que 43 % des moyens mis à leur disposition. 30 % des capacités de réanimation de Mayotte sont utilisées ; sept respirateurs sont en cours de livraison ; vingt réservistes sont arrivés le 13 avril et les équipes seront renouvelées tous les quinze jours. Une stratégie a été définie pour ce territoire et elle est mise en oeuvre par l'ARS sur le terrain, avec le soutien du préfet, dans le cadre notamment de l'opération militaire Résilience. Il n'y a plus du tout de transport aérien de passagers pour Mayotte à la demande du préfet, pour éviter de nouvelles arrivées sur le territoire, d'autant qu'on a rapatrié des Mahorais venant de Madagascar ou des Comores. On a d'ailleurs instauré une quatorzaine stricte sur le site du régiment du service militaire adapté (SMA) de Mayotte.

L'État a mis en place un pont aérien depuis La Réunion pour faire parvenir à Mayotte le matériel qu'elle demande et, selon l'ARS, nous devrions parvenir à satisfaire ses besoins. Le conseil scientifique s'est interrogé dans son avis sur l'opportunité d'y ajouter la mise en place d'un hôpital de campagne ou d'une structure similaire ; une réponse devrait être apportée dans les jours qui viennent.

Il faut préciser – et cela vaut pour tous les territoires ultramarins – que deux ou trois fois par semaine du matériel y est acheminé pour satisfaire les besoins constatés par les ARS, mais j'ignore aujourd'hui quel territoire d'outre-mer en aura le plus besoin. Je ne sais pas lequel atteindra le premier le seuil critique ni auquel il faudra faire parvenir du matériel supplémentaire en vingt-quatre ou quarante-huit heures. C'est pour cela que deux, trois, quatre vagues de réponses sont mises en place par le Gouvernement.

S'agissant des écoles, des mesures ont été mises en place comme au niveau national, mais leur application se heurte à certaines spécificités locales. En effet, tout le monde n'a pas les moyens dans ces territoires d'accéder à l'enseignement en ligne. C'est pourquoi le rectorat a passé un accord avec La Poste pour assurer l'envoi sous forme papier des documents nécessaires à l'ensemble des élèves. Des bénévoles ont même fait du portage à domicile – je veux saluer leur implication. Les rectorats ont mis en place des kits de continuité pédagogique et d'autres aides à destination des familles. Même les chaînes de télévision diffusent des programmes spécifiquement destinés à ce public et je veux ici les en remercier. Cette continuité pédagogique est appelée à durer jusqu'au 11 mai selon les mêmes modalités et nous travaillons à renforcer l'équipement informatique déjà en place.

Monsieur Letchimy, vous n'êtes pas sans savoir que le manque de certains matériels, tels que les masques, se fait sentir non seulement au niveau national mais encore européen et même international. Je répète que ces équipements sont envoyés régulièrement aux territoires ultramarins et que ceux-ci sont servis avec la même diligence que l'Hexagone, voire plus vite – ce fut le cas dernièrement pour satisfaire les besoins constatés par les ARS. La plus grande partie de ces demandes a été satisfaite et il faut renouveler ce matériel toutes les semaines.

S'agissant des tests, une mobilisation générale sera effectivement nécessaire pour se conformer aux recommandations du conseil scientifique et équiper tout le territoire aussi rapidement que possible. Vous le savez, nous ne disposons pas aujourd'hui d'un nombre suffisant de tests au plan national. Là encore, ceux-ci devront faire l'objet d'une répartition juste et équilibrée selon les besoins. Comme le Président de la République l'a dit, à partir du 11 mai les équipements destinés à protéger nos concitoyens seront disponibles, dans les territoires ultramarins comme sur l'ensemble du territoire.

Vous avez évoqué la nécessité de penser « l'après ». Il est essentiel, en effet, de repenser notre modèle de développement, non seulement agricole – la souveraineté de ces territoires passant par leur souveraineté alimentaire –, mais aussi industriel, technologique – pour renforcer la connexion des territoires ultramarins – et sanitaire, le système de santé étant déjà en difficulté dans ces territoires avant la crise. Il nous faudra être innovants pour élaborer ce nouveau modèle social et économique. Nous avons, en coopération avec France Stratégies, lancé une réflexion à ce sujet et il faudra des mesures fortes. L'État ne pourra pas agir seul et les élus sont les bienvenus dans ce futur groupe de travail.

Monsieur Dunoyer, il y a, en Nouvelle-Calédonie comme en Polynésie française, des compétences en matière sanitaire comme dans le domaine économique. J'ai dit d'emblée que je souhaitais que ces territoires à statut spécifique bénéficient des outils mis en place par le Gouvernement, tels que le fonds de solidarité, applicable dans les trois territoires du Pacifique, mais aussi les garanties de prêt par la BPI comme en métropole. Je ne suis pas une experte du sujet, mais on me dit que les difficultés d'accès à ces dispositifs ont été levées, notamment celles liées aux numéros SIREN, et qu'il est désormais possible de bénéficier de l'ensemble de ces aides, tant en Nouvelle-Calédonie qu'en Polynésie.

Vous le savez, le chômage partiel n'a pas été mis en place dans les territoires ultramarins en raison d'une différence de régime, cette compétence relevant du gouvernement de ces territoires. Des aides similaires ont été mises en place sous une autre forme. Je vous confirme en revanche que le Gouvernement soutiendra les demandes de ces deux territoires. Un premier dispositif sera soumis demain au conseil des ministres visant à répondre au besoin de trésorerie de la Nouvelle-Calédonie. La même solution est aujourd'hui à l'étude pour la Polynésie française.

La solidarité se manifeste également envers les territoires du Pacifique au travers de l'envoi de masques et de tests. Nous avons mis en place un pont aérien vers la Polynésie française, et la Nouvelle-Calédonie assure le retour de ses concitoyens, avec l'aide du haut-commissaire.

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Mayotte avait demandé qu'on lui envoie une centaine de médecins supplémentaires à la fin du mois de mars. Où en sommes-nous ? Pouvez-vous nous décrire de façon détaillée le pont aérien établi entre Mayotte et La Réunion, son utilité et ses premiers résultats ?

Au début, beaucoup des matériels envoyés à La Réunion étaient défectueux, mais il semble que les choses se soient améliorées depuis. Pouvez-vous nous dire si l'ensemble des personnels soignants disposent de masques, surblouses, lunettes ou gants ? Quels ont été les résultats de la stratégie de dépistage que l'ARS de La Réunion a été une des premières en France à mettre en place ? Il me semble qu'il serait utile de les connaître pour le reste du territoire.

Comme chacun le sait, la Guyane est une collectivité territoriale ayant une frontière commune avec le Brésil et chacun connaît la stratégie du Brésil en matière de lutte contre le Covid-19. Des dispositions particulières ont-elles été prises pour enrayer une arrivée de la pandémie par le Brésil ?

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À l'occasion de notre tour de France des hôpitaux, nous avions été frappés par la situation catastrophique de certaines régions ultramarines qui rend encore plus difficile la lutte contre l'épidémie actuelle. La commission d'enquête que nous appelons de nos voeux aura d'ailleurs vocation à s'intéresser à l'ensemble du territoire national.

Nous saluons l'arrivée de médecins cubains en Guadeloupe, Guyane et Martinique dans le cadre d'une mission de coopération. Leur savoir-faire en matière de lutte contre les maladies infectieuses est précieux.

Du fait du décalage épidémique avec l'Hexagone, les outre-mer ont connu une mise en place précoce du confinement. Comment comptez-vous mettre à profit leur expérience ?

Le conseil scientifique préconise des tests massifs, mais il annonce déjà que l'épidémie va s'aggraver dans les outre-mer. Qu'en est-il, dans ces conditions, du renforcement des capacités hospitalières ? Il est évident en effet que l'éloignement et l'insularité rendront impossible le transfert des cas graves. La fréquence des comorbidités – diabète, hypertension – ou encore l'épidémie de dengue qui sévit actuellement à La Réunion et à Mayotte sont des facteurs aggravants, alors que des inégalités perdurent, en nombre de lits ou de respirateurs par exemple, deux fois moins nombreux en Martinique. Pouvez-vous nous dire ce qui est prévu pour que les citoyennes et citoyens ultramarins bénéficient du même niveau de soins ?

Comment comptez-vous acheminer du matériel sans attendre et sans vous limiter aux bateaux alors que nous sommes à flux tendus et que la gestion des stocks est plus compliquée ? Qu'en est-il des lieux de quatorzaine, également envisagés pour les cas positifs ?

Enfin, 192 Polynésiens sont bloqués en métropole, au risque de se retrouver sans toit : pourquoi ne pas utiliser des liaisons militaires ?

Par ailleurs je vous confirme que le fonds spécial de soutien semble difficilement accessible à nombre d'entreprises polynésiennes.

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La CIMADE et Médecins du monde ont exprimé une forte inquiétude à propos de Mayotte, où 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, 30 % n'a pas accès à l'eau courante et où 40 % des logements ne sont pas conformes aux normes en vigueur en Europe, rendant le respect du confinement et des gestes barrières pratiquement impossible pour beaucoup. Les acteurs locaux estiment que 150 points d'eau devraient être mis en place pour assurer un accès à l'eau. Or, il semblerait que la préfecture n'en ait réalisé qu'une dizaine : où en êtes-vous sur cette question ?

Mayotte souffre par ailleurs d'un manque criant d'équipements. Le Défenseur des droits note que le territoire ne compte que 1,6 lit pour 100 habitants contre 6 en métropole. Que comptez-vous faire alors que l'épidémie de dengue qui sévit depuis plusieurs mois suscite déjà une inquiétude très forte ?

Nombre d'habitants craignent le manque de nourriture plus que le coronavirus lui-même, du fait notamment de la fin de l'économie informelle, les grandes surfaces étant trop chères pour une grande partie de la population. Quant à l'aide alimentaire, tous les étrangers en situation irrégulière en sont exclus de fait. Que comptez-vous faire sur ce point ?

Les 200 000 masques livrés à La Réunion le 24 mars étaient tous moisis : comment cela se fait-il ? Pouvez-vous faire la lumière sur cette question ?

Enfin, pourquoi avez-vous fait appel de la décision du tribunal administratif de Basse-Terre qui obligeait le centre hospitalier et l'ARS à commander les doses nécessaires au traitement de l'épidémie de Covid-19 et les tests de dépistage en nombre suffisant ?

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Annick Girardin, ministre des outre-mer

En accord avec le préfet, l'ARS et les élus du territoire, la décision a été prise d'arrêter les vols à destination de Mayotte, afin de ne pas augmenter le nombre de résidents, pour ne pas aggraver encore les difficultés. Un pont aérien a donc été mis en place depuis La Réunion, renforcé par une liaison maritime, assurée par les navires militaires présents dans la zone, à savoir Le Mistral et d'autres frégates ; Mayotte reçoit donc suffisamment de matériel. Le fret sanitaire et le fret alimentaire constituent les deux priorités. Trois vols transportant 20 à 25 tonnes chacun ont lieu par semaine, plus un avion-cargo de 50 tonnes qui effectue au moins un vol par semaine.

Concernant les masques qui se sont révélés moisis à La Réunion, comme d'ailleurs à Mayotte, je veux préciser qu'ils n'ont pas été envoyés par la métropole – j'ai dénoncé cette situation. Il s'agit dans les deux cas de masques extraits des réserves locales ; l'erreur a été assumée, l'important est que des masques supplémentaires ont depuis été expédiés pour remplacer ceux défectueux.

Cent médecins ont été requis à Mayotte ; à ce stade, vingt personnels de la réserve sanitaire se sont rendus sur place pour renforcer les équipes déjà présentes.

Nous connaissions les difficultés de Mayotte, de la Guyane, et d'autres territoires d'outre-mer : la crise que nous traversons ne fait que les éclairer davantage. Les infrastructures sanitaires y sont effectivement en retard et les conditions d'hébergement d'une grande partie de la population, à Mayotte notamment, sont indignes et compliquent encore la résolution de la crise. Je veux remercier les préfets, les ARS, l'ensemble des services de l'État et les élus, qui font tout ce qui est possible pour compenser ces difficultés.

L'instauration précoce du confinement, avant l'apparition des cas ou alors qu'ils étaient très peu nombreux, nous a fait gagner un temps que nous mettons à profit pour équiper les territoires ultramarins en tests, respirateurs, lits, moyens humains, comme en matériels de consommation régulière : masques, blouses, etc. Aujourd'hui, 480 900 masques sont arrivés à La Réunion, ainsi que 105 000 masques FFP2, 5 000 blouses, 6 000 gants, 1 500 lunettes ; des productions locales s'y ajoutent, et il faut s'en féliciter : un gel est produit à La Réunion, et des masques fabriqués dans tous les territoires d'outre-mer. À Mayotte, 210 500 masques chirurgicaux sont arrivés, ainsi que 48 120 FFP2, et plus de 1 000 blouses ont été envoyées : la solidarité nationale est au rendez-vous, et elle se poursuivra.

Mayotte a connu une crise grave en 2018, dont elle se relève à peine ; l'ensemble des élus ont salué l'accompagnement de l'État. Le plan doit être poursuivi : la lutte contre le Covid-19 ne doit pas entraîner une décélération des équipements, dans les domaines de l'enseignement, de la santé et du logement notamment. Comme vous l'avez souligné, La Réunion et Mayotte luttent contre deux épidémies, puisqu'une épidémie de dengue sévit également – vous pouvez mesurer les difficultés auxquelles sont confrontés ceux qui oeuvrent sur le terrain, et auxquels j'adresse mes félicitations.

Enfin, je confirme le recours à la procédure d'appel devant le Conseil d'État, qui a d'ailleurs donné raison à l'État.

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La Réunion n'a, à ce jour, connu aucun décès lié au coronavirus ; néanmoins, 400 personnes environ sont touchées et on dénombre plus de 3 000 cas contacts. Cette situation favorable est sans doute le résultat du confinement préventif. Le nombre limité de places en réanimation et l'insularité imposent une grande vigilance. De nombreux problèmes persistent : la pénurie de masques et d'équipements de protection, même dans les lieux où sont soignées les personnes les plus fragiles, et des masques moisis distribués aux soignants, qui connaissent des risques plus importants que le reste de la population. Pouvez-vous nous assurer que tous les soignants disposent désormais des masques et du matériel nécessaires ? Vous avez cité des chiffres dans l'absolu, mais nous devons impérativement savoir si tous les soignants sont correctement équipés.

En outre, les tests ne sont pas suffisamment nombreux pour permettre une sortie de confinement sécurisée ; qu'en sera-t-il demain dans les territoires d'outre-mer ? Étant donnée la crise que traversent les CHU et les personnels, soutiendrez-vous la demande formulée par tous les élus d'une révision de l'indice de correction géographique des coûts ? Enfin, quels dispositifs prévoyez-vous pour prévenir une catastrophe économique ? Le tissu d'entreprises est constitué de TPE très fragiles financièrement ; peu sont à jour du paiement de leurs dettes : elles ne sont pas éligibles aux prêts garantis par l'État ; or les banques ne jouent pas le jeu. Il faut agir à leur endroit, ou imaginer un dispositif spécifique pour l'économie ultramarine.

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Il est essentiel que la solidarité nationale s'exerce pleinement avec les territoires d'outre-mer : tout doit être fait pour y contenir la propagation de l'épidémie et apporter des réponses concrètes à la crise économique, sociale et sanitaire. Dans le même temps, la coopération régionale doit jouer son rôle : des outils et des initiatives existent déjà, comme en faveur de l'île de La Réunion, au sein de la Commission de l'océan Indien. Aux Antilles, nous pourrions ainsi renforcer notre coopération sanitaire avec Cuba, Haïti, Sainte-Lucie ou la Dominique. Les champs d'action sont nombreux : organisation des évacuations sanitaires d'urgence, approvisionnement en équipements médicaux et en tests, installation de dispositifs de veille sanitaire, échanges d'étudiants en médecine et de personnels de santé.

Le décret du 31 mars élargit les conditions de coopération pour les territoires d'outre-mer de l'Atlantique ; il ouvre ainsi la voie à l'intervention de professionnels de santé de Cuba. Qu'en est-il de l'arrivée attendue de ces médecins ? Comment le Gouvernement entend-il agir en faveur d'une véritable solidarité sanitaire entre notre outre-mer et leurs voisins ?

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Ma seule question sanitaire concerne les respirateurs, notamment en Guadeloupe. Nous avons besoin de chiffres et de dates : quand les respirateurs lourds, capables de prendre en charge des personnes atteintes de syndromes respiratoires aigus, arriveront-ils en Guadeloupe ? Nous avons reçu quinze respirateurs légers de transport, qui ne conviennent pas pour une réanimation lourde. Les quarante-trois lits que vous avez cités ne sont pas tous pourvus de respirateurs lourds. Les équipements doivent arriver avant la date du pic prévu par le conseil scientifique.

Ma deuxième question est économique et concerne les collectivités territoriales. Vous savez qu'un cataclysme s'annonce sur les finances locales, notamment à cause de la baisse des produits de l'octroi de mer, de la taxe spéciale sur la consommation et de la taxe de séjour. Envisagez-vous, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative à venir, d'instaurer un fonds exceptionnel de soutien de l'État à destination des communes et autres collectivités d'outre-mer ? Comment les aiderez-vous à honorer leurs créances et à payer les entreprises, elles-mêmes en grande souffrance ?

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Les territoires d'outre-mer dépendent fortement du tourisme. Comment pensez-vous organiser le déconfinement, afin de relancer l'offre touristique ? Pouvons-nous espérer y parvenir en 2020 ? Quelles mesures comporterait un plan de rattrapage économique, en particulier aux Antilles ?

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Annick Girardin, ministre des outre-mer

J'ai échangé la semaine dernière sur les difficultés économiques avec les organisations socioprofessionnelles de la plupart des territoires d'outre-mer, avec l'ensemble des conseillers économiques et avec les parlementaires qui ont répondu à mon invitation.

La première mesure concerne les prêts garantis par l'État avec Bpifrance ; vous avez souligné que les banques ne jouent pas le jeu. Il est vrai qu'elles arguent souvent du risque plus élevé que dans l'Hexagone pour se montrer plus exigeantes quant aux critères d'attribution. Cependant, Bruno Le Maire a rappelé ce matin que les banques devront accompagner les entreprises : nous vérifierons que c'est le cas. Nous suivrons sur le plan national les banques qui ont des succursales en outre-mer ; j'ai demandé aux préfets de les sensibiliser localement. Les territoires d'outre-mer sont liés à la médiation du crédit, avec l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) – ou institut d'émission d'outre-mer (IEOM) dans le Pacifique : vous devez dire aux entreprises de saisir les médiateurs territoriaux, c'est leur rôle ; en cas d'abus des banques, ils nous en informeront. Quant aux banques, elles ont dû être rassurées par le discours de Bruno Le Maire, qui a affirmé que les entreprises en difficulté – elles sont nombreuses en outre-mer – seront accompagnées.

L'ensemble des mesures relevant du fonds de solidarité ont été appliquées dans les territoires ultramarins et des réponses sont déjà apportées. Je dispose de résultats détaillés par territoire : partout les entreprises ont eu accès aux prêts et aux différentes aides. La fusée comporte trois étages. Le premier correspond aux aides solidaires, de 1 500 euros, à destination de la très grande majorité des entreprises. Le deuxième est cofinancé par les régions ou les pays et propose des aides, soutenues par l'État, allant de 2 000 à 5 000 euros – certaines collectivités vont au-delà – ; il est nécessaire d'avoir un salarié pour y prétendre. Comme dans l'Hexagone, certains n'ont pas pu accéder à la plateforme de demande de chômage partiel en raison d'un trop grand nombre de connexions simultanées. À l'instar de Bruno Le Maire, je répète que nous accepterons en avril les demandes déposées pour le mois de mars, à condition que les entreprises apportent la preuve, grâce à des captures d'écran, qu'elles avaient entrepris les démarches en mars.

J'ai évidemment demandé qu'il soit fait preuve de souplesse et de réactivité et j'ai donc souhaité la création d'une cellule économique dans chaque territoire, afin d'apprécier individuellement les situations. En Guyane, les entreprises ont subi la crise de 2017 ; à Mayotte, c'était en 2018 ; La Réunion a connu la crise des gilets jaunes ; aux Antilles, les entreprises ont rencontré des problèmes provoqués par les algues sargasses : leurs difficultés doivent être prises en considération et elles doivent bénéficier des aides, qu'il s'agisse du fonds de solidarité ou de la garantie d'emprunt. Les préfets, dans le cadre des cellules créées sur place avec les acteurs locaux, sont libres de se montrer souples pour accompagner les entreprises – j'agis ainsi en accord avec Bruno Le Maire.

Les territoires d'outre-mer connaissent le dispositif « zéro revenu, zéro charge » et la plupart des aides leur sont applicables. L'État ne compensera pas la diminution des recettes fiscales des collectivités, mais des aides sont constituées pour chacune spécifiquement. Concernant les cotisations sociales, ce point regarde à la fois les départements et régions d'outre-mer, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon ; quant aux autres, il relève de leurs compétences.

Trois prestations existent pour l'aide alimentaire. La PARS a été redirigée vers les familles, sous forme monétaire, à l'initiative du député Jean-Luc Poudroux, afin de répondre aux besoins des enfants, qui ne prennent plus les repas en milieu scolaire. Une aide alimentaire supplémentaire a été financée sur des budgets de droit commun pour deux mois avec l'opérateur local Croix-Rouge, pour Mayotte et La Guyane, qui connaissent les taux de pauvreté les plus élevés et rencontrent des difficultés spécifiques, notamment liées aux problèmes d'immigration.

Pour le déconfinement, une réflexion nationale est menée ; le Président de la République a souhaité que les territoires ultramarins y soient associés. M. Viola, inspecteur général des affaires sociales, y travaillera à mes côtés. Il est vrai que nous ne l'organiserons pas de la même manière à Wallis-et-Futuna, qui n'a aucun patient atteint du Covid-19, ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui n'en a qu'un seul, que dans d'autres territoires, qui en ont connu plus de 500. Le déconfinement sera élaboré non seulement en fonction de critères nationaux, mais aussi en fonction des caractéristiques des différents territoires, et un accompagnement spécifique sera destiné à ceux qui seront le plus durablement touchés : je pense notamment aux personnes travaillant dans le secteur touristique ou culturel qui ne pourront pas reprendre rapidement leur activité. J'y veillerai particulièrement, car nombreux sont ceux qui, dans les territoires ultramarins, vivent du tourisme.

Quant à votre question relative aux respirateurs, madame Vainqueur-Christophe, je vous avoue n'être ni médecin ni technicienne. La Guadeloupe et la Martinique ont récemment reçu des respirateurs, lesquels sont, me dit-on, légers et non pas lourds. Leur arrivée a été organisée par l'ARS et je ne peux pas vous dire s'il y a eu un envoi qui ne correspondrait pas aux besoins. Ce qui est certain, c'est que de nouveaux respirateurs sont déjà en route pour l'ensemble des territoires ultramarins.

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Pourquoi les décisions de la République relatives au coronavirus sont-elles prises aussi lentement outre-mer ? La situation à Mayotte est dramatique : des gens crèvent de faim ! Ce n'est que le 30 mars que le préfet a annoncé avoir pris des mesures de soutien alimentaire, lesquelles n'ont été appliquées que le 3 avril. La question de l'eau n'est toujours pas réglée : elle se revend à un prix exorbitant dans les bornes publiques et 30 % de la population n'y a pas accès. Les demandeurs d'asile ne bénéficient de bons alimentaires que de 30 euros. Et les enfants, qui ne vont plus à l'école, sont privés de leur seule collation journalière : ils ont faim ! Quel sera donc le montant des bons alimentaires que vous prévoyez de distribuer et pendant combien de temps le ferez-vous ? Pourquoi ces décisions n'ont-elles pas été prises plus rapidement ?

D'autre part, pourquoi autant de personnes sont-elles encore à la rue et qu'en est-il du relogement d'urgence ? En Guyane, comment sont traités les 150 demandeurs d'asile, majoritairement originaires de Syrie, installés dans un campement à Cayenne ? Combien de personnes se trouvent-elles encore à la rue ? En Guadeloupe, aucun dispositif d'hébergement d'urgence n'a été créé ; la promiscuité va faire s'envoler le nombre de personnes exposées au coronavirus. Et, à La Réunion, troisième département français le plus touché par les féminicides, des engagements ont été pris contre les violences, avec l'ouverture d'un centre de trente places, mais l'information n'est pas encore suffisante.

S'agissant enfin de Wallis-et-Futuna, plus aucun avion ne décolle, mais des rapatriés sanitaires sont en attente d'un départ vers la Nouvelle-Calédonie. Comment pensez-vous régler ce type de problème, essentiel pour les habitants de cette collectivité ?

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Au-delà des quatre-vingt-huit cas de coronavirus que compte la Guyane, beaucoup d'inquiétudes persistent. Certaines concernent le manque de personnels de santé ou la pénurie de matériels de protection des personnels et de tous ceux qui sont en première ligne. D'autres ont été exprimées par les TPE, qui composent 95 % du tissu économique de la Guyane et qui découvrent qu'elles ne seront peut-être pas éligibles aux aides d'urgence. Des inquiétudes concernent également la continuité pédagogique, notamment en raison de la fracture numérique, qui existait déjà : beaucoup de familles, qui ne disposent souvent ni de l'eau courante ni de l'électricité, ne peuvent avoir accès à cette continuité pédagogique. Le Président de la République a annoncé que la classe reprendrait le 11 mai, ce qui n'a fait qu'ajouter de la confusion à la perplexité dans laquelle nous étions déjà plongés.

Il existe enfin beaucoup d'inquiétude quant à la prise en considération encore insuffisante de ce que sont nos réalités humaines et géographiques. J'en veux pour preuve l'état de nos frontières, qui sont de véritables passoires : cela nous fait craindre une arrivée massive de personnes en provenance des pays voisins, dans lesquels nous savons que la progression du Covid-19 n'est pas la même que chez nous. Nous constatons également que de vraies stratégies, adaptées à nos situations, n'ont pas encore été élaborées.

S'agissant du porte-hélicoptères Dixmude, personne n'est capable, à ce jour, de nous dire quelles en sont les véritables missions. J'ai écrit au ministre de l'Europe et des affaires étrangères pour les connaître, car nous considérons qu'il est important de tenir la population informée.

Dans tous les cas, nous considérons qu'il sera nécessaire de tourner la page très rapidement afin qu'un véritable projet de santé soit défini pour les outre-mer.

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En outre-mer comme en métropole, les forces armées interviennent afin d'appuyer les acteurs civils dans la lutte contre l'épidémie, conformément au cadre fixé par le Président de la République avec l'opération Résilience. Nos compatriotes d'outre-mer peuvent compter sur nos armées pour garantir leur protection et leur apporter toute l'aide nécessaire, comme ce fut le cas aux Antilles en 2017.

Ma question porte sur l'action du SMA, dont vous avez la responsabilité. Plus que jamais, autour des valeurs de solidarité et d'assistance, les jeunes ultramarins qui en bénéficient peuvent et doivent être impliqués ; je sais qu'ils le sont. En premier lieu, quelles mesures ont été prises afin d'assurer la protection des personnels encadrants, qu'ils soient militaires ou civils, et celle des jeunes volontaires stagiaires ? Enfin, comment les différents régiments du SMA contribuent-ils concrètement à la lutte contre l'épidémie, étant donné qu'ils ont dû arrêter leur formation ?

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Annick Girardin, ministre des outre-mer

Pour répondre à la question de Mme Dumas, relative aux régiments du SMA, tous les jeunes qui étaient en formation sont rentrés chez eux, puisque nous avons appliqué à ce centre les mêmes règles que pour les autres. Les régiments ont donc été fermés et l'ensemble des militaires ont été mis au service du commandement supérieur de chaque région pour épauler les préfets dans leurs différentes missions d'accompagnement, de sécurité et de stratégie, notamment en matière de transports et d'ouvertures de nouveaux lits dans de nouveaux espaces selon les territoires. Les militaires sont donc très impliqués et je veux ici les en remercier. À Paris, les forces armées sont également impliquées dans les questions de logistique, et nous réfléchissons au retour de nos étudiants.

S'agissant toujours des moyens militaires engagés dans la lutte contre le Covid-19 dans les territoires d'outre-mer, je répondrai à M. Serville que le Dixmude arrive aux Antilles avec quatre hélicoptères, deux lourds et deux plus légers, lesquels pourront servir aux évacuations sanitaires. À son bord se trouve également du fret du ministère des armées et de la sécurité civile, ainsi que des équipements médicaux importants, comme 1 million de masques destinés aux territoires des Antilles et à la Guyane. Il ravitaillera la Martinique et la Guadeloupe avant de se rendre en Guyane. Le bâtiment de soutien et d'assistance outre-mer Dumont d'Urville livrera la cargaison destinée à la Guyane et le reste du matériel y sera acheminé par avion CASA.

En ce qui concerne la coopération régionale, je vous prie de m'excuser, madame la présidente de Sarnez, car je ne vous ai pas répondu, alors qu'il s'agit d'une question très importante. Vous savez que je plaide en faveur d'un rayonnement des territoires d'outre-mer dans leur bassin maritime : cela vaut aussi bien pour les bons que pour les mauvais moments, comme aujourd'hui avec la crise sanitaire. Cette coopération et cette solidarité régionales existent dans l'océan Indien. La Commission de l'océan Indien bénéficie d'un soutien de la France par l'intermédiaire de l'Agence française de développement (AFD) afin d'appuyer un réseau épidémiologique. Maurice a officiellement demandé le soutien de la France, et l'appui en personnels soignants de La Réunion est actuellement à l'étude. L'hôpital des Seychelles a également contacté le CHU de La Réunion pour organiser un échange de bonnes pratiques et pouvoir régulièrement discuter de nos avancées. Enfin, les Comores bénéficieront, si nécessaire, d'une aide de la France, ici aussi par l'intermédiaire de l'AFD, et conformément à l'accord du 22 juillet dernier.

Dans le bassin pacifique, l'Australie et la Nouvelle-Calédonie sont en lien étroit sur la question des évacuations sanitaires. La Nouvelle-Zélande a, elle, été approchée par notre ambassadeur pour que la Polynésie puisse continuer à évacuer les cas graves de Covid-19 dans ce pays.

Quant au bassin atlantique, un décret autorise effectivement les médecins étrangers à venir exercer en Guadeloupe, en Martinique, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, en Guyane et à Saint-Pierre-et-Miquelon – soit la totalité des collectivités d'outre-mer de l'Atlantique – et nous pourrons réfléchir à pareille mesure s'agissant de Mayotte et de La Réunion, si besoin. Les ARS définissent les besoins et nos ambassadeurs prennent les contacts. D'après les remontées dont je dispose, je peux vous dire que nous n'avons pas de besoin relatif au Covid-19, même si nous avons besoin de médecins pour d'autres activités. Nous pourrons donc faire appel à des personnels étrangers, et ce au-delà de la coopération déjà prévue avec Cuba.

Concernant La Réunion et le nombre de lits en réanimation, l'objectif est exactement le même que pour la métropole, c'est-à-dire le doublement des capacités. Les ratios sont d'ailleurs, la plupart du temps, identiques. Les doctrines appliquées dans l'Hexagone l'ont également été dans les territoires ultramarins. Que l'on parle de lits en réanimation, de masques, ou, demain, de tests, lorsqu'il en manque dans les territoires d'outre-mer, c'est parce qu'il existe une pénurie aux niveaux national, européen et international. Je ne veux pas que les territoires d'outre-mer puissent penser qu'ils seraient moins bien lotis.

Voyons également comme une chance le fait que nous disposons de trois semaines pour, si besoin, envoyer du matériel. Nulle part en outre-mer nous n'avons dépassé le seuil de 50 % d'occupation des lits en réanimation et, pour l'heure, le développement de l'épidémie reste très léger. Les choses doivent continuer ainsi : il convient de poursuivre le confinement, d'appliquer les gestes barrières, de prévoir des quatorzaines strictes – à domicile lorsque c'est possible et de plus en plus, comme le recommande le conseil scientifique, en structure collective –, de tester à l'entrée, au milieu et à la sortie, et de disposer de structures permettant d'isoler les personnes positives qu'il n'est pas nécessaire d'hospitaliser. Toute cette machinerie doit se roder. J'ai demandé aux préfets et aux ARS des propositions précises pour la fin de la semaine s'agissant des dix recommandations formulées par le conseil scientifique, que le Gouvernement reprendra en intégralité.

On ne peut pas dire que nous avons été longs à la détente dans les territoires d'outre-mer. Le 4 mars, les grands rassemblements ont été interdits. Le même jour, les escales de croisière ont été interdites. Le 16 mars, tous les établissements scolaires de tous les territoires ultramarins ont été fermés, y compris en l'absence de cas de Covid-19, car nous sommes sur une logique nationale et nous avions de l'avance. Nous sommes en effet bien conscients, tout comme vous, des fragilités supplémentaires que connaissent les hôpitaux des territoires ultramarins. Ensuite, le confinement a été instauré, puis renforcé, les vols ont été drastiquement réduits et de nouvelles mesures entrent actuellement en vigueur. Nous n'avons pas pris de retard, au contraire.

Il est vrai que nous ne devons désormais pas nous laisser déborder et qu'il faut continuer à lutter comme nous le faisons dans tous les territoires d'outre-mer – je souhaite à cet égard remercier toutes les personnes impliquées. Je ne crois pas qu'il y ait des soignants, dans ces collectivités, qui ne disposeraient pas de masque. Les réserves sont suffisantes, alimentées toutes les semaines, et il n'y a aucune inquiétude à avoir en la matière. Néanmoins, comme dans l'Hexagone, la mise à disposition de masques pour le grand public est impossible à ce jour, mais ce n'est pas encore le sujet. Il en va de même de la fourniture de masques à un certain nombre de professionnels, lesquels devront en être équipés lors du déconfinement. Nous y travaillons et allons monter en puissance aussi bien pour l'outre-mer que la métropole.

Sur la question des hôpitaux de La Réunion et de l'indice de correction, il me semble que nous avons entendu le Président de la République et le ministre des solidarités et de la santé redire que l'après-pandémie nécessitera une réflexion en la matière. Il conviendra bien sûr d'y impliquer l'ensemble des territoires avec leurs spécificités, car, vous le savez, l'indice de correction n'est pas le même aux Antilles, à La Réunion et dans les autres territoires.

S'agissant des petites entreprises, sur lesquelles vous avez beaucoup insisté, la grande majorité d'entre elles seront accompagnées, comme l'a annoncé ce matin Bruno Le Maire qui a clairement dit que le premier étage de l'aide, d'un montant de 1 500 euros, serait distribué le plus largement possible aux entreprises en difficulté, nombreuses dans les territoires d'outre-mer.

Quant à l'établissement d'une véritable politique de santé, cela va de soi : les plans étaient en cours d'élaboration et continueront à se concrétiser.

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Je relaie la question de ma collègue Claire Guion-Firmin, qui concerne Saint-Martin et Saint-Barthélemy et se concentre sur le seul aspect sanitaire, car vous savez combien Saint-Martin est fragile et vulnérable depuis le passage du cyclone Irma en septembre 2017, tant sur le plan économique que social.

Les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ont été les premiers territoires ultramarins touchés par l'épidémie de Covid-19. Saint-Martin, qui déplore déjà deux décès côté français – et neuf côté néerlandais – affiche aujourd'hui le taux de prévalence le plus élevé des outre-mer. Nous sommes inquiets pour l'avenir, s'agissant d'un territoire cinq fois plus dense que la moyenne nationale et deux fois plus pauvre. L'arrivée dans la région des militaires du 33e régiment d'infanterie de marine et du porte-hélicoptères amphibie Dixmude rassure un territoire qui souffre, à l'instar des autres départements d'outre-mer, au regard d'un déficit en termes d'équipements et de moyens hospitaliers.

Pouvez-vous nous préciser quelle sera l'aide matérielle – je pense bien évidemment aux masques chirurgicaux FFP2 et aux respirateurs – qui sera spécifiquement apportée à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, et quand elle le sera ?

Dans son avis du 8 avril dernier, le conseil scientifique recommande notamment de constituer, dans chaque territoire, une unité fonctionnelle RT-PCR, dimensionnée à hauteur du bassin de population, afin de tester massivement. Une telle unité sera-t-elle créée à Saint-Martin et à quelle date ?

Enfin, l'hôpital de Saint-Martin, qui souhaite pouvoir compter sur le renfort minimum de deux anesthésistes-réanimateurs, de deux urgentistes et d'un infectiologue, pourra-t-il bénéficier de l'aide précieuse offerte par les médecins cubains, à quelle date, et pour quelle durée ?

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J'associe à ma question mes collègues Max Mathiasin et Justine Benin.

L'épidémie de dengue à La Réunion et le contexte saisonnier font craindre l'apparition d'une épidémie du même type aux Antilles, en Guyane ou à Mayotte, et imposent une action préventive forte, qui rassurerait nos compatriotes ultramarins. C'est en tout cas une demande appuyée des acteurs locaux.

De même, les collectivités territoriales ont besoin de disposer de marges de manoeuvre afin d'accomplir les missions relayées par les préfectures en matière d'accueil et de prise en charge des personnes sans abri. Les communes ultramarines savent assurer cette mission durant des périodes très réduites, de vingt-quatre ou quarante-huit heures, en cas d'alerte cyclonique, par exemple, mais n'ont pas les moyens humains, voire matériels, de l'assurer durant plusieurs semaines.

Est-il envisagé, avec le concours du ministère du travail, d'abonder une enveloppe exceptionnelle et temporaire visant à permettre aux collectivités territoriales ultramarines de recruter un personnel dédié à la lutte anti-vectorielle et à la mise à l'abri des plus fragiles, dans le cadre du parcours emploi compétences, ou par tout autre moyen ?

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Madame la ministre, j'attire votre attention sur la nécessité que les mesures préfectorales prises en outre-mer dans le cadre de l'état d'urgence nous soient communiquées avec diligence. Ce n'est pas tout à fait le cas actuellement ; je sais que vous y veillerez.

En cette période d'état d'urgence, notre démocratie repose, plus encore que d'habitude, sur l'engagement de nombreuses personnes, en particulier des bénévoles qui viennent au secours des plus fragiles. Leurs associations sont de ce fait des sources d'information très importantes pour repérer des difficultés mal prises en compte par les dispositifs institutionnels.

Je me fais ici l'écho d'alertes lancées par plusieurs associations concernant certaines populations en grande précarité en Guyane. Vous avez été interpellée par Médecins du monde, la Ligue des droits de l'homme, la CIMADE de Guyane, Vent d'ici vent d'ailleurs, l'Association guyanaise de réduction des risques, entre autres.

Comme vous le savez, le confinement, dans ce territoire comme en métropole, affecte très différemment les personnes selon leur situation sociale, selon qu'elles ont ou non un emploi et bénéficient du chômage partiel, selon qu'elles disposent ou non d'un revenu, mais aussi selon les conditions de leurs logements et les caractéristiques de leurs territoires de résidence. Pour les nombreux Guyanais qui vivent d'une économie informelle, ne sont pas répertoriés par les dispositifs institutionnels de solidarité et habitent des zones où le ravitaillement alimentaire repose sur des réseaux de distribution fragiles, les périodes de confinement peuvent très vite conduire à des situations d'extrême précarité. En Guyane, comme ailleurs en France et en métropole des personnes ont faim.

La cellule de continuité sociale, qui associe des institutions et certaines associations, doit être un lieu de discussion et d'adaptation des dispositifs institutionnels, et pas seulement une courroie de transmission, qui permettrait de sous-traiter des missions publiques aux associations. Qu'en est-il ?

Enfin, comment les forces militaires, fortement présentes en Guyane, prennent-elles part à l'accompagnement des populations les plus isolées et les plus enclavées ?

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Je transmets la question de mes collègues polynésiennes, Nicole Sanquer et Maina Sage.

La situation en outre-mer paraît préoccupante, tant les besoins dans tous les domaines sont colossaux. Aux problèmes résurgents, tels que l'accès à l'eau potable, l'immigration illégale ou encore la dengue, s'ajoute la lutte contre l'épidémie. En Polynésie française, il est question d'un déconfinement progressif des îles les moins touchées par l'épidémie dans le courant de la semaine prochaine. Pour que le déconfinement soit une réussite, il doit être progressif, et guidé par une stratégie. À défaut, il faudra de nouveau confiner massivement la population. Par exemple, les vols entre les îles et notamment en provenance de Tahiti doivent rester interdits, afin de poursuivre la lutte contre la diffusion du virus, tout en permettant aux résidents des autres îles bloqués à Tahiti de rejoindre leurs domiciles, sous réserve qu'ils soient soumis à une quatorzaine à leur arrivée. Le déconfinement ne peut être mené sans consulter les maires.

Concernant la réouverture des établissements scolaires, Nicole Sanquer et Maina Sage signalent que les territoires sont inégaux en matière de continuité pédagogique, parce que tous les Polynésiens, selon les différentes îles, ne sont pas dotés de la connexion internet efficace qu'elle nécessite.

Si une campagne massive de tests doit être menée, la question de la stratégie à adopter en la matière se pose. Le conseil scientifique indique, à ce stade de l'épidémie dans les outre-mer, que toute personne suspecte d'être touchée par le Covid-19 doit pouvoir bénéficier d'un test diagnostique. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur l'envoi de matériel de test en Polynésie française, et sur l'opportunité d'effectuer des tests sérologiques ?

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J'aborderai les effets économiques de la crise sanitaire. Les entrepreneurs ultramarins demandent que l'Agence de service et de paiement avance la date de versement du chômage partiel afin de protéger leur trésorerie déjà fragilisée par la fermeture de leur établissement.

Par ailleurs, j'insiste pour que l'aide du Gouvernement soit renforcée, généralisée et pérennisée pour les initiatives bénéficiant au tissu économique ultramarin et visant à fabriquer localement les produits sanitaires indispensables tels que les gels et les masques.

Le Président de la République a annoncé un plan spécifique pour les secteurs durablement affectés comme le tourisme, l'hôtellerie et la restauration, et que des annulations de charge et des aides spécifiques seront instaurées. Nous nous félicitons de cette annonce, qui répond aux demandes que nous avons formulées auprès de l'exécutif la semaine dernière. Cette exonération de charges sociales et fiscales devrait cependant être inconditionnelle pour les entreprises ultramarines de moins de cinq salariés et pour la totalité de l'année 2020. Pourriez-vous préciser le contenu de ce dispositif ?

Au moins 25 % du fonds de garantie instauré par l'État devrait être réservé aux entreprises fondées il y a moins de trois ans, auxquelles les banques sont très réticentes à accorder un prêt.

En outre, je propose de mieux accompagner les collectivités territoriales ultramarines face à la crise, en leur accordant une avance de deux mois de leur dotation. Jean-René Cazeneuve, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, s'inquiète, comme moi, de la diminution de certaines de leurs ressources, singulièrement l'octroi de mer et la taxe spéciale sur les carburants. Cette diminution intervient alors que l'épidémie fait peser un poids sans précédent sur les moyens des collectivités. C'est pourquoi une dotation spécifique supplémentaire devrait être versée, afin que les collectivités puissent répondre efficacement au besoin de protection sanitaire, comme elles ont commencé à le faire spontanément, concernant la reprise de l'économie.

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Annick Girardin, ministre des outre-mer

Monsieur Barrot, vous soulignez que La Réunion doit lutter à la fois contre l'épidémie de dengue et contre celle de Covid-19, et souhaitez savoir quels moyens sont accordés aux collectivités, notamment dans le cadre du parcours emploi compétences (PEC), c'est-à-dire des emplois aidés. La question m'a également été posée par plusieurs parlementaires, lors des tours téléphoniques effectués ces trois dernières semaines.

J'ai donc vérifié, et j'ai eu la déception de constater, alors que nous avons besoin d'hommes et de femmes sur le terrain pour lutter contre la dengue notamment, que seuls 12 % des crédits affectés à ces dispositifs ont été consommés en outre-mer. Je vous rappelle que l'enveloppe octroyée aux départements et régions d'outre-mer en 2020 permet de financer 18 085 PEC ; cela représente 22 % de l'enveloppe au niveau national, qui permet le financement de 83 000 PEC. Cette répartition se justifie largement, compte tenu de toutes difficultés sociales que vous avez évoquées. Ainsi, seulement 2 226 contrats ont été signés dans les territoires d'outre-mer, alors que nous avons besoin d'un accompagnement sur le territoire, dans la lutte contre la dengue, et en faveur des personnes âgées, isolées, des plus fragiles.

J'en viens à l'île de Saint-Martin, qui est bien évidemment un objet de préoccupation pour nous. Comme l'île de Saint-Barthélemy, elle rencontre des difficultés pour se reconstruire, après le passage de l'ouragan Irma. Vous en connaissez les causes : la situation et les ressources de la collectivité ainsi que les questions d'ingénierie. Néanmoins, nous pouvons dire que nous sommes au rendez-vous, concernant le nombre de lits nécessaires à Saint-Martin, et l'envoi du matériel nécessaire. Je ne pourrai communiquer les chiffres à la députée de ce territoire que plus tard, car les documents dont je dispose actuellement, transmis par le ministère des solidarités et la santé, ne donnent que les chiffres pour l'ensemble de l'ARS de la Guadeloupe sans préciser ceux pour Saint-Martin et Saint Barthélemy.

Oui, une unité de tests sera envoyée à Saint-Martin, comme d'ailleurs aux autres territoires qui ne disposent actuellement d'aucune machine pour réaliser des tests, les îles Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Actuellement, les tests pour les habitants de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy sont envoyés en Guadeloupe. On peut estimer que c'est du temps perdu. Il est prévu d'aller plus vite, notamment lors du déconfinement, où des équipements seront nécessaires. La proximité des îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy laisse penser que l'on pourrait instaurer une force de frappe commune, si besoin.

Effectivement, en Guyane et à Mayotte, comme dans d'autres territoires ultramarins, voire dans certains quartiers ou régions de l'Hexagone, la question de la faim se pose aujourd'hui. Le confinement y rend impossible le travail informel, empêchant la circulation de l'argent. Aussi certains n'ont-ils pas de quoi acheter à manger.

C'est pourquoi les aides alimentaires seront plus importantes en Guyane et à Mayotte que dans d'autres territoires ultramarins. Mayotte bénéficiera de 1,3 million d'euros de bons alimentaires distribués par la Croix-Rouge française, la Guyane de 1,2 million, en supplément de la réadaptation de la PARS, qui cible les enfants dont le seul repas était celui pris en milieu scolaire. Il fallait réagir de manière très rapide à cette difficulté. Enfin, une aide alimentaire supplémentaire est prévue pour les territoires les plus défavorisés.

Cette crise sanitaire et économique laisse craindre une crise de l'ordre public dans certains territoires. De nombreuses agressions ont visé les forces de l'ordre à Mayotte ; quelques tensions sont aussi apparues en Guyane. Monsieur Vallaud, je surveille ces questions de très près, et n'hésiterai pas à prendre des mesures supplémentaires. La précarité, déjà trop grande avant l'épidémie, avait conduit à une grave crise en 2017 en Guyane. Nous devons être à la hauteur du plan Guyane, dont l'application se poursuit, même si c'est à un rythme qui n'est jamais suffisamment rapide pour un territoire dont le retard sur la métropole est important.

Rattraper ce retard est aussi l'objectif des contrats de convergence et de transformation comme de toutes les mesures prises dans le cadre des assises des outre-mer et du Livre bleu des outre-mer. La remise à niveau de tous les services dans tous les territoires d'outre-mer est en cours ; malheureusement, l'épidémie nous frappe alors que cette tâche n'est pas achevée.

Concernant la Polynésie, je voudrais rappeler aux parlementaires élus dans ce territoire que le gouvernement polynésien dispose de prérogatives en matière économique, sanitaire et de transport – je pense notamment à la compagnie Air Tahiti Nui. Il a pris la décision de mettre fin aux liaisons aériennes entre les îles afin d'éviter que le virus ne s'y diffuse. Nous avons malgré tout garanti, comme c'est normal, les évacuations sanitaires.

Comme les liaisons avec la métropole assurées par Air Tahiti Nuit ont été interrompues, l'État a décidé de prendre en charge l'instauration d'un pont aérien avec la Polynésie, afin de permettre le ravitaillement alimentaire et sanitaire, qui est prioritaire. Les décisions en la matière sont prises par la cellule transport, mais aussi par le service du ministère des solidarités et de la santé chargé de répartir les commandes entre les territoires.

Par ailleurs, 320 personnes résidant en Polynésie sont aujourd'hui bloquées à Paris. La décision, sur ce point aussi, appartient à Air Tahiti Nui, qui a cessé d'assurer la liaison avec la métropole. La Polynésie ne disposerait pas des capacités d'accueil pour la quatorzaine, si bien que le gouvernement polynésien ne souhaite pas permettre le retour de ces personnes en attente à Paris. Nous nous sommes assurés auprès de la Maison de la Polynésie à Paris, avec qui nous sommes en lien direct, qu'aucun d'entre eux n'était en situation de détresse ou d'errance. Plus généralement, le délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'outre-mer a eu mission de vérifier qu'aucun des ultramarins bloqués à Paris, notamment les étudiants, ne se trouvait dans ces situations.

Je souhaite qu'avec le président Édouard Fritch, nous puissions permettre le retour des Polynésiens le plus rapidement possible ; dès le prochain vol vers la Polynésie – il y en a un tous les dix jours.

Par ailleurs, l'envoi du matériel attendu – notamment celui nécessaire aux tests – par voie aérienne a été validé. Le prochain vol, qui a lieu dans quelques jours, permettra, je pense, de livrer des tests de dépistage et des masques pour la Polynésie. C'est désormais une question de logistique.

La quasi-totalité des aides économiques prévues a été versée, pour les territoires du Pacifique – la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie –, en réponse aux souhaits qui avaient été formulés. Nous accompagnerons les gouvernements de ces deux territoires dans leurs besoins de trésorerie.

Concernant les violences intrafamiliales, tous les dispositifs nationaux, notamment les numéros d'appel, comme le 39 19, le 119 pour les mineurs, ou le 17 et le 112 en cas d'urgence, valent aussi pour les territoires ultramarins. Il est possible d'envoyer des SMS au 114 à partir des départements et régions d'outre-mer ; la plateforme arretonslesviolences.gouv.fr est accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept.

Dans certains territoires ultramarins, comme en métropole, des lieux d'écoute, d'accompagnement, ont été créés dans les pharmacies, les centres commerciaux et les commerces d'alimentation. Par exemple, en Guyane, le Carrefour Matoury et l'Hyper U de Cayenne disposent aujourd'hui de points d'écoute. Ce type de dispositif doit être installé dans l'ensemble des territoires ultramarins, notamment dans les pharmacies, dont les responsables peuvent alerter le 17.

Les violences intrafamiliales sont plus nombreuses dans les territoires ultramarins que dans l'Hexagone : nous suivons ce sujet de près avec Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

J'en viens à l'impact de la crise épidémique sur les finances locales des départements et régions d'outre-mer. Les communes d'outre-mer connaissent déjà d'importantes difficultés budgétaires et font subir de nombreux impayés aux entreprises locales. Au-delà des aides liées à la crise, les entreprises ultramarines demandent avant tout aux collectivités – hôpitaux, État – de respecter les délais de paiement. Or, dans certains territoires, les retards dépassent 300 jours. Si nous voulons que les entreprises survivent, les collectivités doivent faire ce geste. En contrepartie du versement anticipé de leurs dotations qui est envisagé, je leur demanderai d'honorer leurs paiements aux entreprises.

Les produits de l'octroi de mer et de la taxe sur les carburants sont garantis par les régions aux communes pour l'année. En la matière, la réflexion doit donc viser le moyen terme : comment les régions y feront-elles face, dès lors qu'elles ne percevront pas les recettes correspondantes ? Nous devrons réfléchir avec elles à des avances de trésorerie, au cas par cas, ou à d'autres modalités de soutien. D'ailleurs, certains territoires comme Saint-Martin, la Guyane et Mayotte ont déjà signé des plans d'accompagnement avec l'État.

Le ministère du travail s'est saisi du chômage partiel en outre-mer et de l'éventuelle création d'une structure intermédiaire. Les annonces qu'a faites ce matin Bruno Le Maire devraient rassurer la grande majorité des entreprises ultramarines. Je tiens d'ailleurs à remercier toutes les collectivités qui participent au financement de la solidarité et des aides destinées aux entreprises.

Une précision pour finir : lorsque j'ai affirmé que tous les soignants avaient certainement des masques, je parlais des soignants en milieu hospitalier. Je vérifierai ce qu'il en est pour les autres soignants – la question s'est notamment posée il y a quelques jours s'agissant des kinésithérapeutes à La Réunion.

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Merci, mes chers collègues, pour la richesse de vos questions, et merci, madame la ministre, pour la précision de vos réponses.

L'audition s'achève à dix-neuf heures trente-cinq.