Il nous a paru important de souligner la nécessité de disposer d'indicateurs sociaux du confinement. En effet, celui-ci n'a rien de naturel et peut avoir des effets délétères. Certains de ces indicateurs sont mesurés dans le cadre d'enquêtes coordonnées par Santé publique France que Geneviève Chêne a évoquées tout à l'heure. Mais il nous semblait aussi important que d'autres enquêtes soient menées de façon totalement indépendante par des équipes de chercheurs. Plusieurs groupes de chercheurs issus du CNRS, de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et d'autres institutions se sont intéressés à ces questions qui dépassent le cadre de la recherche et portent sur l'évaluation des conséquences du confinement, qui est une décision de politique publique prise en raison de la crise sanitaire. Une telle démarche n'a rien d'habituel en France : si elle est courante dans le monde anglo-saxon, cette évaluation indépendante de la stratégie des politiques publiques est quelque chose de nouveau chez nous. Sept ou huit études de ce genre, cofinancées par l'Agence nationale de la recherche et d'autres instituts de recherche, sont en cours de réalisation.
S'agissant des tests sérologiques, il existe deux types de test.
Les premiers, les PCR, permettent d'établir un diagnostic de biologie moléculaire reposant non pas sur une culture du virus mais sur le repérage du matériel génétique de celui-ci. Comme pour tous les tests biologiques, leur sensibilité et leur spécificité posent question. Pour ce type de tests, la difficulté tient non pas à la spécificité, mais à la sensibilité, en partie liée aux conditions dans lesquelles le prélèvement a été réalisé. Et le problème se pose différemment selon que l'on pratique quelques tests ou que l'on choisit de les multiplier. Ce type de tests permet, par l'identification du matériel génétique du virus dans les sécrétions bronchiques, salivaires ou nasales, de poser le diagnostic d'une infection du patient au moment où il est testé ; il ne permet pas de savoir si celui-ci a été ou non en contact avec le virus auparavant.
La France était en retard pour l'utilisation de ces tests – mieux vaut dire les choses comme elles sont. De 3 000 tests disponibles par jour au début du mois de mars, nous sommes passés à quelque 30 000 par jour. Nous devrions – il faut que nous y parvenions, c'est l'une des conditions pour sortir du confinement – atteindre un minimum de 100 000 tests par jour à la mi-mai.
Cela signifie être en mesure non seulement de pratiquer les tests mais aussi d'effectuer les prélèvements, de les acheminer jusqu'aux laboratoires puis d'assurer la jonction avec les outils numériques afin d'être mesure d'apporter une réponse individuelle mais aussi collective. Santé publique France doit disposer d'une vision globale des tests effectués. Cela exige donc une programmation d'ensemble qui va bien au-delà de la question de leur nombre.
J'entends souvent dire que nous étions en retard par rapport à l'Allemagne. C'était vrai, nous étions très en retard, mais cela ne l'est plus tout à fait maintenant. L'Allemagne est en mesure de réaliser entre 70 000 et 80 000 tests pas jour : l'écart est réel sans être pour autant d'un à dix. Si nous atteignons le seuil des 100 000 tests début mai ou mi-mai, nous serons très proches de ce que fait l'Allemagne.
Le second type de tests, ce sont les tests sérologiques, qui consistent à rechercher les anticorps, à l'instar des sérodiagnostics de rubéole ou d'hépatite, pour savoir si vous avez été en contact avec le virus, mais pas à détecter celui-ci. Ils sont plus simples à réaliser : il suffit d'une prise de sang – peut-être même un jour d'un prélèvement salivaire.
Néanmoins, je l'ai dit précédemment, ce type de tests pose d'importants problèmes de spécificité : si vous avez déjà été infecté par un coronavirus – nombre d'entre nous l'ont déjà été lors des années précédentes –, les réactions croisées entre les anciennes immunités et la nouvelle sont nombreuses.
De plus, les anticorps après une infection par un coronavirus – c'est un virus diabolique – apparaissent après un certain délai : non pas en J+14 comme c'est le cas généralement mais en J+28 chez les patients peu symptomatiques. Les résultats seront donc différents selon le moment où le test est pratiqué. Nous sommes en train de nous en apercevoir. Certains diront que nous aurions pu le savoir, mais non, nous ne le pouvions pas : nous faisons des découvertes sur différents points au fur et à mesure.
Le nombre de tests sérologiques est passé de zéro début mars à environ 4 000 aujourd'hui – ils sont réalisés à Paris par l'Institut Pasteur et à Marseille, chez Xavier de Lamballerie, directeur de l'unité des virus émergents de l'Institut de recherche pour le développement. Des tests commerciaux – entre 100 000 et 300 000 – seront bientôt disponibles, et on passera dès début mai à une phase semi-industrielle, grâce à la chaîne Élisa.
Néanmoins, je fais mon mea culpa, ces tests présentent peut-être moins d'intérêt qu'on ne le pensait. L'interrogation ne porte pas sur l'accès aux tests – nous les aurons, le modèle commercial est en cours d'élaboration –, mais pour quoi faire ? Ils doivent servir à quelque chose.
Or, il s'avère que l'immunité populationnelle – le pourcentage de personnes ayant une sérologie positive – se situe autour de 10 % après la première vague, à quelques points près. Nous n'avons donc pas atteint le niveau d'immunité souhaité pour éviter une deuxième vague, ce qui constitue un réel problème auquel nous n'avons pas encore de solution.
Ensuite, avec une immunité à 10 %, la séparation des Covid + et des Covid - qu'on avait imaginée n'est pas tellement faisable puisque la majorité des personnes sera toujours Covid -. En outre, le fait d'être Covid +, d'avoir des anticorps, ne garantit pas totalement d'être protégé. Il faut prendre cette information avec des nuances mais je souhaite appeler l'attention de tous sur ce point, dont la presse ne s'est pas encore emparée, mais qui mérite de faire l'objet de travaux de recherche.