Intervention de Julien Dive

Réunion du mercredi 4 mars 2020 à 9h20
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Dive :

Je remercie notre collègue rapporteur de nous présenter cette proposition de loi qui nous donne l'occasion, pour la première fois peut-être depuis le début de cet hiver, d'aborder à l'Assemblée nationale les enjeux de la grande pauvreté, et donc de la grande exclusion dans notre pays.

Permettez-moi, au nom du groupe Les Républicains, d'élargir le débat et de rappeler le contexte.

Chaque soir, à Paris, ce sont 500 personnes qui sont laissées sans solution d'abri. Dans certaines grandes agglomérations de province, le numéro d'urgence 115 n'est même plus en capacité de répondre. On recense en France, en 2020, près de 200 000 personnes sans-abri ou sans solution d'abri, dont 40 % de femmes seules ou avec enfants. Un autre constat de la fondation Abbé Pierre, que vous avez citée tout à l'heure, Monsieur le rapporteur, est que 35 % des ménages en France sont constitués d'une seule personne, une situation qui confirme que les personnes vivant seules sont de plus en plus touchées par le mal-logement ou le sans-abrisme, deux phénomènes corrélés à la grande pauvreté et qui créent les conditions de l'isolement ou de l'exclusion.

Alors que nous partageons le même constat sur l'urgence d'agir, nous pouvons cependant avoir des divergences sur les réponses. Je vais en citer quelques-unes.

Tout d'abord, Monsieur le rapporteur, l'interdiction des expulsions locatives sans proposition de relogement adaptée aurait pu être assortie de l'autorisation du droit de réquisition donné au maire. Je m'explique. Ce droit de réquisition est détenu par l'État, au travers des préfets dans les départements. Le préfet peut l'utiliser mais, en réalité, il ne le fait que rarement, n'ayant pas la connaissance du parc immobilier local disponible. S'il en a une, elle est pour le moins faible. À l'inverse, le maire est vraiment l'interlocuteur le plus expert à l'échelon local. C'est lui qui a la plus grande connaissance des disponibilités immobilières sur son territoire. Lui transférer ce droit de réquisition semble donc plus approprié.

Ensuite, j'aimerais aussi connaître le rôle que vous souhaitez accorder, Monsieur le rapporteur, aux commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX), qui ont été renforcées par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (dite loi « ALUR »). Lorsque j'étais maire de ma commune, j'ai été amené à y participer. Je dois dire que, rarement, les expulsions ont été prononcées car il existe, malgré tout, plusieurs mesures d'alerte et d'accompagnement. Nous avons toujours réussi à trouver des solutions. J'aimerais connaître le rôle que vous souhaitez confier à ces CCAPEX dans votre proposition de loi : comptez-vous laisser les choses en l'état actuel ou les renforcer ?

L'autre point que je voulais aborder est l'encadrement des loyers. J'exprime une divergence de vues avec vous à ce sujet. D'après les retours d'expérience que j'en ai, quelles qu'elles soient, ces mesures ont très rarement été efficaces. Elles semblent avoir eu des effets marginaux parce qu'elles ne concernent que les logements qui connaissent des rotations de locataires, soit de l'ordre de 20 % des logements privés, qui, d'ailleurs, pour la plupart, sont loués à des montants inférieurs aux loyers de référence majorés. On peut donc considérer que cet encadrement des loyers n'aurait qu'un effet ponctuel.

Enfin, vous prévoyez des mesures de financement assez fortes, notamment des taxes assez importantes sur les acquisitions. Autant nous pouvons partager les objectifs d'action, autant nous pouvons avoir des divergences sur le financement.

C'est pour cela qu'en l'état du texte, nous n'y sommes pas favorables.

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