Présentation du rapport d'évaluation de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne par Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Frédérique Lardet, M. Vincent Rolland et M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteurs.
Ce point de l'ordre du jour ne fait pas l'objet d'un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l'Assemblée à l'adresse suivante :
Rapport d’évaluation de la loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Questions des députés
Vote
La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Jean-Luc Mélenchon, la proposition de loi tendant à rendre effectif le droit au logement (n° 2601
Mes chers collègues, nous examinons la proposition de loi n° 2601 du groupe La France insoumise tendant à rendre effectif le droit au logement. Ce texte est inscrit dans la séance réservée à ce groupe, le jeudi 26 mars.
L'examen de cette proposition de loi nous permet d'accueillir au sein de notre commission le président Jean-Luc Mélenchon, rapporteur de ce texte, ainsi que nos collègues Danièle Obono et Stéphane Peu, que nous avons déjà reçus à plusieurs reprises sur des sujets relatifs au logement. Je leur souhaite la bienvenue ainsi qu'à Thibault Bazin, qui devrait nous rejoindre puisqu'il n'est jamais très loin lorsqu'il est question de logement. Nous aurons ainsi la team logement au grand complet !
Monsieur Mélenchon, vous êtes député de Marseille, ville qui porte dans sa chair les stigmates de l'habitat indigne et précaire. Le 5 novembre 2018, deux immeubles vétustes s'effondraient rue d'Aubagne, tuant huit personnes et mettant en lumière l'indignité de centaines de logements du centre-ville de Marseille.
Depuis, la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (dite loi « ELAN »), qui durcit les mesures contre les marchands de sommeil, a été votée. Nous y reviendrons sans doute durant les débats. Les sujets soulevés dans votre proposition de loi sont au coeur des travaux que nous avons menés ces deux dernières années. Je pense bien évidemment à la loi ELAN que j'ai déjà évoquée, qui a été votée dont notre commission suit la mise en application, mais aussi à la proposition de loi de notre collègue Jean-Luc Lagleize visant à réduire le coût du foncier, à la communication de M. Nicolas Démoulin sur l'hébergement d'urgence ou encore à l'audition de M. Mickaël Nogal sur son rapport au Premier ministre portant sur les relations entre propriétaires et locataires, qui fera sans doute aussi l'objet d'une future proposition de loi.
Nous aurons une discussion générale puis nous examinerons 26 amendements, ce qui fait « petit bras » par rapport aux lois que nous avons examinées ces derniers temps, et j'espère que nous mènerons cela tambour battant.
Chers collègues, avant d'en venir aux questions de fond traitées par cette proposition de loi, j'aborderai brièvement un sujet général concernant la publicité de nos travaux.
Je crois savoir, Monsieur Mélenchon, que vous avez souhaité filmer, par vos propres moyens, les auditions que vous avez réalisées en tant que rapporteur de ce texte. Ces dernières semaines, d'autres rapporteurs ont également filmé leurs auditions. Ce fut le cas de MM. François Ruffin et Bruno Bonnell pour leur mission sur les aides à la personne et de M. Richard Ramos pour sa mission sur les sels nitrités.
Sur le principe, je ne suis en aucun cas opposé à l'utilisation de tels moyens audiovisuels lors des auditions des rapporteurs. La publicité des travaux de cette Assemblée et de cette commission fait partie, à mon avis, des manières intéressantes de rendre plus vivants et plus proches des citoyens les travaux de cette commission. Mais je souhaite que soit impérativement respectée une règle simple et claire : les personnes filmées doivent absolument en avoir été informées préalablement à leur arrivée et ne pas s'y être expressément opposées.
Le prochain bureau de la commission précisera les règles applicables à la publicité des travaux des rapporteurs.
Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.
Je viens ici avec un sujet bien connu de cette commission, qui compte dans ses rangs des personnes expertes du domaine. À la vérité, le sujet n'est pas neuf, il est l'un de ceux parmi les plus présents dans nos permanences et les plus évoqués en ville et dans les circonscriptions urbaines. Le droit au logement est, en effet, régulièrement proclamé et répété sur tous les tons, par tous les gouvernements mais on peut dire, en usant d'un euphémisme, que l'on n'en voit pas très bien les résultats. Nombre de personnes sont très étonnées d'apprendre que c'est un droit inscrit dans la Constitution, répété ici et là, parce que ce n'est pas ce qu'elles vivent. Au contraire, les rapports que nous recevons sur le sujet sont toujours consternants, et souvent très émouvants quand ils citent des exemples particuliers.
Chaque année, la fondation Abbé Pierre dresse un bilan qui nous consterne tous, quelles que soient nos opinions et nos engagements. Cette année, elle nous permet de comprendre que ce que nous avons vécu, nous autres à Marseille, le 5 novembre 2018, avec l'effondrement de deux immeubles, n'est pas une réalité réservée à la seule ville de Marseille et à sa population. Selon la fondation Abbé Pierre, quatre millions de personnes sont dans une situation de précarité de logement, 900 000 personnes sont privées de logement personnel et placées dans des situations ubuesques, comme ces jeunes adultes de vingt-cinq ans contraints de retourner vivre avec leurs parents. On dénombre 500 000 jeunes dans ce cas.
L'habitat indigne, qui a proliféré dans tout le pays, sera bientôt le lieu d'une conjonction de crises : non seulement l'habitat est indigne et les personnes y vivent une vie d'enfer mais, avec le changement climatique et le déversement de trombes d'eau dans certaines régions du pays, cet habitat indigne, qui est souvent des plus fragiles, devrait être le premier à s'écrouler. Vous verrez bientôt que ce ne sera pas qu'une spécialité de la ville de Marseille où, en effet, l'habitat indigne est particulièrement nombreux dans la mesure où il a bénéficié de protections de toutes sortes, elles aussi indignes.
J'ai cité la fondation Abbé Pierre. Je pourrais citer, plus accablant parce que cela nous pince en tant que Français, la rapporteuse spéciale de l'ONU, s'étonnant de la situation du logement en France, ce pays qui compte parmi les premières puissances mondiales, les toutes premières quant à la richesse accumulée. Son rapport pointe notre pays, et c'est toujours à regret que nous lisons ces phrases selon lesquelles, puissants comme nous le sommes, ce ne devrait pas être le cas. Je la cite : « [La France] doit maintenant veiller à ce que le droit au logement soit respecté, en particulier face à la montée du sans-abrisme ». Ou encore : « La France étant la sixième économie mondiale, il est inacceptable que le sans-abrisme ait atteint des proportions de crise et que de nombreuses personnes meurent dans la rue ». Elle conclut en disant combien elle est inquiète de la financiarisation du logement en France.
Permettez à un insoumis de vous dire que, pour notre part, nous situons dans la financiarisation du logement les causes essentielles de la crise que nous vivons. En ce domaine, les chiffres explosent sans aucune ambiguïté.
Tout d'abord, au contraire de toutes les autres « fournitures » qui étaient faites à la population de notre pays comme, par exemple, les fournitures alimentaires dont les prix ont baissé d'une manière considérable au cours des trente dernières années – et l'on peut dire que la paysannerie de notre pays a payé le mieux-vivre du salariat –, le logement, qui est une autre dépense contrainte et incontournable des familles, a connu une évolution de ses prix très considérable. Si, entre 2000 et 2009, la richesse du pays a progressé de 14 %, si les profits ont progressé de 17 %, les profits immobiliers ont, eux, augmenté de 60 % !
Dans certaines villes, comme vous le savez, la situation nous conduit à rappeler à tout le monde que les arbres ne peuvent pas pousser jusqu'au ciel, même si certains ont l'air de le croire. Que les prix, à Paris, aient augmenté de 350 % en dix ans permet de comprendre aussi pourquoi, alors que le salariat employé et ouvrier représente 50 % de la population active du pays, il correspond à peine à 4,5 % des accédants à un logement dans la capitale. Je cite la capitale non pour en faire un centre du monde, mais comme l'exemple abouti des dérives de la situation que nous vivons.
Dès lors, les phénomènes sociaux d'exclusion et de sécession se sont multipliés. Ils ne sont pas conformes à l'esprit français, empreint d'une certaine bonhomie égalitaire qui fait que, des générations durant, les milieux sociaux se sont certes toujours un peu séparés, mais pas au point d'atteindre l'état de sécession que nous observons. Le nombre des cités fermées se multiplient : celles des pauvres, en sécession et abandonnées par l'État, et celles des riches, s'enfermant derrière les barrières de cités privées, qui se multiplient. Il en existe, bien sûr, plusieurs à Marseille, il en existe aussi plusieurs ici, à Paris. Nous l'analysons comme un signe de mauvaise santé de la mixité sociale de la patrie.
Que proposons-nous pour y remédier ?
Nos propositions sont naturellement des solutions dont on imagine qu'elles ne conviennent pas à tout le monde, puisqu'elles partent de présupposés idéologiques et matériels qui sont souvent l'inverse de ce que d'aucuns parmi nous soutiennent depuis des années. Nous leur ferons observer, amicalement, que le résultat des politiques qui se sont succédé, qui ont toujours été plutôt favorables à la propriété qu'à la location, a été assez désastreux. Il est celui que je viens de vous présenter.
Nous proposons donc de passer d'un droit formel à un droit réel et, pour ce faire, nous présentons des mesures qui, bien sûr, ont un caractère drastique que je n'ai pas l'intention de sous-estimer, mais qui s'efforcent de répondre à l'insupportabilité de la situation. Tant de gens dehors, tant de gens mourant dans la rue, tant de gens dans un habitat indigne, tant de gens vivant dans des conditions de promiscuité absolument insupportables ! Tout cela nécessite une vigoureuse reprise en main de la situation.
Pour ce qui est d'interdire les expulsions sans relogement, vous le comprenez, l'objectif essentiel n'est pas tant d'interdire les expulsions que d'obliger au relogement – et, donc, de ne pas accepter la situation qui consiste à pousser des gens dans la rue en s'en remettant ensuite aux circonstances pour qu'ils trouvent une solution. Cela nécessite qu'un droit nouveau soit ouvert, qui garantisse à chacun le respect de sa propriété et de ses investissements.
Nous proposons, par conséquent, l'instauration d'une sorte de sécurité sociale du logement, la cotisation de tous permettant d'offrir une garantie universelle des loyers. À partir de là, s'enclenche un cycle vertueux qui libère les locataires de l'obligation de trouver un répondant personnel, ce qui d'ailleurs met souvent les familles dans l'embarras. Puis, le cercle vertueux se poursuivrait puisque, dès lors, les personnes logées hors d'état de payer leur loyer ne seraient plus maîtres de la situation et, grâce à cette garantie universelle, l'autorité de l'État pourrait intervenir librement afin d'obliger à leur relogement et à leur déplacement.
Il revient à l'État de décider où s'applique le permis de louer, de manière à soustraire cette autorisation aux arrangements locaux et aux amitiés coupables qui peuvent, conduire, pour utiliser un euphémisme, à des moments de cécité ou de bienveillant aveuglement, à l'égard de ces situations insupportables. L'État pourrait ainsi reprendre la main quand les communes se mettent hors la loi. De la même manière, il n'est pas juste que certains préfèrent payer les amendes plutôt que d'avoir des logements sociaux dans leur commune. Il n'est pas plus acceptable que d'autres aient trouvé des astuces aussi lamentables que d'étendre, en réunissant plusieurs communes au sein d'une métropole ou d'une agglomération, l'évaluation de la proportion de logements sociaux à l'ensemble ainsi constitué. Cela ne fait qu'aggraver la sélection et la ségrégation sociale.
Il s'agit, enfin, de faire nation commune : 30 % de logements sociaux dans toutes les communes urbaines et une taxe sur les hautes transactions immobilières permettraient de financer la lutte contre les logements indignes.
Il me reste quatre ou cinq minutes pour vous résumer le contenu des articles de la proposition de loi et vous dire qu'après les auditions que nous avons tenues, j'ai été conduit à proposer l‘ajout d'articles additionnels.
S'agissant de la sécurité du logement, l'article 1er propose d'interdire le concours de la force publique représentant la légitimité de la loi et de l'État pour expulser quelqu'un s'il n'y a pas eu de proposition de relogement, afin de ne pas expulser les locataires en les laissant se débrouiller seuls par la suite.
L'article 2 crée une garantie universelle des loyers pour permettre, ainsi que je viens de vous le dire, le maintien dans le logement des personnes qui ne peuvent plus payer de loyer tout en respectant les droits du propriétaire.
L'article 3 supprime le système des cautions privées, qui n'a plus lieu d'être dans le cadre d'une garantie universelle des loyers.
Le deuxième ensemble d'articles est constitué de propositions visant à stopper la spéculation et la ségrégation.
À cette fin, la proposition de loi encadre tout d'abord les loyers. L'article 4 instaure un encadrement des loyers partout, et un surencadrement des loyers dans les grandes agglomérations, qui vise à faire baisser ces loyers jusqu'à 20 %. L'encadrement proposé peut paraître assez spectaculaire, je précise qu'il est en oeuvre à Berlin et que les Berlinois n'ont pas l'air de s'en porter plus mal – tout au contraire, puisque les loyers sont en baisse !
La proposition de loi renforce également les obligations de construction de logements sociaux. L'article 6 porte le quota minimum de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants à 30 % du parc de logements.
L'article 7 transfère automatiquement au préfet la délivrance des permis de construire qui, pour l'instant, sont de la compétence du maire lorsque la loi – je dis bien « lorsque » – n'est pas respectée en matière de construction de HLM. Il ne s'agit pas de supprimer la décision de permis de construire des maires, mais de ne le faire que si la loi est violée délibérément, parce que sur des décisions d'aussi longue portée que celle du logement, c'est toujours délibérément que la loi est violée.
Pour éradiquer les logements indignes, puisque tout le reste n'a pas fonctionné, il faut user de la contrainte. L'article 5 rend obligatoire un permis de louer dans toutes les zones répertoriées comme ayant un nombre élevé de logements indignes et désignées par le préfet du département, pour qui cette connaissance est tout à fait possible.
Pour éradiquer les logements indignes, il faut également de l'investissement public. C'est la raison pour laquelle l'article 8 crée une taxe sur les transactions immobilières de très haut niveau financier, en vue de financer l'Agence nationale de l'habitat.
J'en viens aux amendements du rapporteur résultant des auditions que j'ai menées.
Le premier supprime le bail mobilité. J'en suis désolé pour mes collègues de La République en Marche. Je pense, collègues, que vous vous êtes trompés. Le bail mobilité n'a fait qu'aggraver la situation des pauvres gens qui voient leur droit à vivre dans leur logement devenir une sorte de monnaie fluide.
Le deuxième tend à supprimer les congés pour vente. Là encore, décider que l'on expulse son locataire sans attendre l'exécution du bail parce que l'on doit vendre son bien est une mesure qui déséquilibre totalement les rapports entre propriétaires et locataires.
L'amendement suivant vise à éviter la mutualisation intercommunale des quotas imposés par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Je viens de l'évoquer, il s'agit de refuser que l'on décide de concentrer tous les logements sociaux à un endroit et de continuer à ne rien faire dans l'autre.
Enfin, le dernier supprime de la comptabilisation pendant dix ans dans les quotas SRU des logements sociaux vendus. Là encore, je vais faire de la peine à mes collègues de la majorité mais, que voulez-vous, vous avez un peu exagéré : vendre des logements sociaux qui continuent d'être considérés comme des logements sociaux pendant dix ans dans la comptabilité, cela s'appelle de la publicité malhonnête, car ce n'est pas vrai : ce ne sont plus des logements sociaux. D'ailleurs, ceux qui, comme moi, sont élus de grandes agglomérations urbaines le savent, les logements qui se vendent sont les beaux morceaux ! Ils se vendent finalement relativement cher et donnent lieu à une revente extrêmement aisée. Les premiers acquéreurs sont bien heureux mais, ensuite, très rapidement, le quartier change complètement de nature. La « boboïsation » intervient en très peu de temps. Puis, après les bobos, viennent les très riches et, avec eux, la fin de toute vie sociale.
Voilà l'essentiel de ce que j'avais à vous dire. Je vous remercie de m'avoir écouté, sinon entendu.
Je souhaite tout d'abord la bienvenue dans notre commission au président Mélenchon.
Vous avez rappelé, Monsieur le rapporteur, les grands chiffres du logement, mais avant d'entrer dans la discussion sur votre proposition de loi, je souhaiterais rappeler, au nom du groupe La République en Marche, le travail réalisé par cette majorité et le Gouvernement depuis deux ans et demi, puisque, dès notre arrivée aux responsabilités, nous avons pris ce sujet à bras-le-corps.
Je rappellerai tout d'abord que la stratégie logement, présentée en 2017 par le Gouvernement, repose sur trois piliers.
Le premier est le législatif, et notamment la loi ELAN sur laquelle le président Lescure est revenu. Cette loi nous a beaucoup mobilisés et je salue l'ensemble de mes collègues, ici présents, qui y ont travaillé.
Du second, le pilier réglementaire, sont nés différents plans d'action.
Ainsi, cinq milliards d'euros ont été mobilisés pour développer avec les partenaires de l'État le plan Action Coeur de ville, visant à redynamiser nos centres-villes dégradés et dévitalisés.
Nous avons également eu le plan logement. À cet égard, je salue le travail de notre collègue Nicolas Démoulin visant à faire en sorte que le logement ne soit plus la finalité d'un parcours de logement, mais bien la condition pour s'insérer ou se réinsérer dans la société. Ce sont là des mesures très concrètes pour aider les plus fragiles de nos concitoyens.
Un plan visant à résorber les copropriétés dégradées a également été lancé, auquel ont été consacrés plusieurs milliards d'euros. Vous en avez dans votre circonscription, Monsieur le rapporteur ; j'en ai également dans la mienne, à Toulouse, notamment dans le quartier du Mirail. Là encore, nous avons engagé des actions très concrètes pour les Français.
Dans votre propos introductif, vous avez évoqué la question de la lutte contre l'habitat indigne. Ce sujet nous a tous mobilisés durant l'examen de la loi ELAN. Nous avons, je pense, bien avancé avec le ministre Julien Denormandie, qui a accepté plusieurs amendements de l'opposition. Le chapitre relatif à l'habitat indigne de la loi ELAN a donné lieu à une véritable discussion. Il a permis de faire évoluer les situations en imposant plus de sanctions et en instaurant l'obligation pour les professionnels de l'immobilier de signaler les comportements des marchands de sommeil. La volonté politique est donc au rendez-vous, tant du Gouvernement que de la majorité.
Tout ce travail, nous le menons sur le terrain et pour le terrain, sans dogmatisme, parce que ce sujet du logement nécessite d'être traité avec pragmatisme.
Cela nous a amenés à revenir, dans la loi ELAN, sur certaines mesures votées préalablement dans la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), ou à les adapter, comme ce fut le cas pour l'encadrement des loyers que vous prévoyez de généraliser à tout le territoire. La majorité a fait le choix de faire confiance aux territoires et de laisser aux élus locaux la capacité d'adapter et de décider si l'encadrement des loyers était pertinent sur leur territoire.
Monsieur Mélenchon, je regrette que, dans votre proposition de loi, vous ne fassiez le choix que de mesures contraignantes qui pèseront sur le pouvoir d'achat des Français. Jamais vous n'évoquez l'accompagnement nécessaire à nos territoires et à nos concitoyens pour mieux se loger et mieux vivre dans le logement.
Pour reprendre rapidement les mesures de cette proposition de loi, vous prévoyez, par exemple, d'interdire l'expulsion sans proposition de relogement de locataires qui ne paient pas leur loyer. En fait, par cette mesure, vous allez décourager des propriétaires de mettre leurs logements sur le marché. Or diminuer le nombre de logements sur le marché, c'est aller vers des loyers plus chers pour des locataires. Vous dites avoir choisi le camp des locataires, vos mesures, que je vais détailler et dont nous aurons l'occasion de débattre, sont de nature à défavoriser autant les locataires que les propriétaires.
Prenons la mesure concernant la garantie universelle des loyers. Là encore, vous imputez son financement sur les propriétaires : un problème ? Votre solution est d'imposer une taxe, encore et encore ! Ce n'est pas faire preuve de grande innovation. Pour notre part, avec le Gouvernement et la majorité, nous avons développé la garantie « Visale » qui permet aux moins de trente ans ayant des difficultés d'accès au logement d'être cautionnés gratuitement grâce au partenariat avec Action Logement, dont je salue le travail et les équipes. Cette garantie permet à tous les jeunes, quels qu'ils soient et d'où qu'ils viennent, de pouvoir se loger, y compris dans les zones très tendues, comme Paris ou nos métropoles.
Vous proposez également la suppression de la caution personne physique. Pour avoir travaillé longuement sur le sujet – et je remercie le président Lescure de son rappel du rapport que j'ai rendu au Premier ministre en juin 2019 –, le propos était plutôt de rassurer propriétaires et locataires et de fluidifier les relations entre propriétaires et locataires. Les propriétaires bailleurs privés recourent en majorité à cette caution personne physique pour se sécuriser contre les impayés. Vous proposez de la supprimer totalement. À mon sens, une telle mesure aura un effet dévastateur sur le marché, qui risque fort de conduire au retrait de nombreux logements.
Mon temps est déjà écoulé, j'aurais voulu revenir sur d'autres propositions. Mais je pense que nous aurons l'occasion de le faire. Mais, vous l'aurez compris, Monsieur Mélenchon : le logement pour tous les Français, c'est nous !
Je remercie notre collègue rapporteur de nous présenter cette proposition de loi qui nous donne l'occasion, pour la première fois peut-être depuis le début de cet hiver, d'aborder à l'Assemblée nationale les enjeux de la grande pauvreté, et donc de la grande exclusion dans notre pays.
Permettez-moi, au nom du groupe Les Républicains, d'élargir le débat et de rappeler le contexte.
Chaque soir, à Paris, ce sont 500 personnes qui sont laissées sans solution d'abri. Dans certaines grandes agglomérations de province, le numéro d'urgence 115 n'est même plus en capacité de répondre. On recense en France, en 2020, près de 200 000 personnes sans-abri ou sans solution d'abri, dont 40 % de femmes seules ou avec enfants. Un autre constat de la fondation Abbé Pierre, que vous avez citée tout à l'heure, Monsieur le rapporteur, est que 35 % des ménages en France sont constitués d'une seule personne, une situation qui confirme que les personnes vivant seules sont de plus en plus touchées par le mal-logement ou le sans-abrisme, deux phénomènes corrélés à la grande pauvreté et qui créent les conditions de l'isolement ou de l'exclusion.
Alors que nous partageons le même constat sur l'urgence d'agir, nous pouvons cependant avoir des divergences sur les réponses. Je vais en citer quelques-unes.
Tout d'abord, Monsieur le rapporteur, l'interdiction des expulsions locatives sans proposition de relogement adaptée aurait pu être assortie de l'autorisation du droit de réquisition donné au maire. Je m'explique. Ce droit de réquisition est détenu par l'État, au travers des préfets dans les départements. Le préfet peut l'utiliser mais, en réalité, il ne le fait que rarement, n'ayant pas la connaissance du parc immobilier local disponible. S'il en a une, elle est pour le moins faible. À l'inverse, le maire est vraiment l'interlocuteur le plus expert à l'échelon local. C'est lui qui a la plus grande connaissance des disponibilités immobilières sur son territoire. Lui transférer ce droit de réquisition semble donc plus approprié.
Ensuite, j'aimerais aussi connaître le rôle que vous souhaitez accorder, Monsieur le rapporteur, aux commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX), qui ont été renforcées par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (dite loi « ALUR »). Lorsque j'étais maire de ma commune, j'ai été amené à y participer. Je dois dire que, rarement, les expulsions ont été prononcées car il existe, malgré tout, plusieurs mesures d'alerte et d'accompagnement. Nous avons toujours réussi à trouver des solutions. J'aimerais connaître le rôle que vous souhaitez confier à ces CCAPEX dans votre proposition de loi : comptez-vous laisser les choses en l'état actuel ou les renforcer ?
L'autre point que je voulais aborder est l'encadrement des loyers. J'exprime une divergence de vues avec vous à ce sujet. D'après les retours d'expérience que j'en ai, quelles qu'elles soient, ces mesures ont très rarement été efficaces. Elles semblent avoir eu des effets marginaux parce qu'elles ne concernent que les logements qui connaissent des rotations de locataires, soit de l'ordre de 20 % des logements privés, qui, d'ailleurs, pour la plupart, sont loués à des montants inférieurs aux loyers de référence majorés. On peut donc considérer que cet encadrement des loyers n'aurait qu'un effet ponctuel.
Enfin, vous prévoyez des mesures de financement assez fortes, notamment des taxes assez importantes sur les acquisitions. Autant nous pouvons partager les objectifs d'action, autant nous pouvons avoir des divergences sur le financement.
C'est pour cela qu'en l'état du texte, nous n'y sommes pas favorables.
Plus d'un an après la promulgation de la loi ELAN, nous sommes amenés à examiner cette proposition de loi tendant à rendre effectif le droit au logement.
En France, le droit au logement est considéré comme découlant directement de la Constitution. C'est un droit fondamental qui est, pourtant, resté longtemps non sanctionné juridiquement. Proclamé avec la loi du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs, dite loi « Quillot », et consacré quelques années plus tard par la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, dite loi « Besson », le droit au logement est resté inappliqué pendant de nombreuses années en l'absence de tout dispositif contraignant. C'est seulement en 2007 que, sous l'impulsion décisive du monde associatif qu'il convient de saluer, le droit au logement opposable a été mis en place et consolidé par la suite, en 2014 et 2017. Ses objectifs sont clairs : garantir le droit au logement, lutter contre le mal-logement et mieux informer les bénéficiaires du droit au logement.
Dans le droit fil de ces grands principes et de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, dite loi « DALO », le groupe du Mouvement démocrate et apparentés est particulièrement mobilisé depuis le début de cette législature pour lutter contre le mal-logement, puisque le logement demeure la première des priorités pour les Français. C'est dans ce contexte que nous avions fait adopter, en première lecture, en novembre dernier, une proposition de loi visant à réduire le coût du foncier et à augmenter l'offre de logements accessibles aux Français. Nous comprenons donc parfaitement l'intention du groupe La France insoumise de s'attaquer à un problème malheureusement persistant dans notre pays.
Toutefois, pour plusieurs raisons que je vais évoquer ci-après, nous ne pouvons pas nous retrouver dans les propositions qui sont émises.
Tout d'abord, en ce qui concerne l' article 1er visant à interdire les expulsions lorsque le locataire visé n'a pas obtenu de proposition de relogement adaptée, cette proposition prend le contre-pied d'un équilibre de longue date, qui vise tant à protéger les plus fragiles qu'à rassurer les propriétaires. Les procédures sont, en effet, déjà très sécurisées, parfois même très longues et permettent déjà le relogement du locataire dans des conditions adaptées en cas d'inadéquation de ses ressources avec le montant du loyer. La mesure proposée pourrait briser ce fragile équilibre et produire un effet contraire sur l'offre locative, particulièrement dans les zones les plus tendues, et donc, in fine, compliquer l'accès au logement pour de nombreux Français en difficulté.
Ensuite, s'agissant de l'encadrement des loyers, les collectivités qui le souhaitent peuvent déjà l'expérimenter depuis la loi ELAN. Nous avons également prévu la généralisation d'observatoires des loyers privés dans les zones tendues afin d'améliorer la connaissance objective des loyers. Nous préférons donc capitaliser sur cette expérience qui nous permettra de tirer des conclusions pertinentes. À ce stade, nous considérons que le dispositif fonctionne en l'état et qu'il apporte une régulation nécessaire au marché locatif dans les zones tendues dans notre territoire.
De même, concernant l'enjeu du logement social abordé sous le seul prisme quantitatif dans cette proposition de loi, nous considérons que les seuils actuels prévus par la loi SRU permettent déjà la bonne prise en compte des particularismes territoriaux. La loi SRU incite, à notre avis, les élus locaux à construire des logements sociaux afin de disposer d'un parc résidentiel social adapté à la population de chaque territoire. Les services de l'État procèdent chaque année à un inventaire contradictoire avec les communes concernées, qui peuvent d'ores et déjà se voir imposer des sanctions en cas de manquement à cet effort de solidarité nationale.
Enfin, la lutte contre l'habitat indigne – qui est souvent une conséquence de l'action des marchands de sommeil – ainsi que celle contre la dégradation des copropriétés ont été significativement renforcées par la loi ELAN, qui facilite les poursuites judiciaires et fiscales, l'intervention des pouvoirs publics et la confiscation des biens.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés ne soutiendra pas votre proposition de loi.
Monsieur le président Mélenchon, au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants, permettez-moi de vous dire que vous avez raison : la situation actuelle des personnes vivant sans domicile fixe ou habitant dans un logement indigne est tout à fait inacceptable.
C'est d'ailleurs pour cela que le droit au logement existe dans notre loi. C'est une mesure, je le rappelle, qui date de 2007 et qui, à l'époque, avait été portée par la droite. Certes, elle est difficile à mettre en oeuvre, particulièrement dans les zones tendues du fait du manque de logements. Résoudre les difficultés que vous évoquez passe par la rénovation des logements sociaux, notamment ceux qui ne sont pas conformes en termes de sécurité ou d'autres normes, et aussi, bien évidemment, par le fait de sanctionner les propriétaires mettant à bail des habitations indignes. Cela figure déjà dans notre loi, mais nous pouvons aller plus loin sur ces sujets. À cet égard, je regrette que le Gouvernement ait réduit le budget du logement parce que les offices HLM ont besoin de financements pour investir dans la rénovation des logements sociaux et dans la rénovation énergétique.
Les mesures que vous proposez sont des contraintes supplémentaires pour les propriétaires. En fait, cela ne marchera pas. Cela ne marche jamais parce que l'effet produit est inverse de celui escompté.
Vous voulez supprimer l'expulsion sans relogement ; vous donnerez, en fait, à l'État une mesure qui lui permettra de se dédouaner du relogement. C'est ainsi que cela se passera dans les faits.
Vous proposez de taxer les impayés afin de garantir aux propriétaires la perception de leur loyer. En fait, les impayés risquent de croître, bien naturellement. Donc, la taxe que vous prélevez sur les locations des propriétaires augmentera également dans le temps pour permettre d'équilibrer l'ensemble. C'est donc directement la rentabilité des investissements immobiliers que vous mettez à mal et, dans ce cas, c'est simple : personne n'investira plus dans l'immobilier, que ce soit dans la construction de logements ou dans la rénovation énergétique. Ceux qui ont de l'argent, ceux que ce que vous voulez viser, investiront ailleurs car, en fait, quand on a de l'argent, l'investissement s'arbitre.
Si cette proposition de loi part d'une très bonne intention et que le drame qui a été vécu à Marseille doit tous nous alerter, je pense, sincèrement, que vos mesures ne porteront pas les résultats que vous escomptez. C'est la raison pour laquelle le groupe UDI, Agir et Indépendants votera contre le texte.
Monsieur le rapporteur, je voudrais dire au nom du groupe Libertés et Territoires que vous abordez, par cette proposition de loi, un sujet qui nous touche tous, celui du mal-logement et la question de l'habitat indigne. Ces fléaux affectent de nombreux territoires, en centre-ville comme en périphérie. Vous avez rappelé avec beaucoup de d'émotion le drame de la rue d'Aubagne à Marseille, qui nous renvoie à des questionnements sur la politique du logement que nous voulons mener.
Le droit au logement est un droit fondamental qui est insuffisamment appliqué. Nous pouvons nous retrouver sur le constat et sur certaines de vos propositions. Je peux comprendre l'esprit qui inspire certaines de vos mesures. Mais je diverge sur plusieurs de vos solutions.
Vous avez dit, de manière amicale, que toutes les politiques du logement avaient favorisé les propriétaires et non les locataires. Je ne partage pas ce constat. Je n'ai pas le sentiment d'avoir favorisé les uns ou les autres quand j'étais ministre du logement. J'ai voulu mener une politique équilibrée pour que les locataires puissent se loger et les propriétaires mettre leurs biens sur le marché. De manière tout aussi amicale, je relèverai que certaines de vos mesures font un amalgame entre les zones tendues et les zones non tendues et, si elles me paraissent pertinentes pour les zones tendues, elles me semblent contre-productives dans les zones non tendues.
De même, pour résorber le mal-logement ou l'habitat indigne, nous pouvons nous retrouver dans la nécessité de construire des logements, notamment des logements sociaux, dans une volonté d'aménagement du territoire et de répartition géographique. À cet égard, si je rejoins certaines de vos remarques sur la suppression des aides personnalisées au logement accession (APL accession) ou les réductions budgétaires imposées aux bailleurs sociaux, je regrette aussi le manque de continuité de certaines politiques du logement car, lorsque celles-ci commencent à porter leurs fruits, d'autres mesures viennent ternir les effets de relance constatés. Nous l'avons vu sous le quinquennat précédent. C'est regrettable.
Je peux vous rejoindre sur la volonté de sortir les logements sociaux vendus des quotas SRU. Mais attention : le logement social ne peut pas seulement faire l'objet d'une vision quantitative. Votre texte serait enrichi à ajouter des objectifs qualitatifs et des objectifs de mixité sociale afin de ne pas concentrer les ghettos, car nous constatons que ce sont les villes qui ont le plus grand nombre de logements sociaux qui continuent de produire du logement social. Nous sommes loin de l'objectif de mixité sociale qui me semble transparaître dans l'exposé des motifs de votre proposition de loi.
Je ne reviens pas sur la généralisation de l'encadrement des loyers, y compris en zone non tendue. Je considère que les observatoires des loyers doivent acquérir une connaissance fine et adopter une méthodologie, pour gagner en fiabilité. Les généraliser partout comme vous l'envisagez sans passer par cette étape me semble être contre-productif et pourrait déstabiliser le marché en sortant certains logements du parc locatif.
Quant à la garantie universelle des loyers, j'avais eu l'honneur de lancer la garantie Visale. Ce dispositif conventionnel mis en oeuvre par Action Logement porte ses fruits. Les retours d'expérience et de terrain sont positifs. En revanche, il serait intéressant d'en élargir le champ d'application à d'autres publics.
Bien d'autres points mériteraient d'être évoqués, mais je m'en tiendrai là, ne voulant pas que le président Roland Lescure me rappelle à l'ordre.
Au nom du groupe La France insoumise, je tiens à remercier le rapporteur pour cette excellente proposition de loi portant sur le droit au logement.
J'entendais un orateur de la majorité dire : « Le droit au logement, c'est nous ! ». C'est une curieuse revendication parce que, le moins que l'on puisse dire, c'est que, de manière scandaleuse, indécente et surtout dramatique, ce droit est bafoué tous les jours dans ce pays.
La loi du 5 mars 2007 est censée avoir officiellement institué en France un droit au logement opposable, le droit à un logement décent et indépendant garanti par l'État à toute personne qui n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir. Quiconque connaît la situation sur le terrain sait, malheureusement, que cette loi est lettre morte et ne donne, en réalité, quasiment aucune sécurité aux personnes pouvant bénéficier du droit au logement opposable (DALO). Dix ans après son adoption, cette loi lettre morte fait que, chaque année, la fondation Abbé Pierre dresse un état absolument réaliste, et donc désastreux, de la situation du logement en France, ou plutôt du mal-logement, au point que ces cartons rouges se sont accumulés année après année, quels que soient les gouvernements.
Pourtant le logement est un droit fondamental, pour ne pas dire un droit vital. Il est incompréhensible que, dans un pays aussi riche que la France, des personnes meurent chaque année d'en être privées. Tout cela vient profondément d'une financiarisation, d'une loi du marché qui s'est appliquée de plus en plus fortement au logement au point que, depuis 2000, celui-ci a augmenté cinq fois plus que le revenu des ménages. Le président Mélenchon l'a expliqué tout à l'heure. C'est encore plus vrai dans les grandes agglomérations : à Paris, l'augmentation a été de 350 % et, dans les agglomérations de plus 10 000 habitants, de plus de 220 %. La pression dans les centres-villes devient insupportable. Cette pression n'a d'ailleurs pas seulement pour corollaire d'empêcher des gens de se loger à un prix correct, elle se traduit également par l'étalement urbain, véritable catastrophe écologique et sociale, contraignant les uns et les autres à se loger de plus en plus loin de leur lieu de travail.
Cela a été dit, les expulsions sans relogement sont légion. Elles étaient 16 000 en 2018, et l'on meurt dans ce pays de ne pas être logé : 689 personnes sont mortes l'an dernier d'avoir été privées d'un logement. Cet état d'urgence devrait tous nous alarmer – et c'est peu dire !
Quant aux logements sociaux, deux millions de familles restent inscrites sur les listes d'attente. Le nombre de personnes sans domicile fixe ou décent continue de croître, conduisant à des accidents ou à des effondrements. Nous avons parlé de Marseille, je pourrais également parler du département dont je suis élu, la Seine-Saint-Denis et de la mort de plusieurs milliers de personnes.
Il faut revenir à un droit au logement opposable qui soit pratique, réel et non théorique. C'est à ce constat que répond cette proposition de loi. Elle permet de lutter contre les logiques de spéculation, de proposer des loyers enfin abordables, et de renforcer les obligations en matière de logements sociaux. Je suis d'accord avec Mme Sylvia Pinel, il faut construire des logements sociaux. Le logement social n'est pas seulement un ghetto de pauvres, c'est aussi et surtout une politique publique du logement qui permet d'agir, y compris sur les prix. De ce point de vue, les ventes de parcs de logements proposées par la loi ELAN pour compenser la baisse des APL pour les bailleurs sont véritablement une mauvaise idée.
Le droit au logement est opposable : donc pas d'expulsion, mais un fonds de garantie doit assurer aux propriétaires loueurs de ne pas être victime de cette situation ce qui permettrait de répondre au besoin.
C'est aussi une lutte contre le logement indigne. Je rappelle que ce dernier est de 4 % en Île-de-France et de 7 % en Seine-Saint-Denis. Nous sommes confrontés à des situations à la Zola et à la Dickens alors que ces logements sont parfois loués au prix du marché à des locataires qui ne trouvent pas de quoi les abriter dans le privé, pour des raisons que l'on sait, ni dans le public…
Pour toutes ces raisons, cette proposition de loi répond à un état d'urgence absolument évident.
Au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je ne peux que me féliciter de la présentation du rapporteur et de l'arrivée de cette proposition de loi dans nos débats.
J'observerai tout d'abord que, traiter de la question du logement, surtout de la façon dont cette proposition de loi le propose, c'est traiter d'un problème immense pour le pays parce que ce sujet du logement touche à de multiples questions, qui sont au coeur de la crise que connaît la société française.
Je n'en citerai que deux, à commencer par la question du pouvoir d'achat.
Nous avons bien vu, avec les gilets jaunes et depuis quelques mois, combien cette question travaille notre pays en profondeur, notamment ses milieux populaires. Or le logement est le facteur premier de la dégradation du pouvoir d'achat des familles populaires : moins de 10 % de la part du budget des ménages étaient consacrés au logement au début des années soixante ; nous en sommes à 30 % en moyenne, et à 40 à 45 % pour les milieux populaires. Il s'agit donc bien d'un sujet immense, au coeur de la crise que connaît notre pays.
L'autre question est celle de la fragmentation sociale, du séparatisme social, de la sécession. Quels que soient les mots pour le dire, comment, dans un pays fondé sur les principes républicains qui sont les nôtres, accepter la fragmentation, le séparatisme social, la ségrégation territoriale que nous connaissons ? Un ministre de l'intérieur avait tiré la sonnette d'alarme à la fin des années quatre-vingt-dix à propos de la région parisienne, disant que si nous continuions de la sorte, nous irions vers un apartheid urbain en Île-de-France. Depuis ce signal d'alarme tiré par M. Jean-Pierre Chevènement en 1999, tout s'est dégradé et le séparatisme n'a cessé de s'accentuer. Une étude récente de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région d'Île-de-France (IAURIF) et l'Insee montrent que le séparatisme social s'est accru.
Donc, le pouvoir d'achat et l'unité de la Nation – cette capacité à faire République et Nation ensemble – sont au moins deux des sujets qui sont au coeur de notre crise. Ils ne se traiteront pas, bien évidemment, seulement par le logement, mais en partie à travers une politique du logement. Le groupe GDR présentera des amendements pour l'examen du texte en séance. Nous ne l'avons pas fait en commission, mais nous aurons plusieurs corrections à apporter. Je pense, entre autres, que le sujet des APL mérite d'être mieux traité. Mais, grosso modo, la philosophie de cette proposition de loi nous convient parce que, depuis qu'il est aux affaires, ce Gouvernement malmène la question du logement.
Tout d'abord, de tous les budgets ministériels, depuis deux ans et demi, le budget du logement est celui qui a le plus baissé. Ensuite, cette loi ELAN est un contresens historique total : au moment où les pays qui s'étaient tournés vers le marché pour répondre aux problématiques du logement, comme l'Allemagne, l'Angleterre ou encore l'Espagne, renoncent à cette solution qui les a enfoncés dans la crise, nous faisons l'inverse. Alors que ces pays s'efforcent de remettre sur pied un système reposant sur de l'intervention et de l'investissement publics pour le logement des familles populaires, nous, nous empruntons le chemin inverse. Nous sommes dans un contresens historique et politique. Il est temps de se ressaisir !
Je conclurai en soulignant que les chiffres viennent corroborer cette position. Le hasard veut que, ce matin, ont été publiés les chiffres de la région parisienne. La production de logements sociaux en région parisienne enregistre une baisse de 20 %, qui fait suite à celle de même ampleur de 2018. Nous sommes sous le seuil qui nous permettrait de commencer à résorber la pénurie pour les quinze prochaines années. Le chiffre de production de logements sociaux accroît donc la pénurie en Île-de-France. Les mesures qui ont été prises, notamment celle d'assèchement des ressources des bailleurs sociaux qui les empêchent d'investir pour rénover et pour construire, sont absolument dramatiques.
Monsieur le rapporteur, j'ai lu attentivement votre proposition de loi. Je partage, bien évidemment, votre indignation face au drame du sans-abrisme. Je partage également votre constat sur le fait que ce public est mal connu. La dernière enquête date de 2012 et je me bats pour que cette enquête soit relancée. Aux dernières nouvelles, l'Insee l'a inscrite dans son plan quinquennal l'an dernier. L'affaire reste à suivre, mais il importe vraiment de connaître ce public. J'étais lundi à la remise des « Pics d'or » de la fondation Abbé Pierre. J'en profite pour en parler car, aujourd'hui encore, des collectivités et des privés s'autorisent à installer du mobilier anti-SDF. Cela me révulse. Il est insupportable que des personnes puissent réfléchir et créer des mobiliers pour faire fuir les SDF.
Permettez-moi quelques réflexions sur l'action de notre majorité depuis 2017. Ce problème des sans-abri est un problème quotidien dans tous les territoires.
L'hébergement d'urgence, de plus de 150 000 places sur le territoire, n'est certes pas suffisant mais il a connu une croissance de 20 % depuis 2017, grâce à une augmentation du budget porté à deux milliards d'euros.
S'agissant de l'accès au logement, notre stratégie a été saluée par les acteurs, la fondation Abbé Pierre et bien d'autres, notamment le plan Logement d'abord, qui repose sur l'idée que pour sortir de l'extrême pauvreté, il faut au préalable avoir un logement. Nous pouvons saluer quelques résultats intéressants.
En ce qui concerne les logements très sociaux, je rappelle l'objectif des 200 000 logements d'ici à la fin du quinquennat, soit plus de 40 000 par an.
Je citerai également les places via l'intermédiation locative qui fonctionne très bien et les places en pension de famille. Ces pensions de famille permettent à des publics très fragiles, très fracturés, de se retrouver et de reprendre confiance dans la société selon des formats que je trouve extrêmement intéressants. J'ai eu l'occasion de les visiter, et je ne peux qu'inciter à augmenter leur création.
Enfin, même si j'aurais bien d'autres choses à dire, Monsieur le président, il y a tout l'accompagnement et les maraudes mixtes, mais je permettrai de reprendre la parole par la suite.
Monsieur le président Mélenchon, je vous remercie de mettre le logement au coeur de nos débats. On peut partager l'exposé des motifs car, comme on le voit dans chacune de nos permanences parlementaires, beaucoup de foyers rencontrent des difficultés à se loger. Nous ne pouvons qu'être sensibles à leur désarroi, parfois même aux drames vécus.
Ce que vous mentionnez sur l'habitat indigne, indécent, insalubre doit être notre combat à tous. Nous souffrons véritablement d'un manque de logements convenables, dignes et décents dans notre pays.
J'ajouterai au constat du besoin de logements en France qu'à population constante, avec la décohabitation, la diminution du nombre de personnes par ménage, nous assisterions déjà une augmentation des besoins de logements en France. Comme, par ailleurs, notre population est croissante, en raison notamment du vieillissement de la population, l'augmentation des besoins en logement est une réalité, et un défi qu'il nous faut relever. Or l'offre en matière de logement ne suit pas. Nous sommes face à une crise de l'offre et à une chute de la production, qui augmente d'autant les tensions.
Les solutions que vous proposez ont le mérite d'être sur la table, mais pourraient se révéler contre-productives. Il est vrai que le parcours du logement est difficile. Il est de plus en plus difficile d'accéder à la propriété et il y a de moins en moins de mobilité dans le parc social mais, à mon avis, les réponses à apporter à ces besoins ne sont pas celles que vous proposez.
Il faut remettre les bailleurs sociaux au coeur de nos politiques publiques. Ils sont incités à avoir de moins en moins de personnes « APLisées » ; ils sont incités à adopter des logiques ab initio de revente en bloc. Cela pose un véritable problème dans leur stratégie d'investissement. Leurs investissements ont d'ailleurs largement diminué à la suite des mesures prises depuis deux ans et demi.
Nous avons également besoin des propriétaires bailleurs. Nous le voyons bien, y compris dans les zones détendues et même s'ils font les rénovations attendues, l'équilibre économique n'est pas au rendez-vous. Il faut leur permettre d'avoir un système qui donne les solutions, y compris économiques. Les collègues socialistes ont présenté des propositions intéressantes sur ce sujet.
Je ne crois pas aux réponses que vous proposez, qui se fondent sur encore plus d'impôts et de taxes. Je ne crois pas non plus aux réponses proposées par le Gouvernement et la majorité, notamment l'intermédiation, forme d'uberisation coûteuse. Mais il existe une troisième voie qui favorise l'accession sociale à la propriété et le respect de la propriété, et qui permettrait de libérer les logements aidés pour ceux qui en ont besoin.
Je vais revenir sur le droit au logement, notamment sur la loi qui a été promulguée le 15 novembre 2018. Cette loi ELAN prévoit des mesures visant à renforcer la lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil, mais beaucoup reste à faire concrètement sur le terrain. Nous sommes d'accord avec vous sur ce point.
Si la lutte contre les logements insalubres est nécessaire, il reste que les procès-verbaux se limitent au seul constat de l'insalubrité alors qu'il faudrait aussi en rechercher les causes et les responsabilités, car le propriétaire n'est pas toujours responsable. C'est la raison pour laquelle, avec notre collègue Michel Vialay, nous avions déposé une proposition de loi visant à protéger les propriétaires en cas de logements rendus insalubres par les locataires, mais mettant aussi en garde les propriétaires d'offrir des logements de qualité et décents aux locataires. Il ne s'agit pas d'opposer locataires et propriétaires, mais de garantir un équilibre entre les droits et les devoirs des deux parties, pour que les petits propriétaires aient confiance et mettent leur appartement ou maison en location afin d'empêcher la pénurie et que tous puissent trouver un logement.
Votre proposition de loi prévoit un ensemble de mesures pour rendre effectif le droit au logement et résorber le volume de logements dégradés dans le pays. Mais nous pensons, au contraire, qu'il faut redonner de la confiance et accorder davantage de souplesse afin de permettre aux différents acteurs locaux et au marché d'assurer les équilibres entre l'offre et la demande, notamment dans les zones tendues.
Je commencerai cette intervention en vous parlant de mon engagement en faveur d'un droit au logement effectif. J'y ai dédié ma carrière au sein d'un organisme de gestion et de construction de logements du Pas-de-Calais et mes trois mandats au sein de cette Assemblée, en étant notamment responsable de la loi ALUR pour mon groupe.
Monsieur le président Mélenchon, je tenais à vous remercier sincèrement de cette proposition de loi. Choisir de porter ce sujet lors de la « niche » parlementaire de votre groupe vous honore. Je suis fière de vous le dire en tant que députée de la majorité présidentielle.
Pour autant, le diable est dans les détails, même si je suis d'accord avec nombre de vos propositions, au premier rang desquelles l'interdiction d'expulsion sans solution de relogement. Quand on sait qu'un SDF sur trois est un expulsé, quand on connaît le traumatisme humain que laisse, à vie, une expulsion, il faut tendre vers le « zéro expulsion » et revoir la gestion des fonds de solidarité logement ainsi que les frais de relogement. Certains sont hébergés pendant des années à l'hôtel. Il convient surtout de revoir l'application de la procédure judiciaire et intervenir dès l'assignation. Je voudrais citer l'expérience des bailleurs sociaux des Hauts-de-France qui ont décidé de mener une expérimentation sur le zéro expulsion.
En revanche, je ne peux voter une loi incomplète. Le droit effectif au logement, vous le soulignez très justement, est un acquis difficile à concrétiser. Ne le laissons pas inachevé. Vous avez entendu bon nombre d'associations que je connais bien, vous n'avez pas eu l'occasion d'entendre les bailleurs privés et sociaux. Vous n'avez pas entendu les préfets. Vous n'avez pas entendu les maires, ni les magistrats, ni le ministre de l'intérieur sur cette question. Nous avons besoin d'un texte ambitieux en faveur du « vivre en commun ». Ne brûlons pas les étapes et bâtissons ensemble une proposition qui répartisse au mieux les logements sociaux sur l'ensemble du territoire national sans créer de ghettos, qui sont aux antipodes des objectifs que, vous comme moi, nous portons.
Soyons ambitieux et n'écartons pas les problèmes de troubles de jouissance, qui permettent à certains locataires mal avisés de nuire à la qualité de vie de leurs voisins. Si vous êtes d'accord, cher collègue, je vous propose que nous rédigions, ensemble, le texte le plus complet et ambitieux possible pour le logement de nos concitoyens. Remettre à demain ce qui pourrait sembler de l'ordre, c'est risquer d'élaborer une loi en mettant de côté de nombreux enjeux de sécurité.
Monsieur Mélenchon, je tiens à vous féliciter de vous intéresser à la lutte contre l'habitat indigne, via votre proposition de loi. Je me permets cependant de vous informer que le Gouvernement et la majorité ont fortement oeuvré contre ce fléau qu'est l'habitat indigne. En tant que présidente du groupe de travail interparlementaire sur la loi ELAN, j'ai été avec mes collègues du groupe en première ligne de cette action depuis 2017 et ce Gouvernement a fait du logement une cause du quinquennat.
La loi ELAN, votée fin 2018, prévoit davantage de moyens et un durcissement des sanctions envers les marchands de sommeil via quatre piliers : lutter contre les grandes propriétés dégradées grâce au plan Initiative copropriétés, qui mobilise 3 milliards d'euros sur dix ans ; déclarer la guerre aux marchands de sommeil, en les tapant au portefeuille ; accélérer la rénovation urbaine, en doublant notamment le budget de l'Agence nationale de la rénovation urbaine, qui est porté de 5 à 10 milliards d'euros ; requalifier l'habitat dans les centres anciens dégradés.
Ma question est la suivante : pensez-vous qu'une nouvelle modification des moyens de lutte contre à l'habitat indigne si peu de temps après les modifications induites par la loi ELAN, et avant même que celle-ci n'ait eu le temps de porter ses fruits sur le terrain, soit réellement pertinente ?
Je savais en venant devant cette commission que je rencontrerai des collègues bons connaisseurs du sujet et, pour nombre d'entre eux, engagés d'assez longue date pour avoir des convictions bien construites et appuyées sur une connaissance fine du sujet.
Je n'ai, pour ma part, jamais été un spécialiste du domaine. J'en ai plutôt été un praticien. Élu local d'une banlieue parisienne en explosion d'habitat – j'ai été conseiller général et maire adjoint de la commune de Massy –, je suis arrivé quasiment dans la foulée de la marche des Pieds-noirs, qui y avaient débarqué et, à l'époque, l'État ne comptait sur rien d'autre que lui-même pour régler le problème que représentait la survenue d'un million de nos compatriotes, dont votre serviteur. Le préfet Delouvrier, sans s'encombrer de trop de détails, avait réquisitionné tout un espace rural et, en août 1962, les bulldozers ont renversé la moisson et, à cheval sur deux territoires communaux, Massy et Antony, un immense ensemble a été construit. Les gens qui allaient dans les HLM à l'époque, je ne parle pas spécialement des Pieds-noirs mais aussi de tous les autres, parce qu'il y avait eu l'exode rural avant, étaient absolument enchantés de s'y trouver. Cela paraît étrange à dire, mais les habitants étaient contents parce qu'autrefois, l'habitat indigne, c'était à la campagne qu'il était et, dans ces villes qui étaient en train de croître, il y avait les chambres séparées, le chauffage central, l'eau courante partout, les toilettes séparées. Enfin, c'était le bonheur !
Il faut le dire comme c'est : l'habitat social a été vécu comme un enchantement et une amélioration de la condition du salariat pendant dix ou vingt ans, durant cette période que l'on appelle les Trente Glorieuses. Je ne sais pas pour qui elles étaient glorieuses, mais, en tout cas, dans ce domaine, les gens étaient assez contents.
D'un côté, l'accumulation capitaliste se faisait, de l'autre, les gens se débrouillaient entre eux. Alors, comme je le disais dans ma présentation, on a fait porter sur les paysans le poids principal de l'amélioration de la condition ouvrière, en baissant spectaculairement le prix de l'alimentation. Celui-ci, qui représentait de 20 à 25 % des budgets familiaux, s'est écroulé à 8 ou 9 %. Cela s'est fait en augmentant les rendements, en baissant le prix de l'alimentation… vous connaissez tout cela.
Puis, à certains endroits, tout ce qui avait été construit à la va-vite et, pour mieux dire, à la n'importe comment, a commencé à se dégrader à vitesse grand V. Ceux qui dirigeaient le pays, quels qu'ils aient été, n'en avaient peut-être pas une conscience assez claire parce que, socialement, ils n'étaient pas vraiment concernés. Si bien que, lorsque des élus alertaient, ils se heurtaient à un certain scepticisme, parfois même, à l'idée que, ma foi, en améliorant l'environnement social et culturel, tout finirait par se résorber.
Ce n'est pas du tout ce qui s'est passé, bien évidemment, car le croisement de la raréfaction de la construction de l'habitat dont les statistiques font état, combinée à la dégradation de la condition sociale des personnes au cours des trente dernières années, a conduit au résultat que vous avez pu observer, celui d'un séparatisme social qui ne résulte pas toujours d'une intention délibérée, d'un complot ou d'un plan mais, la vie étant insupportable à certains endroits, ceux qui en ont les moyens s'en échappent à toute vitesse pour aller vers d'autres lieux où ils se retrouvent entre eux et se protègent. C'est ce que nous avons sous les yeux.
Je n'ai eu qu'une ou deux questions extrêmement précises de votre part mais, pour le reste, je dirai que nous avons confronté des visions de la question de l'habitat. C'est une bonne chose, car cette question nous renvoie, en effet, à notre vision de la façon de faire avancer une société.
Comment a-t-on pensé y répondre ? On s'est dit que, puisque l'État n'a plus de sous, que l'État est indigne, qu'il est un parasite et qu'il n'est bon à rien, il fallait compter sur l'investissement privé et la fortune privée pour créer du logement. Dès lors, très logiquement, cette forme d'investissement a été favorisée et, comme toujours, les petits servent de protection aux gros : on invoque la personne qui a acheté un logement ou qui a réalisé un placement dans un logement et on veille à la bichonner, ce qui est bien normal, parce que, souvent, il ne s'agit pas d'un multimillionnaire. Cela peut être un favorisé de circonstances heureuses, ce qui a été mon cas en arrivant à Paris au bon moment. Vous savez, même si la valeur de votre bien progresse de 350 % en dix ans, je peux vous garantir que sa valeur d'usage n'a changé en rien. J'entends par là que c'est la même rue, le même feu rouge, le même arbre qui sont en face de moi depuis vingt ans. Il n'y a pas plus de théâtre ni plus de transport, mais la valeur d'échange a fait un bond de 350 % !
Comment s'expliquer ce mystère ? Il réside dans le fait que la finance s'est emparée du logement et y trouve des rendements absolument inouïs ; inouïs et paradoxaux parce que, pour un très grand groupe investisseur, parfois, mieux vaut avoir des logements vides que des logements pleins. Les logements vides étant considérés comme un bien plus liquide, qui s'échangera plus facilement au moment de réaliser des emprunts hypothéqués sur ces biens, leur valeur est bien plus élevée. Ainsi voit-on des exemples absolument incroyables : on m'a parlé d'une rue à Stockholm totalement dépeuplée ; le fonds qui a placé son argent là trouve cela très bien parce qu'il se crée là-dessus des possibilités financières qu'il ne trouverait pas ailleurs !
Nous autres à Marseille, nous avons la rue de la République qui se trouve dans ce cas : un grand fonds a tout acheté, il a expulsé les habitants, et nous nous retrouvons avec une rue superbe mais vide, située juste à côté du quartier le plus pauvre d'Europe. Je le dis donc clairement : pour nous, l'idée est de briser la rente financière sur le placement financier dans le domaine immobilier.
Vous autres de la majorité, vous devriez être d'accord avec moi sur ce point. Je vais vous expliquer pourquoi. Quand vous avez supprimé l'impôt sur la fortune, vous avez choisi de supprimer la partie capital financier, considérant – et ceux d'entre vous qui ont osé franchir le pas l'ont dit, me semble-t-il – qu'ainsi, vous encourageriez le placement et la circulation de l'argent. Vous étiez à votre façon des keynésiens qui vouliez couper la gorge du rentier ! (Le président Roland Lescure proteste.) C'est seulement pour cette phrase, Monsieur Lescure !
Je dis simplement qu'en cette circonstance, vous avez voulu favoriser le capital circulant. Nous avons des objections de toute sorte à l'encontre de cette thèse, mais c'est bien ce qui a été recherché. Si vous n'avez pas sorti de l'impôt sur la fortune le placement dans l'habitat, si vous l'y avez maintenu, c'est parce que vous considérez que l'impôt qui pèse de cette façon vous permettra également de rendre circulants les biens possédés, tels que les maisons, les appartements, etc.
Telle est votre logique ; elle a sa cohérence : vous faites confiance à l'initiative privée pour résoudre la crise du logement. Ce n'est pas notre cas. Nous, nous croyons, tout au contraire, que c'est par des mesures coercitives et la planification que nous développerons, parce qu'il s'agit d'épuiser le drame que représente la rareté de logement, car le point de départ est la rareté de logement. Si le logement était abondant et de qualité, la spéculation immobilière s'effondrerait à mesure que l'offre deviendrait plus abondante. Vous voyez, collègues, il est possible de combiner deux approches de la question, en y réfléchissant dans le cadre de la planification. C'est ce qu'ont fait les gaullistes en leur temps, c'est ce que je me propose de refaire à la première occasion. En offrant la possibilité que la rareté recule, vous feriez en même temps diminuer les prix de marché et vous obtiendriez un système qui entre en équilibre.
J'entends quand vous me dites que ma proposition risque de tout déséquilibrer parce que je ne tiens pas compte des attentions à porter aux propriétaires. Je suis prêt à toutes les attentions pour les propriétaires. Mais mon souci est d'épuiser, une bonne fois pour toutes, la financiarisation du logement.
Les signes sont innombrables : la dette immobilière des Français a doublé depuis l'an 2000 – ce n'est pas normal ; la dette immobilière des ménages représente 1 100 milliards d'euros, soit la moitié d'une année de production de richesses dans notre pays ; les taux de profit qui s'opèrent dans ce secteur sont absolument incroyables mais, pour ce qui est du logement social, patatras, la tendance s'inverse ! Le livret A qui devait apporter les fonds pour construire du logement est maintenant d'un rendement négatif. C'est tout de même incroyable ! Donc, a été pénalisé tout ce qui allait au logement social, a été encouragé, avec une foi superstitieuse dans les vertus du capital, tout ce qui va au placement !
Notre logique est inverse.
J'ai essayé d'être succinct, Monsieur le président. Notre collègue M. Thibault Bazin a noté la chute de la production. Donc, pardon, mes collègues, mais tellement de gouvernements sont impliqués dans cette affaire que personne ne doit se sentir visé en particulier, mais tous doivent l'être. Nous sommes face à un échec total. Si le fait d'avoir encouragé le placement avait donné un résultat, vous n'assisteriez pas à une chute de production. Il y a une chute de production : c'est Signé Furax, vous avez perdu ! Donc, le raisonnement que nous tenons me paraît plus efficace. En tout cas, il vaut la peine d'être entrepris. C'est le sens de notre proposition de loi.
Les autres causes du mal-vivre, collègues, je les entends. J'ai été élu de banlieue, je suis d'accord avec vous, il faut en tenir compte. Mais ce n'est pas ce que nous réglerons par des lois sur le logement.
Un dernier mot à la gloire des HLM, si j'ose dire : pour l'ancien locataire de la cité Seminor à Yvetot, où tout l'exode rural avait trouvé les enchantements du HLM, et d'autres cités de cette nature, comme la cité Planoise à Besançon, je ne sais si c'était un hasard, mais souvent, ces villes où s'étaient construits de nombreux logements sociaux étaient des villes de gauche – ou, du moins, finissaient-elles par voter à gauche. Allez savoir pourquoi ! Donc, les personnes qui se trouvaient là avaient des élus sous la main qu'ils incitaient à des mesures bienveillantes. J'ai connu des cités peuplées de logements sociaux, mes amis, vous en rêveriez pour vous-même. J'ai moi-même participé à la construction du quartier Villaine dans la commune de Massy. Quand nous avons commencé à le vendre à la découpe – je ne sais plus qui avait inventé cette histoire à l'époque – je peux vous assurer que les gens se l'arrachaient, sauf le pauvre diable qui était dedans qui n'avait pas les sous pour faire des emprunts ou qui était trop âgé. Ils y avaient vécu toute leur vie et n'avaient pas envie de partir.
Bref, il y a eu de très beaux morceaux. C'est ce que voulais vous dire, collègues. Quand vous avez imaginé de revendre pour améliorer le logement social, votre erreur, à mon avis, a été de ne pas prendre en compte que ce seraient les beaux morceaux qui se vendraient. Par conséquent, ce ne sont plus des logements sociaux. La « boboïsation » y est galopante et, je le redis, les bobos arrivent, ils n'achètent pas trop cher ou à peine plus cher et revendent très cher, souvent à l'occasion de divorce ou en raison de situations familiales complexes qui les incitent à chercher un bon rendement de leur achat pour pouvoir le répéter ailleurs.
Telle est la dynamique qui fait que le logement coûte de plus en plus cher partout dans tout le pays et qu'une catégorie sociale – le peuple – se retrouve expulsée de l'habitat social pour être remplacée par des classes moyennes que tout le monde voit arriver avec sympathie, dont le défaut est de ne pas supporter le bruit des commerces que, dans un premier temps, ils appréciaient… et ainsi de suite !
Ces questions seront réglées par l'abondance. C'est l'abondance qui ruinera la rareté et, la rareté vaincue, la spéculation le sera également. Voilà comment, pour ma part, je compte m'y prendre ! Voilà pourquoi cette loi vient offrir des dispositions qui rendent la vie infernale à certains, et plus commode à d'autres !
Je vous remercie, Monsieur le président. Cela m'a permis de découvrir que vous connaissez bien notre programme, notamment sur l'impôt sur la fortune immobilière.
J'ai presque cru comprendre un instant – sur cette partie, en tout cas – que vous étiez au bord d'y adhérer, (Sourires.) et que vous connaissez aussi très bien le modèle des bobos que vous nous avez décrit de manière assez…
Nous en venons à l'examen des articles et des amendements.
Je précise que pour les nombreux amendements de suppression déposés par deux députés du même groupe, je vais demander que l'un d'entre eux les défende, conformément au nouveau Règlement.
Article 1er (art. L. 412-6-1 [nouveau] du code des procédures civiles d'exécution) : Suppression du concours de la force publique lorsqu'une procédure d'expulsion locative est engagée sans proposition préalable de relogement adaptée aux besoins du locataire
La commission examine les amendements de suppression CE1 de M. Thibault Bazin et CE10 de M. Dino Cinieri.
Sur des sujets aussi vastes, je regrette que nous ne puissions pas prendre le temps d'ouvrir plusieurs portes, notamment sur la problématique du manque de logements. Vous dites, Monsieur Mélenchon, qu'il y a un besoin d'abondance et que plus de logements seront offerts, plus il sera possible de lutter contre les déséquilibres. Il manque, me semble-t-il, dans votre proposition de loi, des pistes pour créer cette offre. Vous présentez des solutions pour traiter les difficultés qui en sont le fruit, mais il faudrait des solutions plus importantes pour traiter les maux à la racine.
Je comprends bien, et nous en sommes d'accord, que les bailleurs sociaux jouent un rôle majeur dans la production de logements pour répondre aux besoins des plus démunis et que, si les bailleurs privés font leur travail en parallèle, cela permettra aux bailleurs sociaux de concentrer leur action sur ceux qui en ont besoin. Mais cet article 1er me pose question. Autant il faut avoir une approche extrêmement humaine en cas d'expulsion, autant – mais ce n'est pas forcément mentionné ici et je comprends votre démarche –, dans le cas des squats et d'occupations illégales, j'ai peur qu'il y ait une forme d'atteinte à la propriété légitime d'une personne qui aurait pu s'absenter quelques jours et qui, à son retour, aurait trouvé son logement occupé illégalement. Nous en avons connu quelques exemples médiatisés. En posant cette obligation de relogement, cet article envoie à celui qui a abusé le message que, bien qu'il ait occupé un logement illégalement, nous nous engageons à lui créer un droit d'être relogé.
Autant je suis favorable à un logement pour tous, autant je suis opposé aux squats et aux occupations illégales. J'ai peur que, dans sa rédaction actuelle, cet article laisse à penser qu'en cas d'occupation illégale ou de squat, l'expulsion soit conditionnée à une proposition de relogement acceptable.
Tout d'abord, je veux dire à M. Bazin que j'apprécie la culture commune que nous avons de la logique de l'amendement de suppression, qui fournit l'occasion d'évoquer des sujets connexes mais liés au sujet principal ! (Sourires)
Monsieur Bazin, je vous félicite donc ! (Sourires.)
Mais qu'est-ce qu'un droit sans moyen de le faire vivre ? Le droit au logement existe sauf le cas où, le cas où et le cas où… On n'en finit plus ! Collègues, les occupants sans titre le sont rarement par choix. Ils résultent d'une politique qui échoue à permettre aux plus modestes un accès abordable au logement. Je vous demande d'y réfléchir. Expulser les occupants sans titre sans leur faire des propositions de relogement revient tout simplement à assumer de les mettre à la rue.
Or qui les met à la rue en la circonstance ? C'est la force publique, c'est-à-dire celle qui procède de la légitimité de l'État, d'une légitimité soumise au droit constitutionnel et à la loi ordinaire. Il est dit dans la loi ordinaire que tout le monde a le droit d'être logé. Vous voyez donc la contradiction. Dès lors, la force publique est au service d'une cause qui ne peut pas être la sienne.
C'est la raison pour laquelle nous considérons que, y compris quand l'occupant est sans titre, la force publique n'a pas à intervenir sans proposition de relogement. Il revient au préfet de trouver une solution et je vous garantis que, s'il est mis au pied du mur de trouver une solution, il utilisera le droit de réquisition et autres droits de cette nature qu'il détient et n'utilise pas d'ordinaire, se bornant à jeter les personnes dehors pour régler le problème sans plus s'en préoccuper. En adoptant cet article, nous aurions une alternative et le préfet aurait l'obligation d'agir pour que les personnes ne soient pas dans la situation de se retrouver dans la rue.
Notre collègue Éric Coquerel a parlé de plus de 600 morts. C'était le décompte de l'année dernière. D'après les estimations des associations anglo-saxonnes qui s'intéressent au sans-abrisme dans le monde, nous aurions en réalité 2 000 morts en moyenne par an en France. Ce chiffre ne baisse pas et l'on meurt deux fois plus vite de la rue – pas « dans » la rue, je dis bien « de » la rue – que de quelque autre cause que ce soit.
Je voulais rapidement dire à M. Thibault Bazin que, très franchement, je ne comprends pas la logique qui préside à la suppression de cet article, parce que cet article 1er érige un principe, qui est le principe même de la loi. Je ne serais pas opposé, éventuellement, à exclure certaines situations de ce principe. Cela ne me choquerait pas, mais cela ne saurait se faire en supprimant le principe même de la loi. Donc, on affirme le principe qu'il n'y aura pas d'expulsion sans relogement ; puis, éventuellement, on en exclut quelques situations très particulières.
J'ai, pour ma part, géré un organisme de logement. Il m'est arrivé d'expulser sans beaucoup d'états d'âme lorsque cela s'apparentait à une mesure de salubrité publique pour l'ensemble des voisins. Je pense, par exemple, aux troubles de jouissance, aux trafics et autres nuisances de ce type. Mais on ne peut, au nom de ces exceptions, supprimer le principe.
À mon avis surtout, un article ne peut pas être pris séparément des autres articles de la loi. Autrement dit, sans l'article 1er portant sur le non-recours à la force publique pour expulser, sans l'article 2 sur le fonds de garantie universelle et, puisque M. Bazin parlait de l'offre, sans la relance de la construction de logements sociaux, la proposition de loi serait incomplète.
J'entendais la proposition de M. Julien Dive et des Républicains. À mon sens, il serait sans doute plus opérant de procéder par amendements. Si les maires avaient le droit de réquisition – la question s'est posée dernièrement à Grenoble où la mairie a voulu opérer un droit de réquisition qui a été interdit par le préfet –, nous aurions des solutions pour, éventuellement, limiter le nombre de squats parce que les personnes qui se retrouvent à la rue et les associations qui les défendent ne pratiqueraient plus l'occupation de logements vides de manière illégale. Cela deviendrait une réquisition décidée par un maire. J'inciterai donc nos collègues du groupe Les Républicains à amender la proposition de loi en ce sens plutôt que de l'amputer et la rendre incomplète.
La commission adopte les amendements. En conséquence, l'article 1er est supprimé.
Article 2 (art. 24-1-1 [nouveau] de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) : Création d'une garantie universelle des loyers.
La commission examine l'amendement de suppression CE9 de M. Dino Cinieri.
La proposition de loi propose le financement de cette mesure par une taxe sur les loyers perçus. Or, la ministre du logement de l'époque avait estimé le coût de dispositif entre 400 et 700 millions d'euros, alors que nombre d'organismes prévoyaient plutôt une facture atteignant le double. Par ailleurs, cette mesure est disproportionnée, sachant que le taux de loyers impayés n'est que de 2,5 %. De plus, la création d'un nouvel établissement public est inopportune. Enfin, outre le financement, l'autre risque de cette mesure est la déresponsabilisation des locataires. Il convient plutôt de maintenir un système de caution, meilleur moyen pour garantir le paiement du loyer.
C'est pourquoi cet amendement vous propose la suppression de cet article.
Je m'aperçois, collègue, que nous n'allons pas nous entendre parce que vous parlez de responsabiliser les locataires. Mais ne croyez pas qu'ils soient irresponsables. Seuls 2 % des loyers ne sont pas payés dans ce pays. Les gens n'ont aucun goût à ne pas payer. Si vous considérez que ce sont des irresponsables, vous avez tort. Certes, il y a toujours la proportion habituelle que l'on retrouve dans tout groupe humain de personnes qui s'affranchissent de toutes les règles communes. Mais c'est résiduel, et ce ne sont pas ces personnes qui intéressent le législateur. Cela ne vaut pas la peine qu'à cause d'elles, nous renoncions à prendre des dispositions pour le bien commun.
La garantie universelle des loyers, c'est mettre en route quelque chose à quoi nous sommes fondamentalement attachés : une forme de sécurité sociale du logement, où le principe de répartition commence à apparaître. Mais vous devez bien saisir que c'est dans le cadre de l'esprit dans lequel j'inscris ce texte, à savoir la baisse des loyers résultant du fait que le placement dans ce domaine cesse d'être un placement spéculatif et que, par conséquent, nous fonctionnons sur des masses plus réduites tendanciellement.
Cela me permet de rebondir sur une question d'un orateur à laquelle je n'avais pas répondu. J'en traiterai d'autres par la suite. M. Julien Dive m'a demandé quel rôle je donnais aux CCAPEX. Le sujet a à voir avec votre amendement. Ces commissions s'occupent d'expulsion. Nous n'y avons pas touché, considérant que des choses y sont faites. Néanmoins, il reste 16 000 expulsions effectives, qui ne donnent lieu à aucun droit au relogement automatique. C'est à cela que nous voulons répondre. Si le système de sécurité sociale ne garantit pas les propriétaires, qui existent et dont les droits doivent être respectés, quelle autre solution proposez-vous ? L'expulsion n'est pas la solution : elle ne règle le problème, ni de celui que l'on expulse, ni de celui qui a été conduit à faire expulser parce que c'est son placement. Nous parlons de cas singuliers, particuliers ; c'est à eux que je pense, mais je n'oublierai pas une seule seconde les très grands bailleurs pour qui tout cela n'est pas si significatif. Si vous regardez les impayés dans logement social, vous constaterez que là où est la plus grande misère n'est pas la plus grande absence de conscience commune.
Pour compléter l'intervention de M. Jean-Luc Mélenchon sur l'idée que l'origine des expulsions tiendrait finalement à une mauvaise mentalité ou à quelque chose inhérent à la nature humaine, deux courbes sont absolument identiques : les expulsions ont été multipliées par trois depuis 2000 en France ; au même moment, le prix du logement a augmenté de 150 %. Il existe, en réalité, un lien entre les deux, entre l'augmentation des loyers et l'augmentation des expulsions locatives.
La commission adopte l'amendement. En conséquence, l'article 2 est supprimé.
Article 3 (art. 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) : Suppression du cautionnement physique
La commission examine l'amendement de suppression CE14 de M. Dino Cinieri.
Supprimer totalement le cautionnement aboutirait au retrait de nombreux logements du marché locatif. Pour améliorer l'accès au logement de nos concitoyens, en particulier les plus précaires, il faut rétablir la confiance afin que les propriétaires soient encouragés et mettent leur bien en location en étant assurés qu'ils pourront percevoir leurs loyers. Cet amendement propose, par conséquent, de supprimer cet article.
Il y a une raison simple à supprimer le cautionnement, c'est que l'article précédent a imaginé une sécurité sociale et une garantie mutuelle. Nous n'allons donc pas rajouter un cautionnement personnel, d'autant que ce cautionnement met surtout les milieux modestes en difficulté. En effet, quand vous venez d'un milieu à faible revenu, trouver quelqu'un qui soit une caution rassurante, c'est difficile, voire parfois parfaitement impossible.
Le bailleur est mieux rassuré, me semble-t-il, par un système de mutualisation du risque que par une caution qui, souvent, finit par être assez incertaine.
La circonstance me permet de demander à Mme Stéphanie Do de m'excuser de ne pas avoir répondu à sa question précise. Elle m'a demandé si prendre des dispositions aussi radicales, alors qu'un dispositif légal est en train de s'accomplir, me paraît être une bonne idée. Ne vais-je pas contrarier une pente naturelle bienfaisante qui s'exprimerait ? C'est que précisément, Madame, je ne crois pas à cette pente naturelle bienfaisante. Je crois, au contraire, que cela ne donnera rien, comme d'habitude, parce qu'il ne s'agit pas de mettre des cataplasmes sur une jambe de bois, mais de régler le problème de la locomotion. Par conséquent, ce qui a été décidé, dans de très bonnes intentions sans doute, n'aura pas de résultat, ou tout au moins, car n'exagérons rien, n'aura pas de résultats à la hauteur de ce que vous en attendiez.
Je terminerai en vous disant que vous savez aussi bien que moi, collègues, que cette histoire de caution finit par être complètement loufoque. Des personnes cherchent à se loger, on leur demande une caution. Parfois même certains bailleurs n'en demandent pas une, mais deux, voire trois ! C'est mettre les gens hors d'état de pouvoir se loger. C'est tout à fait insupportable.
Je soutiens tout à fait cet article. Cela a été dit, il faut le mettre en relation avec les autres, notamment avec l'article 2 et la garantie universelle des loyers. Nous constatons que plus la zone est tendue, plus la dérive sur les cautions est totalement absurde. Pour prendre l'exemple de la région parisienne que je connais mieux, qui est une zone particulièrement tendue, les garanties des parents et le montant des cautions sur plusieurs mois, au-delà du loyer lui-même qui est élevé, rendent l'accès au logement extrêmement compliqué. Il faudra donc, à tout le moins, encadrer la notion de caution. Mais, en instaurant une garantie universelle des loyers, comme cela avait été prévu par la loi ALUR, on supprime l'idée de caution, on garantit le propriétaire, on exonère le locataire d'avoir à aligner des cautions invraisemblables et l'on satisfait, je pense, toutes les parties du bail, propriétaires et locataires. Cela me semble une très bonne mesure.
Pour aller dans le même sens que M. Stéphane Peu, certainement parce que nous sommes élus du même territoire, nous constatons que cette question de caution facilite parfois à des marchands de sommeil la location de logements indignes. Il n'y a pas très longtemps, je suis intervenu sur des logements dignes de Dickens et de Zola. Quelle n'a pas été ma surprise d'apprendre que des logements dans un tel état étaient loués quasiment au prix du marché privé. Pour une somme similaire, ces personnes auraient pu avoir un logement décent, et ce qui les empêchait d'accéder à un logement décent était cette question des cautions ainsi que celle des garanties toujours demandées à des gens qui se trouvent souvent dans des situations sociales difficiles. La corrélation entre le fait de favoriser les marchands de sommeil et de rendre plus accessible le marché privé à ces personnes, qui, finalement, en ont les moyens mais ne peuvent y accéder en raison de ces conditions, est absolument totale.
Monsieur le président Mélenchon, dans le rapport que j'ai rendu au Premier ministre intitulé Louer en confiance, j'avais évoqué ce sujet de la caution personne physique. Je partage votre constat. J'écrivais moi-même que « la caution personne physique est le système de garantie le moins fiable [pour les propriétaires bailleurs] et le plus injuste socialement [pour les candidats à la location] ».
Il faut toutefois savoir que plus de la moitié des propriétaires bailleurs se sécurisent de cette manière. Certains paient une garantie loyers impayés, ou d'autres produits assurantiels. Cela représente environ 15 % du marché. Ils sont un peu moins nombreux à utiliser la garantie Visale, et de nouvelles solutions arrivent, lancées par des start-ups qui proposent une caution aux locataires avec facturation au locataire de sa propre caution.
La caution personne physique est donc le moyen le plus utilisé par les propriétaires bailleurs. Si vous la supprimez purement et simplement, l'effet sur le marché sera, en réalité, dévastateur. Les propriétaires bailleurs perdront toute confiance et, sans ce moyen de sécurisation, ils ne mettront pas leurs biens sur le marché, ou, quand ils le feront, ils n'appliqueront les critères de sélection habituels et seront la discrimination. Je ne pense pas que ce soit votre objectif.
C'est pour cela que je vous invite à rediscuter de ce sujet. J'ai déposé une proposition de loi qui devrait être discutée au mois de mai à l'Assemblée nationale. Parmi les trois mesures que je propose, il y a celle qui consiste, sans supprimer la possibilité pour les propriétaires de se sécuriser par ce moyen, à limiter le dispositif de caution physique à une seule personne physique..
La commission adopte l'amendement. En conséquence, l'article 3 est supprimé et l'amendement CE13 de M. Dino Cinieri tombe.
Mme Valéria Faure-Muntian, vice-présidente de la commission, remplace M. le président Roland Lescure au fauteuil de la présidence.
Après l'article 3
La commission examine l'amendement CE26 du rapporteur
Cet amendement résulte de la possibilité qui m'est donnée de déposer des amendements hors délai afin de prendre en compte les auditions que j'ai réalisées lors desquelles des difficultés particulières ont été pointées.
D'un mot cependant, je vous dirai, Monsieur Nogal, que votre description est bien conforme aux faits. Je vous en donne acte et je la déplore sans doute autant que vous, parce qu'il me semble que vous n'êtes pas si favorable que cela à cette caution personnelle.
Je vous fais remarquer que cet article de la loi ne vaut que parce qu'ailleurs, ont été imaginés une caution solidaire et un système de sécurité sociale. Il ne s'agit donc pas simplement de dire qu'il n'y a plus de caution ni de garantie, et fermez le banc ! Cela vaut tout de même la peine de le préciser. Pour ma part, je ne crois pas du tout que, sans caution, un propriétaire retirera son bien de la location. Il l'a acquis pour en tirer un rendement, il essaiera donc de le faire en s'orientant, par exemple, vers des assurances privées. C'est alors que j'arrive, que je lui dis qu'il n'a pas besoin de s'adresser aux assurances privées qui sont coûteuses et qui augmenteront le loyer parce que, in fine, c'est le locataire qui paiera, et que je l'invite à utiliser ma garantie universelle et mon système de sécurité sociale.
Pour ce qui est de cet amendement CE26, de même, il s'agit de bloquer tous les phénomènes et toutes les opportunités de fluidité du placement logement. Il existe des baux, leurs conditions sont bien connues et posent des dates de renouvellement. Nous proposons de s'en tenir à cela sans imaginer la possibilité de pouvoir y déroger au débotté en raison de la volonté du propriétaire de vendre son bien. En faisant que les occupants s'en vont car, la plupart du temps, vous le savez bien, collègues, les occupants ne sont pas en état d'être prioritaires au moment de l'achat. Cela ne leur est pas possible. Par conséquent, cela revient à être une expulsion. C'est le sens de l'article additionnel que je vous propose.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CE24 du rapporteur.
Cet amendement revient sur le fameux bail mobilité. Vous devez savoir que nous vous en avons voulu beaucoup, à vous autres de la majorité, pour ce bail, et nous en avons fait beaucoup de contre-propagandes.
En fait, vous proposez un Airbnb légal étendu. Votre idée, je la comprends, est toujours la même. Elle consiste à dire que puisque j'ai un bien, j'en fais ce que je veux et je peux proposer des locations de court terme.
Certes, vous présentez des arguments. Ainsi, certains souhaitent louer à court terme. Mais l'argument n'est pas suffisant. Ce bail mobilité crée surtout un secteur du logement à rotation rapide, mais ne croyez pas que la rotation soit si pénible que cela dans le cadre des baux traditionnels. J'ai évoqué précédemment mon expérience d'élu local dans une banlieue. Un tiers de cette population de banlieue était renouvelé tous les quatre ans en raison des changements de situation professionnelle et autre. Croyez-moi, c'est un drôle de monde que celui dans lequel un tiers de la population d'une ville change tous les quatre ans. Fort heureusement, il s'agissait toujours du même tiers et, par conséquent, nous arrivions malgré tout à conserver une certaine stabilité.
Outre le fait que comme condition du vivre-ensemble, cette rotation rapide n'est pas géniale, dans le cas particulier, c'est également organiser la rareté du logement pérenne. Or c'est de logements pérennes dont ont besoin les gens, et cette forme de mobilité en ruine la possibilité. Je vous rappelle que nous parlons de baux permettant une location de dix mois au maximum ! Je dis bien « maximum ». La question est de savoir jusqu'où on permet que des personnes spécialisent leurs biens dans une location de courte durée. Et expliquez-moi pourquoi nous y inciterions. Nous n'avons vraiment aucune raison de le faire parce que, aussi bien, le bail peut être rompu par consentement mutuel entre le bailleur et le locataire.
Monsieur le président Mélenchon, nous avions discuté du bail mobilité lors de l'examen de la loi ELAN. C'était un engagement de campagne du président Macron et il s'agit d'un dispositif qui me tient à coeur parce qu'à l'époque où j'étais étudiant, quand vous vous déplaciez dans une autre ville en France pour deux, trois ou parfois six mois, quand il s'agissait de rechercher un logement, quand vous étiez candidat locataire, si vous disiez que vous cherchiez un logement pour une courte durée, vous n'en trouviez pas. Le bail qui existe, le bail meublé d'un an que l'on peut louer en tant qu'étudiant à partir de neuf mois, ne répond pas à la demande actuelle des jeunes en mobilité.
Ce bail mobilité est d'abord fait pour eux, mais il s'adresse également à l'ensemble des professionnels et des salariés de notre pays qui doivent bouger pour des périodes de quelques mois et aux besoins desquels ne répondent pas les baux actuels.
Par ailleurs, ce bail mobilité est intéressant pour les locataires car il ne nécessite pas de dépôt de garantie. De plus, quel que soit l'âge du locataire, il est susceptible d'être couvert par VISALE. La couverture VISALE est automatique. C'est donc un rapport gagnant-gagnant qui s'établit entre un propriétaire qui propose son bien pour une durée assez courte – cela peut être un bien occupé par un autre membre de la famille que l'on met en location pendant six mois, par exemple – et un locataire dont l'avantage est la suppression des frais habituels d'accès au logement, grâce aux dispositions votées dans la loi ELAN.
Contrairement à ce que vous dites, je pense que ce bail mobilité répond à une réelle demande, un réel besoin et un réel changement de notre société dans laquelle les Français sont de plus en plus mobiles et ont besoin d'outils de ce type. Nous nous opposerons donc à cet amendement qui vise à le supprimer.
La commission rejette l'amendement.
Article 4 (art. 16 et 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) : Encadrement du niveau des loyers
La commission examine les amendements de suppression CE4 de M. Thibault Bazin et CE15 de M. Dino Cinieri.
Madame la présidente, je vous prie de m'excuser pour mon absence momentanée, mais je n'ai pas encore d'hologramme comme le président Mélenchon, et je devais me rendre en commission des affaires sociales pour voter sur la création, proposée par le groupe socialiste, d'une commission d'enquête portant sur l'étude d'impact des projets de loi sur les retraites. J'ai voté pour !
Cet article 4 prévoit un encadrement des loyers sur tout le territoire. Cet encadrement me semble déjà en place sur l'ensemble du territoire pour ce qui concerne les hausses de loyer pendant le bail. D'autres dispositifs existent également, notamment le dispositif expérimental prévu par la loi ELAN dans les zones tendues fixées par décret.
Mais cet encadrement est également discutable dans ces zones tendues puisqu'en raison d'un certain manque de souplesse et d'adaptation aux biens, nous avons pu observer certains effets contre-productifs. Toutefois je m'interroge surtout, Monsieur Mélenchon, sur l'utilité dans les territoires détendus de cette proposition d'encadrement des loyers. L'objectif est d'éviter les abus, mais dans les territoires détendus, on observe peu ou pas d'abus sur les loyers. Ces territoires n'étant pas en tension, l'offre y est disponible et les locataires peuvent choisir en adéquation le loyer qui va avec le bien proposé. C'est la raison pour laquelle je vous propose la suppression de cet article en l'état de sa rédaction.
L'encadrement actuel est limité à quelques zones, à deux villes bien précises, sauf erreur. L'expérience nous montre qu'il faut aller à une extension générale. C'est l'idée que nous nous en faisons, et je vous vous ai déjà dit pourquoi.
Vous voudrez bien considérer, et vous êtes sans doute meilleur connaisseur que moi du sujet, que nous permettons dans l'encadrement proposé, des fluctuations qui s'établissent entre moins 30 % et plus 20 % autour du prix de référence. Par ironie, je vous dirais bien que je prends bonne note de votre critique quant à la marge de fluctuation des loyers et que je vais supprimer le plancher afin qu'il soit possible d'aller au-dessous des 30 %. Mais je mets de côté l'ironie. Je crois qu'encadrer partout est une bonne chose, mon but étant toujours le même : briser la possibilité de spéculation et d'exagération du prix de la valeur d'échange face à la valeur d'usage qui, elle, ne change pas.
Souvent, les dispositions que j'ai observées n'ont qu'une finalité. Nous évoquions précédemment le bail mobilité ; le seul résultat que nous constatons est qu'il permet, sauf dans le cas précis d'encadrement du loyer, de fixer le prix que l'on veut pour ces baux mobilité à durée limitée. Certes, l'effet visé par notre collègue Nogal est définitivement brisé par cet encadrement généralisé que je propose à cet endroit, parce qu'il s'étendra à tous les baux. Mais naturellement, j'ai précédemment proposé de supprimer le bail mobilité. Ce sera donc encore mieux et plus efficace.
Donc, avis défavorable.
Monsieur Mélenchon, j'aimerais vous parler de Robert.
Robert est retraité, il a décidé de prendre un emprunt pour acheter un logement qu'il mettra en location pour préparer sa fin de vie. Ce que vous êtes en train de dire à Robert, c'est que, demain, le préfet l'obligera à baisser son loyer et que, par conséquent, il devra prendre sur sa petite retraite pour payer l'emprunt qu'il a fait auprès de la banque pour préparer sa fin de vie.
Monsieur Mélenchon, vous ne faites pas mention de l'article 140 de la loi ELAN dans votre proposition de loi, puisque vous indiquez simplement qu'il a été suggéré de supprimer l'encadrement des loyers. C'est faux, Monsieur Mélenchon, vous le savez très bien. L'encadrement des loyers a été rendu expérimental pendant cinq ans pour toutes les intercommunalités ayant la compétence habitat, elles peuvent donc l'utiliser. Vous indiquiez dans votre prise de parole précédente que seules deux intercommunalités ont fait le geste de mettre en place un encadrement des loyers. C'est exact, il s'agit de Paris et de Lille, mais d'autres établissements publics territoriaux ont également commencé à instruire des dossiers pour le faire. C'est notamment le cas de la Plaine Commune – Grand Paris et de Grand-Orly Seine Bièvre que je ne connaissais pas avant de le découvrir en étudiant cette proposition de loi.
À mon avis, il serait plus intelligent de laisser aux acteurs de terrain, aux élus locaux qui connaissent bien leur territoire, comme vous connaissiez très bien celui de Massy lorsque vous en étiez conseiller général, le choix de mettre en place cet encadrement des loyers s'ils l'estiment pertinent et si cela répond aux problématiques de leur territoire. Laissons, dans ce pays, les acteurs de terrain décider s'il est pertinent de mettre en place un encadrement des loyers ! Ne décidons pas forcément depuis Paris de l'ensemble des réglementations qui sont disponibles sur le terrain. Laissons les acteurs, les élus locaux – et j'imagine que vous en avez beaucoup sur les territoires – décider eux-mêmes de leur destin.
Je soutiens cette bonne proposition, somme toute assez timide. Au vu des dispositions prises par le maire SPD de Berlin, elle reste relativement modeste dans ses intentions.
Cela étant, partout où l'encadrement des loyers a été testé, il s'est révélé efficace pour toutes les parties.
Tout d'abord, il assure une certaine sécurité et stabilité des locataires dans le logement. Il n'y a rien de pire, même pour un propriétaire comme Robert, que d'avoir un turn-over incessant de locataires qui ne peuvent pas payer le loyer.
Ensuite, puisque nous avons dans notre pays des mécanismes de solvabilisation comme les APL, il faut qu'il y ait un minimum d'adéquation entre le niveau de solvabilisation amené par les APL des locataires et le niveau du loyer. Si le différentiel se creuse, cela engendre forcément des difficultés, une rotation et une instabilité du système préjudiciable pour tous.
Enfin, pour ce qui est de laisser la liberté aux collectivités locales, il se trouve que, parmi les exemples que vous avez cités, figure la communauté d'agglomérations dont je suis élu. Très franchement, cette liberté des collectivités locales n'existe pas à l'heure actuelle. Le mécanisme d'encadrement des loyers de la loi ALUR, corrigé par la loi ELAN, est soumis à une série d'autorisations et de contraintes. La démarche est extrêmement longue et compliquée. Il faut que les observatoires des loyers aient été créés et puissent statuer. Or, tels qu'ils sont constitués, ces observatoires n'en ont pas la capacité. Je passe rapidement sur les détails, mais telle est la situation.
Si l'on considère que le logement n'est pas une marchandise comme une autre, il faut de la régulation. Cette régulation est dans l'intérêt de la stabilité du système dans son ensemble et, à ce titre, elle est profitable à tous ceux qui en sont acteurs, locataires comme propriétaires.
J'ai cru entendre de la part de mon collègue de La République en Marche, des élans que nous entendions au moment de la discussion de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dite loi « Pénicaud ». On nous disait alors qu'il fallait laisser respirer les entreprises et faire en sorte que la loi soit dominée par les accords d'entreprise. Là, on reprend le couplet en parlant de Paris au lieu de parler d'une loi au niveau national. M. Stéphane Peu a répondu sur la difficulté actuelle, y compris pour les villes, communes et les agglomérations qui veulent appliquer cet encadrement des loyers de le faire. J'ajouterai que je ne suis pas favorable à l'idée que, selon la couleur politique de tel ou tel maire, on se retrouve, dans certains endroits, avec des villes qui voudraient favoriser l'encadrement des loyers et faire en sorte que la spéculation immobilière ne monte pas trop et, juste à côté, des maires qui pourraient adopter la position inverse.
Dans le département de Seine-Saint-Denis, le maire de la ville de Saint-Ouen, dans ma circonscription, s'aligne sur les prix parisiens et favorise la spéculation pour modifier la structure sociale de sa population. On ne peut se satisfaire de telles situations. Regardez les statistiques actuelles : une augmentation de 350 % des loyers à Paris, une augmentation de 220 % dans les grandes agglomérations. Nous parler de Robert, le petit retraité qui disposerait d'un bien à louer à Paris, au nom duquel il faudrait ne rien faire, cela ne va pas. La situation est catastrophique, je ne vois pas d'autre moyen pour y remédier que de permettre, par la loi, d'en finir avec cette envolée des prix qui fait que nous sommes passés, comme cela a été dit, d'un taux d'effort de 10 % à 30 %, au minimum, dans les revenus des ménages pour se loger.
Je suis donc, bien évidemment, favorable à cet article. Je vous demande de regarder la situation en face : elle est dramatique en termes de logement.
Je reviens sur cette notion de zone tendue ou détendue.
Si je m'inscris dans votre logique, que je respecte même si nous ne sommes en accord quant à la pertinence de ce choix, je comprends l'intérêt de votre dispositif. En revanche, je ne le comprends absolument pas en zone détendue. Ce que l'on qualifie de zones tendues, ce sont les communes situées en zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants, des zones où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements entraînant de sérieuses difficultés d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, caractérisées notamment par un niveau élevé des loyers et des prix d'acquisition des logements anciens ainsi que par un nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements dans le parc social.
Finalement, lorsque vous décrivez les problèmes, on voit que nous avons des zones concernées par ces situations. Je ne comprends pas que vous vouliez appliquer un dispositif contraignant là où ces phénomènes n'existent pas. Vous auriez pu amender votre article pour l'adapter aux besoins.
Oui, c'est possible. Nous le ferons d'ici à la séance.
Je voulais vous signifier, Monsieur Mélenchon, qu'il serait intéressant de pouvoir aussi avoir un débat sur les zones détendues. Mais le vrai problème, et vous l'aviez souligné dans votre propos liminaire, tient au déséquilibre profond entre l'offre et la demande. Tant que l'on ne rééquilibrera pas l'offre et la demande, toutes ces mesures seront des correctifs limités, qui ne traiteront pas le mal à la racine.
C'est un sujet qui avait fait l'objet de longues discussions pendant l'examen de la loi ALUR et de la loi ELAN, et sur lequel il ne faut pas être dogmatique.
Je partage l'idée que l'encadrement des loyers peut être pertinent dans certains territoires. Il l'est. Mais je partage aussi ce que disait mon collègue Damien Adam sur le fait de laisser la possibilité aux élus locaux de décider. Ils ont autant de légitimité que nous. Nous sommes les représentants de la Nation, ils sont élus dans des territoires et, de plus en plus, la compétence de l'habitat et du logement est déléguée aux intercommunalités et aux communes.
Donc, laissons et donnons les outils à nos élus locaux pour choisir eux-mêmes la politique du logement et de l'habitat qu'ils souhaitent mettre en place. L'expérimentation de l'encadrement des loyers a été rétablie à Paris et à Lille. Le dossier de Plaine Commune est actuellement en instruction. Pour pouvoir mettre en place l'encadrement des loyers, certains critères ont été fixés dans la loi ELAN et par décret. Je pense que c'était la bonne méthode. C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons cet amendement de suppression de l'article.
Je dirai à M. Thibault Bazin que, dans ce cas, il vaudrait mieux amender que supprimer les articles. Sa remarque s'entend, mais je préfère une règle commune dans laquelle on intègre éventuellement des exceptions à l'absence de règles et au caractère exceptionnel de la régulation, ce qui est le cas actuellement.
Merci aux collègues !
Je rassure tout de suite M. Bazin : la proposition de loi que nous vous soumettons prévoit, aux alinéas 6 et 7, deux dispositifs différents selon qu'on est en zone tendue ou pas.
J'ai été naturellement très ému par la situation de Robert, et je lui dis toute ma sympathie, sans ironie parce que je comprends que cela vous émeuve – et donc, cela m'émeut par empathie. Mais si Robert est à Paris, je doute qu'avec sa modeste retraite, il ait pu acquérir quoi que ce soit, même pas un placard. Le mètre carré à Paris se vend à 11 000 euros en moyenne. Une folie pure !
La ville accumule tout ce qui fait rêver quelqu'un qui a trois ou quatre sous : le transport, la sécurité, les loisirs. Tout est là. Paris va devenir un ghetto de riches très rapidement. La population ouvrière a été expulsée de la capitale, et ils continuent de partir par wagons entiers. Les anciens secteurs les plus populaires – au sens le plus déplaisant, allez voir vers le faubourg Saint-Denis ou même dans le 18e arrondissement, et vous verrez comment cela « déboise », si je puis dire, entre deux populations qui n'ont strictement rien à voir.
Si la situation de Robert est tragique, je me préoccuperai du niveau de sa retraite. Je commencerai donc déjà par ne pas appliquer la loi que vous avez inventée sur le sujet et je m'occuperai des conditions dans lesquelles il peut avoir un revenu digne pour garantir son existence, sans être obligé de contribuer à la spéculation générale.
Pour ce qui est de la décision locale, collègue Damien Adam, l'ancien élu local que je suis ne va pas vous dire qu'un élu local ne sert à rien. De plus, la tradition jacobine est très décentralisatrice, contrairement à ce qu'en disent ses adversaires qui n'ont qu'une connaissance très superficielle du jacobinisme ; ils le confondent avec le bonapartisme, alors que cela n'a rien à voir. Il arrive même que certains se réclament d'un girondisme qui n'a jamais existé, car les girondins étaient en réalité des brissotins. Cette idée de les appeler girondins était une invention de Lamartine. Nombre d'entre eux étaient des esclavagistes et des négriers. Ils avaient d'autres qualités mais, dans ce cas, c'était un défaut.
Je ne participe pas de la détestation de la loi qui s'applique à tous parce qu'elle est décidée par tous. Moi, je ne suis pas l'élu d'un territoire. Je préfère le dire clairement, je l'assume. Je suis l'élu d'une population. Les territoires n'ont pas besoin d'élus, ils nous précédaient et ils nous suivront sans aucun inconvénient. Je ne suis pas élu de Marseille, je suis élu à Marseille ! Ce n'est pas du tout pareil. Dans ma mission de député, je suis chargé de l'intérêt général, l'intérêt de tous, quel que soit l'endroit.
Dans l'histoire longue, collègue, le peuple – le petit peuple et les bourgeois – aimait beaucoup la justice d'appel, parce que c'était celle du roi et que le roi était loin. C'était le principal avantage. Il n'était donc pas collé à celui qui décidait, il n'était pas collé au juge parce qu'ils se connaissaient depuis plusieurs générations et qu'ils étaient du même endroit.
Je vous redirai pareillement que la loi est bonne. Ne mettez pas, à chaque fois, Paris derrière pour dire que ce serait… (M. Damien Adam proteste.) Mais la loi n'est pas la loi de Paris ; c'est l'Assemblée nationale qui est à Paris. Si vous installez l'Assemblée nationale à Marseille – j'en serai le premier enchanté –, vous aurez des lois marseillaises ! C'est une manière de dire que ces gens-là n'y connaissent rien. Eh bien, non, c'est nous tous qui faisons la loi ; nous sommes très divers, d'opinion et de…
Pardon, madame la présidente, je déborde !
Donc, j'assume que je suis absolument hostile à votre conception dite girondine et au droit à la différenciation qui, selon moi, est l'abomination de l'abomination et ressemble à l'ancien régime avec ses sénéchaussées et le reste. Vive la loi décidée par tous et appliquée à tous !
La commission adopte les amendements. En conséquence, l'article 4 est supprimé et les amendements CE21 et CE25 tombent.
Article 5 (art. L. 635-1 du code de la construction et de l'habitation) : Zones de mise en place obligatoire de l'autorisation préalable de mise en location
La commission examine les amendements de suppression CE5 de M. Thibault Bazin et CE16 de M. Dino Cinieri.
Cet article rend obligatoire l'acquisition d'un permis de louer pour les bailleurs. Si la lutte contre l'habitat insalubre et les marchands de sommeil est une juste cause, il convient d'attendre l'application de la loi ELAN, dont plusieurs articles traitent de ce sujet.
La création partout d'un permis de louer est inadaptée et disproportionnée, car ce permis constitue une nouvelle contrainte et de nouvelles formalités administratives bien malvenues. Cet article risquerait de dissuader les propriétaires de mettre en location leurs biens, et donc d'aggraver encore la pénurie de logements.
C'est un moment émouvant que celui qui voit une opposition se faire la gardienne d'un texte de la majorité ! Je pense donc que vous devez jubiler. Vous en avez le droit, collègues. Je le relève malgré tout, parce qu'il faut y mettre quelque humour. La loi ELAN, bravo, très bien ! En ce moment, on se réjouit beaucoup et l'on se félicite, mais si les décrets d'application avaient été pris, peut-être pourrions-nous également adhérer à l'enthousiasme qui vous anime en cette circonstance. Comme elle a été votée en 2018 et qu'aucun décret n'a été pris, on peut considérer que même leurs auteurs n'y croient pas.
Donc, avis défavorable.
Je me bornerai à dire à mes collègues des Républicains qu'il serait mieux d'aborder la loi autrement que dans une logique de « Terminator », qui consiste à procéder par des amendements de suppression.
Franchement, pour avoir expérimenté le permis de louer comme outil de lutte contre l'habitat insalubre, et je ne crois pas être le seul, il s'agit d'un très bon outil qu'il convient de généraliser. Cet article est un bon article.
Le permis de louer existe déjà, je le souligne. Le seul problème est qu'il est dévolu aux villes, aux communes. Or, pour certaines, il est très compliqué de disposer des services techniques et des moyens en personnel permettant de l'appliquer. C'est la raison pour laquelle l'instituer au niveau national – bien évidemment, dans les zones particulièrement sujettes aux logements insalubres – semble une bonne solution qui, d'ailleurs, est souvent demandée par les communes elles-mêmes.
J'ai fait récemment une tribune en faveur de ce permis de louer avec les maires de Saint-Denis, d'Épinay, etc. Au-delà de la couleur politique, c'était vraiment une disposition qui était demandée, dès lors qu'il s'agit d'un article d'une loi qui permet plus de constructions de logements, etc. Il ne faudrait pas non plus que ce dispositif entraîne une situation de pénurie.
Je voudrais présenter mes excuses si ces amendements de suppression ont un aspect « Terminator ». Mais il est vrai que, parfois, ils permettent de débattre de chaque article. J'avoue que nous en avons usé parce que ces sujets sont passionnants.
Je suis d'accord avec M. Stéphane Peu : c'est un outil formidable et très intéressant. Ce qui me gêne, Monsieur Mélenchon, est qu'il soit à la main du préfet. Nous nous sommes battus lors de l'examen de la loi ELAN, y compris contre la majorité, pour que les maires conservent un certain nombre de facultés. C'est cet aspect qui m'a interpellé dans la lecture qui est faite.
J'en profite, Madame la présidente, et si vous voulez le relayer auprès du président Lescure, pour dire que j'étais chargé, au titre des oppositions, d'être co-rapporteur de la mission d'information sur la mise en application de la loi ELAN. Nous avons voté contre cette loi, mais nous devions en assurer le suivi. Nous avons présenté un rapport devant cette commission en juin dernier : une grande partie des ordonnances et des décrets étaient attendus. Il avait été dit qu'il serait bon de refaire une mission six mois plus tard puisque cette application prenait du retard. Ce sont des combats communs sur l'habitat dégradé, les marchands de sommeil, le l'habitat insalubre. Il serait intéressant que cette commission puisse de nouveau évaluer la situation.
Je souhaitais tout d'abord intervenir sur la forme. En effet, plusieurs décrets étaient attendus après la loi ELAN, et je veux ici saluer la totale transparence du ministère du logement et du ministre Julien Denormandie qui a associé les parlementaires, notamment M. Bazin, M. Lioger et moi-même, au suivi de l'ensemble de ces décrets. C'est un progrès qui mérite d'être relevé dans la relation de travail entre exécutif et Parlement.
Quant au fond, j'en reviens à ce que disais à propos de l'encadrement des loyers : le permis de louer généralisé à tous les territoires me semble être un outil pertinent s'il est placé entre les mains des élus locaux qui ont la légitimité. Des villes l'ont mis en place, dans lesquelles le dispositif fonctionne, mais le généraliser signifierait que l'on pose une contrainte supplémentaire à la mise en location.
Monsieur Mélenchon, vous disiez – et je pense que nous partageons le même objectif – que plus nombreux sont les logements sur le marché, mieux c'est pour les locataires puisque cela fait baisser les prix. Tout ce que vous nous présentez depuis le début va, malheureusement, à l'encontre de cet objectif. Vos propres propositions vont contre vos propres objectifs. Mettons donc en place moins de contraintes que celles que vous voulez imposer et faisons en sorte d'avoir davantage de logements sur le marché. Vous verrez que les locataires n'en vivront que mieux.
Même si nous ne soutenons pas l'article en l'état, nous allons retirer ces amendements de suppression, afin d'avoir un débat de fond sur l'ensemble des dispositions de l'article, car, Monsieur le rapporteur, vous avez des choses à nous dire.
Je ne voudrais pas qu'il y ait d'ambiguïté : le texte de la loi est favorable au permis de louer, même très favorable. Il ne s'agit que de le rendre obligatoire partout où le préfet en constate la nécessité pour enrayer le logement indigne.
Il ne s'agit pas de réduire le nombre de logements, collègue. Vous rendez-vous compte de ce que vous me dites ? Vous me reprochez d'avoir des objectifs et des moyens divergents, mais ne pas avoir de permis de louer signifie que l'on donne le droit de louer de l'habitat inacceptable. Allons, allons, il faut se ressaisir !
Quant à mon collègue Bazin, il me dit qu'il s'agit d'un très bel outil, dont il est très satisfait, mais il écrit dans l'exposé sommaire de son amendement que la création d'un permis de louer partout est inadaptée et disproportionnée parce que ce permis constitue une nouvelle contrainte – c'est également ce que disent les membres de la majorité – et de nouvelles formalités administratives bien malvenues. Comment pouvez-vous trouver brillant et très utile un outil dont vous dites qu'il est malvenu, inadapté et disproportionné ? Fort heureusement, vous vous êtes ressaisi et vous avez retiré votre amendement !
Quant à mes collègues du groupe La République en Marche, ils devraient comprendre qu'ils ne peuvent qu'approuver cette idée : puisqu'ils sont contents du permis de louer, il faut donc le généraliser !
Les amendements CE5 et CE16 sont retirés.
La commission rejette l'article 5.
Article 6 (art. L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation) : Objectif de 30 % de logement locatif social dans les communes très tendues et de 25 % de logement très social dans le logement social
La commission examine les amendements de suppression CE6 de M. Thibault Bazin et CE11 de M. Dino Cinieri.
Cet article fait passer de 25 % à 30 % l'objectif de la part des logements sociaux dans les communes des grandes agglomérations.
Cette obligation est malvenue, car elle ne tient pas compte des particularités de chaque ville, de leur histoire et, parfois, des contraintes de constructibilité. Il serait plus intéressant de passer d'une logique de stock à une logique de mixité du flux en faisant davantage confiance aux élus locaux sur ce quoi ils peuvent agir.
Cet amendement propose de supprimer cet article qui prévoit le renforcement des obligations en matière de construction de logements sociaux dans les zones tendues, pour mieux en discuter par la suite s'il le faut. Nous souhaitons maintenir l'équilibre actuel qui est déjà très contraignant pour les collectivités.
Il vous aura échappé que cela ne s'applique qu'aux zones tendues. Par conséquent, la vocation de cet article, je le redis, est de briser la spéculation immobilière.
Je trouve étrange votre position mais – pardon, cette remarque s'adresse à vos collègues de la droite – vous aviez des traditions différentes sur le sujet. Là, vous êtes pratiquement rendus au point de différenciation de nos collègues de La République en Marche. Dire que les villes présentent des particularités, et alors ? Tout est particulier ! Cela ne les a pas empêchées de se soumettre à la loi jusqu'à présent.
La France est ainsi faite qu'elle est un État unitaire. Si, demain, nous étions un État fédéral, composé de d'État-cités, nous verrions peut-être les choses différemment. Mais ce n'est pas le cas. Voilà pourquoi je pense que la meilleure garantie de la mixité est de briser la spéculation et, pour cela, d'obliger à une offre de logement social qui soit suffisante.
À défaut d'être un logement universel, le logement social dans notre pays est un logement généraliste qui s'adresse à 75 % des Français si l'on se fonde sur les niveaux de ressources. Donc, dès lors qu'un logement social, en plus d'être un logement accessible, doit être un logement qui soit le creuset de la mixité et de l'intégration, avoir 30 % de logements sociaux qui s'adresse à 75 % de la population ne me paraît pas être un chiffre exorbitant, surtout dans les zones tendues, comme l'a précisé le rapporteur. Je trouve donc que c'est un très bon article.
C'est évidemment un très bon article. Cela me permet de dénoncer la logique qui prévaut depuis quelques années, qui est de critiquer le logement social.
L'une des premières mesures qu'a prise Mme Valérie Pécresse, en tant que présidente de la région Île-de-France lorsqu'elle a obtenu la majorité, a été non pas de pénaliser les villes qui ne respectaient pas la loi SRU, mais de pénaliser celles qui faisaient du logement social au-delà des seuils imposés, au prétexte qu'elles favorisaient les ghettos de pauvres.
Je voudrais dire, comme mon collègue Stéphane Peu, que le logement social est avant tout le principal outil pour mener une politique publique du logement. C'est même le principal outil pour une politique qui permet de baisser la pression du prix des logements dans ce pays. Nous en avons parlé à propos de l'encadrement, mais c'est évidemment quelque chose qui va dans ce sens. D'autant plus que nous proposons dans un amendement que cela ne se fasse pas au niveau des agglomérations, parce qu'il m'a été dit, par exemple, que certaines villes ayant de forts taux de logements sociaux se faisaient quasiment acheter par d'autres pour rejoindre une agglomération, de façon à équilibrer leurs taux de logements sociaux insuffisants. Cet article me semble donc nécessaire et aller dans le bon sens.
Je vais vous faire gagner du temps, Madame la présidente : nous allons retirer ces amendements afin de pouvoir avoir un débat sur les amendements suivants sur l'article 6. Même si nous ne soutenons pas le dispositif, cela permettra d'avoir un débat sur le fond de l'ensemble. C'est le problème des amendements de suppression placés en début et pas à la fin. Je pense qu'il serait important que nous puissions avoir un débat, peut-être pas ce matin puisque le temps est contraint, sur la logique de flux et la logique de stock par rapport au logement aidé. Il faut que nous ayons un véritable échange sur la loi SRU, sur les capacités et les flux plutôt que sur le traitement des stocks, de manière à responsabiliser les élus locaux sur le flux nouveau qu'ils vont décider pour assurer une véritable mixité. C'est le débat qui a été initié dans la loi ELAN, mais nous avons été frustrés puisqu'il n'y a pas vraiment eu de débat sur la loi SRU.
Monsieur Bazin, vous venez de retirer l'amendement, et vous faites une défense d'amendement supplémentaire !
Les amendements sont retirés.
La commission examine l'amendement CE23 du rapporteur.
Vous pouvez le faire mais, chaque fois, l'idée est de briser tout ce qui favorise la spéculation et la fluidité du marché considéré. Cet amendement fait suite à un amendement que nous avons déjà examiné. Il vise à renforcer les effets d'un précédent article.
Excusez-moi, collègues, parce que j'étais en train de chercher quelque chose d'aimable à dire à mes collègues socialistes sur leur amendement, mais voilà qu'ils ne sont pas là et que je ne peux pas m'exprimer à son propos.
C'est un amendement important mais, pour être bref, pour avoir très fortement combattu la vente de logements sociaux érigée en principe financier après l'asséchement des ressources des organismes HLM, je constate, avec un an de recul, que c'est un échec total. Cependant, en autorisant la vente des logements sociaux, y compris dans les villes qui n'avaient pas atteint le taux de logements au titre de la loi SRU, cet échec sur le plan financier a encore accru la ségrégation territoriale et le séparatisme social. C'est donc une catastrophe. Il faut supprimer cette autorisation de vente des logements HLM. Je soutiens donc cet amendement.
Pour compléter ce que vient dire M. Stéphane Peu, c'est encore plus nécessaire avec la loi ELAN, car, je le rappelle, dans la loi ELAN, afin que les bailleurs puissent compenser la baisse des APL subie par leurs locataires, a été voté le principe de favoriser la vente de logements sociaux. L'idée dans cet amendement est qu'au moins, la vente des logements sociaux n'entre pas dans le pourcentage pris en compte pour la loi SRU et qu'ils ne soient pas considérés comme des logements sociaux.
C'est un amendement nécessaire, rendu encore plus nécessaire par la loi ELAN.
Il s'agit d'un sujet de fond. L'ascenseur social est un peu bloqué. Les témoignages des bailleurs sociaux montrent que, lorsqu'ils essaient de vendre non pas en bloc à des foncières mais à leurs propres occupants – qui rêveraient de pouvoir acheter leur logement – pour assurer la mixité, un problème de financement se pose. La suppression de l'APL accession a été une véritable erreur. En outre, elle est un non-sens d'un point de vue budgétaire. Il serait vraiment urgent de rétablir l'APL accession.
Pour que je comprenne bien les débats, et que ce soit clair pour tous, vous venez donc de défendre l'amendement portant sur l'article que vous vouliez initialement supprimer. (Sourires.)
Les collègues qui ont travaillé sur la loi ELAN connaissent mon engagement pour le logement social et mon attachement à défendre la loi SRU, qui a permis de construire en quinze ans 1,5 million de logements sociaux dans notre pays.
Pour reprendre quelques chiffres relatifs aux contraintes qui pèsent sur les communes, je rappellerai que, sur les quelque 36 000 communes françaises, près de 2 000 communes sont soumises à l'obligation prévue par la loi SRU. Parmi ces 2 000 communes, à peu près 1 200 sont en retard sur leurs objectifs triennaux – puisque la construction de logements sociaux est calculée tous les trois ans et que l'on sanctionne alors la carence ou l'on exempte les communes de pénalités. Grâce à l'action de M. Julien Denormandie, l'application de la loi SRU est plus stricte qu'hier. On rappelle, par la sanction, que cela reste un objectif à poursuivre. Mais quand 1 200 communes sur les 2 000 concernées ne parviennent pas à atteindre l'objectif de 25 % de logements sociaux sur leur territoire, vous comprenez bien que nous n'allons pas soutenir un amendement qui vise à le faire passer de 25 % à 30 %.
Par ailleurs, car c'est un aspect important, je reviens sur la question de la vente de HLM. Là encore, appuyons-nous sur les chiffres : c'est 0,2 % du parc HLM qui est vendu chaque année, soit entre 8 000 et 10 000 logements par an sur l'ensemble du parc de logements sociaux. La vente de HLM ne doit donc pas être vue comme l'alpha et l'oméga d'une politique ni d'un bailleur social, ni d'une collectivité, mais comme s'inscrivant dans un parcours du logement.
Monsieur Mélenchon, vous disiez que ne sont vendus que les plus beaux lots, les plus beaux logements. Ce n'est pas vrai sur le terrain. Certes, on vend les logements financés par des prêts locatifs sociaux (PLS), c'est-à-dire les logements les moins sociaux parmi les catégories de logement social. Mais c'est pour faire en sorte que ce soient des ménages solvables car, à l'époque, on nous incitait à la prudence, considérant que la vente de HLM pouvait entraîner des copropriétés dégradées. Avec la loi ELAN, nous permettons à certains de nos concitoyens d'accéder à la propriété – c'est de l'accession sociale – tout en autorisant les bailleurs sociaux à se constituer des fonds, partant du principe qu'un logement vendu permet d'en construire deux à trois nouveaux.
Tout cela résulte d'une petite confusion.
Je réponds seulement à un argument. Vous nous dites que la situation s'est améliorée dans le respect des proportions qui avaient été fixées par la loi et qui n'étaient pas respectés. Vous avez raison. Elles n'étaient pas respectées. Cela s'est amélioré, sous bénéfice de vérification, mais ce n'est pas une raison pour ne pas augmenter l'objectif, car le problème est de répondre à la crise du logement et d'augmenter la proportion exigée et, donc, d'interdire qu'en usant d'artifices, certains se dispensent de toute obligation en reportant sur un autre organisme à une autre échelle, les obligations qui incombent à la commune.
J'ajoute, pour répondre à mes collègues socialistes, que l'idée n'est pas de pénaliser les communes, car nous en connaissons qui sont capables de décider qu'elles préfèrent payer une amende que construire des logements sociaux. L'idée est d'obliger à construire ces logements en étendant les pouvoirs de la loi et du préfet lorsque c'est nécessaire.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CE22 du rapporteur.
Il s'agit de la suppression de l'autorisation de mutualiser les obligations de construction de logement social à échelle intercommunale puisque, dans certains secteurs, c'est la ruse qui a été trouvée, dans la bonne entente locale, entre tous et chacun : les uns prennent les logements sociaux sur leur territoire et pas les autres, et cela compte pour tout le monde !
Nous sommes en désaccord absolu avec cette ségrégation et cette spécialisation de l'espace. Nous voulons donc interdire cette pratique.
La commission rejette l'amendement CE22.
Elle rejette l'article 6.
Article 7 : Transfert de la compétence d'urbanisme d'une commune carencée récidiviste
La commission est saisie des amendements de suppression CE7 de M. Thibault Bazin et CE17 de M. Dino Cinieri.
Madame la présidente, il n'y a pas de problème de cohérence. J'ai retiré l'amendement précédent pour que nous puissions avoir un débat sur les amendements suivants. C'était par correction et souci de la parole démocratique de nos collègues.
Par cet article 7, La France insoumise entend rendre automatique le transfert au préfet de la compétence de délivrance des autorisations d'urbanisme – dont les permis de construire –pour les communes qui ne respectent pas la loi. Or les permis de construire peuvent concerner bien autre chose que le logement, notamment des équipements publics. Ce transfert serait, à mon sens, disproportionné et contreviendrait au principe de la libre administration des collectivités territoriales. Je vous propose donc la suppression de cet article, sachant que le dispositif actuel est déjà assez pénalisant.
C'est une disposition extrêmement ferme, vous avez raison de le dire. Elle est à la mesure de l'état d'urgence que nous voyons dans le pays. Si certains ne veulent pas accomplir leur devoir, l'État doit assumer sa responsabilité, et les préfets le feront de vive force puisqu'il n'y a pas moyen de faire autrement et que les gens ne veulent pas entendre raison.
Cet article est absolument nécessaire, car c'est un véritable scandale. J'ai participé pendant des années, auprès du préfet de région Île-de-France, à cette commission qui analysait le cas des villes carencées en logements sociaux. Il y avait toujours une très bonne raison pour ne pas sanctionner ces villes à la hauteur qu'il fallait. En conséquence, le retard ne se rattrape pas.
C'est bizarre, certaines villes ne trouvent jamais de terrains pour construire des logements, mais en trouvent toujours pour construire des bureaux ! Il règne une hypocrisie totale. Les sanctions doivent être plus fermes. Autrement, nous nous retrouvons face à ce paradoxe qui ne choque personne : en pleine élection municipale, dans leurs meetings, des maires osent dire que s'ils les élisent, les électeurs sont assurés qu'ils ne construiront pas de logements sociaux, quitte à enfreindre la loi. On fait d'un acte délictueux un argument électoral, ce qui est tout de même assez scandaleux dans un pays de droit !
La commission adopte les amendements. En conséquence, l'article 7 est supprimé.
Article 8 : Création d'une taxe sur les mutations onéreuses de grande valeur
La commission examine les amendements de suppression CE8 de M. Thibault Bazin et CE12 de M. Dino Cinieri.
La commission adopte les amendements. En conséquence, l'article 8 est supprimé.
Article 9 : Article de gage
La commission rejette l'article.
Tous les articles ont été rejetés. En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée. Le texte qui sera soumis à l'Assemblée lors de l'examen en séance publique sera donc celui de la proposition de loi de M. Jean-Luc Mélenchon et de plusieurs de ses collègues dans sa version initiale.
Informations relatives à la commission
La commission des affaires économiques examinera en deuxième lecture, prochainement, la proposition de loi relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires. Ce texte a été adopté en commission par le Sénat le 20 février 2020. Il sera voté en séance publique au Sénat l'après-midi du 26 février. Dans la mesure où ce texte ne comporte plus à ce jour qu'un seul article en discussion (l'article 5 bis sur l'étiquetage de l'origine de la bière), la commission des affaires économiques a, conformément aux dispositions de l'article 103, alinéa 2, du Règlement de l'Assemblée nationale, donné son aval à ce qu'il soit examiné en séance publique à l'Assemblée nationale selon la procédure d'examen simplifiée.
Une mission d'information commune sur les chambres d'agriculture (« Chambres d'agriculture ; état des lieux et transformations ») est créée. Cette mission est commune à la commission des affaires économiques et à la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 4 mars 2020 à 9 h 20
Présents. – M. Damien Adam, M. Patrice Anato, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, Mme Pascale Boyer, Mme Anne-France Brunet, M. Jacques Cattin, M. Sébastien Cazenove, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, Mme Typhanie Degois, M. Rémi Delatte, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Frédéric Descrozaille, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, Mme Stéphanie Do, M. José Evrard, M. Olivier Falorni, M. Daniel Fasquelle, Mme Valéria Faure-Muntian, M. Antoine Herth, M. Philippe Huppé, M. Guillaume Kasbarian, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Laure de La Raudière, Mme Marie Lebec, M. Sébastien Leclerc, M. Roland Lescure, Mme Jacqueline Maquet, Mme Graziella Melchior, M. Jean-Luc Mélenchon, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Mickaël Nogal, M. Jérôme Nury, Mme Danièle Obono, M. Éric Pauget, M. Stéphane Peu, Mme Sylvia Pinel, M. Richard Ramos, M. Vincent Rolland, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Stéphane Travert, M. Jean-Pierre Vigier
Excusés. – M. Bruno Bonnell, M. Anthony Cellier, Mme Michèle Crouzet, Mme Laurence Gayte, Mme Frédérique Lardet, M. Serge Letchimy, M. Didier Martin, M. Max Mathiasin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Denis Sommer, M. Éric Straumann, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Nicolas Turquois
Assistaient également à la réunion. – M. Thibault Bazin, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Éric Coquerel