Plus d'un an après la promulgation de la loi ELAN, nous sommes amenés à examiner cette proposition de loi tendant à rendre effectif le droit au logement.
En France, le droit au logement est considéré comme découlant directement de la Constitution. C'est un droit fondamental qui est, pourtant, resté longtemps non sanctionné juridiquement. Proclamé avec la loi du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs, dite loi « Quillot », et consacré quelques années plus tard par la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, dite loi « Besson », le droit au logement est resté inappliqué pendant de nombreuses années en l'absence de tout dispositif contraignant. C'est seulement en 2007 que, sous l'impulsion décisive du monde associatif qu'il convient de saluer, le droit au logement opposable a été mis en place et consolidé par la suite, en 2014 et 2017. Ses objectifs sont clairs : garantir le droit au logement, lutter contre le mal-logement et mieux informer les bénéficiaires du droit au logement.
Dans le droit fil de ces grands principes et de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, dite loi « DALO », le groupe du Mouvement démocrate et apparentés est particulièrement mobilisé depuis le début de cette législature pour lutter contre le mal-logement, puisque le logement demeure la première des priorités pour les Français. C'est dans ce contexte que nous avions fait adopter, en première lecture, en novembre dernier, une proposition de loi visant à réduire le coût du foncier et à augmenter l'offre de logements accessibles aux Français. Nous comprenons donc parfaitement l'intention du groupe La France insoumise de s'attaquer à un problème malheureusement persistant dans notre pays.
Toutefois, pour plusieurs raisons que je vais évoquer ci-après, nous ne pouvons pas nous retrouver dans les propositions qui sont émises.
Tout d'abord, en ce qui concerne l' article 1er visant à interdire les expulsions lorsque le locataire visé n'a pas obtenu de proposition de relogement adaptée, cette proposition prend le contre-pied d'un équilibre de longue date, qui vise tant à protéger les plus fragiles qu'à rassurer les propriétaires. Les procédures sont, en effet, déjà très sécurisées, parfois même très longues et permettent déjà le relogement du locataire dans des conditions adaptées en cas d'inadéquation de ses ressources avec le montant du loyer. La mesure proposée pourrait briser ce fragile équilibre et produire un effet contraire sur l'offre locative, particulièrement dans les zones les plus tendues, et donc, in fine, compliquer l'accès au logement pour de nombreux Français en difficulté.
Ensuite, s'agissant de l'encadrement des loyers, les collectivités qui le souhaitent peuvent déjà l'expérimenter depuis la loi ELAN. Nous avons également prévu la généralisation d'observatoires des loyers privés dans les zones tendues afin d'améliorer la connaissance objective des loyers. Nous préférons donc capitaliser sur cette expérience qui nous permettra de tirer des conclusions pertinentes. À ce stade, nous considérons que le dispositif fonctionne en l'état et qu'il apporte une régulation nécessaire au marché locatif dans les zones tendues dans notre territoire.
De même, concernant l'enjeu du logement social abordé sous le seul prisme quantitatif dans cette proposition de loi, nous considérons que les seuils actuels prévus par la loi SRU permettent déjà la bonne prise en compte des particularismes territoriaux. La loi SRU incite, à notre avis, les élus locaux à construire des logements sociaux afin de disposer d'un parc résidentiel social adapté à la population de chaque territoire. Les services de l'État procèdent chaque année à un inventaire contradictoire avec les communes concernées, qui peuvent d'ores et déjà se voir imposer des sanctions en cas de manquement à cet effort de solidarité nationale.
Enfin, la lutte contre l'habitat indigne – qui est souvent une conséquence de l'action des marchands de sommeil – ainsi que celle contre la dégradation des copropriétés ont été significativement renforcées par la loi ELAN, qui facilite les poursuites judiciaires et fiscales, l'intervention des pouvoirs publics et la confiscation des biens.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés ne soutiendra pas votre proposition de loi.