Je dis simplement qu'en cette circonstance, vous avez voulu favoriser le capital circulant. Nous avons des objections de toute sorte à l'encontre de cette thèse, mais c'est bien ce qui a été recherché. Si vous n'avez pas sorti de l'impôt sur la fortune le placement dans l'habitat, si vous l'y avez maintenu, c'est parce que vous considérez que l'impôt qui pèse de cette façon vous permettra également de rendre circulants les biens possédés, tels que les maisons, les appartements, etc.
Telle est votre logique ; elle a sa cohérence : vous faites confiance à l'initiative privée pour résoudre la crise du logement. Ce n'est pas notre cas. Nous, nous croyons, tout au contraire, que c'est par des mesures coercitives et la planification que nous développerons, parce qu'il s'agit d'épuiser le drame que représente la rareté de logement, car le point de départ est la rareté de logement. Si le logement était abondant et de qualité, la spéculation immobilière s'effondrerait à mesure que l'offre deviendrait plus abondante. Vous voyez, collègues, il est possible de combiner deux approches de la question, en y réfléchissant dans le cadre de la planification. C'est ce qu'ont fait les gaullistes en leur temps, c'est ce que je me propose de refaire à la première occasion. En offrant la possibilité que la rareté recule, vous feriez en même temps diminuer les prix de marché et vous obtiendriez un système qui entre en équilibre.
J'entends quand vous me dites que ma proposition risque de tout déséquilibrer parce que je ne tiens pas compte des attentions à porter aux propriétaires. Je suis prêt à toutes les attentions pour les propriétaires. Mais mon souci est d'épuiser, une bonne fois pour toutes, la financiarisation du logement.
Les signes sont innombrables : la dette immobilière des Français a doublé depuis l'an 2000 – ce n'est pas normal ; la dette immobilière des ménages représente 1 100 milliards d'euros, soit la moitié d'une année de production de richesses dans notre pays ; les taux de profit qui s'opèrent dans ce secteur sont absolument incroyables mais, pour ce qui est du logement social, patatras, la tendance s'inverse ! Le livret A qui devait apporter les fonds pour construire du logement est maintenant d'un rendement négatif. C'est tout de même incroyable ! Donc, a été pénalisé tout ce qui allait au logement social, a été encouragé, avec une foi superstitieuse dans les vertus du capital, tout ce qui va au placement !
Notre logique est inverse.
J'ai essayé d'être succinct, Monsieur le président. Notre collègue M. Thibault Bazin a noté la chute de la production. Donc, pardon, mes collègues, mais tellement de gouvernements sont impliqués dans cette affaire que personne ne doit se sentir visé en particulier, mais tous doivent l'être. Nous sommes face à un échec total. Si le fait d'avoir encouragé le placement avait donné un résultat, vous n'assisteriez pas à une chute de production. Il y a une chute de production : c'est Signé Furax, vous avez perdu ! Donc, le raisonnement que nous tenons me paraît plus efficace. En tout cas, il vaut la peine d'être entrepris. C'est le sens de notre proposition de loi.
Les autres causes du mal-vivre, collègues, je les entends. J'ai été élu de banlieue, je suis d'accord avec vous, il faut en tenir compte. Mais ce n'est pas ce que nous réglerons par des lois sur le logement.
Un dernier mot à la gloire des HLM, si j'ose dire : pour l'ancien locataire de la cité Seminor à Yvetot, où tout l'exode rural avait trouvé les enchantements du HLM, et d'autres cités de cette nature, comme la cité Planoise à Besançon, je ne sais si c'était un hasard, mais souvent, ces villes où s'étaient construits de nombreux logements sociaux étaient des villes de gauche – ou, du moins, finissaient-elles par voter à gauche. Allez savoir pourquoi ! Donc, les personnes qui se trouvaient là avaient des élus sous la main qu'ils incitaient à des mesures bienveillantes. J'ai connu des cités peuplées de logements sociaux, mes amis, vous en rêveriez pour vous-même. J'ai moi-même participé à la construction du quartier Villaine dans la commune de Massy. Quand nous avons commencé à le vendre à la découpe – je ne sais plus qui avait inventé cette histoire à l'époque – je peux vous assurer que les gens se l'arrachaient, sauf le pauvre diable qui était dedans qui n'avait pas les sous pour faire des emprunts ou qui était trop âgé. Ils y avaient vécu toute leur vie et n'avaient pas envie de partir.
Bref, il y a eu de très beaux morceaux. C'est ce que voulais vous dire, collègues. Quand vous avez imaginé de revendre pour améliorer le logement social, votre erreur, à mon avis, a été de ne pas prendre en compte que ce seraient les beaux morceaux qui se vendraient. Par conséquent, ce ne sont plus des logements sociaux. La « boboïsation » y est galopante et, je le redis, les bobos arrivent, ils n'achètent pas trop cher ou à peine plus cher et revendent très cher, souvent à l'occasion de divorce ou en raison de situations familiales complexes qui les incitent à chercher un bon rendement de leur achat pour pouvoir le répéter ailleurs.
Telle est la dynamique qui fait que le logement coûte de plus en plus cher partout dans tout le pays et qu'une catégorie sociale – le peuple – se retrouve expulsée de l'habitat social pour être remplacée par des classes moyennes que tout le monde voit arriver avec sympathie, dont le défaut est de ne pas supporter le bruit des commerces que, dans un premier temps, ils appréciaient… et ainsi de suite !
Ces questions seront réglées par l'abondance. C'est l'abondance qui ruinera la rareté et, la rareté vaincue, la spéculation le sera également. Voilà comment, pour ma part, je compte m'y prendre ! Voilà pourquoi cette loi vient offrir des dispositions qui rendent la vie infernale à certains, et plus commode à d'autres !