Il y a six semaines, nous avons permis au Gouvernement de mettre en oeuvre des mesures exceptionnelles visant à limiter la crise sanitaire, à venir en aide aux acteurs sociaux et économiques victimes de la situation et à gérer le report des élections municipales. La période de déconfinement qui débute le 11 mai n'est pas de nature à effacer les craintes des citoyens, bien au contraire.
Ce texte vise tout d'abord à proroger l'état d'urgence sanitaire jusqu'en juillet. À condition qu'elle demeure strictement encadrée et contrôlée, la prorogation est aujourd'hui une mesure de précaution. Les deux mois écoulés ont surtout montré que la puissance publique est très loin d'être suffisamment prête. Nous faisons toujours face à une pénurie de masques, d'équipements de protection, de capacités de réanimation et de tests ; en dépit des tentatives du ministre Véran pour nous rassurer, nous ne pourrons pas tester de la même façon et aussi largement qu'en Allemagne.
Nous sommes également très loin de pouvoir répondre aux nombreuses questions que pose le déconfinement sur l'école, le retour au travail, le secteur de l'hôtellerie-restauration, la culture – et j'en passe. Les difficultés auxquelles nous sommes confrontés sont révélatrices des pesanteurs de notre modèle institutionnel, trop centralisé, vertical et déresponsabilisant. À cet égard, le discours tenu le 13 avril par le Président de la République est révélateur : le Président a décidé que le déconfinement aurait lieu le 11 mai, sans que personne ne sache vraiment sur quoi reposait cette décision ; les ministres ont été sommés de le planifier et le Conseil scientifique s'est soumis, lui qui préconisait pourtant une reprise de l'école en septembre.
La méthode française interroge. L'exécutif ne cherche pas à coconstruire ni à fédérer les énergies, mais à faire appliquer ce qui a été décidé dans les ministères, selon une logique dirigiste. Certains diront qu'il s'agit d'un gage d'efficacité dans une période de crise. Célérité et efficience ne sont pourtant pas le propre de l'administration centrale lorsqu'il s'agit de régler rapidement des problèmes concrets ! En revanche, il n'a fallu que trois jours au Gouvernement pour dessaisir le Parlement d'un très grand nombre de ses prérogatives. Aujourd'hui encore, nous légiférons au pas de charge.
Devant ce qui se révèle un véritable manque de préparation de la part de l'État, les entreprises et les collectivités locales se retrouvent souvent en première ligne pour colmater les brèches, si bien que la question de leur responsabilité pénale est légitimement apparue dans le débat. Comprenons-nous bien : vous ne trouverez jamais en nous les défenseurs d'une amnistie généralisée. Mais il faut pouvoir répondre de manière équilibrée aux inquiétudes de ceux qui, sur le terrain, organisent le déconfinement, avec tous les risques que cela implique. Il est ainsi particulièrement inquiétant, pour un maire, de recevoir du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse un document de soixante-trois pages indiquant les mesures à suivre dans les écoles. Après avoir décidé de rouvrir ces établissements contre l'avis du conseil scientifique, le Gouvernement veut donc faire porter sur les maires la responsabilité d'éventuelles infractions à ce protocole ! Comment, en effet, être sûr que les enfants de maternelle ne se toucheront pas les uns les autres ? C'est impossible !
L'article 6 du projet de loi, relatif au système de traçage des personnes infectées et de leurs contacts, constitue également un point dur. Certes, l'examen du texte au Sénat puis en commission a permis de mieux encadrer ses dispositions en limitant les atteintes au secret médical. Mais nous devons aller plus loin, car il n'est pas envisageable que des données médicales personnelles puissent être incluses dans un système sans le consentement des individus concernés. De même, les mesures de quarantaine prévues par ce texte à l'entrée du territoire national doivent être contrôlées au mieux par le juge des libertés de la détention.
Enfin, comme c'est toujours le cas au sein du groupe Libertés et territoires, nous abordons l'examen de ce texte avec l'oeil de défenseurs de la diversité des territoires. Il faut pouvoir différencier, y compris dans le cadre du déconfinement. Ainsi, le député breton que je suis se félicite que les plages et le littoral puissent être rouverts sur l'ensemble du territoire. Comme l'a dit le président du conseil régional de Bretagne, la mer fait partie du quotidien des gens, elle est notre jardin. Nous regrettons cependant, avec Olivier Falorni, que cette disposition n'ait pas été dès hier soir inscrite dans le projet de loi, puisque tous les groupes étaient d'accord.