Quelque chose de stupéfiant se passe dans notre hémicycle. En deux jours, notre assemblée aura adopté deux textes : le premier, examiné hier, soumettant l'expression individuelle à la vérité d'État ; le second, examiné aujourd'hui, habilitant l'État à élargir son champ d'intervention et son pouvoir. Voilà qui est bien inquiétant !
Le texte qui nous réunit, particulièrement son article 1er, nous est présenté comme un catalogue exhaustif de mesures d'urgence face à la crise sanitaire que nous traversons. Cependant, la gravité de la situation de notre pays ne doit pas servir de cheval de Troie pour introduire des mesures dont le lien avec la crise est ténu. De la pêche à la justice, en passant par le droit d'asile et les tickets restaurant, ce texte est un fourre-tout invraisemblable.
En outre, il n'est dans la plupart des cas pas urgent d'habiliter le Gouvernement à prendre des décisions ; ce texte semble accorder un blanc-seing à l'exécutif pour poursuivre un agenda politique parfois sans rapport avec l'urgence sanitaire, avec la bénédiction docile, peut-être inconséquente, de notre assemblée.
Voilà toute la considération accordée au Parlement, désormais rétrogradé au rang de chambre d'enregistrement. Ce manque de considération, voire ce mépris, est parfaitement illustré par le choix de la procédure accélérée – il faudrait plutôt dire à marche forcée, au pas de charge. Cette manière de l'exécutif de faire fi des représentants de la nation et d'agir seul constitue un signal inquiétant dans une démocratie et pour un pays en quête de repères institutionnels.