Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je ne reviendrai pas sur l'évolution des crédits du budget de l'enseignement supérieur, mon collègue de la commission des finances les ayant déjà présentés. À l'augmentation de 200 millions d'euros, je serais néanmoins tenté d'ajouter, en sus du Plan Étudiants, les 142,5 millions d'euros ouverts sur le programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » de la mission « Investissements d'avenir ». Un rattachement de ce programme à la mission « Recherche et enseignement supérieur » permettrait d'ailleurs une plus grande lisibilité de cette politique publique si importante pour l'avenir de notre pays.
J'ai souhaité consacrer mon rapport aux regroupements d'université, et plus précisément aux communautés d'universités et d'établissements, plus connues sous l'acronyme COMUE, dispositifs créés par la loi Fioraso du 22 juillet 2013. La volonté de mettre en cohérence les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche est une ambition déjà ancienne et légitime, pour gagner en cohérence et en lisibilité, pour accroître notre potentiel de recherche et pour susciter diverses innovations pédagogiques.
Ainsi, l'instauration des COMUE aurait pu être l'opportunité de nouvelles formations interdisciplinaires, d'un accès au titre de master-ingénieur, d'un transfert de bonnes pratiques de professionnalisation entre écoles et universités, d'un continuum entre recherche fondamentale et appliquée, d'un potentiel accru de valorisation et d'une généralisation des meilleures offres qui forment la vie étudiante.
Or, si des avancées ont été observées dans ces directions, grâce à un renforcement unanimement salué du dialogue entre les acteurs des sites, le dispositif demeure parcouru de tensions. À l'origine de ces tensions, des objectifs multiples, parfois contradictoires dans leur mise en oeuvre et un calendrier contraint, qui ont pesé dès que l'on a tenté de mettre en place ces nouvelles structures.
La concomitance de la création de ce cadre juridique pour une meilleure coordination territoriale avec le lancement du PIA2 par le CGI, qui vise l'excellence et la visibilité à l'internationale, a été et reste l'une des principales complexités vécues par les acteurs sur le terrain.
Si la coordination territoriale peut reposer sur un modèle de COMUE « de services », qui développe des actions communes entre les membres, le jury international qui attribue les IDEX et les I-SITES pour le PIA promeut une gouvernance toujours plus intégrée. Les acteurs auditionnés ont souvent regretté la faible articulation des messages entre le CGI, rattaché au Premier ministre, qui pilote le PIA, et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui pilote les politiques de site. Une meilleure articulation entre votre ministère, madame la ministre, et le CGI me semble aujourd'hui indispensable. J'ai la ferme conviction que c'est le projet politique qui doit aujourd'hui primer.
Malheureusement, la volonté de coopération accrue des acteurs, née avec les COMUE, se trouve aujourd'hui limitée par ce cadre juridique à la gouvernance complexe, alors même que les exigences du CGI pour le maintien des IDEX et I-SITES renforcent l'urgence d'une réforme pour les regroupements concernés.
Je suis également persuadé qu'on ne peut parvenir à maintenir un équilibre entre un enseignement de proximité de qualité et la création de champions internationaux que si chacune de ces deux logiques est pleinement mise en oeuvre. L'apparente contradiction ne peut être résolue par un entre-deux qui pénaliserait l'atteinte simultanée des deux objectifs.
Si la volonté politique est la création d'une dizaine de champions français identifiés par les classements et, du coup, attractifs à l'international, cela ne pourra se faire sans les doter de capacités similaires à leurs compétiteurs, comme la sélection des étudiants, ni sans mener une réflexion sur le statut des enseignants-chercheurs, par ailleurs déjà engagée.
Le temps de la réforme est donc venu et le Gouvernement, partageant cette analyse, semble décidé à donner une place importante à l'expérimentation, solution pragmatique qui permet de partir – ou de repartir – du terrain. Par contre, le calendrier législatif envisagé semble incertain : vous saisirez-vous du projet de loi relatif à la réussite et à l'orientation des étudiants, dont l'examen est proche, ou bien conserverez-vous comme véhicule législatif le projet de loi relatif au droit à l'erreur et à la simplification administrative ? Si cette dernière solution était retenue, ne serait-il pas plus simple, compte tenu des attentes du terrain, de mener la concertation dès maintenant, afin de présenter au Parlement un dispositif « en dur » et non une demande d'habilitation à légiférer par ordonnances ?