Intervention de George Pau-Langevin

Séance en hémicycle du vendredi 10 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Recherche et enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche que nous examinons aujourd'hui me semble être l'un des plus importants, car il concerne l'avenir que nous préparons pour notre jeunesse, et donc pour notre pays.

Comme le disait à peu près Hannah Arendt, toute la difficulté de l'éducation consiste à aimer assez nos jeunes pour ne pas les abandonner à eux-mêmes ni leur enlever leurs chances d'entreprendre quelque chose de neuf, et à les préparer à renouveler un monde commun, c'est-à-dire les préparer à quelque chose que nous ne connaissons pas encore et que nous ne pouvons prévoir.

Le groupe Nouvelle Gauche ne met pas en cause vos intentions et reconnaît que les crédits de la recherche et de l'enseignement supérieur sont en hausse, mais, quand on y regarde de près, on s'aperçoit que l'essentiel des hausses sont la conséquence de mesures votées ou d'engagements pris précédemment.

Tenant compte de la croissance démographique, le Gouvernement attend 28 000 étudiants supplémentaires entre 2017 et 2018, soit 350 000 étudiants d'ici à 2025.

Or l'enveloppe prévue ne correspond manifestement pas à l'augmentation de la démographie étudiante et n'est pas suffisante pour le fonctionnement des établissements. Par ailleurs, on ne voit pas les crédits nécessaires pour compenser la hausse de la CSG pour les fonctionnaires.

Nous pensons que ce budget n'est pas suffisant pour répondre aux enjeux du développement de l'enseignement supérieur dans notre pays et pour améliorer les conditions de vie et d'étude des étudiants, alors même qu'il s'agit d'un objectif prioritaire pour le Président de la République. On ne voit pas la traduction budgétaire du Plan étudiants, qui a été récemment présenté à la presse et qui affiche une dotation de 1 milliard d'euros pour le quinquennat, dont 500 millions d'euros supplémentaires pour accompagner la réforme. Logiquement, une partie des crédits ne figure pas dans votre budget, mais on devrait au moins y trouver un amorçage.

Sur l'accès à l'université, devenu problématique en raison de l'afflux des jeunes, la suppression du tirage au sort, système insatisfaisant pratiqué depuis longtemps dans de nombreuses universités, nous convient. Mais l'introduction progressive de quotas d'étudiants boursiers dans chaque structure est-elle suffisante pour éviter que les universités les plus réputées ne soient portées à choisir les meilleurs candidats ?

Nous partageons votre priorité de réduire l'échec en première année de licence, et passer, selon vos mots, « du supérieur pour tous à la réussite pour chacun ». En effet, seuls 27 % des étudiants décrochent leur licence en trois ans et 39 % en quatre ans, tandis que les autres 61 % abandonnent ou se réorientent. Ce taux d'échec est plus élevé encore pour les bacheliers technologiques ou professionnels, qui ne sont respectivement que 7 % et 2 % à valider leur licence en trois ans.

On ne trouve pas pour autant, dans le budget, la réponse à la principale cause d'engorgement des universités, que nous connaissons pourtant bien : les bacheliers généraux cherchent en institut universitaire de technologie – IUT – un encadrement dont ils considèrent qu'il est inexistant en licence ; ce faisant, ils prennent les places de leurs condisciples des voies technologiques ou professionnelles. Ainsi, 116 000 étudiants sont inscrits en IUT, soit 4,47 % des étudiants, alors qu'il y a eu 857 000 candidatures. Il conviendrait donc de prévoir une augmentation très sensible du nombre de places offertes. Au-delà du flou sur la répartition des places, c'est le plafond lui-même qui nous semble très sous-estimé au regard des prévisions et des besoins. Il est temps de réagir efficacement face à cette situation.

La question qui se pose à la France est de savoir si sa recherche va pouvoir se maintenir à niveau ou si elle va décrocher. Le budget de la recherche a été maintenu depuis dix ans en France, alors que, en Allemagne, il a augmenté de 75 %. Cette année encore, ce budget stagne. Si l'une des priorités du Gouvernement réside dans l'innovation, ce que nous concevons, des investissements dans la recherche sont nécessaires, afin d'engendrer les richesses, les réussites et les prix Nobel de demain.

Enfin, la question des carrières est prioritaire, car la précarité et l'absence de perspectives font fuir nos doctorants. Il faudrait notamment revaloriser le taux du crédit d'impôt recherche pour les entreprises qui embauchent des docteurs et appliquer la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, qui impose de réserver des places aux doctorants dans les concours.

Autrement dit, votre budget ne permettra pas de développer suffisamment ce dont notre pays a besoin, à savoir le potentiel scientifique d'aujourd'hui et de demain. Il ne nous semble pas à la hauteur des besoins. Aussi, à notre regret, notre groupe ne pourra le voter.

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