La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les porte-parole des groupes pour la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
La parole est à Mme Maud Petit, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Monsieur le président, madame la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, madame et monsieur les rapporteurs spéciaux, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, le texte relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants sera prochainement examiné par le Parlement. Le Plan étudiants, première étape de la réforme, est un signal positif que le groupe du Mouvement démocrate et apparentés approuve et accompagne, car il est juste, pragmatique et intelligent.
C'est dans cette perspective que nous avons examiné les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui progressent favorablement. L'augmentation de ces crédits va permettre l'accompagnement de l'étudiant en devenir, la transformation de la formation et la valorisation de la recherche à la française.
Il s'agit donc d'abord d'accompagner l'étudiant en devenir. On sait en effet que la première année d'études est trop souvent synonyme d'échec, 60 % des étudiants ne passant pas le cap de la première année.
Pour améliorer cette situation, la transition entre le secondaire et le supérieur est indispensable – vous l'avez bien compris, madame la ministre.
La mise en place des deux semaines d'orientation en classe de terminale et l'intervention d'étudiants ambassadeurs donnera aux élèves une meilleure information sur les études supérieures et la vie étudiante.
La suppression du dispositif Admission post-bac – APB – permet en outre d'en finir avec l'injustice du tirage au sort. La nouvelle plate-forme, à laquelle est alloué un crédit important, sera plus juste et transparente. Mise en place dès la rentrée prochaine, elle répond à un besoin urgent.
Il faut enfin noter l'effort considérable consacré à l'amélioration des conditions de vie de nos étudiants, avec le rattachement au régime général de la Sécurité sociale et la suppression de la cotisation y afférente, ainsi qu'avec l'investissement massif prévu pour l'offre de soins, la culture, le sport et le logement. Voilà un premier volet ambitieux et juste.
Pour ce qui est de la transformation de la formation, il faut rappeler que la finalité des études est de trouver un emploi et que, pour que les étudiants puissent y parvenir avec un bon bagage, il faut soutenir la meilleure qualité de formation possible.
L'autonomie des universités doit ainsi être confirmée. Aujourd'hui, en effet, le recrutement ou l'ouverture d'un master, par exemple, sont impossibles sans l'aval du ministère : une plus grande souplesse permettrait aux universités de prendre en compte leur environnement local et de mieux s'armer face à la concurrence.
Le déséquilibre entre filières sous tension et filières délaissées pourra être résolu en indiquant aux étudiants les contenus précis des formations envisagées et leurs débouchés.
Enfin, il est primordial d'encourager l'alternance, superbe outil de qualification. Cela se fera tout d'abord en aidant les jeunes à trouver leur entreprise, car beaucoup d'entre eux doivent encore, à regret, abandonner leur projet, faute d'employeur. Ce sera, ensuite, en aidant les entreprises avec la mise en place du guichet unique pour l'enregistrement des contrats et des demandes d'aide, la dématérialisation de la procédure administrative, l'affectation totale de la taxe d'apprentissage à son financement et la valorisation du tutorat.
Une formation pragmatique, plus simple et plus lisible pour l'ensemble des acteurs – étudiants, professeurs et entreprises – sera, nous en sommes sûrs, gage de réussite.
Il s'agit enfin de valoriser le monde de la recherche, dernière étape de la vie universitaire. Pour mettre en avant la recherche « made in France », il faut premièrement valoriser le statut des chercheurs français, qui sont la vitrine de notre expertise à travers le monde. Il est donc indispensable de les accompagner afin qu'ils puissent être compétitifs à l'international.
Il faut ensuite encourager l'interaction entre le monde professionnel et le monde doctorant. À cet égard, le contrat de convention industrielle de formation par la recherche – CIFRE – , créé en 1981 et pendant de l'alternance post-bac, est une perspective professionnelle insuffisamment exploitée. Le contrat doctoral, conclu entre l'étudiant-chercheur et l'université, doit lui aussi être favorisé, car il soutient financièrement le chercheur dans son projet.
Enfin, nous ne devons pas négliger les conditions de vie des chercheurs, exposés à la précarité et, parfois, à l'isolement. À l'instar de la vigilance apportée à nos jeunes qui entrent dans le monde universitaire, nous devons aussi prêter attention au bien-être de nos chercheurs. C'est à ces conditions que nous réussirons.
Madame la ministre, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés accueille favorablement l'augmentation des crédits de cette mission « Recherche et enseignement supérieur », car les premiers efforts présentés nous paraissent justes et équilibrés pour soigner un système aujourd'hui malade et dont le potentiel ne demande qu'à être révélé. C'est pourquoi nous voterons ces crédits.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en guise d'introduction, je voudrais insister sur le fait qu'il serait plus que jamais nécessaire d'affirmer l'autonomie des universités. En 2007, le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait décidé d'aller dans cette voie en faisant voter la loi d'autonomie relative aux libertés et responsabilités des universités et en créant un formidable élan autour de l'enseignement supérieur et de la recherche. Hélas, le gouvernement socialiste est allé dans le sens inverse.
Ainsi, pour que les universités soient vraiment autonomes, il faut leur donner des moyens de lever des fonds et il faut que l'enseignement supérieur et la recherche soient véritablement considérés comme prioritaires, ce qui n'est malheureusement pas le cas, contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement. Les orientations budgétaires du projet de loi de finances pour 2018 montrent en effet qu'il y a, madame la ministre, un écart entre vos discours et vos actes – mais je ne reviendrai plus ici sur des éléments que j'ai déjà largement développés lors de votre audition en commission élargie, il y a deux semaines.
Je voudrais simplement vous rappeler que, là où vous annoncez une augmentation cumulée du budget de l'enseignement supérieur de 1 milliard d'euros sur cinq ans, Nicolas Sarkozy avait, durant son quinquennat, porté ce budget de 10 à 15 milliards d'euros, soit une augmentation cumulée de 15 milliards sur cinq ans, c'est-à-dire quinze fois plus que ce que vous êtes en train de faire. Cela mérite d'être souligné et l'ancien directeur général de l'enseignement supérieur que je suis a pu constater que la dynamique qui avait été enclenchée en son temps était tout à fait significative.
Madame la ministre, je vous le dis sans détour : vos annonces sont véritablement en trompe-l'oeil. En effet, plusieurs problèmes importants ne sont absolument pas abordés – pour ne pas dire qu'ils sont esquivés – et ces annonces risquent même parfois d'amplifier certains d'entre eux.
Ainsi, annoncer la fin du tirage au sort est une bonne chose, mais comment, dans les faits, sera géré le choix des bacheliers pour les filières sous tension qui comportent un nombre de places limité ? Comment sera concrètement opérationnalisée la déclaration du Premier ministre – à laquelle j'ai évidemment porté une attention particulière – selon laquelle, si une filière a moins de places que de candidats, « la priorité sera donnée » aux jeunes « dont le parcours, la motivation et le projet sont les plus cohérents avec la formation choisie » ? Comment allez-vous faire ?
Par ailleurs, jusqu'à présent, par l'intermédiaire d'Admission post-bac, les bacheliers formulaient des voeux – jusqu'à vingt-quatre – classés par ordre décroissant d'importance. S'il est évident que ce système était devenu perfectible en raison de la pression croissante sur les filières sélectives et à effectifs réduits, il avait toutefois pour objectif de chercher, autant que faire se pouvait, à maximiser la satisfaction du choix du bachelier en tentant de satisfaire son voeu le mieux classé. Qu'advient-il de cette question dans le nouveau dispositif, qui limitera à dix le nombre de voeux, lesquels ne seront absolument plus hiérarchisés ? Je crains que ce nouveau dispositif soit encore plus défaillant que ne l'est l'actuel.
De même, vous restez au milieu du gué pour ce qui est de l'accès au système universitaire dans son ensemble. En effet, les filières sous tension ne représentent qu'une faible partie des effectifs étudiants. Vous donnez certes la possibilité aux universités de formuler leur avis sur les candidatures, mais vous indiquez que, même si l'avis est très réservé, voire négatif, le bachelier pourra s'inscrire malgré tout, contre l'avis formulé, dans la filière en question. En somme, vous demandez un avis aux universitaires, mais cet avis sera purement consultatif. C'est très contradictoire et, surtout, vous faites très peu de cas de l'avis des universités et des universitaires, montrant que vous ne leur faites pas vraiment confiance et que vous rejetez, hélas, la véritable autonomie. Quel dommage !
En amont de la question de l'entrée à l'université se pose aussi, et avant tout, celle de l'information et de l'orientation des lycéens. Sur ce point aussi, les annonces sont décevantes. En effet, les branches professionnelles ont beaucoup oeuvré pour développer des outils d'information et de formation. On ne peut donc que regretter que le système éducatif reste, pour le moment, replié sur lui-même à cet égard. L'ouvrir vers les acteurs extérieurs à l'éducation nationale et prendre en considération les attentes des employeurs est pourtant une nécessité.
Madame la ministre, vos annonces sont une occasion ratée pour le Gouvernement, car nos étudiants et notre enseignement supérieur méritent mieux qu'un plan de communication en trompe-l'oeil. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera contre votre budget.
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe Nouvelle Gauche.
Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche que nous examinons aujourd'hui me semble être l'un des plus importants, car il concerne l'avenir que nous préparons pour notre jeunesse, et donc pour notre pays.
Comme le disait à peu près Hannah Arendt, toute la difficulté de l'éducation consiste à aimer assez nos jeunes pour ne pas les abandonner à eux-mêmes ni leur enlever leurs chances d'entreprendre quelque chose de neuf, et à les préparer à renouveler un monde commun, c'est-à-dire les préparer à quelque chose que nous ne connaissons pas encore et que nous ne pouvons prévoir.
Le groupe Nouvelle Gauche ne met pas en cause vos intentions et reconnaît que les crédits de la recherche et de l'enseignement supérieur sont en hausse, mais, quand on y regarde de près, on s'aperçoit que l'essentiel des hausses sont la conséquence de mesures votées ou d'engagements pris précédemment.
Tenant compte de la croissance démographique, le Gouvernement attend 28 000 étudiants supplémentaires entre 2017 et 2018, soit 350 000 étudiants d'ici à 2025.
Or l'enveloppe prévue ne correspond manifestement pas à l'augmentation de la démographie étudiante et n'est pas suffisante pour le fonctionnement des établissements. Par ailleurs, on ne voit pas les crédits nécessaires pour compenser la hausse de la CSG pour les fonctionnaires.
Nous pensons que ce budget n'est pas suffisant pour répondre aux enjeux du développement de l'enseignement supérieur dans notre pays et pour améliorer les conditions de vie et d'étude des étudiants, alors même qu'il s'agit d'un objectif prioritaire pour le Président de la République. On ne voit pas la traduction budgétaire du Plan étudiants, qui a été récemment présenté à la presse et qui affiche une dotation de 1 milliard d'euros pour le quinquennat, dont 500 millions d'euros supplémentaires pour accompagner la réforme. Logiquement, une partie des crédits ne figure pas dans votre budget, mais on devrait au moins y trouver un amorçage.
Sur l'accès à l'université, devenu problématique en raison de l'afflux des jeunes, la suppression du tirage au sort, système insatisfaisant pratiqué depuis longtemps dans de nombreuses universités, nous convient. Mais l'introduction progressive de quotas d'étudiants boursiers dans chaque structure est-elle suffisante pour éviter que les universités les plus réputées ne soient portées à choisir les meilleurs candidats ?
Nous partageons votre priorité de réduire l'échec en première année de licence, et passer, selon vos mots, « du supérieur pour tous à la réussite pour chacun ». En effet, seuls 27 % des étudiants décrochent leur licence en trois ans et 39 % en quatre ans, tandis que les autres 61 % abandonnent ou se réorientent. Ce taux d'échec est plus élevé encore pour les bacheliers technologiques ou professionnels, qui ne sont respectivement que 7 % et 2 % à valider leur licence en trois ans.
On ne trouve pas pour autant, dans le budget, la réponse à la principale cause d'engorgement des universités, que nous connaissons pourtant bien : les bacheliers généraux cherchent en institut universitaire de technologie – IUT – un encadrement dont ils considèrent qu'il est inexistant en licence ; ce faisant, ils prennent les places de leurs condisciples des voies technologiques ou professionnelles. Ainsi, 116 000 étudiants sont inscrits en IUT, soit 4,47 % des étudiants, alors qu'il y a eu 857 000 candidatures. Il conviendrait donc de prévoir une augmentation très sensible du nombre de places offertes. Au-delà du flou sur la répartition des places, c'est le plafond lui-même qui nous semble très sous-estimé au regard des prévisions et des besoins. Il est temps de réagir efficacement face à cette situation.
La question qui se pose à la France est de savoir si sa recherche va pouvoir se maintenir à niveau ou si elle va décrocher. Le budget de la recherche a été maintenu depuis dix ans en France, alors que, en Allemagne, il a augmenté de 75 %. Cette année encore, ce budget stagne. Si l'une des priorités du Gouvernement réside dans l'innovation, ce que nous concevons, des investissements dans la recherche sont nécessaires, afin d'engendrer les richesses, les réussites et les prix Nobel de demain.
Enfin, la question des carrières est prioritaire, car la précarité et l'absence de perspectives font fuir nos doctorants. Il faudrait notamment revaloriser le taux du crédit d'impôt recherche pour les entreprises qui embauchent des docteurs et appliquer la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, qui impose de réserver des places aux doctorants dans les concours.
Autrement dit, votre budget ne permettra pas de développer suffisamment ce dont notre pays a besoin, à savoir le potentiel scientifique d'aujourd'hui et de demain. Il ne nous semble pas à la hauteur des besoins. Aussi, à notre regret, notre groupe ne pourra le voter.
Nous en arrivons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
La parole est à M. Jean-Luc Fugit, pour le groupe La République en marche.
Le budget qui nous est présenté aujourd'hui poursuit de grands objectifs : accompagner la transformation des établissements d'enseignement supérieur et renforcer les moyens en faveur de la recherche et des étudiants. Les crédits de la mission s'élèvent à 27,4 milliards d'euros et progressent de 2,6 % par rapport à l'année dernière, soit 700 millions d'euros supplémentaires : cet effort doit être souligné.
Au sein de cette mission, le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » se voit attribuer un budget de 13,4 milliards d'euros, en hausse de 1,2 % par rapport à 2017, soit 194 millions d'euros supplémentaires. Ces crédits soutiendront, entre autres, la mise en place du contrat de réussite et d'une nouvelle approche de l'orientation proposée à chaque étudiant. Le contrat de réussite et l'orientation sont deux axes majeurs du Plan étudiants, que vous avez présenté la semaine dernière à l'issue d'une grande concertation de trois mois. Je tiens à souligner la méthode choisie, car elle a permis de réunir et de faire réfléchir ensemble plus de 250 acteurs de l'enseignement scolaire et supérieur.
Le Plan étudiants a pour ambition de transformer l'enseignement supérieur afin que la personnalisation du parcours de chaque étudiant devienne la règle et non l'exception. La mise en place du contrat de réussite, la rénovation de l'offre de formation et le développement de nouvelles approches pédagogiques permettront, avec d'autres mesures, cette transformation.
La nouvelle approche en matière d'orientation permettra d'inscrire chaque lycéen et chaque étudiant dans une véritable démarche d'orientation professionnelle choisie, éclairée et co-construite, l'orientation représentant, ne l'oublions pas, le premier facteur de réussite de tout parcours de formation.
En résumé, le plan proposé, les mesures retenues et les moyens mobilisés traduisent une volonté que nous partageons, celle de proposer à tous les niveaux et à tous les instants une démarche d'accompagnement, qui constitue une aide active et efficace pour chaque jeune de notre pays.
Madame la ministre, quelle est la nature des dépenses que vous envisagez dans le volet de l'enseignement supérieur ? Nous souhaiterions aussi connaître vos priorités pour le calendrier de déploiement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Monsieur le député, je vous remercie de cette question qui me permet de revenir sur le milliard d'euros supplémentaires que le Gouvernement souhaite exclusivement consacrer à la mise en place du Plan étudiants.
Au-delà des 194 millions d'euros qui alimentent le budget de l'enseignement supérieur – et qui correspondent à 234 millions d'euros de crédits de paiement si l'on prend en compte la diminution du gel – , nous souhaitons ajouter 500 millions d'euros de budget dans les cinq prochaines années et 450 millions d'euros spécifiquement dédiés à la création de nouveaux cursus universitaires, là aussi pendant la durée du quinquennat et sous la forme d'investissements réalisés dans le cadre du Grand plan d'investissement.
Nous aurons besoin de voir la première concrétisation de ces 500 millions d'euros alloués en crédits budgétaires dès la rentrée 2018, et j'aurai l'occasion de vous en présenter la première mise en oeuvre dans quelques instants. Nous avons évalué pour le dernier tiers de l'année un besoin supplémentaire de 20 millions d'euros ; dans cette enveloppe, 15 millions d'euros porteront spécifiquement sur mon ministère. C'est pourquoi, après les amendements que vous avez adoptés lors de l'examen de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » et avant ceux que vous adopterez, je l'espère, aux missions « Recherche et enseignement supérieur » et « Enseignement scolaire », nous aurons débloqué 20 millions d'euros supplémentaires pour accueillir et accompagner la réussite des bacheliers de 2018.
La transformation de la licence bénéficiera de 450 millions d'euros issus du Grand plan d'investissement, et dix-neuf établissements en profiteront dès 2018, à hauteur de 13 millions d'euros de crédits de paiement.
J'appelle les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », inscrits à l'état B.
Sur ces crédits, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement no 1138 .
Comme je viens de vous l'annoncer, le Gouvernement a souhaité donner une traduction budgétaire immédiate aux annonces faites le 30 octobre dernier lors de la présentation du Plan étudiants.
Ce plan supprimera le tirage au sort et transformera notre modèle d'orientation, d'accueil et d'accompagnement, notamment pour le premier cycle universitaire de licence. Il soutiendra également le niveau de vie des étudiants, puisque nous leur rendons 100 millions d'euros de pouvoir d'achat dès 2018, et leur permettra de prendre soin de leur santé et de leur logement.
L'objectif de cet amendement est donc d'inscrire le financement de la réforme du premier cycle universitaire, qui entrera en vigueur dès la rentrée 2018, dans la loi de finances pour 2018.
Dans le cadre du Plan étudiants, pour lequel 500 millions d'euros ont été ajoutés, nous souhaitons débloquer, dès ce PLF pour 2018, 15,48 millions d'euros sur le périmètre du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, afin de créer des places supplémentaires dès la rentrée 2018.
Au total, avec les missions « Sport, jeunesse et vie associative » et « Enseignement scolaire », 20 millions d'euros serons alloués, ce qui correspond aux besoins de financement d'un tiers d'année ; il s'agit de la première marche de l'effort, de près de 80 millions d'euros pour l'année universitaire 2018-2019, qui se prolongera bien sûr, comme l'engagement en a été pris, tout au long du quinquennat, pour atteindre les 500 millions d'euros.
Dans la situation budgétaire générale que l'on connaît, cet important engagement financier de l'État est une preuve matérielle de l'importance que le Gouvernement reconnaît à nos étudiants, à leur avenir et à leur réussite. C'est le début d'un effort d'investissement à long terme. Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose, au nom du Gouvernement, d'adopter cet amendement.
La parole est à M. Fabrice Le Vigoureux, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 1138 .
C'est un avis très favorable, puisque cet amendement constitue, comme cela a été dit, la première concrétisation du Plan étudiants annoncé il y a seulement quelques jours. Ce renfort net de 15,4 millions d'euros s'ajoute aux 194 millions d'euros et à la baisse du taux de réserve, qui permet de dégager 40 millions d'euros supplémentaires. La progression des crédits de ce programme 150 atteint environ 250 millions d'euros, ce qui représente un effort très significatif ; cela permettra de fluidifier les parcours et d'enrichir les filières universitaires de premier cycle, particulièrement celles en tension.
Madame la ministre, je vous remercie pour la présentation de l'amendement. La question des moyens est évidemment centrale, mais je m'étonne que l'exposé sommaire ne donne aucune indication sur la manière dont ils seront répartis. Or il s'agit d'un élément essentiel. Procéderez-vous par saupoudrage ou en fonction de critères, et, dans ce cas, quels seront-ils ?
Monsieur Hetzel, cet effort supplémentaire équivaut à la création de 446 postes, qui sont nécessaires pour les filières en tension et les formations technologiques, comme le Gouvernement s'y est engagé.
Permettez-moi de vous dire – ce qui ne remet aucunement en cause tout le respect que je vous dois – , que ma vision d'ancienne présidente d'université comparant l'action de ce gouvernement à celle des deux précédents a autant de valeur que la vôtre.
Quant au procès que vous m'avez fait de rejeter l'autonomie, que savez-vous de la fierté d'une université autonome, bénéficiant d'une initiative d'excellence – IDEX – , choisissant d'accueillir, dans toute leur diversité, l'ensemble des étudiants en premier cycle ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
Je vous remercie, madame la ministre, pour ces éclaircissements, que tout le monde n'avait pas eu l'occasion d'entendre, puisque vous les aviez donnés en commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Chers collègues, vous voyez bien que le Gouvernement prend ses responsabilités : à peine a-t-il annoncé un Plan étudiants qu'il augmente les crédits nécessaires à son application dès la rentrée 2018. Lorsque nous parlons de budget sincère et de prise de responsabilité du Gouvernement, ce ne sont pas des paroles en l'air, comme on le voit à l'occasion de l'examen des crédits de cette mission. Il faut donc voter cet amendement, qui n'est pas rien puisqu'il représente plus de 20 millions d'euros pour nos étudiants et pour le fonctionnement de nos universités.
Je vous demandais ce matin, madame la ministre, de quels moyens vous disposeriez pour mettre en oeuvre cette loi. Je ne sais pas si ce sera suffisant, mais, en tout cas, nous avons une réponse et je tenais à vous en remercier – nous savons aussi reconnaître ce qui est bien !
L'amendement no 1138 est adopté.
La volonté des pères fondateurs du CNRS était de confier à une structure composée d'élus l'évaluation des programmes de recherche et l'attribution des crédits de recherche dans le respect du pluralisme des opinions.
L'Agence nationale de la recherche, ANR, créée en 2005, a récupéré la compétence de répartition des crédits, confiée à des comités de sélection non plus élus mais nommés.
Des élus ne seraient-ils pas compétents pour s'occuper des questions budgétaires ? Soit on considère qu'avant la création de l'ANR le CNRS et les autres opérateurs remplissaient mal leur mission, soit on considère que le CNRS a réalisé ses grandes découvertes avant 2005 et qu'un échelon administratif supplémentaire tel que l'ANR n'a pas de réelle utilité.
Sur le plan financier, ajouter un échelon administratif a un coût en soi. Nous pensons que, dans un contexte budgétaire resserré, ces crédits seraient plus utiles en finançant directement la recherche.
En commission élargie, madame la rapporteure spéciale a justifié le rejet de cet amendement par l'augmentation du budget des organismes de recherche prévue par ce projet de loi de finances, mais cette augmentation de 0,9 % ne permet de financer que les mesures salariales, comme le protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » – PPCR – , et non les besoins des laboratoires.
La parole est à Mme Amélie de Montchalin, rapporteure spéciale de la commission des finances, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 347 ?
Cet amendement vise à transférer l'ensemble de l'augmentation des crédits de l'ANR au CNRS. Mon opinion, que je crois partagée par le Gouvernement, est qu'il ne convient pas d'alimenter cette opposition stérile entre, d'un côté, financements récurrents de la recherche et, de l'autre, financement par appel à projets.
Non, l'ANR n'est pas un échelon administratif. Elle finance la recherche, sélectionne les projets et surtout, au travers de ses appels à projets, conduit une vraie stratégie en appelant des chercheurs d'excellence à travailler sur des défis scientifiques et sociétaux.
L'intervention de l'ANR est utile en ce qu'elle consacre des projets d'excellence. Notre ambition n'est pas de la contraindre par des taux de sélection trop bas. Cette augmentation de budget de 133 millions d'euros est un véritable progrès. C'est aussi une nécessité, les taux de sélection étant passés de 10 à 12 %. Ils vont remonter mécaniquement à la suite de cette augmentation budgétaire jusqu'à dépasser 20 %.
Je tiens à rappeler que l'ambition de la majorité reste intacte s'agissant du financement de la recherche en général. Il est essentiel de maintenir des budgets importants pour les organismes nationaux de recherche : c'est ce que nous faisons et que nous continuerons à faire. Il est également important d'augmenter le préciput, ou l'overhead, de l'ANR pour que le financement délivré à partir des appels à projet couvre réellement les coûts complets qu'ils engendrent et puisse ainsi compléter les budgets des organismes de recherche.
Mon avis est donc défavorable sur cet amendement.
La parole est à M. Philippe Berta, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
J'ai une petite pensée pour mes collègues de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale – INSERM – , de l'Institut de recherche pour le développement – IRD – , du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement – CIRAD – , de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer – IFREMER – , de l'Institut national de la recherche agronomique – INRA – , qui pourraient eux aussi avoir besoin de plus de crédits.
Votre amendement, madame la députée, propose de créer un nouveau programme qui regroupe les crédits du CNRS et de l'ANR. Cela aurait pour effet de supprimer l'ensemble des moyens de l'ANR et de les allouer au seul CNRS.
Comme l'indique la loi organique relative aux lois de finances – LOLF – , un programme a vocation à regrouper les crédits destinés à la mise en oeuvre d'une politique publique. Le CNRS n'a pas vocation à porter seul l'ensemble des moyens dédiés à la recherche publique financée par l'État et ne peut donc justifier à lui seul d'un programme dédié.
Pour ces raisons, je vous demande de retirer cet amendement. À défaut, l'avis du Gouvernement sera défavorable.
L'amendement no 347 n'est pas adopté.
La question qui se pose à la France est de savoir si sa recherche va pouvoir se maintenir à niveau ou si elle va décrocher. Le budget de la recherche a été maintenu depuis dix ans en France, alors que, en Allemagne, il a augmenté de 75 %. La reconduction chaque année des crédits sur subvention d'État depuis dix ans pour les organismes de recherche a entraîné une érosion des marges de manoeuvre et une diminution des investissements. La situation actuelle pose la question du maintien de la recherche publique française dans la compétition internationale. Si un décrochage devait s'opérer, cela entraînerait une incapacité à entrer dans de nouveaux grands projets.
Une autre problématique pour les organismes et les opérateurs de recherche publics tient aujourd'hui au manque de visibilité pluriannuelle. La gestion budgétaire par à-coups est néfaste pour le bon fonctionnement et la gestion de projets de recherche qui se conduisent sur plusieurs années.
Définie comme prioritaire pour ce quinquennat par le Président de la République, la recherche nécessite une programmation pluriannuelle ambitieuse sur trois ans. Matérialisée par un contrat passé avec les organismes et opérateurs, celle-ci aurait pour objectif de donner de la visibilité pour assurer le recrutement des chercheurs, des ingénieurs et des techniciens et réduire la précarité des chercheurs et des agents ; d'assurer les moyens de fonctionnement, d'équipement et d'investissement nécessaires au fonctionnement des unités de recherche et à la recherche fondamentale.
Cet amendement d'appel propose une programmation pluriannuelle des moyens de la recherche publique en abondant l'action 1 du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » de 100 millions d'euros et en diminuant de 100 millions d'euros l'action 3 du programme 191 « Recherche duale ».
Je comprends que cet amendement n'a pas vocation à être adopté, mais à interpeller le Gouvernement sur sa stratégie pluriannuelle en matière de recherche.
Je tiens à vous signaler que les crédits de la Mission interministérielle recherche et enseignement supérieur – MIRES – augmentent de 700 millions dans ce PLF, dont 500 millions pour la recherche et 200 millions pour l'enseignement supérieur. Les crédits dans leur ensemble atteindront donc 27,6 milliards d'euros en 2018. Il y a déjà une programmation pluriannuelle sur trois ans, puisque nous avons déjà prévu qu'ils atteindront 27,86 milliards en 2019 et 28 milliards en 2020, soit une augmentation de 1,3 milliard sur trois ans.
Pour 2018, je vous le rappelle, nous augmentons les financements des appels à projets de l'ANR de 133 millions d'euros, les dotations des laboratoires visant à donner aux chercheurs les moyens matériels de travailler d'une manière efficace de 25 millions d'euros et les ressources des organismes de recherche de 87 millions d'euros.
Ces moyens seront complétés par le grand plan d'investissement sur cinq ans dans le cadre également d'une programmation pluriannuelle à hauteur de 2,4 milliards d'euros.
Compte tenu de ces éléments, je peux vous affirmer qu'il y a bien une stratégie pluriannuelle pour la recherche sous toutes ses formes, qu'elle soit universitaire, publique, privée, partenariale, bien au-delà des crédits inscrits dans votre amendement d'appel.
Mon avis sera donc défavorable.
Comme le précise son exposé sommaire, il s'agit d'un amendement d'appel. Vous souhaitez davantage de visibilité à long terme sur le financement de la recherche dans un cadre pluriannuel.
Je partage en grande partie votre conception de la contractualisation. Aussi vais-je tâcher de vous indiquer quelques éléments de cadrage pluriannuel, comme je l'ai fait en commission élargie.
La trajectoire quinquennale du budget de la recherche prévoit une augmentation sensible des moyens consacrés à la recherche publique, avec une augmentation de près de 9 % des crédits des programmes 172 et 193 d'ici à 2022. Elle donne ainsi une lisibilité à l'ensemble des organismes de recherche quant aux crédits dont ils disposeront dans les cinq années à venir.
D'autre part, 6 milliards d'euros du grand plan d'investissement seront mobilisés au profit de la recherche et de l'innovation sur l'ensemble du quinquennat.
Au-delà de cette trajectoire financière, peut-être un peu abstraite et peu normative, j'ai pris un certain nombre de décisions dès le printemps dernier afin d'ancrer une dynamique pluriannuelle au financement de la recherche : une augmentation régulière de 32,7 millions d'euros par an des moyens d'intervention de l'ANR avec les crédits de paiement nécessaires pour assurer la trésorerie de l'établissement ; des moyens pour les organismes de recherche maintenus incluant la couverture au bon niveau des mesures de la fonction publique affectant la masse salariale ; des financements pour les très grandes infrastructures de recherche et les organisations scientifiques internationales, OSI, budgétisés à hauteur de leur besoin, soit une augmentation de 26 % et la résorption de la dette de l'ESA sur trois ans.
Concernant enfin le financement de votre proposition, il est essentiel de préciser quelques éléments à propos du programme 191. Ce programme bénéficie pour 2018 d'une dotation de 180 millions d'euros. Il avait fait l'objet d'une diminution de ces crédits de 12 millions d'euros en 2015. Si une telle réduction se poursuivait, elle aurait des conséquences graves pour la recherche duale, car ce programme finance des applications à la fois civiles et militaires dans le dessein de maximiser les retombées civiles de la recherche de défense et, inversement, de faire bénéficier la défense des avancées de la recherche civile. Ce sont le CNES et le CEA qui bénéficient de ces crédits.
Il serait ainsi difficile de défendre le principe d'une programmation pluriannuelle en coupant 100 millions d'euros sur un programme aussi sensible, même si vous y avez été contrainte par les règles de la LOLF.
Dans l'immédiat, je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement. Sinon, l'avis du Gouvernement sera défavorable.
Compte tenu des précisions apportées par Mme la ministre, je retire l'amendement.
L'amendement no 988 est retiré.
Pour en revenir à l'ANR, vous aurez compris que la mise en concurrence des laboratoires et des chercheurs n'est pas un modèle économique qui nous convient.
Cet amendement vise à créer au sein de cette mission un nouveau programme intitulé « Recherche partenariale pour la transition écologique ».
Nous partons de ce constat : 130 millions d'euros sont alloués à l'Institut français du pétrole Énergies nouvelles contre seulement 1,5 million d'euros à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES. À l'heure où les enjeux du changement climatique nous contraignent à changer nos modes de production et de consommation, continuer à financer la recherche d'« hydrocarbures responsables » comme le revendique l'IFP Énergies nouvelles, en partenariat avec Total, va à contresens de nos engagements.
L'accord de Paris, les objectifs de neutralité carbone du Gouvernement et la loi récemment votée en faveur de l'arrêt de l'exploitation des hydrocarbures en France nous le rappellent. Nous devons réduire nos émissions de gaz à effet de serre et investir, notamment, dans le développement de la recherche liée à l'aménagement et aux transports durables.
Vous m'avez dit, madame la rapporteure spéciale, qu'il n'était pas opportun de reconsidérer le niveau des crédits alloués à l'IFP. Je crois au contraire qu'il est plus urgent que jamais d'engager notre pays sur la voie de la bifurcation écologique. Ce qui est responsable, ce n'est pas de financer des hydrocarbures « propres » – c'est un oxymore – , mais de sortir progressivement et rationnellement des énergies carbonées.
L'Institut français du pétrole Énergies nouvelles contribue activement à la réflexion sur les modalités de la transition vers un monde décarboné. Cette transition ? nous la souhaitons autant que vous ? mais nous savons que le chemin à parcourir est long.
Votre amendement suppose de multiplier par dix les crédits de l'ANSES et des autres partenaires que vous citez, ce qui nous semble excessif au vu de demandes budgétaires que ni les rapporteurs spéciaux ni le Gouvernement, je crois, n'ont reçues.
Certes, l'IFP Énergies nouvelles coopère avec Total sur certains projets, mais cela ne signifie pas qu'il s'agit d'un centre de recherche cofinancé par une entreprise, même s'il s'appuie sur la réalité concrète des industriels utilisant ces techniques.
Je rappelle également que l'Institut français du pétrole travaille à la réduction de l'empreinte environnementale des activités d'exploration, de production et de raffinage à travers le développement de procédés de transformation des hydrocarbures en carburants respectant les spécifications environnementales – par exemple, par le biais d'une réduction de la teneur en soufre. Il contribue également à développer des techniques d'optimisation de la gestion de la ressource en eau sur les lieux de raffinage et d'extraction. Il permet aussi de développer des catalyseurs optimisés favorisant la réduction des consommations d'énergie.
À l'échelle européenne, dans le cadre du projet Horizon 2020, l'IFPEN est parvenu à faire aboutir quatorze projets – avec un taux de succès de 48 % – portant sur les transports autonomes, les biocarburants, les géosciences ou les nanotechnologies, autant de choses qui vous montrent que cet institut – dont la dénomination ne comporte pas seulement le pétrole, mais aussi les énergies nouvelles – contribue pleinement à la réalisation de la transition énergétique, que nous appelons tous de nos voeux.
Sur le plan technique, le programme 190 a déjà pour vocation le financement de la recherche partenariale pour la transition écologique. Aussi, la création d'un nouveau programme amputant ce dernier de certaines de ses actions nuirait à la cohérence d'ensemble.
Je souhaite à mon tour appeler votre attention sur le fait que 75 % des crédits de recherche de l'IFPEN sont dédiés au développement des nouvelles technologies de l'énergie – énergies renouvelables, sources d'économies d'énergies – , le tout ayant pour objectif de réduire l'impact environnemental du secteur de l'énergie.
À titre d'exemple, je signale que, récemment, la solution de flotteurs et d'ancrages pour éoliennes offshore a été développé en partie par l'IFPEN et a été retenu dans le cadre d'un appel à projets de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME. L'IFPEN est également engagé dans des programmes de transformation de la biomasse en carburants.
Enfin, je tiens à préciser que la vocation du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation est bien de soutenir toutes les formes de recherche.
Dans ces conditions, vous l'aurez compris, madame la députée, l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il serait bon que notre ministre de la recherche, de l'enseignement supérieur et de l'innovation donne quelques orientations aux organismes comme l'IFPEN. La transition énergétique se met en place – vous en avez parlé – et c'est important, mais il faudrait que vous les incitiez à accompagner aussi la transition écologique de l'économie. Je suis député du Havre, où se trouve une raffinerie : qu'en sera-t-il demain, dans la transition énergétique ?
Ces organismes pourraient être mandatés pour travailler avec les différents acteurs, les industriels, pour que les grandes usines, les grandes implantations économiques ne se retrouvent pas du jour au lendemain obsolètes, vides. Il faut réfléchir dès maintenant à l'utilisation de leurs savoir-faire afin d'accompagner la transition écologique de l'économie, en plus de la transition énergétique.
J'entends bien qu'une multiplication par dix des crédits serait trop importante, mais c'est précisément là que La France insoumise est en profond désaccord avec vous. J'ai eu l'occasion de rappeler que la France n'a aucune éolienne offshore. Alors, oui, nous pensons qu'il faut déployer des moyens importants !
Le financement de l'IFPEN, fait quasiment unique en France, provient pour moitié de Total : Total n'est-il pas intéressé à préserver les hydrocarbures ? Vous dites qu'il faut réduire les impacts environnementaux liés à l'extraction des hydrocarbures, mais la question ne se pose même plus – nous avons voté une loi qui doit y mettre un terme. La question, c'est que la transition énergétique nécessitera de mettre de l'argent sur la table ! Comme il a fallu une planification pour développer le nucléaire, il faut maintenant organiser une planification écologique, bien plus qu'urgente, laquelle nécessite de l'argent.
Je précise que votre amendement ne prévoit en rien de multiplier par dix le financement des éoliennes offshore, madame Rubin. Vous avez évoqué l'ANSES.
De manière générale, vous savez qu'il existe un Plan climat, que nous sommes très engagés et que nous invitons d'ailleurs tous les chercheurs du monde à venir travailler en France sur ces questions.
Dans une perspective un peu plus historique, je rappelle que l'IFPEN est lui-même un organisme en transition, puisque nous réduisons sa dotation de 4 millions en 2018 et que, pour la onzième année consécutive, celle-ci est en baisse – son budget a diminué de 25 % en onze ans. La transition est à l'oeuvre. Nous partageons avec vous l'objectif de parvenir à une économie décarbonée, car, si notre engagement pour la COP 21 est entier, celui pour la décarbonation de l'économie l'est tout autant.
Mon avis reste défavorable.
L'amendement no 349 n'est pas adopté.
La culture scientifique accompagne la science et la prolonge vers la société. Elle est l'une des dimensions du transfert de la recherche, un transfert qui n'est pas technologique mais immatériel, qui s'adresse à l'intelligence et à l'épanouissement des hommes et des femmes ainsi qu'à l'équilibre de la société, un transfert qui concerne les opérateurs spécifiques ainsi que tous les opérateurs de recherche.
La nouvelle gouvernance de la culture scientifique, technique et industrielle – CSTI – confère aux régions un rôle central consistant à animer et à coordonner le réseau des acteurs sur leur territoire, à prendre l'initiative de projets et à soutenir financièrement les actions menées dans ce domaine. Les crédits nationaux décentralisés viennent abonder ces financements régionaux, mais seulement à hauteur de 4,7 millions, l'État conservant des moyens d'action non négligeables, puisqu'il investit chaque année environ 250 millions d'euros dans la CSTI, essentiellement par le biais des subventions pour charges de service public versées à ses opérateurs.
Afin de promouvoir auprès des jeunes le goût de la science et de la technologie, et de résorber l'écart entre l'évolution des sciences et des techniques et les capacités des citoyens à la comprendre pour la maîtriser, il est nécessaire de donner un nouveau souffle au développement des politiques partenariales – État, collectivités territoriales, associations – en faveur de la culture scientifique, technique et industrielle.
Le Conseil national de la culture scientifique, technologique et industrielle, mis en place par les ministres chargés de la culture et de la recherche en 2016 et présidé par Dominique Gillot, a remis au printemps dernier la stratégie nationale de la CSTI. L'ambition qu'elle fixe demande toutefois un investissement supérieur aux moyens actuels consacrés à la CSTI, lequel ne peut pas être assuré par les seules régions. C'est pourquoi nous proposons de reprendre la proposition du Conseil national d'augmenter les crédits d'intervention de 100 millions d'euros en cinq ans, soit de 20 millions d'euros supplémentaires pour 2018.
L'amendement propose d'abonder les crédits de l'action 3, « Culture scientifique et technique », du programme 186,« Recherche culturelle et culture scientifique », de 10 millions d'euros, et de diminuer d'autant les crédits de l'action 3, « Recherche duale dans le domaine aérospatial » du programme 191, « Recherche duale ».
Nous partageons pleinement votre attachement à la diffusion de la culture scientifique et technique, mais, dans un contexte budgétaire contraint, nous avons choisi de donner la priorité au financement des organismes de recherche et des laboratoires.
Je tiens tout de même à vous signaler que, élue du plateau de Saclay, je participe à de nombreux événements – tels TEDxSaclay ou la Fête de la science – organisés et financés par ces mêmes organismes de recherche et par des centres universitaires.
Par ailleurs, je vous rassure, nous maintenons 112 millions sur l'action 3 du programme 186 pour la diffusion de la culture scientifique et technique, mais le programme 191, qui concerne la recherche duale, ne peut pas être mis à contribution comme vous le souhaiteriez, puisque ses crédits sont aujourd'hui essentiels pour la recherche spatiale et qu'ils lui sont en grande partie consacrés.
Mon avis est donc défavorable.
La parole est à M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Par cet amendement, vous voulez diminuer les crédits affectés à la recherche duale pour renforcer ceux qui le sont à la culture scientifique. En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, je comprends son esprit : dans le monde actuel, la culture scientifique doit être prioritaire.
Néanmoins, la réussite de la CSTI repose dans l'immédiat sur un effort de rationalisation de la gouvernance plus que sur une augmentation des moyens. L'État n'a plus qu'un rôle de stratège en matière de culture scientifique et ce sont surtout les crédits des régions qu'il faudrait augmenter. En tout état de cause, il n'est pas pertinent de diminuer les crédits affectés à la recherche duale.
Par ailleurs, les crédits de la CSTI sont imputés indirectement sur d'autres crédits, comme indiqué dans notre rapport pour avis. Ce ne serait donc qu'une hausse de façade.
Avis défavorable.
Le Gouvernement est tout à fait conscient de l'importance de la diffusion de la culture scientifique et technologique dans la société. De même, les régions sont engagées de façon importante dans le financement de cette politique d'édification intellectuelle collective.
La totalité des sommes versées par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation au service de la culture scientifique ne se résume pas aux plus de 110 millions d'euros inscrits dans le PLF pour 2018. Les seize organismes de recherche sous la tutelle de mon ministère ainsi que l'ensemble des universités participent à la diffusion de la culture scientifique et technologique, que ce soit en les finançant – pour les plus gros organismes, en y consacrant entre 1 et 2 millions par an – ou, pour les chercheurs et enseignants-chercheurs mais aussi l'ensemble des personnels des établissements de recherche et d'enseignement supérieur, en donnant de leur temps pour transmettre ce goût des sciences et des technologies.
Diminuer le budget de la recherche duale, cela signifie – comme je vous l'ai dit tout à l'heure – diminuer le budget du CNES, l'un des acteurs principaux de la diffusion de la culture scientifique et technologique, notamment à travers les images de l'espace, très largement utilisées pour donner aux enfants et aux jeunes le goût des sciences – nous avons pu le constater encore en suivant Thomas Pesquet.
De la même façon, une grande partie des travaux de recherche du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives – par exemple dans le domaine de la santé, de la médecine régénérative – participe aussi de l'attractivité des filières scientifiques et technologiques.
Pour l'ensemble de ces raisons, l'avis du Gouvernement est donc défavorable.
L'amendement no 989 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Berta, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement no 979 .
Nous resterons un peu dans le même registre mais en étant cette fois-ci beaucoup plus modestes.
La réconciliation des Français avec la science est plus que jamais d'actualité alors que l'obscurantisme, sous ses diverses formes, gagne du terrain.
Dans ce registre, les enquêtes PISA se suivent et se ressemblent : la culture scientifique des Français ne leur vaut qu'une vingt-septième place au sein des pays de l'OCDE, bien loin par exemple des Anglais et des Allemands. La Fête de la science, malgré un succès renouvelé depuis des années, ne peut masquer cette réalité.
De plus, notre entrée de plain-pied dans l'économie de la connaissance exige que nous partions à la reconquête du terrain perdu en priorisant la culture scientifique avec un double objectif : accroître le niveau de culture scientifique de nos concitoyens, les rendant ainsi plus à même de participer aux grands débats sociétaux qui s'imposent à nous de plus en plus régulièrement : virus génétiquement modifiés – VGM – ou autres organismes génétiquement modifiés – OGM – , clonage, procréation médicalement assistée, cellules souches embryonnaires, CRISPR-Cas9, climat, vaccination ; donner le goût des sciences et des techniques à notre jeunesse – un secteur où, globalement, nos amphithéâtres se vident au profit de filières surchargées dont les débouchés sont beaucoup plus incertains.
De plus, ce sont bien ces mêmes filières qui, en formant des assistants-ingénieurs, des ingénieurs et des chercheurs, créeront la richesse à partir de laquelle fonctionne un pays.
Notre demande, j'en suis conscient, reste à ce stade de l'ordre du symbole, mais ce symbole qui consiste à ne pas baisser la dotation de la culture scientifique nous semble parmi les plus importants.
Monsieur le député, votre amendement fonctionne sur une mécanique assez similaire à celle de l'amendement précédent et peut aussi se rapprocher de l'amendement suivant. Je suis tout à fait prête à mener une réflexion avec l'Assemblée nationale sur le sujet de la culture scientifique et technologique, d'autant plus que c'est l'un des thèmes des travaux de notre rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Nous pourrions donc nous saisir de cette question.
Pour soutenir l'engagement en faveur de la CSTI, vous proposez cette fois-ci de prélever des financements non pas sur la recherche duale, mais sur la recherche spatiale. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, la recherche spatiale est un fleuron national, qui nous permet d'être non seulement un leader européen du secteur, mais aussi l'une des grandes puissances spatiales dans le monde. Les programmes spatiaux suscitent une très large audience dans l'opinion publique et participent ainsi, de fait, à la diffusion de la culture scientifique. Pour l'ensemble de ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Sur l'amendement no 348 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Monsieur Berta, retirez-vous votre amendement ?
L'amendement no 979 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 348 .
Nous avons demandé un scrutin public parce que le présent amendement traite d'une question extrêmement importante ; j'espère pouvoir vous convaincre.
Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait annoncé la création d'un ministère de plein droit pour l'égalité des hommes et des femmes : cela n'a pas été fait. Mais, si le budget 2018 reste tel quel, il faudra assumer une attaque violente contre des structures chargées de produire des données scientifiques sur les rapports sociaux de genre. En effet, ce budget annule 8 000 euros de subventions publiques destinés au réseau de recherche scientifique MAGE – Marché du travail et genre. Le présent amendement propose donc de les rétablir.
Ce réseau, créé en 1995, est pionnier au CNRS des études sur le genre et est même devenu un groupement européen à partir de 2003, puis un réseau international en 2011, avec des correspondants et des activités sur tout le continent. Non seulement le réseau anime une activité foisonnante en interne, mais il assure un grand nombre de publications précieuses et livre d'intéressantes comparaisons internationales. Il publie par exemple la revue Travail, genre et sociétés ; nous lui devons de nombreuses études sur le caractère sexué du marché du travail et de l'emploi. En vingt ans d'existence et de subventions publiques, aucun gouvernement n'avait jugé bon de se débarrasser de ce réseau scientifique.
Nous insistons sur la suppression de ces subventions publiques parce que cela posera trois problèmes graves. Tout d'abord, cela contredit tous les engagements annoncés en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes ; or je sais que ce sujet tient à coeur à la majorité, qui s'est levée plusieurs fois pour marquer son accord sur cette question.
Ensuite, à l'heure où la parole se libère contre le sexisme, quelle légitimité y a-t-il à torpiller la recherche sur les rapports de genre ? Une telle attaque met également en péril l'action gouvernementale et les droits de l'opposition : l'exécutif, comme les parlementaires ainsi que l'ensemble du monde associatif et citoyen seront privés d'informations et d'analyses très précieuses à partir desquelles les politiques publiques pourront être jugées et ajustées.
Enfin, l'annonce a porté rétroactivement sur la subvention 2017 ; aussi ce rajout financier dans le projet de loi de finances a-t-il pour objectif d'assurer le versement initialement prévu.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Si vous me le permettez, je vais faire un trait d'humour sur un sujet très sérieux. Au vu de nos engagements gouvernementaux en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes, il n'est aucunement question de nous débarrasser de ce réseau : celui-ci produit un travail intéressant et tout à fait utile pour que la question du genre sorte des cercles initiés et pour que le débat intègre les sujets du monde du travail.
Je peux prendre un engagement auprès de vous, chers collègues : j'écrirai un courrier au directeur du CNRS pour que, sur ses 2,620 milliards d'euros de dotations, il trouve 8 000 euros pour financer, comme vous nous le proposez ici par amendement, le réseau MAGE. Ces 8 000 euros existent au CNRS : nous ferons de notre mieux pour qu'ils soient financés.
En outre, cet amendement créerait un nouveau programme budgétaire, alors que nous sommes à l'heure de la simplicité, de la lisibilité et de la cohérence : mon avis est donc défavorable.
Le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation consacre des moyens importants – directement au sein du ministère et non au travers de ses organismes de recherche – au traitement de la question de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Ainsi, en 2017, 74 500 euros de programmes spécifiques ont permis de soutenir l'enquête nationale Violences et rapports de genre, dite VIRAGE, de l'INED – Institut national d'études démographiques – , pour un montant de 29 500 euros ; de participer au colloque scientifique sur les violences sexistes et sexuelles, qui se tiendra le 4 décembre prochain, à hauteur de 17 000 euros ; ou enfin de soutenir les associations d'études de genre, à hauteur de 28 000 euros.
Depuis 2012, le CNRS est autorisé, fait exceptionnel, à procéder à des recrutements fléchés sur les études de genre, afin d'augmenter encore le potentiel de la centaine de laboratoires travaillant sur ce sujet. Au sein de l'enveloppe de 25 millions d'euros qui alimentera les crédits de base des laboratoires, j'ai souhaité que près de 5 millions d'euros soient dédiés au financement de la recherche dans les sciences humaines et sociales, qui contient l'intégralité ou la quasi-intégralité de la recherche sur les études de genre.
Au regard de l'actualité très récente et du combat permanent pour affirmer une égalité réelle entre les femmes et les hommes, je ne doute pas que de très nombreux programmes de recherche du CNRS concerneront ces questions importantes et seront financés grâce à l'action de ce gouvernement. Dans ces conditions, je vous propose de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l'avis du Gouvernement est défavorable.
J'insiste sur cet amendement, car, au regard des enjeux qui sont devant nous et des besoins en termes de recherche sur l'égalité entre les hommes et les femmes, l'enveloppe globale que vous avez citée paraît dérisoire.
Il s'agit ici de 8 000 euros pour une revue, pour un réseau, pour un travail de recherche sociologique, scientifique et historique extrêmement précieux en matière d'égalité entre les hommes et les femmes. Vous dites que le CNRS trouvera l'argent dans son enveloppe : mais, si nous avons déposé cet amendement et demandé un scrutin public, c'est que nous voulons obtenir la garantie que ces 8 000 euros, décisifs pour le travail de cette revue et de ce réseau, seront bien fléchés et qu'il n'y aura pas de manque à gagner pour celles et pour ceux – quelques hommes travaillent en effet dans le MAGE – qui interviennent dans ce secteur.
Nous demandons une garantie de fléchage, afin de ne pas laisser au CNRS la décision de ventiler les sommes comme il le souhaite dans une enveloppe contrainte. C'est pourquoi nous avons demandé un scrutin public. Pour 8 000 euros, j'en appelle à la conscience de chaque député, afin d'assurer ce travail de recherche fondamental.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Peut-être n'ai-je pas été suffisamment claire : sur le budget du ministère – pas celui consacré à la recherche – , j'ai débloqué cette année un peu plus de 74 000 euros pour venir en aide à des programmes. Je m'engage donc à trouver les 8 000 euros du programme que vous indiquez.
Soyons sérieux : nous n'allons pas créer un programme budgétaire dans le projet de loi de finances 2018 pour 8 000 euros. Mais vous avez mon engagement : je financerai à hauteur de 8 000 euros ; c'est pour cela que je vous suggérais de retirer votre amendement. À défaut, l'avis du Gouvernement est défavorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Il y a contradiction entre la position de la rapporteure et celle de la ministre. La rapporteure nous dit que l'on cherchera l'argent dans le budget du CNRS, tandis que la ministre nous explique que cela sera pris directement dans son budget. Cela me va très bien : votre réponse est celle qu'il fallait apporter. Il me semble juste que cela soit pris directement sur les lignes du ministère et pas dans le budget du CNRS.
Je prends note de l'engagement oral de la ministre et je le communiquerai au réseau MAGE qui nous a alertés. Dans ce cas, nous pouvons retirer l'amendement et nous serons extrêmement attentifs à ce que cette promesse soit tenue.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
L'amendement no 348 est retiré.
Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », modifiés, sont adoptés.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 57.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement no 1342 deuxième rectification.
Le présent amendement a pour objet d'élargir le principe de spécialité pour les établissements d'enseignement supérieur. À ce jour, les établissements publics d'enseignement supérieur ne sont pas compétents pour assurer l'entretien et la gestion des biens immobiliers dont ils sont propriétaires ou qui sont mis à leur disposition par l'État. Ils ne sont pas compétents non plus pour valoriser ces biens ; or une très grande partie des locaux des universités ne sont pas occupés pendant une période non négligeable de l'année.
En élargissant le principe de spécialité, l'objectif est donc de simplifier, afin d'autoriser au mieux les établissements à valoriser leur patrimoine immobilier, que ces patrimoines fassent partie des biens propres de l'État, des biens propres des établissements ou des biens dévolus. En fonction de ces trois types de propriété, les règles qui s'appliquent sont en effet différentes : il s'agit donc de simplifier ces règles. Voilà pourquoi le Gouvernement vous demande d'adopter cet amendement.
Avis favorable, puisque deux objectifs sont poursuivis par cet amendement. Premier objectif : la simplification des régimes applicables à la valorisation des biens immobiliers dont disposent les établissements publics d'enseignement supérieur, en les regroupant sous un seul article du code général de la propriété publique.
Deuxième objectif : faciliter le dégagement de revenus dédiés au financement du patrimoine mis à leur disposition, en mentionnant explicitement la gestion et la valorisation de ce patrimoine dans les missions de l'établissement d'enseignement supérieur et en prévoyant explicitement la possibilité de confier cette activité à un service spécialisé. Simplicité, levier pour dégager des revenus : avis favorable.
La parole est à M. Richard Lioger, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
J'interviens à titre personnel. Je vous félicite, madame la ministre, pour cet amendement : cette disposition est une très bonne chose. Vous connaissez mon intérêt pour la question du patrimoine des universités, j'ai déjà eu l'occasion d'en parler avec vous.
Je suppose que vous vous félicitez vous aussi, monsieur Hetzel, de cet amendement, qui va dans le sens de l'autonomie des universités et de la loi Pécresse, que vous avez mentionnée tout à l'heure. On se demande d'ailleurs pourquoi une disposition de cette nature n'a pas été adoptée au cours des cinq années où vous étiez au gouvernement. Je rappelle que la Conférence des présidents d'université avait été très fortement impliquée dans la préparation de la loi Pécresse, déjà au temps où M. Goulard était ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche : comme vous le savez, elle avait commencé à y travailler près de deux ans avant son adoption. En tout cas, cette loi recueille l'assentiment de la CPU et fait l'objet d'un consensus assez large, en quelque sorte oecuménique, dans le milieu universitaire.
Madame la ministre, je souhaiterais que l'on sensibilise les présidents d'université à la nécessité de bien travailler avec les services d'urbanisme des communes et des intercommunalités dans lesquelles leurs établissements sont implantés. La représentation nationale a d'ailleurs aussi un rôle à jouer à cet égard. Il est absolument essentiel, pour une collectivité, de disposer d'un plan d'urbanisme, et cette nouvelle étape en matière de dévolution du patrimoine aux universités permettra peut-être – je le dis en tant qu'ancien adjoint à l'urbanisme – de faire un travail sur le foncier, notamment de libérer du foncier, ce qui est aussi une préoccupation du Gouvernement.
Je vous remercie, monsieur Lioger, d'avoir rappelé que la loi relative aux libertés et responsabilités des universités comprenait un volet concernant la dévolution du patrimoine. Vous avez raison : l'amendement du Gouvernement lèvera l'une des limites en la matière et permettra aux universités de gérer leur patrimoine immobilier de manière plus efficace. Donc, une fois n'est pas coutume, il va clairement dans le bon sens, et le groupe Les Républicains le votera. J'espère que le Gouvernement saura aller encore un peu plus loin sur la question de la gestion immobilière, que nous avions aussi évoquée en commission élargie.
Cet amendement nous surprend un peu, d'une part parce qu'il arrive un peu tard, d'autre part parce que l'on évoque, dans l'exposé sommaire, le fait que les universités pourront tirer un revenu de biens de rapport, ce qui nous semble décalé par rapport à l'image que nous avons d'elles.
En l'absence de la disposition que nous proposons, les universités sont dans l'incapacité, par exemple, de mettre en location leurs amphithéâtres au cours de l'été. Elles ne peuvent facturer que le ménage et la consommation de fluides, sans quoi elles se mettraient dans l'illégalité, dans la mesure où elles pratiqueraient une concurrence déloyale. Cette mesure leur permettra de s'inscrire dans un système locatif classique.
L'amendement no 1342 deuxième rectification est adopté.
Depuis sa création par l'article 96 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'IRSN, bénéficie du produit d'une contribution annuelle due par les exploitants des installations nucléaires de base – INB. Cette taxe est recouvrée par le comptable public de l'IRSN, conformément à son statut d'établissement public, et constitue l'une de ses principales ressources.
Cependant, en l'état actuel de la législation, les modalités de recouvrement de la taxe sur les INB et les dispositions relatives au contentieux la concernant diffèrent des règles usuelles s'appliquant aux opérateurs de droit commun, issues du décret du 7 novembre 2012. Il existe donc un doute sur la compatibilité du dispositif de perception de cette contribution par l'IRSN avec les dispositifs en vigueur en matière de gestion budgétaire et comptable. Le présent amendement vise à lever ce doute en clarifiant la base juridique qui permet à l'IRSN de percevoir ladite contribution. Il s'agit d'assurer la solidité juridique du dispositif.
Compte tenu de l'importance de la sûreté nucléaire, de la mission que remplit l'IRSN en la matière et de la qualité des informations qu'il fournit à l'ensemble de la population, il est essentiel qu'il n'y ait aucun doute sur la solidité juridique et budgétaire de son financement. Avis favorable.
L'amendement no 1035 est adopté.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 269 .
Nous revenons sur l'état des logements universitaires, point qui nous tient très à coeur et sur lequel nous vous avons déjà interrogée plusieurs fois, madame la ministre. Le fait de permettre aux étudiants, notamment aux boursiers du Gouvernement français, d'accéder à un logement est l'une des expressions les plus concrètes de l'égalité des chances républicaine en France. Malheureusement, cette prérogative républicaine est compromise par l'état de délabrement de certaines cités universitaires.
Disposer d'un logement est évidemment une nécessité pour étudier. Or vivre dans une chambre qui ne fait parfois que 9 à 12 mètres carrés est un défi difficile, voire impossible à relever si l'on doit faire face à un mobilier délabré, à des murs mal ou non isolés, à des peintures dégradées et à des punaises de lit. Pour en avoir souvent vu dans les quartiers dans lesquels j'ai travaillé, je peux témoigner de l'enfer que représente le fait de vivre en présence de punaises de lit : vous ne pouvez plus dormir ; ces insectes sont capables de survivre deux ans sans s'alimenter en sang et peuvent donc rester très longtemps dans votre logement.
Nous demandons de nouveau que le Gouvernement remette au Parlement un rapport faisant le point sur l'état de délabrement de certaines cités universitaires françaises et sur ses conséquences néfastes sur les conditions d'étude. Cela constituerait selon nous un point d'appui important permettant de mieux cibler les politiques que nous pourrions mettre en place dans ce domaine.
La vie étudiante fait partie des thèmes abordés lors de l'intense concertation conduite par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche de juillet à octobre derniers. La réponse passe notamment, vous le savez, par la réforme de la politique du logement, notamment avec la création de 60 000 logements supplémentaires et la généralisation de la garantie locative gratuite.
En parallèle, cela a été dit précédemment, un certain nombre de coûts de la vie étudiante sont stabilisés, que ce soit le niveau des droits d'inscriptions ou le prix des tickets de restauration universitaire. Le logement et la santé des étudiants sont au coeur des préoccupations du Gouvernement, qui active plusieurs dispositifs pour répondre aux enjeux. Les sujets que vous avez abordés font l'objet d'un suivi très précis par le Centre national et les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires – CNOUS et CROUS. Ceux-ci ont réhabilité 4 100 chambres en 2017. Ce sont des opérateurs responsables, qui savent procéder à la planification des programmes de rénovation, de réhabilitation et de construction. Avis défavorable.
Le parc de logements du réseau des oeuvres universitaires compte plus de 160 000 chambres. À la lecture d'une étude récente, j'ai pu constater qu'environ la moitié d'entre elles ne correspondaient plus aux attentes et aux besoins des étudiants, que ce soit en termes de superficie, de niveau de confort, d'accessibilité ou de performance énergétique. Néanmoins, je rappelle que 66 000 chambres ont fait l'objet d'une réhabilitation depuis 2004. De plus, j'ai demandé au directeur du CNOUS de me présenter un calendrier pour une réhabilitation complète du parc. Celle-ci sera effective en 2022, et plus de 80 millions d'euros y seront consacrés chaque année.
Comme cela a été rappelé, nous avons aussi travaillé, dans un cadre interministériel, pour que le Plan 80 000 logements porte sur 60 000 logements étudiants et 20 000 logements à destination des jeunes actifs. Nous avons aussi souhaité renforcer et faciliter la cohabitation intergénérationnelle, qui est créatrice de lien social. Elle sera encouragée par une incitation fiscale.
Enfin, nous proposons de mettre en place un observatoire national du logement étudiant dès la rentrée 2018, afin d'établir le bilan des démarches tant de réhabilitation que de construction.
Vous m'avez effectivement déjà interpellée sur la question des punaises de lit. Je vous invite à consulter votre chaîne d'information préférée : vous constaterez qu'il s'agit d'une invasion nationale et que ces petites bêtes hantent les demeures les plus humbles comme les plus chic.
Je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, l'avis du Gouvernement sera défavorable.
Je le maintiens. On nous renvoie souvent à des assises, des états généraux ou des observatoires. Or, de notre point de vue, ces outils ne constituent pas toujours une garantie suffisante que le problème est pris en compte. Néanmoins, je vous remercie de votre réponse très précise, madame la ministre.
Nous sommes tout à fait d'accord pour dire que les punaises de lit touchent absolument tous les milieux, un peu partout. Cette invasion devient massive et commence à créer des problèmes de santé publique, notamment pour les personnes allergiques. Deux questions sont très importantes : le fait de disposer de services municipaux intégrés chargés de la désinsectisation et l'argent qui sera consacré à cette désinsectisation. Si le problème n'est pas pris en compte, il risque de prendre une ampleur nationale dans les années qui viennent, à plus forte raison dans les zones d'habitat délabré, où les punaises de lit passent facilement d'un logement à l'autre.
L'amendement no 269 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l'amendement no 271 .
Par cet amendement, nous demandons la réalisation d'une étude sur les ressources allouées, dans l'enseignement supérieur et la recherche, à la formation aux métiers et aux savoir-faire professionnels, ainsi que sur le prolongement d'une formation professionnelle de qualité après l'enseignement secondaire.
Nous souhaitons disposer d'éléments précis sur la façon dont sont dépensés les deniers publics en matière d'enseignement professionnel, à un moment où nous avons besoin d'ouvriers et de techniciens hautement qualifiés pour réussir la transition écologique.
Le niveau de formation et de qualification de base doit être particulièrement élevé pour faire face aux modifications de la société du travail et du déroulement des carrières, mais aussi à l'arrivée des robots. Il faut avoir des bases solides pour pouvoir rebondir tout au long de la vie.
Nous espérons vraiment que vous adopterez cet amendement, mes chers collègues, car les annonces du Gouvernement sur l'apprentissage et sur l'université nous inquiètent. Une logique générale se dessine, dont on pressent les effets en matière d'enseignement professionnel. Nous avons besoin d'une évaluation pour vérifier que les deniers publics sont bien employés et pour disposer d'outils dans le débat à venir sur l'enseignement professionnel.
J'éprouve des difficultés à comprendre l'objet précis de votre amendement. La professionnalisation dans les établissements d'enseignement supérieur renvoie à un champ extrêmement large, pour ne pas dire gigantesque : les diplômes universitaires de technologie – DUT – , les licences professionnelles et les masters sont des diplômes professionnels ; l'apprentissage est une modalité de professionnalisation. Il me paraît très compliqué d'établir un rapport sur un champ aussi vaste. Avis défavorable.
Si je comprends bien cet amendement, vous demandez un rapport à l'administration. Je ne suis pas complètement convaincue que ce soit le bon canal, et je vais essayer de m'en expliquer. D'abord, conformément aux décrets du 22 août 2014, le Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle – CNEFOP – a pour mission d'élaborer, au niveau national, des orientations triennales, qui énoncent les priorités et la stratégie concertée en vue de favoriser la mise en oeuvre coordonnée de ces orientations, dans le cadre des actions relevant des collectivités territoriales ou des organismes qui interviennent en matière d'emploi, de formation et d'orientation professionnelle.
Il arrête donc, tous les trois ans, un programme d'évaluation des politiques d'information et d'orientation, ainsi que des politiques de formation professionnelle initiale et continue, d'insertion et de maintien dans l'emploi. Le dernier rapport a été publié en 2015 et le prochain le sera en 2018. Il me semble opportun de laisser au CNEFOP, qui est un lieu paritaire associant les administrations, les collectivités régionales et les partenaires sociaux, l'initiative de l'évaluation des besoins en compétences.
Si vous me demandiez si la formation professionnelle est l'une des approches pédagogiques possibles pour l'obtention d'un diplôme, je vous répondrais que comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de l'ouverture de la conférence sur l'apprentissage, je suis intimement persuadée que l'insertion dans le milieu professionnel permise par l'apprentissage est l'une des méthodes pédagogiques permettant, in fine, d'obtenir qualifications et diplômes. C'est pourquoi, dans le cadre du Plan étudiants, j'ai annoncé qu'il serait proposé aux étudiants du premier cycle qui le souhaiteront des parcours comprenant des modules de stage et des modules en alternance leur permettant de découvrir, de s'initier ou de se plonger totalement dans l'apprentissage de savoir-faire, qui seront bien sûr reconnus par les diplômes nationaux. Je vous propose donc de retirer cet amendement. À défaut, l'avis du Gouvernement serait défavorable.
L'amendement no 271 n'est pas adopté.
Par cet amendement, il est demandé au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement sur l'utilisation faite du crédit d'impôt recherche et son adéquation aux objectifs qui lui sont fixés. Vous avez dû en entendre parler, il y a encore deux jours, plus de 400 salariés du laboratoire dermatologique Galderma manifestaient contre la restructuration de leur site, qui menace 400 postes sur 550, voire la totalité. Plusieurs élus de tous bords ont, depuis cette mobilisation, interpellé le Gouvernement pour que le crédit d'impôt recherche perçu par Galderma, qui représente 23 millions d'euros, soit restitué aux finances publiques.
En effet, le gonflement du crédit d'impôt recherche pose plusieurs problèmes. La rapporteure de la commission d'enquête sénatoriale de juin 2015 avait ainsi parlé d'une forme d'omerta entourant le sujet, et rappelé que le CIR est de plus en plus perçu comme un outil d'optimisation fiscale et de réduction de l'impôt sur les sociétés pour les grands groupes du CAC 40, qui, en volume, en sont les premiers bénéficiaires. Vous en conviendrez certainement, dans le contexte des Paradise papers et de l'indignation légitime suscitée par ce type de pratiques, il faut absolument que la représentation nationale puisse contrôler l'allocation des aides publiques.
Le rapport que nous demandons vise à étudier les caractéristiques des récipiendaires de ce crédit d'impôt, ainsi qu'à déterminer si la répartition du CIR est optimale pour remplir sa mission. C'est aussi l'occasion de se demander s'il ne serait pas plus pertinent de réserver cette somme aux entreprises de taille intermédiaire – ETI – et aux petites et moyennes entreprises – PME – pour de véritables projets de recherche et développement – R& D – , et sous condition d'embauche de personnel de recherche ainsi que de préservation des sites et de maintien des salariés.
L'avis de la commission est défavorable. Le dernier rapport sur le sujet a été publié par l'Observatoire français des conjonctures économiques – l'OFCE – en avril 2017. En 2010, en 2013 et en 2015, tous les organismes, de France Stratégie à la Cour des comptes, ont procédé à des évaluations. Des conclusions intéressantes en ressortent : sans le crédit d'impôt recherche, la France serait, après les États-Unis, le pays le plus cher au monde en termes de coût du chercheur. Il est donc essentiel que nous maintenions ce dispositif pour continuer à avoir des chercheurs en France.
En outre, et vous connaissez mon engagement en ce sens, nous devons avoir plus de visibilité sur les comportements d'embauche, notamment de jeunes docteurs, par les entreprises qui bénéficient du crédit d'impôt recherche. J'ai déposé des amendements en ce sens, qui seront discutés dans le cadre de l'examen des articles non rattachés, et qui, je l'espère, seront adoptés, y compris sur vos bancs. Il nous semble important de maintenir le dispositif, mais, comme l'a indiqué le ministre de l'économie, la majorité souhaite qu'il soit davantage ciblé sur les PME et les ETI. Dans cette optique, nous pourrions éventuellement modifier également le crédit d'impôt innovation destiné aux PME et aux ETI, dont le fonctionnement ne nous paraît aujourd'hui pas totalement optimal. L'avis de la commission est défavorable, mais nous partageons vos préoccupations, et nous sommes tous au travail sur ces sujets.
Madame la députée, le rapport du Sénat auquel vous faites référence a été rejeté par la commission d'enquête, ce qui est suffisamment rare pour être relevé.
Cela été rappelé, nous disposons de nombreux rapports sur le CIR. J'ai moi-même demandé que des travaux d'évaluation soient menés de manière scientifique. J'ai donc commandé des études à des chercheurs extérieurs et lancé des enquêtes auprès des entreprises, de façon à ce qu'une synthèse des résultats puisse m'être présentée. J'ai aussi encouragé les travaux de recherche sur le CIR, en mettant les données de gestion du CIR à la disposition de chercheurs, pour qu'ils puissent en faire une analyse tout à fait objective.
Pour l'heure, les études concluent à un effet d'addition du CIR sur les dépenses de R& D : 1 euro de CIR entraîne globalement 1 euro de dépense de R& D supplémentaire. Il incite les entreprises à embaucher les jeunes docteurs, depuis 2008, grâce au dispositif Jeunes docteurs. Il a contribué à l'accroissement de l'emploi scientifique dans les entreprises. Néanmoins, je le répète, de nouvelles évaluations ont été demandées, dont l'une à l'initiative du ministère, qui a demandé d'actualiser l'étude sur l'impact du CIR. Cette dernière sera remise à la fin de l'année 2017.
À l'initiative de la Commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation, rattachée au Premier ministre, les résultats de trois évaluations seront aussi obtenus à la fin de 2017, et publiés : impact du CIR sur les principaux indicateurs d'innovation et, au-delà, sur l'emploi et la productivité ; évaluation des interactions des politiques publiques d'aide à la recherche et au développement ; évaluation des effets du dispositif Jeunes docteurs sur l'accès aux emplois dans le domaine de la R& D.
Dès lors, il me semble que votre amendement est largement satisfait et que vous pourriez le retirer. À défaut, l'avis du Gouvernement sera défavorable.
Merci, madame la ministre, pour ces précisions, qui me semblent tout de même contradictoires : vous dites qu'il y a suffisamment d'études et « en même temps » que vous allez vous-même en demander d'autres. Vous reconnaissez donc le bien-fondé de notre demande ! En effet, le CIR fait l'objet d'analyses contradictoires, et le rejet du rapport par la commission d'enquête du Sénat en 2015 montre à quel point le sujet est sensible. Un autre rapport peut donc être légitimement remis à l'Assemblée nationale. Madame la rapporteure spéciale, la discussion sur les amendements qui nous seront soumis sera d'autant plus éclairée que nous disposerons de toutes les informations à ce sujet, y compris des avis contradictoires des différents experts.
Enfin, nous sommes, comme vous, très attachés à l'attractivité de la France en matière de recherche, mais nous privilégions la recherche publique par rapport à la recherche privée. C'était le sens de plusieurs de nos amendements. Je conviens que la logique est différente. Alors que vous jugez la contrainte budgétaire extrêmement forte, et après les révélations sur l'ampleur de l'optimisation fiscale et de l'évasion fiscale, il nous semble pertinent que l'Assemblée nationale puisse connaître en détail les modalités d'affectation des fonds du CIR.
L'amendement no 275 n'est pas adopté.
Par cet amendement, il est demandé au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement visant à évaluer l'adéquation des moyens alloués à la recherche dans les secteurs de la transition écologique. Le programme 190 « Recherche énergie, environnement, mobilités » est, certes, en hausse de 24 millions d'euros, mais cette hausse est principalement absorbée par l'action 14 « Recherche et développement dans le domaine de l'aéronautique civile », comprenant les sous-actions « Avions » et « Hélicoptères », qui s'est vu allouer 34 millions d'euros de crédits supplémentaires. Par ailleurs, nous considérons que le budget alloué au programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles » est, lui aussi, insuffisant.
On nous fait observer que des informations peuvent être glanées ici ou là, dans les annexes budgétaires, ou dans le rapport pour avis de notre collègue Gérard Menuel. Cependant, ce même rapport souligne, dès son préambule, qu'en matière d'effort financier en faveur de la transition écologique, on a davantage affaire à un budget de rattrapage qu'à un budget de progrès.
Le présent amendement vise à obtenir une synthèse exhaustive et plus lisible de ces données, afin d'en apprécier l'urgence législative, alors que le Gouvernement semble aujourd'hui reculer sur les objectifs qu'il s'était lui-même fixés en matière de mix énergétique.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Les deux programmes que vous évoquez connaissent une augmentation de leurs crédits dans le projet de loi de finances pour 2018. S'agissant du programme 190, qui couvre la recherche dans les domaines du développement durable, de l'énergie, des transports, de la construction, de l'aménagement, les crédits de paiement augmentent de 24 millions d'euros. Une partie de cette augmentation est, en effet, liée à la recherche dans le domaine de l'aéronautique civile, comme vous le mentionnez. Il s'agit, sous l'égide du Conseil pour la recherche aéronautique civile, que dirige la ministre chargée des transports, Élisabeth Borne, de développer une feuille de route technologique, qui doit conduire les acteurs français à proposer, d'ici à 2020, de réduire par deux la consommation des aéronefs, leurs émissions sonores, et d'abaisser jusqu'à 80 % les émissions d'oxyde d'azote, qui est un produit polluant atmosphérique toxique. Libre à vous de considérer que ces enjeux n'ont rien à voir avec la transition écologique, mais, pour avoir rencontré moi-même les différents acteurs de ce programme, je peux vous dire qu'ils sont pleinement engagés dans ce domaine.
Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une augmentation de 5 millions d'euros du programme 142. Là aussi, les acteurs en sont satisfaits.
Enfin, dans le cadre du Grand Plan d'investissement, 20 milliards d'euros sont consacrés à la transition énergétique, dont 9 milliards sont alloués à l'efficacité énergétique des bâtiments, 7 milliards à la production d'énergies propres, et 4 milliards aux transports, dont 135 millions à l'aéronautique civile. Tout ceci est donc parfaitement cohérent et documenté. La commission est donc défavorable à cet amendement. Il est pertinent d'informer et d'évaluer, mais il est un peu excessif de demander un rapport au Gouvernement, alors que c'est le rôle des rapporteurs spéciaux.
Vous demandez la remise par le Gouvernement d'un rapport d'information au Parlement pour évaluer l'adéquation des moyens alloués à la recherche dans le secteur de la transition écologique aux engagements nationaux et internationaux de la France pour la lutte contre le changement climatique. C'est une question pertinente et importante, mais je ne crois pas que cet amendement soit le meilleur moyen d'obtenir la nécessaire information périodique, régulière et actualisée.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit l'élaboration d'une stratégie nationale de la recherche énergétique. Celle-ci a été publiée en décembre 2016 – il y a donc moins d'un an. Cette stratégie précise le volet énergie de la stratégie nationale de la recherche, et l'élaboration de celle-ci s'est appuyée sur un comité de suivi réunissant les parties prenantes, sur le modèle de ce que propose le dispositif de votre amendement.
Depuis sa publication en décembre 2016, la SNRE a fait l'objet d'une première évaluation par l'OPECST – Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques – dans le rapport n° 4575 de l'Assemblée nationale du 6 mars 2017. Il a donc à peine plus de six mois.
Conformément à la loi, cette stratégie sera de nouveau évaluée d'ici dix-huit à vingt-quatre mois. En conséquence, la production d'un rapport évaluant l'adéquation entre les moyens investis sur la recherche dédiée à la lutte contre le changement climatique dans le domaine de l'énergie ne semble pas nécessaire au regard des travaux déjà conduits en liaison avec l'OPECST. Votre demande est donc satisfaite, madame la députée.
C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. Dans le cas contraire, le Gouvernement émettra sur celui-ci un avis défavorable.
Madame la ministre, vous apportez toujours des éléments précis d'information qui éclairent. Cela dit, je ne suis pas du tout éclairée sur le fait que notre collègue Gérard Menuel, dans le rapport que j'ai évoqué, évoque « un budget de rattrapage plus que de progrès ».
L'amendement no 276 n'est pas adopté.
Nous avons terminé l'examen de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à l'aide publique au développement et des crédits du compte d'affectation spéciale « Prêts à des États étrangers » (no 273, annexe 6 ; no 275, tome III)
La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la mission « Aide publique au développement » – APD – , que je vous présente aujourd'hui, est un instrument majeur de la politique étrangère définie par le Président de la République, sur lequel nous entendons mettre en oeuvre ses engagements : elle nous donne une capacité d'action concrète, sur le terrain, au service de nos objectifs non seulement de gestion globale des crises, mais aussi de protection des biens communs comme le climat, l'éducation ou la santé.
La France figure toujours en 2017 parmi les acteurs majeurs du développement sur la scène internationale. Cependant, notre rang est remis en question, en raison d'une baisse continue de nos moyens depuis 2010. Il faut donc inverser la tendance. C'est le sens de la décision du Président de la République, conforme à son engagement de campagne, de porter l'ensemble de l'aide publique au développement de 0,38 % à 0,55 % de la richesse nationale d'ici 2022. Cette évolution représente une progression de 8,5 milliards d'euros en 2016 à presque 15 milliards d'euros à la fin du quinquennat.
Avec près de 2,7 milliards d'euros, le budget de cette mission représente 38 % du total de l'aide publique au développement française. Sur ce montant, 961 millions d'euros sont gérés par le ministère de l'économie et des finances. La part qui relève de mon ministère s'élève quant à elle à 1,7 milliard d'euros de crédits de paiement : elle progresse de 119 millions d'euros par rapport à 2017.
Notre APD, qui répond à une vision stratégique, marque des priorités clairement définies. La première, qui est d'ordre géographique, se traduit par l'intervention, en particulier, dans les dix-sept pays pauvres auxquels la France entend donner une priorité. Notre aide répond à des priorités thématiques, dont la première est l'aide humanitaire, qui était depuis plusieurs années le parent pauvre de notre aide publique au développement.
Il importe de l'augmenter progressivement, avec 20 % de plus dès ce budget. L'autre priorité thématique est le réchauffement climatique. Il faut également remédier à la fragilité en Afrique, avec notamment le lancement de l'Alliance pour le Sahel, pour laquelle nous dégageons un financement annuel de 35 millions d'euros. Enfin, notre action est importante dans les domaines de l'éducation, de la santé et des questions de genre.
Après les priorités, que j'ai évoquées rapidement, j'en viens aux cadres d'action : le cadre bilatéral, d'abord, pour 573 millions d'euros en crédits de paiement, avec une hausse de 80 millions d'euros d'autorisations d'engagement en 2018. Ce volume devra augmenter de façon significative les années suivantes, pour respecter les objectifs fixés par le Président de la République, que j'ai déjà évoqués. Il nous faudra augmenter et renforcer encore le cadre bilatéral.
Nous agissons ensuite dans le cadre multilatéral, avec nos contributions volontaires aux organisations internationales : elles s'élèvent globalement à près de 100 millions d'euros. C'est aussi dans un cadre multilatéral que sont mobilisés les deux tiers des crédits du ministère de l'économie et des finances : je pense en particulier au financement des instruments de la Banque mondiale pour l'aide aux pays les plus pauvres, ou à des fonds sectoriels, dont le Fonds vert.
Le troisième cadre d'intervention est le cadre communautaire, avec une contribution au Fonds européen de développement d'un montant significatif de 850 millions d'euros, soit une hausse de plus de 100 millions d'euros cette année par rapport à l'année dernière. Nous sommes partie prenante de la gestion de ce fonds : c'est donc un instrument puissant pour entraîner nos partenaires à soutenir nos propres priorités sectorielles et géographiques – je pense en particulier à l'Afrique.
Pour mener à bien les objectifs que j'ai rappelés rapidement, notre APD repose également sur des financements innovants sous la forme de crédits extrabudgétaires. Il s'agit de la taxe sur les billets d'avions et de la taxe sur les transactions financières, lesquelles alimentent le Fonds de solidarité pour le développement, doté de 1 milliard d'euros, dont 687 millions gérés par mon ministère.
J'ajoute que la montée en puissance de notre aide va de pair avec son amélioration qualitative, demandée par plusieurs d'entre vous. J'ai indiqué dès ma prise de fonction que cela signifierait l'augmentation de la part des dons par rapport aux prêts et des instruments bilatéraux par rapport à l'aide multilatérale. Je tiens à vous le redire aujourd'hui.
Mesdames et messieurs les députés, vous le constatez, nous n'en sommes encore qu'à l'amorçage de la montée en puissance voulue par le Président de la République. Je conduis en ce moment les discussions destinées à construire une trajectoire budgétaire crédible, que je présenterai au Président de la République dans les prochaines semaines afin de répondre aux objectifs qu'il a définis au début de son quinquennat.
La parole est à M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, l'aide publique au développement de la France est une machinerie complexe dont les critères et les limites sont définis au niveau international par l'OCDE, ce qui permet des comparaisons.
Chaque année, la France déclare donc à l'OCDE les dépenses effectuées à ce titre et qui remplissent ces critères. En 2016, la France a ainsi déclaré 8,6 milliards d'euros, la moitié relevant du rapport dont nous traitons aujourd'hui. Parmi ces 8,6 milliards d'euros, on retrouve la mission « Aide publique au développement », qui comporte deux programmes – deux ministres, dont un est leader, s'occupent en effet de cette mission : le programme 110, placé sous la responsabilité du ministre de l'économie, et le programme 209, qui relève directement de votre ministère et qui est plus important que le programme 110, puisqu'il représente 1,738 milliard d'euros d'autorisations d'engagement en 2018.
Ces deux programmes font de l'aide multilatérale et de l'aide bilatérale. Le bras séculier de cette politique est l'Agence française de développement – AFD – , principal opérateur qui met en oeuvre 80 % de l'aide bilatérale de la France, sous la forme de bonifications de prêts pour le programme 110 et sous la forme de dons – c'est l'activité essentielle du programme 209.
Les prêts représentent 80 % de l'activité de l'AFD : c'est une banque, mais une banque qui fait des dons. Telle est la singularité de l'aide internationale au développement. Les outils qui sont mobilisés par la plupart des pays comme au niveau international – c'est également le cas de la Banque mondiale – sont des outils bancaires.
Le rapport porte aussi sur le compte spécial « Prêts à des États étrangers ». Nous examinons donc aujourd'hui quasiment la moitié de l'aide publique au développement, sachant que même s'ils ne relèvent pas directement de notre discussion d'aujourd'hui, d'autres outils existent, en particulier les taxes affectées – la taxe sur les billets d'avion et la taxe sur les transactions financières.
L'APD française a, durant le quinquennat précédent, baissé dans des proportions considérables, passant de 3,3 milliards d'euros à 2,6 milliards. En pourcentage – rappelons-nous les 0,7 % naguère promis – , l'APD est passée de 0,42 % à 0,38 %, alors que le Royaume-Uni, l'Allemagne ou la Turquie – la comparaison est encore plus cruelle – ont, elles, atteint ou dépassé les 0,7 %.
Le Président de la République, qui a décidé d'inverser cette courbe, a fixé comme objectif au terme du quinquennat 0,55 %. Il a également donné la priorité aux dons et aux pays les plus en difficulté. Ces deux objectifs sont associés : pour aider les pays en difficulté, il faut faire porter notre effort d'abord sur les dons.
Si je souscris entièrement à ces priorités, je tiens à insister sur cinq points. Sans vouloir faire aucun procès d'intention, je tiens à relever – c'est mon premier point – , que, comme l'a observé Mansour Kamardine en commission, l'augmentation des crédits pour 2018 est inférieure en termes de masse au montant des crédits annulés en 2017.
Deuxième point : l'objectif de 0,55 % est loin d'être atteint, puisqu'il suppose une montée en puissance de quelque 5 milliards durant ce quinquennat. Or l'augmentation qui nous est annoncée aujourd'hui s'élève seulement à 94 millions d'euros en crédits de paiement et de 178 millions en autorisations d'engagement. La faiblesse de votre budget, monsieur le ministre, tient à la faiblesse des autorisations d'engagement. Si je ne conteste pas le montant des crédits de paiement – nous ne consommerons pas davantage – , il aurait fallu en revanche des autorisations d'engagement plus importantes, parce que la mise en oeuvre de projets, surtout dans le cadre bilatéral avec des pays pauvres, demande du temps, parfois quatre ou cinq ans, pour trouver des interlocuteurs, des maîtres d'ouvrage ou des co-financeurs.
Troisième point : notre aide doit profiter autant que possible à nos entreprises. C'est d'autant plus difficile que la plupart de ces aides sont aujourd'hui déliées. Quatrième point : il faut penser aux migrations. Tel a été le sens du propos que le Président de la République a tenu récemment devant les Français au journal télévisé de vingt heures. Nous ne devons pas être naïfs : lorsque nous aidons un pays, nous sommes en droit de nous montrer exigeants sur sa politique migratoire. Des exemples positifs existent : le Niger a su faire des efforts. Il est donc normal que le Niger soit retenu au titre des soutiens que nous accordons.
Je terminerai par mon cinquième point : la faiblesse de l'aide alimentaire, qui ne représente qu'1,3 % de l'aide alors que l'Europe regorge de protéines alimentaires non utilisées et qui pourraient l'être.
J'adhère à ces objectifs qui vont dans le bon sens. Nous aurions pu avoir des autorisations d'engagement plus importantes. Le vrai juge de paix sera le budget 2019 : nous verrons alors si, oui ou non, nous sommes capables d'atteindre l'augmentation de 5 milliards en cinq ans.
La parole est à M. Hubert Julien-Laferriere, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, lorsque vous vous rendez dans un pays en développement, vous remarquez tous la place singulière qu'occupe la France dans le monde : c'est la patrie des droits de l'homme, la nation qui a dit non à l'Amérique de Bush, celle qui, depuis la conférence de Bandung, a été le moteur de la solidarité internationale. La France est associée au discours du Président Mitterrand à Cancún et au discours du Président Macron à la tribune des Nations unies il y a quelques semaines.
Et pourtant, depuis plusieurs années, les budgets ne sont plus à la hauteur de cette ambition. La France ne consacre pas à l'aide publique au développement une part suffisante de sa richesse nationale – moins de 0,4 % – alors que, comme l'a rappelé Marc Le Fur, sept pays européens respectent aujourd'hui l'engagement pris en 1970 par les pays développés de consacrer 0,7 % de leur richesse nationale à l'aide publique au développement. De 2010 à l'année dernière, notre APD a subi une baisse qui lui a fait perdre près de 45 % de ses crédits budgétaires.
Il faut donc saluer l'ambition retrouvée et affirmée par le Président de la République devant les Nations unies. Comme l'a rappelé M. le ministre, la trajectoire fixée jusqu'en 2022 prévoit une augmentation de 6 milliards d'euros de notre aide publique au développement. Il faut également saluer la montée en puissance de notre banque de développement, l'Agence française de développement.
Cette ambition retrouvée se traduit, dès 2018, par une augmentation des crédits budgétaires, tant en crédits de paiement qu'en autorisations d'engagement. Cela a déjà été rappelé. Mais vous savez, monsieur le ministre, que certains trouveront cette augmentation trop modeste au regard de la trajectoire ; c'est pourquoi la représentation nationale et les acteurs français du développement attendent du Gouvernement qu'il précise cette trajectoire qui nous mènera, je n'en doute pas, à un effort représentant 0,55 % du PIB en 2022.
En matière d'aide publique au développement, il va donc falloir faire plus. Cette ambition est affirmée. Mais il faudra aussi faire mieux, et donc faire des choix stratégiques afin de rendre notre aide plus efficace. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, les principales orientations que vous entendez suivre en la matière.
Être efficace, c'est d'abord privilégier l'aide bilatérale, qui a malheureusement souvent été la variable d'ajustement de nos arbitrages budgétaires. Bien sûr, l'aide bilatérale ne consiste plus à aller planter un drapeau français sur un hôpital ou sur un site de forage plutôt que de participer à une politique publique multilatérale. Je crois au contraire que notre aide bilatérale peut, et même doit servir le multilatéralisme et les engagements de la communauté internationale dont la France est d'ailleurs souvent le moteur. Je pense bien sûr à l'accord de Paris, dont les signataires se sont engagés à consacrer 100 milliards d'euros par an – 5 milliards d'euros pour la France – à l'accompagnement des pays en développement dans leurs stratégies d'adaptation et d'atténuation. Je pense aussi aux objectifs du développement durable, cette feuille de route adoptée par la communauté internationale en 2015 pour le développement et la réduction des inégalités.
Être efficace, c'est aussi associer davantage les acteurs locaux, collectivités françaises comme collectivités des pays en développement, dans le cadre d'une aide plus territorialisée. La France est déjà en avance dans ce mouvement, tant par sa tradition de coopération décentralisée que parce qu'elle travaille souvent avec les acteurs locaux des pays partenaires, qui montent en compétence grâce à l'accentuation du mouvement de décentralisation dans les pays en développement. Je veux saluer l'engagement de l'AFD dans ce domaine.
Être efficace, c'est aussi retrouver notre tradition de l'expertise, qui a quasiment disparu. Elle n'est pourtant plus l'aide de substitution qu'elle a été ; bien au contraire, elle contribue au renforcement des capacités dans les pays partenaires. Notre opérateur, Expertise France, devra donc monter en puissance, en particulier en terminant le regroupement des expertises encore réparties dans certains ministères.
Être efficace, c'est bien sûr flécher nos crédits en direction de nos priorités géographiques et sectorielles. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, nos priorités sectorielles – l'éducation, la santé, l'émancipation des femmes, la gouvernance et le climat – et la priorité que nous accordons aux pays les plus pauvres. Aujourd'hui, les pays les moins avancés mobilisent 22 % de notre aide, ce qui est insuffisant. Dans le cadre de la trajectoire, cette part va donc augmenter, en particulier au Sahel où se mêlent les enjeux de lutte contre la pauvreté, de migrations, de paix et de sécurité.
Être efficace, c'est aussi rééquilibrer la part des dons par rapport aux prêts. C'est le corollaire de ce que nous avons dit à l'instant : si les prêts sont adaptés aux projets d'infrastructures dans les pays émergents, ce sont les dons qu'il faut mobiliser dans les pays pauvres, en particulier pour les priorités sectorielles que nous avons définies.
Être efficace, c'est enfin améliorer le pilotage de notre aide. Les personnes que nous avons auditionnées ont unanimement regretté une architecture trop complexe et trop éparpillée. Il faut donc rendre notre aide plus lisible et faciliter les arbitrages budgétaires nécessaires.
Avec 0,4 % du PIB des pays développés transférés vers les pays en développement, l'aide publique au développement est aujourd'hui l'unique instrument de redistribution planétaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Nous en venons aux interventions des porte-parole des groupes.
Sept orateurs doivent s'exprimer : je les invite à respecter leur temps de parole, qui ne peut excéder cinq minutes.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme nous avons déjà pu le dire, le budget de l'aide publique au développement pose de véritables problèmes de cohérence politique entre la parole présidentielle et son application gouvernementale. Dès le début de son mandat, M. Macron a émis le souhait que la France prenne enfin au sérieux l'aide publique au développement, en s'attelant à rattraper le retard pris dans ce domaine et en poursuivant l'objectif, a priori réalisable, d'y consacrer 0,55 % de son revenu national brut d'ici à la fin du quinquennat. Cependant, nous ne cessons de le répéter de manière unanime, ces efforts auraient dû être visibles dès 2018 ; à défaut, il nous paraît impensable que cet objectif soit atteint.
Si l'on tient compte de la proposition de budget triennal très modeste qui court jusqu'en 2020, les efforts pour obtenir ce résultat seront concentrés sur 2021 et 2022, où 1,5 milliard puis 2,4 milliards d'euros devront être engagés, ce qui est bien trop lourd pour être crédible, car cela reviendrait à doubler le budget de l'aide publique au développement en seulement deux exercices budgétaires. Nous n'y croyons pas.
Eh oui !
A contrario, si l'effort avait été réalisé dès cette année, il aurait été possible de monter en puissance sur quatre années pour atteindre cet objectif. Nous demandons donc au Gouvernement qu'il établisse en urgence une feuille de route afin que nous puissions connaître ses objectifs. Il serait idéal que l'augmentation des crédits soit régulière et lisible au lieu de se faire au coup par coup, budget après budget, année après année.
La deuxième raison pour laquelle il nous semble impossible de voter ce budget est le rejet de nos amendements visant à élargir l'assiette et augmenter le taux de la taxe sur les transactions financières – TTF – , qui est l'un des leviers fiscaux les plus puissants pour alimenter l'aide publique au développement. En taxant les transactions intrajournalières, nous aurions élargi très largement l'assiette de la TTF et ainsi généré environ 3 milliards d'euros de recettes supplémentaires. En portant le taux de la TTF à 0,5 %, comme c'est déjà le cas à Londres, les recettes auraient augmenté d'au moins 1 milliard d'euros supplémentaires. En élargissant l'application de la taxe aux entreprises dont la capitalisation boursière dépasse 500 millions d'euros, au lieu de 1 milliard d'euros actuellement, nous aurions pu, là encore, générer des recettes considérables.
Ainsi, même sans porter à 100 % le taux d'affectation de la TTF à l'aide publique au développement, il aurait été envisageable d'abonder largement ce budget. Je déplore que votre politique de dumping fiscal visant à attirer les entreprises de la City après le Brexit soit menée au détriment de l'aide publique au développement.
La troisième raison est peut-être la plus scandaleuse. Dans le cadre des coupes budgétaires opérées au mois de juillet, vous avez purement et simplement annulé 130 millions d'euros alloués à la mission « Aide publique au développement ». L'augmentation d'à peine 100 millions d'euros inscrite dans le projet de budget pour 2018 masque donc bel et bien une diminution de crédits pour l'année prochaine. Pour nous, il est impensable de valider cette tromperie comptable qui vous a permis, comme dans le budget de l'action extérieure de l'État, de valoriser dans le projet de loi de finances des augmentations qui sont en fait des diminutions.
Enfin, il faut évoquer la structure de notre APD. Nous dénonçons l'absence de gouvernance politique qui détruit toute velléité, pour la France, d'avoir une vision claire de sa politique d'aide au développement. Les revendications des acteurs de ce secteur ne trouvent donc pas d'écho politique. Cette situation pose problème, d'autant qu'il y a des choses à régler – je pense au sous-financement chronique des ONG françaises et à la fusion prochaine entre l'AFD et Expertise France. Sans pilotage et sans réflexion sur la rationalisation de ce milieu et des aides au plus haut niveau, les questions restent toujours sans réponse. Nous redemandons ici qu'un secrétariat d'État ou un ministère de plein exercice soit créé afin de mettre un terme à cette situation.
J'insiste sur l'image désolante que donne la France sur la scène mondiale à cause de sa politique d'aide publique au développement, et même à cause de sa politique globale, monsieur le ministre – je connais l'image de la France dans le monde sur d'autres sujets…
La France jouit d'une bonne image, y compris sur la question de l'aide publique au développement !
Il ne faut pas oublier que ces lignes budgétaires permettent à des missions internationales d'oeuvrer à résorber la faim, de faciliter la coopération internationale, d'apporter une aide humanitaire d'urgence et, au bout du compte, de travailler à la paix. Chacun le sait et vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre : aujourd'hui, les problèmes de migrations, de guerres ou de conflits sont souvent liés à la misère ou à la richesse. L'aide publique au développement peut y apporter des réponses.
N'oublions pas que la mission « Aide publique au développement » est centrale pour la diplomatie française. Dans ce budget, il n'y a pas de dépenses : il n'y a que des investissements.
Vous l'aurez compris : il est donc impossible pour le groupe GDR de valider un budget aussi faible au regard d'enjeux aussi fondamentaux.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Je vous remercie, monsieur Lecoq, d'avoir respecté votre temps de parole.
La parole est à M. Frédéric Descrozaille, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le groupe La République en marche votera naturellement ces crédits. Cependant, je souhaite remettre certaines choses en perspective, au-delà de ce qui a déjà été dit à cette tribune.
Le pourcentage du revenu national brut consacré par la France à l'aide publique au développement a considérablement baissé dans les années 2010. On pourrait penser que cette baisse est liée, notamment, à la crise de 2008 et 2009. En réalité, l'effort d'aide publique au développement s'est effondré dans les années 1990.
Je rappelle que le taux de 0,7 % du revenu national brut consacré à l'aide publique au développement est un objectif voté par l'assemblée générale de l'ONU en 1970. À l'origine, l'objectif visé était de 1 % du revenu national brut, aides publique et privée confondues, mais environ une décennie plus tard, on a estimé qu'un objectif de 0,7 % était raisonnable pour l'aide publique. Or l'aide publique française n'a jamais dépassé 0,6 %. Dans la seconde moitié des années 1990, elle a même été ramenée de 0,6 % à 0,3 %.
Dans un contexte marqué par une situation budgétaire très tendue – nous le savons bien car nous avons passé de nombreuses heures dans cet hémicycle à discuter du budget pour 2018 – , l'aide publique au développement fait partie des politiques publiques les mieux dotées, qui constituent des priorités. Certes, on peut déplorer que l'effort est insuffisant, mais il est contre-productif de ne pas voter ces crédits au motif qu'ils seraient insuffisants.
L'engagement est réel et sincère : le ministre lui-même a rencontré tous les acteurs concernés par l'aide publique au développement, y compris Coordination SUD récemment – c'était une première ! Le sujet a été annoncé comme une priorité de la présidence française du Conseil de sécurité de l'ONU. Je le répète : l'engagement du Président de la République est sincère et il sera soutenu.
De nombreuses améliorations sont apportées à cette politique publique. Nous approuvons totalement l'idée de placer sous une tutelle unique l'ensemble de l'action extérieure française, afin de lui donner plus de cohérence. Il reste des choses à faire mais, dans le contexte actuel, le fait de revaloriser cette aide de plus de 100 millions d'euros en se concentrant sur les autorisations d'engagement l'année prochaine mais en accordant aussi 30 millions d'euros de crédits de paiement à l'aide humanitaire et 35 millions d'euros à l'aide alimentaire, comme l'ont dit les rapporteurs, est une preuve que l'engagement du Président de la République, qui est aussi notre engagement, est sincère et que la promesse sera tenue, même si c'est une gageure. Je vous invite donc à voter les crédits de la mission « Aide publique au développement ».
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons les crédits de la mission « Aide publique au développement » dans un contexte triplement particulier. Tout d'abord, un nouveau pouvoir exécutif et une nouvelle majorité parlementaire ont fixé et confirmé leurs orientations et leurs objectifs en matière d'aide publique au développement. Par ailleurs, la communauté internationale se mobilise pour la stabilisation du Sahel, le reflux du terrorisme et le développement de l'ensemble des pays concernés. Enfin, la mondialisation des filières d'immigration clandestine affecte le territoire national, sa sécurité, sa stabilité et, plus largement, son développement lorsqu'il s'agit des territoires et départements d'outre-mer.
Je pense en particulier aux départements français d'Amérique et de l'Océan indien.
Je ne reviendrai pas sur les échanges que nous avons eus en commission élargie sur la mission « Aide publique au développement ». Je me bornerai à une très brève synthèse : après cinq années d'un important reflux de notre APD, qui nous éloignait, d'année en année, de nos engagements internationaux et de nos obligations morales de solidarité à l'égard des peuples amis, il est enfin mis un terme à la dégringolade, sans pour autant ni relancer notre APD, ni inscrire le budget dans la trajectoire voulue par le Président de la République.
Le décrochage de la France par rapport à nos principaux partenaires, en particulier européens, l'impossibilité matérielle d'atteindre nos objectifs affichés et nos manquements à notre devoir de solidarité à l'égard de peuples amis, souvent francophones, sont-ils tout juste stabilisés ? La progression modérée des crédits budgétaires masque, en fait, une quasi-stabilité en euros constants, en particulier en ce qui concerne l'aide bilatérale. La seule priorité réelle de la mission, qui est traduite budgétairement, est l'augmentation de l'aide multilatérale pour environ 100 millions d'euros à travers nos transferts communautaires.
Avec une progression de 100 millions d'euros des crédits de paiement et de 480 millions d'euros des autorisations d'engagement, alors qu'il faudrait une progression de 1,2 milliard supplémentaires au minimum tous les ans, il est matériellement impossible de pouvoir atteindre une APD représentant 0,55 % de notre revenu national brut – RNB.
C'est pourquoi j'appelle mes collègues membres de la majorité à prendre conscience que l'objectif fixé et réaffirmé par le président Macron en matière d'aide publique au développement est tué dans l'oeuf, dès le premier exercice budgétaire. S'il faut aider le Gouvernement à respecter les engagements que le Président de la République a pris face à la communauté nationale ou internationale – c'est aussi pour cela que vous êtes là, chers collègues – , une importante progression de l'APD est une nécessité de sécurité nationale.
Comment pouvons-nous envisager d'aider les pays du Sahel, souvent des États fragiles ou en reconstruction, à faire face au terrorisme et à fixer sur leur sol leurs populations, si nous ne renforçons pas le pied atrophié du développement dans le triptyque « diplomatie défense développement ».
Ce n'est certainement pas avec les 200 millions d'euros par an consacrés au Sahel, dont seulement 80 millions pour l'appui aux programmes, que l'excellente Agence française de développement pourra faire face aux enjeux. Ce n'est certainement pas avec ces montants que nous pourrons baisser les dépenses militaires extérieures, en l'occurrence les 700 millions d'euros consacrés par an à l'opération Barkhane. Ne pas engager 100 millions d'euros supplémentaires par an dans le développement, c'est l'assurance de devoir dépenser des centaines de millions d'euros par an en opérations militaires extérieures. C'est un mauvais choix pour la maîtrise de nos finances publiques.
Il en va de même en ce qui concerne l'APD à Haïti, Madagascar et les Comores, trois pays de la zone de solidarité prioritaire. À Mayotte, par exemple, la faiblesse de notre APD aux Comores, qui tourne autour de 10 millions d'euros par an, ne permet pas l'espoir de voir ce pays se développer, alors que le coût de l'immigration clandestine comorienne y représente, pour les seuls secteurs de l'éducation et de la santé, une dépense budgétaire annuelle de plus de 300 millions d'euros.
Pour conclure, le groupe Les Républicains souhaite vous accompagner, monsieur le ministre, et surtout vous demander, mesdames, messieurs les députés de la majorité, que d'ici la fin du processus budgétaire qui s'achève en décembre, la progression des crédits soit au moins doublée. Cela correspondrait à une augmentation supplémentaire de 100 millions d'euros en crédits de paiement et 200 millions en autorisations d'engagement. Voilà les conditions qui nous permettraient de vous accompagner dans l'aide publique au développement.
La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la France veut que sa voix, à vocation universelle, soit entendue au-delà de ses frontières, elle doit tenir les engagements qu'elle prend, plus encore ceux qui portent les valeurs de justice et de solidarité qui sont au coeur de son discours. Or, au risque de perdre une part de sa crédibilité internationale, elle ne parvient pas à tenir l'un de ses engagements les plus significatifs.
Il est impensable que la France, engagée depuis 1970 sur l'objectif de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à l'aide publique au développement, en soit aujourd'hui, plus de quarante-cinq ans après, à approcher péniblement les 0,4 %.
Il est donc très heureux que le Gouvernement, conformément aux orientations du Président de la République, ait réengagé concrètement, c'est-à-dire budgétairement, la France sur la voie du respect de cet engagement crucial. L'engagement intermédiaire de 0,55 % du RNB en 2022 nous paraît réaliste et l'augmentation de 6,9 % de la mission « Aide publique au développement » dans le projet de budget pour 2018, est un premier pas dans la bonne trajectoire.
Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés salue cette évolution, mais restera vigilant quant au respect effectif de cet engagement. Le budget est contraint, on le sait, et l'aide publique au développement fait souvent office de variable d'ajustement.
La France mobilise différents types de financements au profit de l'aide au développement. Notre groupe appelle d'ailleurs à développer un autre mode de financement, qui pourrait aller au-delà des taxes actuelles, dont les recettes sont par nature aléatoires.
Plus globalement, nous invitons à penser en termes d'aide au développement, et pas seulement d'aide publique au développement. Il est en effet impératif d'améliorer l'articulation entre l'État, les collectivités territoriales, dont je veux souligner le rôle important en matière de coopération, les organisations non gouvernementales – ONG – et les partenaires privés.
Il y va de la puissance financière de notre aide globale et de son efficacité. Parce qu'au-delà des chiffres, se pose aussi la question de l'efficacité de notre aide publique au développement. En la matière, nous pouvons mettre en évidence plusieurs pistes d'amélioration, que le Gouvernement semble en partie prendre en compte dans ce projet de budget, mais de manière insuffisante selon nous.
Une première piste consiste à rééquilibrer le rapport entre prêts et dons. Certains de mes collègues l'ont rappelé : en France, et contrairement aux autres pays de l'OCDE, la part des prêts a fortement augmenté ces dix dernières années, notamment pour des raisons budgétaires.
Nous suggérons donc de ne pas négliger les dons, qu'il faut d'ailleurs concevoir comme des opérations d'investissement dans des projets structurants, au profit mutuel du pays bénéficiaire et, à plus long terme, de la France. Il nous semble également important de rééquilibrer le rapport entre aide multilatérale et aide bilatérale.
Je rappelle ici que l'aide bilatérale est un levier politique, qui garantit notre autonomie d'action. Il faut aussi un pilotage politique fort de l'aide publique au développement. Or, si nous entendons le partage de compétences qu'elle suppose, nous constatons que la division de la mission budgétaire « Aide publique au développement » en deux programmes, pilotés par deux ministères différents, n'aide pas à la lisibilité de la gouvernance de cette aide.
L'absence d'un ministre ou d'un secrétaire d'État spécifiquement dédié à l'aide au développement et même la suppression, dans l'intitulé des ministères, de la mention « développement international » ou « coopération » sont également, de notre point de vue, un signal négatif envoyé à tous.
Enfin, il faut définir des priorités stratégiques, thématiques et géographiques. Il est surprenant, par exemple, si l'on en croit les chiffres de l'OCDE pour l'année 2015, que les pays d'Afrique francophone, qui sont parmi les plus en difficulté et les plus proches de nous du fait de la géographie et de l'histoire, ne figurent pas parmi les principaux bénéficiaires de l'aide française, exception faite du Maroc et du Mali. Nous appelons donc à définir des priorités claires pour orienter notre aide globale vers ceux qui en ont le plus besoin.
Pour cela, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés propose que le Parlement soit mieux associé à l'orientation de notre aide publique au développement, non seulement en jouant son rôle de contrôle de l'action du Gouvernement dans ce domaine, mais aussi en participant activement à la définition de ses priorités stratégiques. Chaque année, notre assemblée pourrait ainsi accueillir un débat sur les priorités stratégiques de la France en matière d'aide au développement.
Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés souhaite accompagner l'action du Gouvernement en faveur d'une remontée en puissance de l'aide publique au développement, et votera donc les crédits de cette mission.
Nous restons toutefois vigilants et vous invitons, monsieur le ministre, à tenir compte de ces quelques propositions et pistes d'amélioration, pour qu'aux yeux du monde, le nom de la France rime toujours avec les mots de justice et de solidarité.
Parce qu'il existe une communauté de destin entre tous les hommes, il y va de notre devoir et de notre fidélité à notre histoire que la France, patrie mère des droits de l'homme, prenne toute sa place dans ce destin commun, en étant innovante dans son soutien, intransigeante dans ses valeurs et bienveillante dans ses actions.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, pour parler clairement, la politique européenne et nationale de la France dans le domaine des migrations et de l'aide au développement affiche deux directions : d'une part, une politique de limitation des migrants aux frontières de l'Union, avec la volonté de retenir dans les pays d'origine toutes celles et ceux qui veulent partir, une politique efficace, notamment en Afrique du Nord, avec pour conséquence une diminution du nombre de passages clandestins qui transitent par la Méditerranée ; d'autre part, un objectif d'augmentation des moyens pour la transition énergétique, l'adaptation climatique et l'aide au développement – c'est beau, c'est noble, c'est logique, mais ce n'est pour le moment que du baratin.
Nous sommes visiblement efficaces dans notre capacité à fermer nos frontières mais, lorsque nous faisons nos comptes, nous ne sommes pas davantage généreux en aidant les habitants des pays pauvres que nous cantonnons sur place.
La conséquence de tout cela est terrible : parce que nous n'avons pas assumé notre responsabilité dans l'histoire du réchauffement climatique, parce que nous n'intervenons pas militairement là où nous n'avons pas d'intérêts directs, parce que, trop obnubilés par l'accueil de traders sur notre territoire, nous décidons de reporter la recherche de financements innovants comme celui de la taxe sur les transactions financières, ou parce que nous considérons que ces dépenses ne sont pas prioritaires dans notre pays par rapport à d'autres, nous reportons d'année en année les hausses du budget de l'aide au développement, et lorsque ce dernier augmente timidement, les loups de Bercy le croquent avec avidité.
Alors, on condamne à la misère et à la mort de plus en plus d'individus refoulés chez eux ou en fuite dans d'autres pays voisins. Sans parler du scandale du montant vertigineux de l'argent détourné dans des paradis fiscaux.
Pour préparer cette intervention, je me suis machinalement procuré une demande de secours, rédigée par les amis d'une famille réfugiée dans ma ville. Ce courrier appelle mon attention sur le sort d'une jeune femme d'origine érythréenne, Denaït, qui n'a pas eu la chance de ses proches, accueillis par voie officielle car ils avaient été expulsés d'Arabie saoudite, après le décès d'un des leurs. Denaït s'est réfugiée au Soudan il y a plus d'un an, fuyant la misère. Dans ce pays, vous le savez, monsieur le ministre, on n'a qu'un seul objectif : passer par la Libye et traverser la Méditerranée. Comme les frontières avec la Libye sont à présent fermées, le Soudan renvoie toutes celles et ceux présents sur son territoire, en leur disant qu'il n'a pas les moyens de les accueillir. Peut-être Denaït devra-t-elle repartir en Érythrée, l'un des pays les plus dangereux au monde. Peut-être devra-t-elle fuir ailleurs.
J'ai aussi songé, cher Marc Le Fur, à la mission humanitaire que nous venons d'achever au Niger, pays dans lequel nous devons soutenir l'aide au développement. En tant que président d'une organisation de coopération décentralisée, sans doute la plus importante à s'engager dans l'aide au développement au Niger, je demande depuis des années l'aide de l'AFD, qui m'est toujours refusée car cette institution est confrontée à des moyens financiers limités. Ainsi, parce que nous n'augmentons pas notre budget d'aide au développement, nous condamnons les personnes dans ces pays à de grandes difficultés.
Le projet de loi de finances pour 2018 présenté par le Gouvernement prévoit pour la mission « Aide publique au développement » 2,7 milliards d'euros, soit 100 millions d'euros d'augmentation, après la coupe budgétaire de 130 millions d'euros de l'an dernier. Il faut avoir la lucidité de constater que l'on a du mal à retrouver l'augmentation.
Le Président de la République a pris un bel engagement public, – je le garde en tête et ne l'oublierai pas de toute la législature – , celui d'augmenter la part d'aide au développement chaque année. Cette augmentation devrait normalement être de 1,2 milliard d'euros pour arriver aux objectifs affichés : pour 2018, rien n'est prévu, alors que 1,5 milliard est annoncé pour 2019.
Il y a quelques instants, monsieur le ministre, vous avez dit que vous présenteriez une feuille de route. Si ce document affiche une augmentation de 1,5 milliard pour l'année prochaine et autant pour les années suivantes, je vous promets que je m'excuserai publiquement d'avoir prononcé un discours trop dur envers vous.
Je formule enfin le voeu que nous soyons tous convaincus de la nécessité d'augmenter l'aide publique au développement. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas, ce qui est particulièrement grave pour nos engagements et pour l'image de la France, au nom de la liberté et des droits de l'homme.
Applaudissements sur les bancs du groupe LC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous débattons du budget de l'aide publique au développement au moment où se tient à Bonn la vingt-troisième conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies contre le changement climatique. Présidée par Fidji, un pays qui a particulièrement à craindre du changement climatique, cette conférence met les pays les plus vulnérables sur le devant de la scène. Face aux pertes de territoire liées au dérèglement du climat, la communauté internationale sera sommée d'agir. La France, garante de l'accord de Paris pour le climat, dont nous nous sommes tous réjouis, est sommée d'agir.
Sommée d'agir en s'engageant auprès des États les plus vulnérables, en s'engageant à soutenir leurs politiques d'atténuation du changement climatique en cours et surtout d'adaptation à ce changement.
Sommée d'agir afin de les accompagner dans la mise en oeuvre à l'horizon 2030 des objectifs de développement durable.
Sommée d'agir en respectant l'engagement du Président de la République d'augmenter, à l'horizon 2022, l'aide publique au développement afin que son budget représente 0,55 % du revenu national brut, dans le but d'atteindre 0,7 % en 2030 – un objectif qui, rappelons-le, a été fixé par les Nations unies il y a bien longtemps, en 1970. Près de cinquante ans plus tard, nous sommes loin du compte : la France ne consacre plus aujourd'hui à l'aide publique au développement que 0,37 % de son revenu national brut.
Les nombreuses crises auxquelles nous sommes confrontés, auxquelles les pays du Sud sont confrontés, s'aggravent. Les dérèglements climatiques et, plus largement, la dégradation de l'environnement touchent particulièrement les pays très vulnérables, constituant de véritables multiplicateurs de crises. La situation exige que nous soyons plus que jamais à leurs côtés.
Or l'aide publique au développement de notre pays n'est pas à la hauteur des enjeux, et ce depuis longtemps. Les montants alloués à la politique française de solidarité internationale sont très insuffisants. De surcroît, l'une des premières décisions prises par votre gouvernement, monsieur le ministre, fut l'annulation, l'été dernier, d'une part significative des crédits votés pour 2017 : 136,2 millions d'euros en crédits de paiement et 158 millions en autorisations d'engagement.
Certes, l'augmentation du_budget de la mission « Aide publique au développement » est réelle, mais elle ne permet ni de compenser l'annulation de crédits de juillet dernier, ni d'engager résolument la France sur une trajectoire crédible vers l'objectif de 0,55 % du revenu national brut à l'échéance 2022. Le montant total de l'aide française devrait atteindre plus de 9 milliards d'euros en 2017. C'est donc un effort considérable, pour ne pas dire démesuré, qui resterait à consentir pour atteindre la cible qui a été définie.
Certes, ce budget, comme le seront les suivants, est contraint. Toutes les politiques publiques, ou presque, participent à l'effort budgétaire. Mais n'aurait-il pas fallu, dès lors, entreprendre de déployer des mécanismes de financement innovants ? Pourquoi ne pas avoir accru la taxe sur les transactions financières et pourquoi ne pas prévoir dès maintenant une hausse de la fraction de ses recettes qui est affectée à l'aide au développement ?
Les amendements proposés par les députés du groupe Nouvelle Gauche tendaient ainsi à accroître le taux de la TTF et à étendre son assiette, puis à affecter à l'AFD une plus grande partie de son produit. Permettez-moi de saluer ici la manière dont Dominique Potier s'est engagé pour défendre ces amendements. Néanmoins, aucun d'entre eux n'a été voté ; en revanche, le groupe majoritaire a fait adopter un amendement transférant à l'AFD 270 millions d'euros du fonds de solidarité pour le développement, par lequel transite habituellement le produit de la TTF. Autrement dit, on a déshabillé Pierre pour habiller Paul.
Monsieur le ministre, quelle trajectoire et quels instruments le Gouvernement envisage-t-il d'adopter pour respecter l'engagement présidentiel d'allouer 0,55 % de notre revenu national brut à l'aide au développement d'ici à 2022 ?
Lutter contre la pauvreté dans le monde, atteindre les objectifs de développement durable, accompagner les pays les plus vulnérables afin qu'ils puissent s'inscrire dans une démarche favorable à une prospérité durable : ces objectifs s'appuient, vous en conviendrez, sur l'idée essentielle de partage d'une commune humanité.
Le développement des pays les plus pauvres est également un enjeu diplomatique, car il y va de la sécurité et de la maîtrise des flux migratoires. Les crises climatiques et environnementales, sociales et politiques engendrent des conflits qui poussent de nombreuses communautés à émigrer.
Monsieur le ministre, le groupe Nouvelle Gauche bataillera à vos côtés pour que le budget de l'aide publique au développement soit rapidement revu à la hausse afin que nos engagements soient respectés.
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour le groupe La France insoumise.
« La pauvreté n'est pas un accident. Comme l'esclavagisme et l'apartheid, elle est créée par l'homme et peut donc être évitée par ses actions. » En deux phrases, cette citation de Nelson Mandela donne la mesure de l'importance de l'aide publique au développement, instrument correcteur d'une mondialisation profondément injuste.
Or l'effort consenti en la matière par la France, qui est tout de même la sixième puissance économique mondiale, est une misère. Ce nouveau budget n'est même pas à la hauteur des engagements pris. Monsieur le ministre, vous nous parlez d'une hausse de 100 millions d'euros en 2018, mais vous ne prenez pas en compte les annulations de crédits de 136 millions d'euros opérées en juillet 2017. Malgré les effets d'annonce, c'est à une nouvelle baisse du budget dédié à l'aide au développement, déjà bien entamé pendant le quinquennat précédent, que nous assistons.
Aujourd'hui, pour atteindre l'objectif de consacrer 0,55 % du revenu national brut à l'aide publique au développement, comme Emmanuel Macron s'y est engagé, il faudrait augmenter le budget de l'APD de 1,2 milliard d'euros par an. On n'y est pas du tout ! Et encore cela ne permettrait-il pas de respecter l'engagement pris par notre pays, et inscrit dans la loi en 2014, d'allouer 0, 7 % du revenu national brut à l'aide publique au développement, ce que d'autres pays européens parviennent très bien à faire : je pense bien sûr au Royaume-Uni, au Danemark, mais aussi à un pays qui vous est cher et que vous prenez très souvent pour modèle, sauf en l'espèce – l'Allemagne.
La France n'est qu'au douzième rang des pays contributeurs membres du Comité d'aide au développement. L'aide publique au développement paie le prix fort des politiques d'austérité qui se suivent, malheureusement, et se ressemblent. Monsieur le ministre, vous allez, je le sais, me rétorquer « règle d'or » ; je vous répondrai « taxe sur les transactions financières » ou « lutte contre l'évasion fiscale ». Car des solutions existent pour mieux doter ce budget : on pourrait commencer par étendre l'assiette de la TTF ou par consacrer l'intégralité de ses bénéfices à l'aide au développement.
Si la France ne mène pas une politique volontariste, comment pourra-t-elle relever les défis écologiques et migratoires, aider à combattre la pauvreté et même l'extrême pauvreté ou, dans une autre mesure, les causes des guerres que nous traversons ? Je ne prendrai qu'un seul exemple : l'aide à destination des pays du Sahel est inférieure de 29 % au coût de la seule opération Barkhane. La France a pourtant tout intérêt à oeuvrer pour la paix et pour la stabilité par le biais de l'aide au développement, essentielle avant comme après les opérations militaires.
La France doit donc repenser profondément sa politique d'aide au développement, qui ne profite que marginalement aux pays les plus pauvres, alors que les pays développés ont pris des engagements en ce sens, renouvelés par le plan d'action d'Addis-Abeba, en 2015, et par l'Agenda 2030. La France n'honore pas ses engagements : en 2015, elle ne consacrait que 27 % de son aide aux pays les moins avancés. Cette aide a même diminué de 17 % entre 2011 et 2015.
La France doit aussi revoir les modalités de diffusion de son aide. Aujourd'hui, l'aide au développement française privilégie les prêts, au détriment des dons aux pays les plus en difficulté, ce qui défavorise ces pays. D'après les chiffres avancés dans le rapport de M. Le Fur, les dons ont en moyenne représenté 67 % de l'aide au développement française entre 2003 et 2015, soit 15 points de moins que pour l'ensemble des pays du Comité d'aide au développement. Parallèlement, entre 2007 et 2015, la part des prêts dans l'aide française est passée de 9 % à 32 %, alors qu'elle restait stable chez l'ensemble des pays donateurs du CAD.
Cette orientation ne permet tout simplement pas de soutenir les pays les plus vulnérables, lesquels ont besoin d'un soutien financier rapide, direct et flexible. Sans changement de cap politique, il nous sera impossible de lutter contre cette trappe à pauvreté mondiale, qui concerne plus de 800 millions de personnes. Il est urgent d'ériger la solidarité internationale et le développement durable en priorités de notre politique étrangère.
Vous comprendrez bien que, dans les conditions actuelles, les députés de la France insoumise ne puissent que voter contre ce projet de budget. Nous le regrettons infiniment, car la paix et la solidarité sont en jeu, et parce que la France devrait s'honorer de respecter ses engagements en faisant face à cette situation mondiale délétère.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Nous en arrivons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
La parole est à M. Jacques Maire, pour le groupe La République en marche.
À dix-sept heures quarante, M. Marc Le Fur remplace M. Sylvain Waserman au fauteuil de la présidence.
Concernant l'aide publique au développement, nous avons connu des années de régression, régulièrement entrecoupées d'années de stagnation. Cette année, cela change, et cela fait du bien.
Au-delà de cette bonne impression, monsieur le ministre, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre une année. Hors reprogrammation, certains l'ont dit, la prévision de hausse de 500 millions d'euros sur les trois prochaines années incite à s'interroger sur la fin du quinquennat. C'est un pari audacieux, y compris du point de vue comptable : l'aide publique au développement se calcule en dépenses, en crédits de paiement, de sorte que, si les autorisations d'engagement atteignent 5,5 milliards d'euros en fin de période, elles ne seront pas dépensées ; nous risquons alors de rater la marche de très peu.
Mais là n'est pas ma question principale ; la voici.
Pour atteindre l'objectif des 0,55 %, il faut avoir le soutien de l'opinion publique, au-delà des ONG ; et, pour cela, nous devons nous assurer que l'aide publique française au développement contribue clairement à relever les grands défis auxquels notre pays est confronté : le développement, la santé, mais aussi les migrations ou encore, comme le dit le Président, une éducation qui protège les jeunes de la radicalisation.
Si nous voulons y parvenir, nous ne pouvons pas déléguer toute notre politique à un opérateur, fût-il aussi efficace que l'AFD. Pourtant, si vous avez prévu une hausse de l'aide publique au développement de 5 milliards d'euros sur la période, pour l'instant, nous n'avons guère entendu parler de vos mesures en matière de pilotage et de contrôle, à Paris comme sur le terrain. Or il se trouve que, depuis l'absorption du ministère de la coopération, les équipes compétentes en matière de développement ont quasiment disparu ou sont en voie de disparition.
Monsieur le ministre, pour gagner votre pari, il faut créer, ou plutôt recréer, une véritable expertise et une coordination au niveau central comme sur le terrain. Quelles sont vos orientations en la matière ?
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Vous avez rappelé, monsieur le député, les engagements du Président de la République. Sur ce point, je maintiens ce que j'ai dit dans mon propos introductif. J'ai été chargé par le Premier ministre d'établir une trajectoire budgétaire permettant d'atteindre les 0,55 % en 2022, et j'entends bien qu'elle débute dès 2019. Car il est exact que, si ce n'était pas le cas, le saut quantitatif à effectuer serait beaucoup trop grand. Je le dis à l'intention de tous les orateurs qui sont intervenus à ce sujet. C'est dès 2019 qu'il faudra passer à la vitesse supérieure. Il y en a déjà des signes dans le budget pour 2018, mais il faudra accroître significativement l'effort, selon une trajectoire que je serai amené à communiquer aux commissions concernées dès qu'elle sera validée par le Gouvernement et par le Président de la République.
Le Président de la République a formulé cet engagement de manière très solennelle devant l'Assemblée générale des Nations unies. Chacun ici est donc fondé à y voir un engagement fort.
Je pourrais ajouter trois observations. Tout d'abord, il faut prévoir plus de dons que de prêts, soit plus de bilatéral que de multilatéral, et confier aux ONG une part plus importante que ce qui est le cas actuellement. Par ailleurs, malgré la diminution que nous avons connue au cours des dernières années, la France reste non pas le douzième mais le cinquième pays dans le domaine de l'aide publique au développement. Il faut le rappeler de temps en temps, même si nous considérons que c'est encore insuffisant. Enfin, je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur le député, pour considérer qu'un effort complémentaire très significatif suppose aussi une bonne maîtrise du pilotage. Nous travaillons également sur cette hypothèse.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
La parole est à M. Sylvain Waserman, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Monsieur le ministre, je suis descendu du perchoir quelques minutes pour appeler votre attention sur la question de l'aide bilatérale française à l'éducation, notamment dans les pays d'Afrique francophone. L'éducation est non seulement un droit fondamental, mais aussi une porte d'entrée vers les autres droits fondamentaux. En Afrique subsaharienne, notamment, c'est une véritable question d'urgence. Depuis plusieurs années, j'ai le sentiment que le secteur de l'éducation demeure le parent pauvre de l'aide publique au développement française.
Les chiffres que j'ai pu obtenir – peut-être ne sont-ils pas corrects – montrent que cette aide ne représente que 15 % de l'aide totale et que sur ces 15 %, 70 % sont consacrés à l'accueil d'étudiants étrangers en France. Par exemple, ce sont 100 millions de dollars pour les étudiants chinois en France sur le budget de l'APD, soit environ vingt-quatre fois plus que l'aide à l'éducation primaire. En revanche, l'aide à l'Afrique subsaharienne ne représenterait qu'un petit tiers de cette part.
Par conséquent, monsieur le ministre, au-delà de la bataille des chiffres et sans vouloir opposer les aides entre elles, au vu de l'importance humanitaire, culturelle, stratégique et économique que représentent pour nous l'Afrique francophone et les pays qui ont le plus besoin de cette aide, ma question est la suivante : je sais que vous héritez d'une situation aux équilibres complexes et qu'il faut parfois du temps pour les réorienter, mais êtes-vous prêt à travailler à une réorientation pour augmenter la part de l'aide à l'éducation et à la scolarisation, dans les pays qui en ont le plus besoin, notamment en Afrique ? Si oui, êtes-vous prêt à associer la représentation nationale à ces réflexions ?
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et du groupe Les Républicains.
Je partage, monsieur le député, une grande partie de vos observations sur la nécessité de renforcer l'aide à l'éducation, et singulièrement en Afrique. Cela fait partie des priorités actuelles, qui seront, j'en suis sûr, confortées très prochainement : tout d'abord, à l'occasion du discours que prononcera le Président de la République à Ouagadougou sur la stratégie de la France en Afrique, à la fin de ce mois – ce sera un élément fondateur de notre politique africaine ; puis au mois de février à Dakar, lors de la manifestation pour la relance de la politique de développement de l'éducation au niveau mondial, dans une initiative partagée par le président Macky Sall et le Président Macron. Nous serons alors amenés à faire les propositions qui conviennent.
Je ne voudrais pas que l'on oppose l'incitation à venir étudier en France auprès des étudiants africains et la nécessité d'aider l'Afrique à se doter d'outils d'enseignement supérieur. L'un ne va pas sans l'autre. Il est important de pouvoir attirer des étudiants africains en France, et il y en a d'ailleurs beaucoup. Nous avons 2 500 bourses par an qui les aident à poursuivre leurs études en France, dans une situation de compétition. Nous sommes en effet confrontés aux interventions d'autres pays, qui estiment que c'est un bon investissement d'attirer des étudiants dans leur territoire – des pays comme la Turquie ou la Chine, dont nous avons parlé, agissent beaucoup en ce sens.
Il faut poursuivre cette démarche offensive, tout en prenant des initiatives originales de développement de l'enseignement supérieur en Afrique. Nous venons ainsi, il y a quelques jours à Paris, d'élaborer avec nos amis sénégalais le concept d'une université franco-sénégalaise à Dakar, qui sera un laboratoire et un exemple de ce que l'on peut faire, même s'il existe déjà dans certains pays d'Afrique des initiatives assez significatives qui ont été prises en compte. Vous avez raison, monsieur le député, de souligner qu'il importe de renforcer cette dimension.
À dix-sept heures cinquante, M. Sylvain Waserman remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.
J'appelle maintenant les crédits de la mission « Aide publique au développement », inscrits à l'état B.
Sur ces crédits, je suis saisi d'un amendement.
La parole est à M. Marc Le Fur, rapporteur spécial, pour soutenir l'amendement no 1146 .
Cet amendement peut paraître surprenant, puisque je propose de retirer des crédits du budget du ministère des finances pour les allouer au ministère des affaires étrangères. Nous avons en effet tous dit qu'il fallait faire du bilatéral et du don et affecter prioritairement nos crédits aux pays les moins développés.
Il se trouve que la logique administrative fait que le bilatéral, les pays les moins développés et le don sont l'affaire du ministère des affaires étrangères. Si nous sommes cohérents, il faut traduire nos propos en actes. On ne change rien quant aux masses, mais on les alloue aux priorités que nous considérons unanimement – j'ai écouté tous les orateurs – comme telles.
Il ne s'agit pas d'une révolution, ni d'une bataille administrative entre deux ministères – ce n'est pas le sujet, ce serait médiocre – ; mais il s'agit de dire que si on veut faire du bilatéral et du don et donner la priorité aux pays les moins développés, et plus encore peut-être à la zone sahélienne, il faut très clairement non seulement le dire, mais également se donner les moyens de renforcer le ministère le plus à même de traduire cette politique.
Monsieur le député, je trouve votre initiative pertinente sur le fond, parce qu'il importe, comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, de renforcer la partie bilatérale, soit la partie dons, par rapport à la partie multilatérale, celle des prêts. Vous me prenez au mot et proposez une réponse concrète. Mais, vous le savez bien, je considère votre amendement comme un amendement d'appel plutôt que comme un amendement qui devrait prendre effet dès à présent. Si c'était le cas, nous rencontrerions des difficultés avec la Banque africaine de développement, dans notre participation à la Banque mondiale ou encore avec la bonification des prêts. Nous nous heurterions à d'autres difficultés.
Peut-être aussi inciterions-nous perversement nos amis de Bercy, porteurs du programme 110, à stabiliser le budget global de la mission dont j'ai la responsabilité avec des transferts de crédits. Il ne faudrait pas susciter de mauvaises initiatives, ni donner précipitamment dans des pratiques qui ne seraient pas convenables.
En revanche, messieurs les rapporteurs, je serais très heureux d'avoir vos contributions pour m'aider à tracer la trajectoire que le Président de la République m'a demandé de dessiner. Je vous suggère de me faire des propositions sur cette question. Mais aujourd'hui, étant donné les conséquences que cela aurait sur le budget, je vous demande de rejeter l'amendement ; car je ne sais pas comment je pourrais me comporter à l'égard des outils financés par le programme 110. Avis défavorable.
L'amendement no 1146 n'est pas adopté.
Les crédits de la mission « Aide publique au développement » sont adoptés.
Je suis saisi de deux amendements portant article additionnel après l'article 49. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no 1009 .
Cet amendement est très bien expliqué dans son exposé sommaire. Il vous est proposé de relever le plafond d'autorisation des conversions de dettes, qui est aujourd'hui limité à 2,040 milliards, de 30 millions d'euros pour permettre un renforcement de l'aide à la Tunisie. Cet engagement avait été pris par la France lors de la visite en Tunisie du Premier ministre Bernard Cazeneuve en avril 2017 et réitéré par le Premier ministre Édouard Philippe le 5 octobre dernier. C'est un effort financier qui s'inscrit totalement dans notre soutien à la démocratie tunisienne. C'est pourquoi je souhaite que l'on puisse majorer un plafond aujourd'hui insuffisant.
Je regrette un peu que nous ayons eu connaissance de cet amendement si tard, puisque nous ne l'avons reçu qu'hier. Je sais que c'est un engagement pris depuis un certain temps. C'est peut-être un péché véniel – et pardonné. Sur le fond, la commission n'a par définition pas pu être interrogée. Je ne prétends pas disposer de tous les éléments, mais je n'ai pas de raisons de ne pas vous faire confiance, monsieur le ministre. Avis favorable.
L'amendement no 1009 est adopté.
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l'amendement no 964 .
C'est un amendement qui vise à demander un rapport d'information sur les modes opératoires et les finalités réelles de l'AFD dans l'aide publique au développement. Nous avons un certain nombre d'interrogations sur la façon dont ces crédits sont affectés. Il nous paraît donc essentiel de mieux définir les finalités de l'AFD, et plus particulièrement de sa filiale consacrée au secteur privé, Proparco, en ayant pour point de repère le scandale en Côte d'Ivoire de l'ETG. Je n'ai pas suffisamment de temps pour développer les scandales liés à un certain nombre de filiales, que ce soit en RDC, en Côte d'Ivoire ou aux Antilles avec la SOFIAG. Mais tout cela crée un climat d'opacité. Il nous semble nécessaire d'avoir un rapport qui nous permette d'éclaircir la façon dont l'AFD utilise les fonds publics.
Avis défavorable. La commision n'est pas contre l'idée d'un rapport, laquelle n'est en soi pas très contestable. Mais l'exposé des motifs me semble faire un mauvais procès, de façon un peu déplacée et peu étayée, à l'AFD. Par ailleurs, le rapport serait confié à des ONG qui sont elles-mêmes bénéficiaires de l'aide au développement, ce qui me semble un peu contradictoire. Il n'y a pas de raison de faire un procès d'intention à une instance qui a le mérite d'exister, d'être organisée et professionnelle. Elle est par ailleurs très contrôlée.
J'ai peu de choses à ajouter aux observations du rapporteur ; je refuse totalement le terme d'opacité. Je voudrais également rappeler que l'Agence publie chaque année un rapport d'activité. Bientôt, la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale sera saisie de la préparation du contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD pour 2018-2021. Chaque projet, chaque dossier sont soumis au conseil d'administration de l'Agence où siègent des parlementaires. Par ailleurs, la Cour des comptes publie régulièrement le point sur la manière dont les engagements de l'AFD sont mobilisés et utilisés. Un rapport supplémentaire ne me paraît pas nécessaire ; je propose donc de rejeter cet amendement.
Je voudrais étayer mon propos par quelques exemples. L'AFD, via sa filiale Proparco, finance Export Trading Group, ETG, en Côte d'Ivoire. Or ETG est une multinationale, censée participer au développement de la riziculture mais accusée de pratiques d'accaparement des terres en Afrique. Aux Antilles, la Société financière Antilles-Guyane, SOFIAG, bras armé de l'AFD dans la région, semble avoir poussé à la faillite des centaines de petits entrepreneurs, artisans et commerçants. En RDC, l'AFD développe le projet « Appuyer la gestion durable des forêts » qui consiste à aider les entreprises forestières à se mettre en conformité avec les principes de gestion durable. Pourtant en 2015, des ONG – dont Greenpeace, Global Witness ou Rainforest Foundation UK – ont dénoncé cette politique de soutien à l'industrie forestière qui se fonde sur des postulats erronés et conduit à des résultats désastreux. Je vous donne ces trois exemples pour rappeler que nous devons être précautionneux et écouter les alertes qui émanent des ONG des pays concernés. Plutôt que de confirmer la version du conseil d'administration, un rapport devrait poser les questions que je vous pose là – et il y en a beaucoup d'autres. Si vous voulez nous rassurer et éviter de nous voir revenir chaque fois à la charge, il serait souhaitable d'adopter cet amendement et de produire ce rapport.
Madame la députée, les ONG siègent également au conseil d'administration de l'Agence ; qu'elles y évoquent donc les problèmes quand il y en a ! Les parlementaires y siègent aussi et peuvent poser des questions sur tous les sujets. Je les encourage à poser ces questions que vous venez de poser. Pour obtenir la clarification que vous souhaitez, passez donc par ces ONG et ces parlementaires !
L'amendement no 964 n'est pas adopté.
J'appelle les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », inscrits à l'état D.
Les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » sont adoptés.
Nous avons terminé l'examen de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, lundi 13 novembre, à quinze heures :
Nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2017 ;
Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2018 : crédits des missions « Enseignement scolaire » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly