Intervention de Sarah El Haïry

Séance en hémicycle du vendredi 10 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Aide publique au développement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah El Haïry :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la France veut que sa voix, à vocation universelle, soit entendue au-delà de ses frontières, elle doit tenir les engagements qu'elle prend, plus encore ceux qui portent les valeurs de justice et de solidarité qui sont au coeur de son discours. Or, au risque de perdre une part de sa crédibilité internationale, elle ne parvient pas à tenir l'un de ses engagements les plus significatifs.

Il est impensable que la France, engagée depuis 1970 sur l'objectif de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à l'aide publique au développement, en soit aujourd'hui, plus de quarante-cinq ans après, à approcher péniblement les 0,4 %.

Il est donc très heureux que le Gouvernement, conformément aux orientations du Président de la République, ait réengagé concrètement, c'est-à-dire budgétairement, la France sur la voie du respect de cet engagement crucial. L'engagement intermédiaire de 0,55 % du RNB en 2022 nous paraît réaliste et l'augmentation de 6,9 % de la mission « Aide publique au développement » dans le projet de budget pour 2018, est un premier pas dans la bonne trajectoire.

Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés salue cette évolution, mais restera vigilant quant au respect effectif de cet engagement. Le budget est contraint, on le sait, et l'aide publique au développement fait souvent office de variable d'ajustement.

La France mobilise différents types de financements au profit de l'aide au développement. Notre groupe appelle d'ailleurs à développer un autre mode de financement, qui pourrait aller au-delà des taxes actuelles, dont les recettes sont par nature aléatoires.

Plus globalement, nous invitons à penser en termes d'aide au développement, et pas seulement d'aide publique au développement. Il est en effet impératif d'améliorer l'articulation entre l'État, les collectivités territoriales, dont je veux souligner le rôle important en matière de coopération, les organisations non gouvernementales – ONG – et les partenaires privés.

Il y va de la puissance financière de notre aide globale et de son efficacité. Parce qu'au-delà des chiffres, se pose aussi la question de l'efficacité de notre aide publique au développement. En la matière, nous pouvons mettre en évidence plusieurs pistes d'amélioration, que le Gouvernement semble en partie prendre en compte dans ce projet de budget, mais de manière insuffisante selon nous.

Une première piste consiste à rééquilibrer le rapport entre prêts et dons. Certains de mes collègues l'ont rappelé : en France, et contrairement aux autres pays de l'OCDE, la part des prêts a fortement augmenté ces dix dernières années, notamment pour des raisons budgétaires.

Nous suggérons donc de ne pas négliger les dons, qu'il faut d'ailleurs concevoir comme des opérations d'investissement dans des projets structurants, au profit mutuel du pays bénéficiaire et, à plus long terme, de la France. Il nous semble également important de rééquilibrer le rapport entre aide multilatérale et aide bilatérale.

Je rappelle ici que l'aide bilatérale est un levier politique, qui garantit notre autonomie d'action. Il faut aussi un pilotage politique fort de l'aide publique au développement. Or, si nous entendons le partage de compétences qu'elle suppose, nous constatons que la division de la mission budgétaire « Aide publique au développement » en deux programmes, pilotés par deux ministères différents, n'aide pas à la lisibilité de la gouvernance de cette aide.

L'absence d'un ministre ou d'un secrétaire d'État spécifiquement dédié à l'aide au développement et même la suppression, dans l'intitulé des ministères, de la mention « développement international » ou « coopération » sont également, de notre point de vue, un signal négatif envoyé à tous.

Enfin, il faut définir des priorités stratégiques, thématiques et géographiques. Il est surprenant, par exemple, si l'on en croit les chiffres de l'OCDE pour l'année 2015, que les pays d'Afrique francophone, qui sont parmi les plus en difficulté et les plus proches de nous du fait de la géographie et de l'histoire, ne figurent pas parmi les principaux bénéficiaires de l'aide française, exception faite du Maroc et du Mali. Nous appelons donc à définir des priorités claires pour orienter notre aide globale vers ceux qui en ont le plus besoin.

Pour cela, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés propose que le Parlement soit mieux associé à l'orientation de notre aide publique au développement, non seulement en jouant son rôle de contrôle de l'action du Gouvernement dans ce domaine, mais aussi en participant activement à la définition de ses priorités stratégiques. Chaque année, notre assemblée pourrait ainsi accueillir un débat sur les priorités stratégiques de la France en matière d'aide au développement.

Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés souhaite accompagner l'action du Gouvernement en faveur d'une remontée en puissance de l'aide publique au développement, et votera donc les crédits de cette mission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.