Intervention de Bertrand Pancher

Séance en hémicycle du vendredi 10 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Aide publique au développement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, pour parler clairement, la politique européenne et nationale de la France dans le domaine des migrations et de l'aide au développement affiche deux directions : d'une part, une politique de limitation des migrants aux frontières de l'Union, avec la volonté de retenir dans les pays d'origine toutes celles et ceux qui veulent partir, une politique efficace, notamment en Afrique du Nord, avec pour conséquence une diminution du nombre de passages clandestins qui transitent par la Méditerranée ; d'autre part, un objectif d'augmentation des moyens pour la transition énergétique, l'adaptation climatique et l'aide au développement – c'est beau, c'est noble, c'est logique, mais ce n'est pour le moment que du baratin.

Nous sommes visiblement efficaces dans notre capacité à fermer nos frontières mais, lorsque nous faisons nos comptes, nous ne sommes pas davantage généreux en aidant les habitants des pays pauvres que nous cantonnons sur place.

La conséquence de tout cela est terrible : parce que nous n'avons pas assumé notre responsabilité dans l'histoire du réchauffement climatique, parce que nous n'intervenons pas militairement là où nous n'avons pas d'intérêts directs, parce que, trop obnubilés par l'accueil de traders sur notre territoire, nous décidons de reporter la recherche de financements innovants comme celui de la taxe sur les transactions financières, ou parce que nous considérons que ces dépenses ne sont pas prioritaires dans notre pays par rapport à d'autres, nous reportons d'année en année les hausses du budget de l'aide au développement, et lorsque ce dernier augmente timidement, les loups de Bercy le croquent avec avidité.

Alors, on condamne à la misère et à la mort de plus en plus d'individus refoulés chez eux ou en fuite dans d'autres pays voisins. Sans parler du scandale du montant vertigineux de l'argent détourné dans des paradis fiscaux.

Pour préparer cette intervention, je me suis machinalement procuré une demande de secours, rédigée par les amis d'une famille réfugiée dans ma ville. Ce courrier appelle mon attention sur le sort d'une jeune femme d'origine érythréenne, Denaït, qui n'a pas eu la chance de ses proches, accueillis par voie officielle car ils avaient été expulsés d'Arabie saoudite, après le décès d'un des leurs. Denaït s'est réfugiée au Soudan il y a plus d'un an, fuyant la misère. Dans ce pays, vous le savez, monsieur le ministre, on n'a qu'un seul objectif : passer par la Libye et traverser la Méditerranée. Comme les frontières avec la Libye sont à présent fermées, le Soudan renvoie toutes celles et ceux présents sur son territoire, en leur disant qu'il n'a pas les moyens de les accueillir. Peut-être Denaït devra-t-elle repartir en Érythrée, l'un des pays les plus dangereux au monde. Peut-être devra-t-elle fuir ailleurs.

J'ai aussi songé, cher Marc Le Fur, à la mission humanitaire que nous venons d'achever au Niger, pays dans lequel nous devons soutenir l'aide au développement. En tant que président d'une organisation de coopération décentralisée, sans doute la plus importante à s'engager dans l'aide au développement au Niger, je demande depuis des années l'aide de l'AFD, qui m'est toujours refusée car cette institution est confrontée à des moyens financiers limités. Ainsi, parce que nous n'augmentons pas notre budget d'aide au développement, nous condamnons les personnes dans ces pays à de grandes difficultés.

Le projet de loi de finances pour 2018 présenté par le Gouvernement prévoit pour la mission « Aide publique au développement » 2,7 milliards d'euros, soit 100 millions d'euros d'augmentation, après la coupe budgétaire de 130 millions d'euros de l'an dernier. Il faut avoir la lucidité de constater que l'on a du mal à retrouver l'augmentation.

Le Président de la République a pris un bel engagement public, – je le garde en tête et ne l'oublierai pas de toute la législature – , celui d'augmenter la part d'aide au développement chaque année. Cette augmentation devrait normalement être de 1,2 milliard d'euros pour arriver aux objectifs affichés : pour 2018, rien n'est prévu, alors que 1,5 milliard est annoncé pour 2019.

Il y a quelques instants, monsieur le ministre, vous avez dit que vous présenteriez une feuille de route. Si ce document affiche une augmentation de 1,5 milliard pour l'année prochaine et autant pour les années suivantes, je vous promets que je m'excuserai publiquement d'avoir prononcé un discours trop dur envers vous.

Je formule enfin le voeu que nous soyons tous convaincus de la nécessité d'augmenter l'aide publique au développement. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas, ce qui est particulièrement grave pour nos engagements et pour l'image de la France, au nom de la liberté et des droits de l'homme.

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